Tiémoko Sangaré: « Les communautés avoisinant les mines sont une grande priorité »

Avec un apport estimé à 23% du PIB du Mali, l’or reste la principale ressource minière exploitée du pays avec une production annuelle de 50 tonnes. Le secteur doit néanmoins faire face à de nombreux défis comme celui de la diversification. A cela s’ajoute les nombreuses attentes des populations riveraines des mines quant aux retombées de l’exploitation ainsi que les questions environnementales. A toutes ces questions le ministre des Mines et du Pétrole, le Professeur Tiémoko Sangaré répond à Journal du Mali.

 

Comment se porte le secteur des mines ? Le secteur minier malien qui est focalisé sur l’or se trouve à un niveau où l’exploitation industrielle a atteint son rythme de croisière avec une production annuelle moyenne de 50 tonnes d’or. Selon les projections, cette production devrait rester stable sur les dix prochaines années.

 

Pour ce qui concerne l’artisanat malien, malgré l’inexistence de statistiques fiables, la production de l’orpaillage dépasse aujourd’hui les dix tonnes d’or selon les informations recueillies au niveau du cordon douanier.

 

Le Mali a cédé sa place de troisième producteur d’or en Afrique. A quoi est dû ce recul ?

Selon les dernières statistiques le Mali est toujours le troisième pays africain producteur d’or derrière l’Afrique du Sud et le Ghana.

 

Qu’est-ce qui a prévalu à l’adoption d’un nouveau code minier ? 

La relecture du Code minier a été motivée par :

-la prise en compte des recommandations de l’étude diagnostic de la fiscalité minière et pétrolière (FMI) dont la réduction de la période de stabilité des régimes fiscaux douaniers et économiques, la perception de la rente minière ;

-la prise en compte des recommandations de l’étude diagnostic du secteur minier dont l’objectif fondamental était l’augmentation de la contribution du secteur minier dans l’économie ;

– l’alignement de la loi minière avec les orientations de la nouvelle politique minière ;

– la prise en compte d’un certain nombre de constats soulevés par les parties prenantes (Administration minière, Sociétés minières, Organisation de la Société Civile, communautés), notamment sur la problématique du développement communautaire, le développement du contenu local, la création d’emploi

Comprenez-vous les réserves que cela suscite de la part de certains acteurs ?

La révision d’un code minier suscite toujours de nombreuses questions car c’est un exercice qui oppose différentes parties : le Gouvernement qui veut maximiser ses revenus et les sociétés minières qui veulent faire le maximum de profit.

L’objectif final d’une relecture doit être l’élaboration d’une législation qui s’inscrit dans un cadre de partenariat public – privé et dans une démarche « gagnant – gagnant », dans lesquels les intérêts de toutes les parties doivent être pris en compte et préservés tout en conservant à cette législation son double caractère incitatif et attractif.

Comment faire bénéficier davantage les communautés où sont implantées les sociétés d’exploitation minières?

Le développement des communautés avoisinant les mines est une grande priorité pour le département des Mines. Pendant la révision du Code de 1999, le développement communautaire a été pris en compte. C’est ainsi que la Loi n° 2012-015 du 27 février 2012 portant Code Minier en République du Mali dispose ce qui suit :

–       Article 150 : « … tout postulant à un permis d’exploitation ou à une autorisation d’exploitation de petite mine est tenu de fournir à l’Administration chargée des mines, en même temps que l’étude de faisabilité ou le rapport de faisabilité, un plan de développement communautaire »

 

–   Article 151 : « le plan de développement communautaire, élaboré en concertation avec les communautés et les autorités locales régionales, est produit par la société. Il est actualisé tous les deux ans….. Ce plan de développement communautaire doit être harmonisé et intégré aux PDSEC des trois niveaux de collectivités territoriales ».

