Mali: 58ème anniversaire de l’indépendance célébré en grande pompe

Le défilé militaire marquant la célébration du 58eme anniversaire de l’indépendance du Mali s’est déroulé samedi 22 septembre 2018 dans l’ACI 2000, sur l’Avenue du Mali, en présence du Président de la République Ibrahim Boubacar Keita, et de nombreux autres Chefs d’Etats étrangers.

18 jours après son investiture pour un second mandat à la tête du Mali, le Président de la République n’a pas manqué l’occasion de célébrer en grande pompe le 58eme anniversaire du Mali à la souveraineté nationale et internationale. Plusieurs Chefs d’Etats, à l’instar de Mohamed Ould Abdel Aziz de la Mauritanie, Mahamadou Issoufou du Niger, Alpha Condé de la Guinée Conakry, Roch Marc Christian Kaboré du Burkina Faso, Nana Akufo-Addo du Ghana…ont répondu présent à cette cérémonie, témoignant ainsi de leur amitié et soutien sans faille au peuple du Mali. Parmi les autres personnalités présentes, on note également les Premiers Ministres du Togo, du Maroc, du Rwanda, du Sénégal et de l’Algérie.

Reconnaissance et détermination

 

Le Président IBK, s’adressant à ses hôtes et au peuple malien tout entier a d’abord salué les pères fondateurs de la République avant de rappeler les moments sombres que le pays a traversé, quelques années auparavant. « Nous fûmes proche, très proche de l’abîme », reconnait-il avant d’ajouter, « 2012 c’était hier. Beaucoup d’eau a coulé, depuis sous les ponts ».

Le numéro Malien a poursuivi en remerciant vivement toutes les personnalités ou organisations qui se sont impliqués pour un retour à la normale dans le pays, notamment la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest.  « Pas moins de 12 sommets qui ont été consacrés par la CEDEAO à la crise malienne », se rappelle t-il, avant de remercier spécialement le président Ivoirien Alassane Ouattara, alors président en exercice de la Communauté.

Le Chef suprême des armées n’a pas manqué de rendre un vibrant hommage non seulement aux soldats tombés sur les champs d’honneur lors des différentes missions de défense du territoire national mais aussi à l’ensemble du gouvernement du Mali pour avoir, malgré toutes les incertitudes, relevé le défi de la tenue des élections présidentielles sans incidents majeurs, même s’il avoue avoir du regret pour  la non reconnaissance par tous des résultats issus des urnes. Rappelant sa priorité pour le pays, qui n’est autre que la préservation de  l’unité nationale, la restauration de la cohésion sociale, le rétablissement de la paix et de la sécurité sur tout le territoire du Mali à travers la mise en œuvre de l’accord pour la paix, Ibrahim Boubacar Keita à réitéré sa main tendue à l’ensemble de la classe politique, « au-delà de toutes les frustrations et contrariétés.

Le locataire du palais de Koulouba a également rappelé la raison pour laquelle il place son nouveau mandat sous le signe de la jeunesse. « C’est une option qui s’impose logiquement lorsque nous savons le pourcentage très important des jeunes dans la population malienne. Une génération est donc là, à laquelle incombera bientôt la mission de consolider l’avenir du Mali », déclare le chef de l’Etat. C’est enfin, sur une note d’espérance, d’un « Mali béni » que le Président Keita a conclu son propos.

Défilé spectaculaire

 

Le défilé militaire, qui a enregistré en soutien la participation des troupes étrangères, notamment celles du Niger, de  la Mauritanie, du Burkina Faso , du Sénégal , du G5 Sahel, de Barkhane ainsi que de la Minusma, a été une véritable démonstration des atouts sécuritaires dont dispose le Mali pour le maintien de sa souveraineté nationale et la lutte contre le terrorisme. Organisé en trois manches à savoir le passage des forces de l’armée de terre suivi des troupes montées et motorisées et enfin d’une exhibition des forces  aériennes, ce défilé riche en couleurs et en sons a été clôturé par la chute impeccable des éléments parachutistes lâchés à 2500m d’altitude. Entre temps, une troupe de l’armée tchadienne a ébloui le public par son rythme bien cadencé et spéciale aux hommes de N’djamena, sous le regard admiratif du Président tchadien Idriss Déby Itno..

Véritable moment de retrouvailles nationales entre les filles et fils du Mali, la célébration cette année du 22 septembre n’est pas inaperçue malgré le contexte de troubles post-électoral observés ces dernières semaines dans le pays. On pouvait  voir dans la ville de Bamako, sur les façades des grands bâtiments publics et privés, les drapeaux Vert Or Rouge, comme pour signifier plus que jamais que cette nation partage profondément les paroles de sa devise, « un peuple, un but, une foi ».

 

Fête de l’indépendance anti-Mali à Kidal

Une fois de plus, les mouvements armés, du moins certains d’entre eux,  à Kidal,  font parler d’eux. Au vu des manifestations qui ont eu lieu dans la ville de Kidal, le 22 septembre dernier, date l’anniversaire de l’indépendance du Mali, au cours desquels, le drapeau du mali a été brûlé. Des actes suffisamment graves qui relance le débat sur la volonté des groupes armés à réellement œuvrer pour le retour de la paix.

La date anniversaire de l’accession de notre pays  à la souveraineté internationale n’a pas été célébrée à Kidal comme partout sur le territoire national. La population a plutôt marché pour montrer son mécontentement dans le retard acquis dans la mise en oeuvre de l’Accord pour la  paix et la réconciliation nationale, issu du processus d’Alger.  Au cours cette marche qui a mobilisé une majorité de femmes et d’enfants, certains actes posés avaient de quoi heurter l’opinion publique malienne. Le drapeau national a été brûlé devant une foule rassemblée scandant des slogans anti-Mali ou des « Allahou Akbar », ou des messages du genre « rendez-nous notre pays ».

