SAS à Bamako : peut mieux faire…

SAS, C’’est une affaire qui tourne. Né en 1965 avec le titre SAS à  Istanbul, le prince Malko Linge n’est jamais à  court de missions ni de lecteurs. En effet, Gérard de Villiers, son créateur, écrit et publie (il est son propre éditeur depuis 1988) cinq romans par an, vendus au rythme effréné de 200 000 exemplaires par trimestre. Les ingrédients de sa recette miracle sont simples : un héros récurrent mercenaire de luxe à  la solde de la CIA, sexe et espionnage aux quatre coins du monde, et intrigues hyperréalistes mettant en scène des personnages réels au C’œur de l’actualité. Bien introduit dans les sphères du renseignement, ce journaliste de formation ne voit aucun intérêt à  inventer un scénario ou des personnages. La réalité est là  et avec elle, pas de risque d’incohérence. C’’est pourquoi, malgré ses 85 ans, Gérard de Villiers continue de se rendre sur le terrain avant d’entamer un roman. Il est ainsi venu à  Bamako en mai dernier s’imprégner de l’atmosphère chaotique du Mali et en rencontrer les principaux protagonistes du moment : le capitaine Sanogo et le président Dioncounda Traoré. Intrigue et suspense… Le 195ème récit des aventures de Son Altesse Sérénissime (SAS) Malko Linge, est le fruit de ce voyage. Panique à  Bamako est sorti en octobre dernier. La couverture, comme l’exige la collection, est illustrée par une jeune femme plus armée qu’habillée, sur laquelle brillent les trois fameuses lettres «Â SAS ». Plus bas, on peut lire : «Â Qui stoppera les Islamistes en route pour Bamako ? ». Que de promesses d’un suspens haletant ! Et pourtant, si l’intrigue est bien construite et réserve au lecteur quelques surprises, le sujet est très loin d’être fouillé. Bien que l’auteur se prévale de certaines informations, ses connaissances sur le Mali semblent très superficielles. On ne peut pas tout connaà®tre (surtout lorsqu’on est si prolifique). Aussi, une ultime relecture par un vrai connaisseur du terrain n’aurait pas été inutile pour corriger un certain nombre d’inexactitudes. Cela aurait permis par exemple d’apprendre à  M. De Villiers que Diarra n’est pas un patronyme touareg, que le chef d’Ansar Dine s’appelle Iyad Ag Ghaly et non Iyad Ab Aghala, de même que Mokhtar Belmokhtar ne s’appelle pas Mohktar Ben Mokhtar, que la ville de Segon n’existe pas, qu’à  Bamako il est extrêmement rare d’indiquer un endroit en précisant le numéro de la rue, que le FNLA est une milice arabe et non touarègue, que les Maliens du sud ne sont pas tous Bambara, que les Touaregs même s’ils ont la peau claire sont aussi des Africains, etC’… Cela aurait pu également permettre de déplacer un peu l’action hors des trois ou quatre lieux que Gérard de Villiers a du avoir l’occasion de visiter dans notre capitale. Préjugés et caricatures à  la pelle… De même, on s’aperçoit vite que dans un pays occupé aux deux tiers et dont l’Etat est en miettes, ceux qui sont concernés par cette panique annoncée ne sont pas les 14 millions de Maliens, pourtant dans une situation plus que précaire au moment des faits, mais les quelques dizaines d’employés de l’ambassade américaine… Finalement, le Mali n’est qu’un contexte exotique et sulfureux pour une histoire destinée à  un public occidental d‘abord. Enfin, pour ce qui est des personnages, ce n’est malheureusement qu’une galerie de caricatures et de préjugés parfois choquants. Au sud, les Maliens sont couards et cupides, au nord ils sont sanguinaires et sans pitié. Les Algériens, eux, «Â aimaient bien égorger. C’’était dans leurs gènes »Â… Quant aux femmes, qu’elles soient marocaines, algériennes, maliennes ou américaines, elles sont toujours jeunes et jolies mais sans vergogne ou sans cervelle, et leur seule utilité est de satisfaire des fantasmes bon marché ! C’’est donc dans un Mali désincarné que se déroule le dernier SAS. Au fil des lignes, on regrette de ne sentir aucun intérêt du héros ni de son auteur qui disait pourtant dans une interview accordée à  l’hebdomadaire Jeune Afrique en septembre dernier, qu’il aimait l’Afrique. En même temps, il y disait aussi qu’il aimait les femmesÂ