Par ailleurs plusieurs actions ont été entreprises allant dans le sens du développement communautaire notamment l’organisation d’ateliers de sensibilisation dans les deux pôles miniers de Kayes et Sikasso pour une meilleure utilisation des revenus miniers versés au niveau des collectivités.

 

Qu’entendez-vous faire pour éviter les tensions comme celles qui ont éclaté à Kéniéba, entre les jeunes et les sociétés minières de leur localité?

Appliquer la loi et redynamiser les cadres de concertation entre les sociétés minières et les communautés locales. Ce cadre sera le lieu où tous les problèmes communautaires (infrastructures, santé, emplois etc.) seront discutés.

 

Quelles sont les mesures mises en œuvre pour lutter contre le dragage sur le fleuve?

Le département des Mines est conscient des impacts négatifs du dragage sur nos cours d’eau. A travers une communication verbale le Conseil des Ministres a pris la décision d’interdire cette activité. Pour la mise en œuvre de cette décision, le département des Mines a pris en compte l’interdiction du dragage en enlevant de la législation minière. Les autorisations de dragage légalement attribuées par l’administration minière seront tous annulées. D’autres actions de suivi et contrôle avec les autres départements concernés seront entreprises prochainement. En 2017, le Département a envoyé une lettre circulaire à toutes les autorités pour mettre fin à cette activité.

 

Plusieurs constats font état de l’utilisation de substances dangereuses dans l’extraction artisanale de l’or? Qu’en est-il ? Quelles sont les mesures envisagées pour lutter contre ce phénomène dangereux ?

L’utilisation de produits dangereux dans l’exploitation artisanale de l’or est une réalité aujourd’hui. Il s’agit surtout du mercure, du cyanure et des acides (sulfuriques, nitriques). Afin de trouver une solution à cette problématique le département des Mines a mené un certain nombre d’actions, notamment l’organisation du forum national sur l’orpaillage en septembre 2014 où une forte recommandation a été faite sur l’interdiction de l’utilisation des produits chimiques dangereux, l’élaboration de Guide de Bonnes Pratiques, de santé, d’Hygiène et d’Assainissement, de Sécurité au travail et de protection de l’environnement applicable sur les sites d’orpaillage, et la création d’une cellule Orpaillage pour la réorganisation et l’encadrement du secteur.

 

Le Gouvernement a entrepris la fermeture périodique des sites d’orpaillage entre juin et septembre. Cette mesure est-elle efficace ?

Cette mesure est respectée dans la région de Sikasso, une partie de la région de Koulikoro. Dans ces zones, les populations arrêtent l’orpaillage au profit de l’agriculture. Par contre dans la région de Kayes (Sadiola, Kéniéba) cette mesure reste toujours inefficace. Des réflexions sont en cours pour voir comment infléchir sur l’orpaillage dans cette localité par un changement de mentalité (introduction d’autres activités génératrices de revenus).

 

La diversification est une des mesures annoncées pour faire face à l’essoufflement du secteur. Où en est-on ?

Le département des Mines participe à toutes les conférences minières à travers le monde afin d’attirer les investisseurs sur d’autres indices de substances minérales outre que l’or mis en évidence. D’autre part la cartographie à une échelle beaucoup plus détaillée accompagnée d’inventaire est en cours. Les résultats de ces différentes actions sont aujourd’hui la réorientation de la recherche et de l’exploitation sur des substances telles que le manganèse, le fer, le lithium, le phosphate.

 

Quelles sont les stratégies mises en œuvre pour assurer le respect de l’environnement, en cours et après l’exploitation des mines ?

Les stratégies concernant le respect de l’environnement pendant et après l’exploitation minière existent dans nos législations depuis l’avènement de l’activité minière. L’ensemble des sociétés minières d’exploitation minière en activité aujourd’hui dispose de plan de gestion environnementale périodiquement actualisé et de plan de fermeture. L’administration minière et de l’environnement est chargée du suivi régulier de la mise en œuvre du contenu de ces différents documents.