Facej sugu : montrer au grand public le made in Mali

Le Facej sugu prépare sa deuxième édition qui se tiendra du 24 au 27 novembre 2022 à Bamako. Mis en place en 2019, le Fonds d’appui à la création d’entreprises par les jeunes (Facej), a accompagné plus d’un millier d’entreprises. Son but est maintenant de les consolider afin qu’elles servent de repères à l’entrepreneuriat jeune.

L’objectif du Fonds d’appui à la création d’entreprise par les jeunes qui a débuté en 2019 était de financer 1 652 entreprises dans le District de Bamako, la région de Koulikoro, de Mopti, Tombouctou, Ségou, Sikasso et Kita, explique Chloé Rimmann, chargée de mission Genre, Plaidoyer et Communication. La structure dispose actuellement de trois guichets principaux. Celui pour la création d’entreprise pour des jeunes entre 18 et 30 ans et 35 ans pour les femmes, un pour les entreprises en croissance, et un dernier qui vient de démarrer avec pour objectif de financer des entreprises écologiques.

Le Facej travaille avec des partenaires « facilitateurs ». Ce sont des structures d’accompagnement, des ONG, des centres d’incubation qui sont une soixantaine.  Ce sont elles qui identifient les jeunes, et appuie dans l’élaboration d’un plan d’affaires. Il s’agit aussi de les accompagner dans l’obtention d’un prêt bancaire. Des prêts bancaires au taux d’intérêt de 8% avec quatre partenaires (BNDA, COFINA, CORIS, ORABANK) et le Fonds de garantie du secteur privé qui appuie.  Lorsque les jeunes obtiennent des prêts bancaires, ils sont accompagnés entre 12 mois pour les entreprises en croissance et 18 mois pour les startups pour les appuyer dans la consolidation de leur entreprise.  Ces derniers bénéficient aussi d’une formation en gestion d’entreprise.

Ils sont dans plusieurs domaines, sauf le commerce général. Le projet doit représenter une valeur ajoutée, comme l’agro business, le digital, la mode, les services, notamment.

Des contraintes récurrentes

L’une des contraintes des jeunes entrepreneurs reste l’écosystème même qui est peu « propice à l’entrepreneuriat formel », note notre interlocutrice. Or, l’une des conditions de l’accompagnement du Facej est cette formalisation. Aussi, même l’accès à l’information demeure difficile.

Les jeunes entrepreneurs ont souvent du mal à savoir s‘orienter sur le choix du type d’entreprise, ou encore la fiscalité. Il faut ajouter à cela les différentes crises que traverse le Mali. Mais nombre d’entre eux sont « très résilients ».

Outre l’âge qui reste déterminant, les jeunes doivent avoir un minimum de formation. Un CAP ou autre, pas forcément un diplôme supérieur. Le but ultime est de choisir des « jeunes qui ont vraiment l’esprit d’entrepreneuriat, sont sérieux et comprennent qu’un prêt bancaire doit être remboursé », précise la chargée de Communication.

Pour célébrer ces entreprises déjà créées, le Facej a initié Facej Sugu qui tient sa deuxième édition cette année avec plus de 1 500 entreprises.

La première édition ayant donné aux jeunes des opportunités de gagner en visibilité, Facej entend poursuivre cette initiative pour davantage valoriser ces entreprises et magnifier le made in Mali.  Facej sugu, permet en outre de mettre en valeur les entreprises d’autres régions, pas seulement de Bamako.

C’est aussi un espace d’apprentissage où les jeunes seront en contact avec des entrepreneurs aguerris et auront l’opportunité d’apprendre à mieux exposer et à améliorer les stratégies commerciales.

Cette année le nombre d’exposants a été doublé et porté à 200 dont une centaine de Bamako. Un grand panel sur l’entrepreneuriat, avec Mossadeck Bally, (le président du CNPM), une entrepreneure du Niger, du Burkina Faso et un entrepreneur influenceur de la Côte d’Ivoire sera organisé à l’intention des participants.

Avec un objectif « presqu’atteint », le Facej envisage plus de 1 600 entreprises accompagnées, qu’il va falloir « consolider et pérenniser ».

 Le domaine qui intéresse actuellement la structure est celui de l’écologie.  Il s’agit de rendre les entreprises existantes plus vertes et d’encourager d’autres à voir le jour. « Si on peut créer des entreprises qui participeront à relever les défis du réchauffement dont le Mali souffre déjà des conséquences ; cela peut être bien, surtout dans le domaine de l’agriculture », conclut madame Rismann.

Adama Kanté : le ciel est la limite

« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». La citation du dramaturge et poète français Pierre Corneille sied bien à Adama Kanté. À seulement 23 ans, le jeune entrepreneur originaire de Gouana (Cercle de Kati) préside aux destinées de 10 entreprises, regroupées au sein de Sene Invest. Un groupe aux 100 employés permanents qui évolue dans la production, la transformation et la distribution de produits agroalimentaires.

