La CPI : Une compétence universelle limitée

 

La Cour Pénale Internationale est une juridiction pénale internationale permanente, chargée de juger des personnes accusées de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de crimes d’agression. Créée en 1998 sous les auspices de l’ONU, elle est régie par le Statut de Rome. Elle entre en vigueur en 2002, après la ratification par 60 pays du Statut. Malgré sa dimension internationale, la CPI n’est donc compétente que pour des cas spécifiques.

Acte fondateur de la CPI, dont le siège est à la Haye, le Statut de Rome, ratifié en 2002, a ouvert une ère d’espoir contre l’impunité à l’endroit des auteurs des crimes les plus graves, comme les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre et d’agression . C’est « Ayant à l’esprit qu’au cours de ce siècle des millions d’enfants, de femmes et d’hommes ont été victimes d’atrocités qui défient l’imagination et heurtent profondément la conscience humaine », qu’a été instituée la CPI. Cependant, cette institution n’a compétence qu’à l’égard des crimes commis après le 1er juillet 2002. Un monde plus juste, où règne une paix durable et la sécurité est recherché, imposant la nécessité d’une  coopération avec tous les États parties dans la lutte contre l’impunité. La CPI ne peut également exercer sa compétence à l’égard de ces crimes que lorsqu’ils ont été commis sur le territoire d’un État partie au Statut de Rome, qui a donc reconnu la compétence de la Cour, ou par l’un de ses ressortissants. De grands pays, comme les Etats-Unis n’ont pas ratifié le traité, mais le statut de Rome octroie au Conseil de sécurité de l’ONU le droit de déférer à la CPI des évènements qui se sont déroulés sur le territoire national d’un Etat ne l’ayant pas ratifié. Les victimes des différents crimes peuvent être des personnes, des organisations ou des institutions. La CPI intervient lorsque l’Etat partie n’a pas la volonté ou la capacité de mener à bien une enquête ou des  poursuites. Au Mali, Ahmed Al Faqi a été  reconnu coupable de destruction des mausolées classés au Patrimoine mondial de l’humanité. Lors de sa récente visite au Mali, la Procureure  de la CPI, Fatou Bensouda, a affirmé « tous les crimes qui sont assez graves et qui choquent la conscience de l’humanité pourraient intéresser la CPI ».

Dans toutes ses activités, la CPI dit respecter les normes les plus strictes en matière d’équité et de régularité des procédures. Mais cette indépendance fait face aux critiques de certains chefs d’Etats et organisations africains, qui l’accusent de « racisme » pour n’avoir poursuivi que des Africains depuis sa création. Une position qui ne conforte pas les objectifs de la Cour.

 

CPI: Fatou Bensouda promet le cas Al Faqi ne sera pas le dernier.

Annoncée pour septembre, la procureure générale de la Cour Pénale Internationale est arrivée dans la capitale malienne le mardi 17 octobre pour une visite de 48 heures. Un séjour qui  s’inscrit dans le cadre des présumées violations des droits de l’homme dans le nord et le centre du pays et la découverte des fosses communes par la MINUSMA à Anefis et Human Rhigts Watch dans la région de Mopti. Ella a coanimé  avec le ministre de la Justice, une conférence de presse  ce 18 octobre 2017 à l’hôtel Radisson Blu de Bamako.

Sur invitation du ministre de la justice Me Ismaël  Konaté, la procureure de la Cour Pénale Internationale a bouclé une visite  officielle de deux jours au Mali. Selon le ministre, cette visite s’inscrit dans le cadre de la coopération entre le Mali et l’institution. « Le Mali et la cour pénale internationale entreprennent depuis belle lurette  une coopération parfaite qui nous donne l’occasion dans un esprit de complémentarité de travailler ensemble » a rappelé le ministre. Pour lui, cette visite permettra dans un premier temps de fortifier la  coopération, ensuite  d’entreprendre des actions réciproques à mener  sur le terrain et enfin les échanges d’information pour permettre de lutter contre la criminalité et l’impunité. Il faut le rappeler, la République du Mali est le deuxième pays africain  à avoir ratifié dans les années 2000, le traité de Rome, instituant la CPI. C’est par ce droit de membre que le Mali l’a saisi officiellement en 2012 «  en vue d’ouvrir un examen préliminaire sur les événements qui avaient jadis lieu au nord du Mali et qui se sont prolongés » après, a soutenu Me Ismaël Konaté.

Accusations de violation de droits

Face au dernier rapport d’Human Rights Watch, qui indexait les FAMAs de graves violations de droits humains, le ministre Mamadou Ismaël  Konaté a jugé important que la procureure rencontre la hiérarchie militaire pour comprendre ce qui se fait sur le terrain. «  Nous avons eu l’occasion  dès son arrivée, de rencontrer l’ensemble des chefs militaires du Mali : le chef d’état major général des armées, celui de l’armée de l’air, de l’armée de terre,  de la garde nationale, le directeur général de la gendarmerie, de  la police nationale et de l’ensemble des officiers maliens qui étaient  assez représentatifs de l’armée malienne » a détaillé le ministre. Après cette séance  avec la hiérarchie militaire, la procureure a eu une autre séance de travail avec les procureurs généraux du Mali, «  particulièrement avec le procureur antiterroriste » précise Me Mamadou Ismail Kontaté. D’ailleurs, la CPI a jugé et condamné  Ahmad Al Faqi Al  Mahdi, pour avoir détruit des mausolées classés au patrimoine mondial de l’humanité à Tombouctou.

