Mahmoud Dicko : « Un pays ne peut pas se construire sur du néant »

Suite au blasphème d’un individu contre la religion musulmane, Mahmoud Dicko, imam et leader religieux livre son analyse dans cette contribution pour le Journal du Mali.

Aujourd’hui, nous avons une jeunesse qui a besoin d’être encadrée. C’est pour cela que je ne suis pas fier, ça dénote aussi de notre échec. Vous pouvez ne pas être dans une religion, mais ce comportement (vidéo de blasphème) dénote d’un manque d’éducation. Donc c’est l’ensemble de notre système éducatif et d’encadrement de notre jeunesse qui doit être revu. Parce que ce n’est pas seulement un comportement individuel isolé. Certes, il y a eu ce problème, mais il y en eu d’autres. Aucune personnalité de ce pays n’a été épargnée. Tout le monde a eu sa dose. Nous constatons des pertes de valeurs et de repères dans notre pays. Un pays ne peut pas se construire sur du néant. Un pays qui n’a pas de repères, de références, de valeurs, de patrimoine. Si rien n’est sacré, n’est tabou, ça dénote de l’échec de notre système. Les religieux peuvent changer la donne. Non seulement ils le peuvent, mais ils le doivent. Si réellement les religieux se mettent à l’écart et refusent d’être un partenaire fiable pour le système, il y aura toujours une faillite. On peut le faire en bonne intelligence, en respectant les principes fondamentaux d’une République. Cela ne doit pas nous empêcher pas de faire contribuer les religieux et les autres systèmes qui existent dans notre société. Parce que nous avons beaucoup de systèmes dans notre société pour encadrer. Nous sommes une vieille Nation, nous avons une grande richesse. Mettre cela entre parenthèses et imiter les autres de la mauvaise manière, cela ne se peut. Les religieux ont aussi leur rôle. Nous devrons contribuer à éduquer cette jeunesse d’une manière ou d’une autre. Concernant le châtiment pour le blasphème, nous sommes jusqu’à preuve du contraire dans une République qui se dit laïque, qui a des règles et des façons de faire qui diffèrent de la charia. Donc demander à une République d’appliquer ce que la loi islamique prévoit c’est se mettre en porte à faux. Il faut savoir raison garder. Même si on fait une fatwa aujourd’hui, il faut des juridictions pour l’appliquer et ce n’est pas nous. Le mécanisme juridique que l’Islam a mis en place n’est pas désordonné, chacun ne peut pas se lever et aller appliquer la loi ou faire subir la loi à quelqu’un. L’Islam est organisé comme un État. S’il s’agit de l’application de la charia dans le domaine du châtiment, cela ne peut se faire de manière isolée ou individuelle. Ce n’est pas la bonne manière. Je crois que sous le coup de l’émotion des paroles ont été tenues. Nous devons savoir raison garder. Et puis nous sommes dans une religion dont la grandeur est d’abord celle du pardon. Ce Monsieur de la vidéo peut se repentir. S’il revient demain pour se repentir, nous n’aurons aucun droit de le condamner. Donnons-lui aussi la chance, s’il le veut, de demander pardon à Dieu, puis aux Musulmans. Ouvrons aussi cette porte que Dieu nous a donnée. Il faut ouvrir la porte de la repentance. C’est cela la grandeur de la religion. Beaucoup de personnes ont blasphémé, combattu la religion, ensuite elles se sont repenties. Dieu les a acceptées. Nous ne pouvons pas fermer cette porte, elle appartient à Dieu. Et au Monsieur lui-même. Si demain il fait entendre qu’il regrette cet acte et demande à Dieu de lui pardonner, on ne peut pas refuser.

Imam Mahmoud Dicko

Quand le code de la famille irrite les religieux…

Les musulmans ont été informés du processus qui a conduit au vote de la loi sur le nouveau code de la famille par les députés de l’assemblée générale. Les représentants du haut conseil islamique qui ont participés aux différents travaux de réalisation dudit document et ont fait le compte rendu de leur mission aux fidèles musulmans. Haute trahison selon certains ] Puisque ce code qui vient d’être voté fait office de loi et s’impose à  chaque citoyen désormais, le secrétaire général de la jeunesse musulmane a demandé aux musulmans de faire face à  cet acte qui s’apparente à  une trahison pure et simple. « ce qui s’est passé devant moi à  l’assemblée nationale, le jour du vote est un acte inquiétant pour l’avenir du Mali ». Le représentant des familles fondatrices de Bamako a indiqué qu’il s’agissait d’un hold-up contre le peule et le pays. Par conséquent, C’’est un acte qui ne doit pas rester impuni : « Ils ont fait ce qu’ils pouvaient faire. Mais ces députés arrivent à  se faire réélire la prochaine fois avec nos suffrages… De son coté Mahmoud Dicko , a dénoncé l’entement des pouvoirs publics du Mali à  vouloir coûte faire passer cette loi dans la précipitation. Cependant tranche t-il, le vote de cette loi apparaà®t à  tout égard comme une trahison, un acte contraire aux engagements pris par le gouvernement de la République lui-même aux musulmans :  » Lorsque J’ai rencontré ATT, je lui ai demandé de ne pas précipiter les choses parce que le code telquel, contenait des atteintes graves à  nos valeurs et à  nos religions. Mais il m’a rassuré qu’il ferait tout pour préserver ces valeurs auxquelles je faisais allusion », a révélé le président. « A ma grande surprise on m’a informé que le code était déjà  sur la table des députés. Lorsque je suis venu voir le président de l’assemblée en personne, pour lui demander de temporiser les choses, il m’a répondu que C’’est difficile… » Activisme politique et convictions religieuses… s’adressant aux fidèles musulmans M.Dicko martèle que « nous ne réagirons pas aujourd’hui. Car selon lui, il s’agit d’une responsabilité partagée ». Les députés sont nos représentants. Nous avons voté pour qu’ils soient à  l’assemblée nationale, vous comprenez maintenant le sens de notre combat, depuis 2002, pour amener les gens à  s’intéresser à  tout ce qui se passe sur le plan politique. Il ne s’agit pas devenir président ou ministre, une façon de préserver ce que nous défendons. C’’est en votant en participant activement à  la vie politique que les musulmans parviennent à  imposer leur choix. , s’est t-il défendu en invitant les musulmans à  user de leur vote comme une arme politique.  » Si on est parvenu à  marcher sur les cadavres au Nigeria sans problème, il faut que nos hommes politiques soient avisés ». Un ultimatum lancé Pour calmer les esprits des fidèles musulmans qui étaient décidés à  en découdre avec l’Assemblée nationale, le président du Haut conseil Islamique a lancé un ultimatum de 10 jours à  ATT afin qu’il considère les amendements proposés par son organisation. Au-delà  de ce délai, il a dégagé toute responsabilité. Que Dieu calme les esprits, car le Mali est pays de paix et d’entente.