Bébé-médicament, qu’est ce que c’est?

Une pratique autorisée depuis 2004 C’est un garçon, et l’on imagine ses parents doublement heureux. Le petit Umut-Talha, né le 26 janvier à  l’hôpital Antoine Béclère à  Clamart, n’est pas seulement un nourrisson en «très bonne santé», pesant 3,650 kg à  la naissance. Sa venue au monde doit également permettre de soigner sa soeur aà®née atteint d’une maladie grave, ont annoncé les professeurs René Frydman et Arnold Munnich. Comme la loi de bioéthique l’autorise en France depuis 2004, les parents d’Umut-Talha («notre espoir» en turc), dont les deux précédents enfants sont atteints d’une maladie du sang, la bêta-thalassémie, ont décidé de concevoir un «bébé médicament», ou «bébé du double espoir». Pour cela, ils ont eu recours à  la fécondation in vitro, assortie d’un double diagnostic préimplantatoire pour retenir un embryon sain et génétiquement compatible avec un de leurs enfants malades. Précieux cordon ombilical Les médecins ont ainsi pu s’assurer que l’enfant à  naà®tre n’aurait pas la même maladie que ses aà®nés et qu’il serait un donneur compatible avec l’un des enfants à  soigner. A la naissance, le sang du cordon ombilical reliant Umut-Talha à  sa mère, riche en cellules souches, a été recueilli. Ces cellules souches, qui donnent naissance aux cellules sanguines, seront conservées pour une greffe ultérieure à  sa soeur. Cette pratique, une première en France, reste très rare dans le monde. Les Etats-Unis y ont recours depuis une dizaine d’années. Elle est soumise dans l’Hexagone à  l’accord de l’agence de biomédecine, qui délivre les autorisations au cas par cas. Selon le professeur René Frydman, déjà  concepteur du premier bébé-éprouvette français en 1982, l’hôpital de Clamart compte une dizaine de couples engagés dans cette démarche thérapeutique. Des projets «qui pourraient aboutir dans les deux ans qui viennent», a-t-il confié au Parisien. Un procédé contesté Bien que saluée sur le plan technique, la naissance de ce «bébé-médicament» soulève des interrogations éthiques dans le monde médical, politique et religieux. La présidente du Parti chrétien-démocrate Christine Boutin a dénoncé mardi une «instrumentalisation de la personne conçue simplement pour rendre service, pour être utilisée». Dans la même idée, le cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence des évêques de France, s’est dit «tout à  fait opposé» à  cette technique car cela signifie qu’on va «utiliser quelqu’un au service exclusif de quelqu’un d’autre». Le Pr Frydman conteste néanmoins l’aspect utilitaire que suggère l’expression «bébé-médicament». Il a expliqué que les parents d’Umut-Thalat avaient avant tout souhaité agrandir leur famille, et qu’il pouvait le prouver. « [A l’issue de la fécondation in vitro], nous avions deux embryons, l’un compatible et l’autre pas. Que faire ? Ce couple-là  a demandé à  ce que les deux embryons soient transférés car ce qu’ils voulaient, c’était un autre enfant». Le hasard a voulu que seul l’embryon compatible se développe dans l’utérus. Le généticien Axel Khan, ancien membre du comité consultatif national d’éthique, a de son côté rappelé qu’avoir un nouvel enfant dans l’espoir de sauver son aà®né malade n’était pas nouveau. «Avant qu’on fasse un diagnostic prénatal, les parents faisaient un enfant sans tri d’embryons, en espérant que le hasard leur soit favorable. Si bien qu’il n’y a ici pas beaucoup de modification par rapport à  ce qui était les usages relativement fréquents des parents dans cette situation».