Dossiers en cours

Pour sa part, la procureure, Fatou  Bensouda a indiqué que la CPI a ouvert une enquête sur la situation au Mali en 2015 après avoir été saisi par le gouvernement. Elle s’est réjouit  de la condamnation d’Al  Faqi, qui, pour le moment n’est qu’un élément d’un ensemble. « Le cas Almahdi Al Faqi ne sera pas le dernier, nous espérons que très bientôt nous aurons des résultats » a-t-elle  clarifié,  laissant entendre que des personnes pourraient faire l’objet de l’attention de la cour pénale internationale soit pour crime de guerre ou pour crime contre l’humanité.  « Nous nous  intéressons aux  crimes, qui de notre point de vu tombent  sous la juridiction de la CPI» avait déclaré Bensouda avant de garantir que « tous les crimes qui  sont assez graves, pourront attirer l’attention de la CPI.» Ella a rappelé aussi que les  champs qui intéressent la CPI qui sont  les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les génocides sont des crimes qui «  choquent la conscience de l’humanité, et ce sont ces crimes qui  justifient l’intervention de la CPI » a martelé la procureure faisant savoir que des allégations sérieuses relatives aux violations graves des droits de l’homme au centre du Mali ont déjà son attention. Pour le ministre de la justice, le gouvernement n’a pas dit qu’il y a ou non des charniers mais à l’issue de la visite effectuée par le ministre des droits de l’Homme dans la région de Mopti, aucune fosse n’a été découverte par la mission.

Le ministre,  tout comme la procureure a enfin insisté sur la dynamique de la coopération entre l’institution et le Mali. Il a aussi mis l’accent sur l’importance pour un pays en situation de crise, comme le Mali en tant qu’État partie,  de mettre en avant la dynamique de la justice et la lutte contre l’impunité. «  Les crimes commis au Nord du Mali depuis la période de la saisine de la CPI,  sont des crimes qui sont accessibles à la CPI dès lors qu’il s’agit des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et de génocide » a rappelé Me Ismaël Konaté. Il prévient tous ceux qui se sont livrés ou qui s’adonnent à des exactions et crimes que « l’institution  judiciaire n’oublie pas, elle peut se réveiller tardivement, mais toujours se réveiller » a-t-il conclu en remerciant la procureure de la cour pour sa visite.

 

CPI : Ongwen plaide non coupable

Mardi 6 décembre a commencé le procès de Dominic Ongwen, un enfant soldat qui a fini par devenir commandant dans la sinistre rébellion ougandaise de l’Armée de résistance du seigneur. L’accusé se pose en victime. Pour la procureur, Fatou Bensouda, il ne s’agit pas de trancher s’il est un homme bon ou cruel mais de déterminer s’il est coupable de crimes commis quand il était adulte et qui lui sont reprochés aujourd’hui. »

Quelle sera l’issue du procès de Dominic Ongwen, jugé à la CPI pour « crimes contre l’humanité » et « crimes de guerre » commis entre 2002 et 2005 dans le nord de l’Ouganda. Deux jours après l’ouverture du procès, il est difficile de prédire ce qu’il adviendra de celui qui est considéré par tous comme la tête pensante de la sinistre Armée de résistance du seigneur (LRA) de Joseph Kony, qui n’est toujours pas arrêté. Hier, à l’ouverture du procès, il s’est retranché dans un discours de victimisation et a plaidé non coupable.

Fils de professeurs, Dominic Ongwen a été enlevé sur le chemin de l’école alors qu’il n’avait que 10 ans, par la rébellion LRA, crée en 1987, dirigée par Joseph Kony. La macabre rébellion tentait d’implémenter un mode de gouvernance reposant sur les dix commandements de la Bible. Bien qu’il soit jeune, Dominic Ongwen se distingue par sa loyauté et sa témérité dans les combats. Au fil du temps, il devient l’un des leaders de la sinistre rébellion ougandaise qui a tué plus de 100 000 personnes et enlevé plus de 60 000 enfants, selon l’ONU. Aujourd’hui âgé de 40 ans, Dominic Ongwen, le premier enfant soldat à être jugé par la CPI, se présente comme une victime de la LRA. Une stratégie de défense que tente de démonter la Cour. Pour la procureure Fatou Bensouda,« il a embrassé avec enthousiasme les méthodes violentes de la LRA ». Encore plus important, il a décidé de ne pas déposer les armes pour se rendre, à la différence de 9 000 combattants, « qui se sont rendus et ont obtenu l’amnistie » entre 2002 et 2005. Le substitut de la procureur a ajouté qu’en 2004, il était à la tête de 3 000 hommes coupables d’attaques de camps de déplacés.

Des témoignages d’ex-membres de la LRA et de victimes ont été cités, outre les communications radios entre les commandants de la LRA dont Ongwen collectés par les services de renseignement ougandais. Aujourd’hui, mercredi 7 décembre, les représentants des 4 000 victimes feront leurs déclarations. Alors que la défense, elle, a décidé de s’exprimer à la reprise de l’audience en janvier prochain. Pour Fatou Bensouda, « La Cour n’est pas là pour trancher si Dominic Ongwen est un homme bon ou cruel, ni s’il mérite de la compassion. Elle est là pour déterminer s’il est coupable de crimes commis quand il était adulte et qui lui sont reprochés aujourd’hui. »