Le déclic a eu lieu en 2013. À alors 14 ans, Adama, qui vient d’obtenir son bac, voulait continuer ses études dans une université privée prestigieuse. Les conditions financières de ses parents ne le lui permettant pas, il décide de travailler comme journalier auprès de quelques producteurs agricoles. Ce qui lui permet d’économiser 10 000 francs CFA, avec lesquels il achète un arrosoir, une houe et quelques semences puis loue un terrain de 20 m2 pour commencer la production de quelques légumes : salades, tomates, persil, etc.

« Au fil du temps, j’ai acquis beaucoup d’expérience, ce qui a développé en moi une passion et m’a amené à la recherche de partenaires sur Internet. Par la suite, j’ai rejoint l’organisation Agriprofocus du Mali », explique-t-il. Son adhésion à ce réseau international multipartite du secteur agroalimentaire, composé d’agriculteurs entrepreneurs, entreprises du secteur privé et du gouvernement et organisations de la société civile, lui a permis de faire des voyages d’immersion au Burkina Faso, au Togo et au Bénin. Notamment au Centre Songhaï, l’école de fermiers-entrepreneurs du prêtre dominicain Godfrey Nzamujo, qui a formé plusieurs entrepreneurs africains.

« Ceci m’a amené en 2015 à lancer ma première entreprise, Mali Nago, avec 1 000 euros (environ 700 000 FCFA) », dit-il. En 2022, de son bureau sis au quartier chic de Bamako Hamdallaye ACI, l’entrepreneur en gère neuf de plus : Sene Islamic finance, Food santé, Sugu mobile, Coq Rich, Free food, Sene express, Sene Imprim, Sene Invest et Sene immobilier. Une autre entreprise (Sene résidence), en perspective, va permettre d’accompagner les Maliens de la diaspora dans leurs projets de construction et l’acquisition de fermes.

« Un champion n’abandonne pas, il risque grand, il se bat pour ses rêves », explique ce jeune le tenace, dont les entreprises sontvalorisées à plus de 300 millions de francs CFA.

MySugu, l’artisanat en un clic

Actuellement à l’un des stands du Salon International de l’artisanat malien, qui a levé le rideau depuis vendredi 17 novembre, MySugu souhaite simplifier la vie du consommateur malien du XXIe siècle et promouvoir les produits « made in Mali ».

« Il y a de belles choses qui se font au Mali par des entrepreneurs chevronnés et il est important pour notre équipe de les soutenir et de les valoriser », plaide Fatoumata Sangho, fondatrice de MySugu.com, une plateforme e-commerce créée, en 2016, qui rend accessible « en un clic » les produits « made in Mali ».

Le but selon Madame Sangho est d’abord de faire la promotion des artisans maliens. « J’ai ressenti le besoin de soutenir l’artisanat malien, mais pas que, l’agro-alimentaire, les produits du bien-être, les cosmétiques locaux. Le but est d’harmoniser tout cela. Et de faire valoir, ainsi, ce qui se fait de meilleur au Mali ».

Ensuite, elle rappelle que l’évolution du monde actuel exige que l’on change également nos moyens de consommation « parce que l’on manque de temps ». Ils ont changé partout dans le monde, se sont simplifiés et au Mali également, cela devrait se faire, résume celle qui en 2010 a fait le tout premier plaidoyer lors de la première édition du Forum initié par le Président Obama avec les Jeunes Leaders Africains (YALI) et actuellement directrice Adjointe en charge de l’International à la Banque de Développement du Mali (BDM-SA).

Pour justement simplifier la vie de ceux qui désirent se procurer du « made in Mali » la plateforme « livre autant à l’intérieur du Mali que hors des frontières ». Les produits disponible sur son site s’adapte aux moyens de paiement locaux notamment le paiement classique à la livraison ou la banque mobile, mais également le paiement par Moneygram pour le consommateur étranger.

Les africains ne seraient-ils pas des entrepreneurs ?

