Cinéma : Le 7ème art à l’épreuve du temps et du numérique

Jadis fleuron du 7ème art africain avec des figures emblématiques telles que Souleymane Cissé (Yeelen, Prix du Jury à Cannes en 1987), le cinéma malien traverse aujourd’hui une période d’incertitude et de transition complexe. Depuis la dernière consécration majeure en 1995, avec « Guimba, un tyran, une époque » de Cheick Oumar Sissoko, le Mali n’a pas remporté l’Étalon d’or de Yennenga au FESPACO, ce qui souligne les défis persistants du secteur.

Le Centre National de la Cinématographie du Mali (CNCM) dispose d’un budget limité, souvent insuffisant pour soutenir une production régulière et de qualité. En 2019, le CNCM avait annoncé un budget de plus d’un milliard de francs CFA pour relancer le cinéma malien, mais les résultats tardent à se concrétiser et laissent les intervenants du secteur dans le désarroi. Parallèlement, la fermeture de nombreuses salles de cinéma réduit l’accès du public aux œuvres locales, entravant la diffusion et la rentabilité des productions.

L’essor des plateformes de streaming telles que Netflix, YouTube et Amazon Prime a transformé la consommation audiovisuelle en Afrique. De plus, Nollywood, l’industrie cinématographique nigériane, a su tirer parti de cette révolution numérique en devenant la deuxième plus grande industrie cinématographique mondiale en termes de volume de production. En revanche, le cinéma malien est sous-représenté sur les plateformes, ce qui limite sa visibilité et son accès à de nouveaux marchés. Le 7ème art malien, bien que voyant le train en marche, n’arrive toujours pas à s’accrocher à la locomotive.

Rôle social et perspectives de collaboration

Malgré ces défis, des cinéastes maliens comme Hawa Sogoba, Fatou Cissé, Mariam Cissé, Fousseyni Maïga, Tapa Kéïta ou Youssouf Doumbia continuent de produire des œuvres engagées, abordant des thématiques de réconciliation et d’espoir dans un contexte de conflits. Par exemple, Hawa Sogoba a souligné l’importance de collaborations entre le Mali et des industries cinématographiques dynamiques comme Nollywood pour ouvrir de nouvelles perspectives et inspirer une nouvelle génération d’artistes.

D’après certains observateurs, pour revitaliser le cinéma malien, une stratégie intégrée est nécessaire. Laquelle passera par une augmentation des investissements, le développement d’infrastructures modernes, la formation des professionnels et surtout l’intégration dans les circuits de diffusion numériques. Par ailleurs, à travers une volonté politique affirmée, en s’appuyant sur son riche héritage culturel et en s’adaptant aux nouvelles dynamiques du marché, le Mali peut aspirer à retrouver une place de choix sur la scène cinématographique africaine et internationale.

FESPACO 2025 : Le Burkina Faso triomphe avec l’Étalon d’or de Yennenga

La 29ᵉ édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) s’est déroulée du 22 février au 1ᵉʳ mars 2025, réunissant des cinéastes, critiques et passionnés de cinéma venus de tout le continent et d’ailleurs. Considéré comme le plus grand événement cinématographique africain, le festival a dévoilé la richesse et la diversité du cinéma africain.

Le réalisateur burkinabè Dani Kouyaté a remporté l’Étalon d’or de Yennenga, la récompense la plus prestigieuse du festival, avec son film « Katanga, la danse des scorpions ». Ce long-métrage, tourné en langue mooré, met en avant les complexités du pouvoir et la richesse des traditions africaines. Ce sacre marque un retour triomphal du Burkina Faso au sommet du cinéma africain, 28 ans après la dernière victoire d’un Burkinabè dans cette catégorie.
Les autres lauréats du palmarès
L’Étalon d’argent de Yennenga a été attribué au réalisateur somalien Mo Harawe pour son film « The Village Next to Paradise ». Quant à l’Étalon de bronze de Yennenga il a été décerné à la réalisatrice zambienne Rungano Nyoni pour son film « On Becoming a Guinea Fowl », un drame familial surréaliste qui explore les secrets et tensions d’une famille zambienne.
Une forte participation du Mali
Le Mali a marqué cette édition du FESPACO en présentant 11 films en compétition. Ainsi, le prix de l’UEMOA (Long métrage documentaire) a été décerné au malien Fousseyni Maiga pour « Fatow / Les fous ». S’y ajoute « Klema, saison sèche » de Boubacar Gakou Touré, qui a reçu une mention spéciale dans la section Perspectives, témoignant de la vitalité du cinéma malien sur la scène africaine.
Un hommage à Souleymane Cissé
Le festival a également été marqué par la disparition de Souleymane Cissé, grand cinéaste malien et pionnier du cinéma africain, décédé le 19 février 2025 à l’âge de 84 ans. Réalisateur de « Yeelen », qui avait remporté le Prix du Jury à Cannes en 1987, son œuvre a profondément marqué l’histoire du septième art africain. Un hommage spécial lui a été rendu lors du festival.
Un festival sous le signe de la diversité
Le thème de cette édition, « Cinéma d’Afrique et identités culturelles », a permis d’explorer les multiples facettes des réalités africaines à travers des films provenant de 53 pays. La programmation a offert un large éventail de genres et d’histoires, consolidant la place du FESPACO comme vitrine incontournable du cinéma africain.
Le succès de cette édition confirme le rôle central du FESPACO dans la promotion du cinéma africain. Malgré les défis de financement et de distribution, le dynamisme des réalisateurs africains témoigne d’un avenir prometteur pour l’industrie cinématographique du continent.
Cette édition du FESPACO restera gravée dans l’histoire, notamment par la victoire du Burkina Faso, l’hommage à Souleymane Cissé et la célébration de la diversité culturelle à travers le cinéma.