Il est coutume de dire que les Africains n’ont pas la culture de l’entrepreneuriat, qu’ils n’auraient pas le goût du risque ni l’esprit d’innovation. Ces jugements culturels déterministes, condamnant les Africains ad vitam eternam à  être des acteurs passifs, sont’ils bien fondés ? En apparence, notamment en regardant la préférence de la jeunesse africaine pour le fonctionnariat et celle des entrepreneurs pour les activités spéculatives et les projets à  rentabilité court-termiste, l’on serait tenté de conclure hâtivement que les africains ne possèdent pas l’esprit entrepreneurial. Mais, une fois dit , nous avons le devoir de savoir pourquoi. De prime abord, entendons-nous sur le terme d’entrepreneur. Selon Joseph Schumpeter, l’entrepreneur est celui qui innove et qui prend le risque de déplaire à  la société en brisant la routine et les usages. L’entrepreneur est beaucoup plus qu’un chef d’entreprise, simple administrateur gestionnaire. Beaucoup plus qu’un rentier-capitaliste, simple propriétaire des moyens de production. l’entrepreneur se comprend, suivant I. Kirzner, comme celui qui exerce naturellement la faculté de vigilance individuelle, permettant la découverte, avant d’autres individus, d’occasions de pur profit, C’’est-à -dire de besoins individuels insatisfaits. Ainsi, l’entrepreneur est finalement celui qui 1) découvre des besoins insatisfaits, 2) agit pour les satisfaire, et 3) en tire un profit. Cela implique que la pratique entrepreneuriale a besoin non seulement du talent, de la vigilance, mais aussi d’un environnement qui encourage cette pratique. Comment ? Par la reconnaissance d’abord de l’individualité, ensuite de la légitimité du profit, et enfin de l’efficacité de l’initiative privée comme vecteur de création de richesse et d’emplois. L’émergence de la figure de l’entrepreneur moderne était ainsi intimement liée à  l’essor de l’individualisme (pas au sens d’égoà¯sme) et de l’humanisme, qui garantissaient la reconnaissance de la légitimité de l’initiative et de l’intérêt privé. En effet, les sociétés, o๠le groupe prime sur l’individu, combattent tout bouleversement de l’ordre social et résistent au changement, voir le sort de Galilée qui osait prétendre que la terre n’était pas le centre du monde. Il faudrait donc que l’on considère avec bienveillance celui qui pense différemment, propose d’autres solutions ; qu’on lui laisse faire les preuves de l’intérêt de ses découvertes. Et surtout, que l’on accepte que l’entrepreneur s’approprie le fruit de son innovation. Si le moteur du développement est la capacité à  percevoir des opportunités économiques et à  les saisir, il faut, par définition, que nous soyons libres de les saisir. Sans liberté, il devient difficile pour la population de bénéficier des talents de leurs concitoyens. Une croissance économique plus élevée a plus de chances de se concrétiser dans des sociétés o๠les gens ont la possibilité de participer librement aux marchés, o๠ils peuvent exploiter au mieux leurs talents pour améliorer leur bien-être matériel. Cela exige que les règles du jeu soient favorables à  l’initiative privée. Dès lors, si le potentiel entrepreneurial africain n’est pas aussi visible que l’on souhaite C’’est parce qu’il est tué dans l’œuf. Et pour cause, un environnement institutionnel (règles du jeu) anti-entrepreneurial. Selon le dernier classement (2013) de la Fondation « Heritage », aucun pays africain, ne figure dans la catégorie libre. Un environnement favorable ? Près de 80% des pays africains ne sont pas dans le top 100 du classement Doing Business 2013, mesurant la facilité de faire des affaires. La complexité, la longueur et la cherté des procédures administratives (enregistrement de la propriété, création de l’entreprise, obtention des permis de construire, obtention des licences, etc.), la multiplicité des taxes et des prélèvements, la rigidité des lois font augmenter le coût d’investissement surtout pour les petits entrepreneurs. l’excès des réglementations et leur instabilité, accroit le risque et l’incertitude, ce qui explique pourquoi les entrepreneurs africains se rabattent sur l’informel afin de fuir l’enfer réglementaire et fiscal. Et quand bien même, ils décident d’opérer dans le formel, ils le font dans des activités spéculatives, rentières, bref les moins risquées. Cela est à  l’origine du phénomène selon lequel le capital africain est à  dominante marchande qui se valorise dans l’échange, et non par un capital productif se valorisant par la production. D’o๠la faiblesse de l’investissement productif dans les pays africains. Une faiblesse qui s’explique également par le déficit d’épargne (en moyenne pas plus de 9% du PIB en 2003, contre 20% en Asie du Sud). De même, le cadre institutionnel est défavorable à  l’épargne. En effet, avec des à‰tats budgétivores, la pression fiscale limite le potentiel de consommation et d’investissement, moteurs de la croissance économique. Pis, l’essentiel du revenu des contribuables est dilapidé dans des dépenses ou des projets publics aussi bien inutiles qu’inefficaces. De même, les politiques monétaires inflationnistes consistant à  offrir de l’argent facile et à  financer les déficits publics par la planche à  billet, ne font qu’exproprier les Africains en érodant la valeur monétaire de leur salaire, leur retraite, leur patrimoine, en nourrissant la spirale inflationniste. Enfin, l’absence de marché financier concurrentiel limite la canalisation de l’épargne vers des investissements productifs de long terme. Bref, cet environnement institutionnel anti-investissement et anti-épargne explique pourquoi le potentiel entrepreneurial africain ne se concrétise pas dans les faits. Pensez juste à  Steve Jobs d’origine syrienne : aurait-il pu devenir l’emblème de l’entrepreneur s’il avait évolué dans l’environnement institutionnel syrien au lieu de l’environnement américain? Ainsi, au lieu de se complaire dans la résignation et le défaitisme culturels, il est temps que les dirigeants africains assument leur responsabilité et entreprennent les réformes institutionnelles nécessaires pour promouvoir l’épargne, l’investissement, la liberté économique, et permettre enfin aux Africains d’exprimer l’étendue de leur talent entrepreneurial.

Sidi Dagnoko, l’ambition et le travail

Courtoisie et efficacité Agé d’à  peine 40 ans, Sidi Dagnoko est originaire de Bafoulabé dans la région de Kayes. Après une maà®trise en Droits des Affaires obtenue en 1999 à  l’Ecole Nationale d’Administration, il s’inscrit alors à  Sup Management Mali (une école supérieure affiliée à  la Columbia University des USA). Il y décroche en 2005 un MBA en marketing et commerce international. Avant d’empocher ce dernier parchemin, Sidi Dagnoko avait déjà  occupé des responsabilités importantes dans des entreprises de la place: dirigeant en charge du développement de l’Agence de communication et de marketing Multicom, conseiller spécial du Directeur général du Groupe Achcar Industries depuis 2003. Il est aujourd’hui Country manager de l’Agence Spirit McCann, membre du groupe McCann Ericksson, premier réseau mondial de communication et de publicité, avec 205 agences dans 145 pays. En dehors de son travail, Sidi Dagnoko est aussi engagé dans la vie de la cité .En tant que militant de la première heure, membre du Bureau politique national des jeunes de l’ADEMA. Il est aussi membre de la Jeune Chambre Internationale Mali o๠il a occupé divers postes de responsabilité locaux et nationaux. Il fut par exemple, Président Exécutif 2009 de la JCI Bamako Elite, dont il est membre fondateur. Sidi Dagnoko est un passionné de lecture et de sports. Il aime bien s’identifier à  Nelson Mandela qui est son modèle dans la vie. Le Mali, riche de ses hommes et de ses valeurs, selon Sidi En cette fin 2010, année du cinquantenaire du Mali, Sidi Dagnoko trouve que le bilan des 50 ans est mitigé. Le « Mali démontre qu’on peut être un pays pauvre, enclavé, ne pas avoir des ressources pétrolières et être un pays émergent ». Notre pays a connu selon lui « une décade d’espoir, deux décennies de gâchis et depuis les années 90, la démocratisation et la libéralisation de l’économie et des énergies et a commencé, a amorcé son développement ». Le plus gros du travail reste à  faire selon Sidi. Pour lui, le Mali n’ira de l’avant que quand « les maliens comprendront que le développement s’acquiert par le travail. Mon rêve pour 2060, le centenaire de notre pays, C’’est un Mali o๠les compétences vont s’exprimer. Un pays o๠les femmes joueront leur rôle parce que c une aberration que les femmes qui sont plus de 50% de la population soit encore brimées au point de ne pas pouvoir s’exprimer, jouer pleinement leur rôle de productrices ». Dans 50 ans, le Mali selon Sidi sera un pays en compétition avec les autres nations émergentes sur la base de ses valeurs, de ses richesses avec la conviction que la pauvreté n‘est pas une fatalité et que la richesse n’est pas un luxe. Sa devise : «se former et travailler» Quand on lui demande ce qu’il fait pour qu’advienne ce Mali idéal, il répond avec le sourire. « A mon niveau, je m’engage en tant que citoyen. Un citoyen qui travaille à  apporter modestement sa petite contribution à  la construction de son pays. Que chacun fasse bien ce qu’on lui a confié ou dans le domaine o๠il pense être compétent. Si chacun d’entre nous était lui-même un facteur de changement positif, le changement serait déjà  la parce que le changement est en nous ». « Responsabiliser les citoyens d’un pays cela passe par la conscientisation, par l’éducation, la formation avec la promotion, la mise en avant des valeurs qui ont fait des grandes nations ce qu’elles sont aujourd’hui » dira-t-il encore. Réussir dans la vie, pour Sidi, C’’est d’abord une question de volonté. « Il faut y croire. Il faut que les jeunes de notre pays retiennent une bonne fois pour toutes, et C’’est valable pour nous tous, que la meilleure façon de s’épanouir dans la vie, C’’est d’abord de compter sur soi-même. Et ensuite il faut savoir être quelqu’un qui peut partager ce qu’il a en termes de connaissance et de biens matériels. Et être utile pour son pays ». Paroles de patriote !