Pour nombre de Maliens, les groupes armés  présents à Kidal font de la surenchère pour se faire entendre à chaque fois que l’occasion se présente  « C’est devenue une habitude, les chefs du HCUA, chaque fois qu’ils sont acculés ont recours aux femmes et aux enfants pour se faire entendre. C’est eux qui avaient poussés les femmes et les enfants à s’attaquer à l’aéroport de Kidal au mois de juin passé, occasionnant des pertes en vie humaines », indique une source locale. Sans confirmer, ni infirmer, ces propos, un responsable de CMA souligne que la dynamique de paix établie depuis la signature de l’Accord est aujourd’hui menacée par le comportement belliqueux  du gouvernement malien et de la communauté internationale dans la gestion de la crise de Kidal. « C’est la réaction d’une population poussée au désespoir. On se sent abandonner par tout le monde y compris l’Etat et la communauté internationale. Aujourd’hui, la population civile est martyrisée par les milices de l’Etat, sans qu’on lève le petit doigt pour dire ça suffit », explique-t-il.  De  nombreux  d’observateurs politiques, rejoignent l’avis des responsables de la CMA:  les manifestations organisées dans la ville de Kidal, le jour de la fête de l’indépendance, ne sont pas une réelle volonté politique de saborder le processus de paix, mais plutôt un moyen de pression sur l’Etat pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord, avec la mise en place des autorités intérimaires et  l’opérationalisation du mécanisme opérationnel de coordination (MOC). « C’est dans  l’air  du temps, je pense sincèrement que les manifestations et propos hostiles ne signifient pas que les mouvements se retirent de l’Accord, au contraire, c’est un moyen pour eux  de faire pression sur  l’Etat et ses partenaires  pour sa mise en œuvre », conclut un élu local.

3 questions à Seydou Badian Kouyaté

À 56 ans, le Mali peut-il être réellement considéré comme un pays indépendant  ?

Non, parce que le Malien tend aujourd’hui la main à ceux qui en ont les moyens. Un pays pauvre ne peut pas être indépendant comme on le veut, mais le Mali de 1960 n’est pas le Mali d’aujourd’hui. Nous étions pauvres en 1960, mais nous avions la volonté d’être comme les autres, nous voulions bâtir une économie nationale indépendante et nous en étions sur le chemin. Aujourd’hui, le Mali est un pays en difficulté, un pays menacé dans son intégrité. La situation du nord nous rappelle que le   pays n’est pas totalement indépendant, car d’autres viennent nous aider à garder notre indépendance et à la conserver.

Qu’avons-nous perdu ou gagné depuis le 22 septembre 1960 ?

D’abord, aujourd’hui le Malien ne travaille plus, la morale a changé et tout le monde court derrière   l’argent qui semble remplacer la foi que nous avions dans nous-mêmes. Aujourd’hui, si tu n’as rien, tu n’es rien. Le président Modibo n’a laissé que 300 000 francs d’héritage. L’argent n’était pas la valeur suprême, comme il l’est tristement aujourd’hui. Il n’était pas question pour nous d’être nous-mêmes quand un morceau du Mali n’était pas sous notre contrôle.

Que devrons-nous faire pour acquérir la « vraie » indépendance ?

C’est la question qu’il faut poser à nos dirigeants. Mais pour se faire, il faut apprendre à ne rien demander d’extraordinaire et renoncer à demander à ceux qui donnent sous conditions. Aujourd’hui vous avez eu beaucoup plus de chances que nous. Vous avez des bailleurs qui ont les moyens de vous aider, si toutefois vous osez vous adresser à eux.

Mali : Quelle indépendance pour le Mali de 2016? 

22 septembre 1960. Il y a 56 ans, le Mali accédait à la souveraineté internationale, reprenant ainsi la main sur le colonisateur, la France, qui occupait une position prédominante dans le pays depuis près de 80 ans. Les jeunes autorités maliennes se sont retrouvées face à la gestion d’un pays immense, à la pauvreté, à la nécessité de scolariser des centaines de milliers d’enfants, et à la sauvegarde de la paix. Chaque 22 septembre, les Maliens célèbrent l’anniversaire de l’indépendance. Au moment où l’économie malienne, pourvoyeuse de matières premières, est sous la dépendance économique des institutions occidentales et que la sécurité est assurée en grande partie par les forces internationales, que reste-t-il des idéaux de 1960, chers à Modibo Keïta, qui prônait la souveraineté politique et l’autonomie financière ?

« Un pays indépendant c’est un pays qui décide de son sort, qui décide de ses relations avec les autres, que ce soit les grands, les moins grands ou les petits, qui assume son économie, sa défense, sa culture, qui croit en lui-même, qui sait que le destin est décidé par Dieu mais que c’est l’homme qui le façonne. Un pays indépendant est un pays qui à son sort en main », déclare Seydou Badian, militant de la première heure de l’US-RDA, le parti de Modibo Keïta, dont il fut le ministre.

Assis chez lui, ce vénérable Malien, qui scandait avec des milliers d’autres, en 1960 à la fin de la colonisation, « vive l’indépendance » et a qui l’on doit l’hymne national du Mali, ajoute d’un ton las, qu’ « on ne peut être indépendant en tendant la main ». Au sortir de ces années 60, où l’on vibrait avec ferveur pour la libération du pays et du peuple, le réveil fut brutal et les désillusions nombreuses. La réalité de l’indépendance s’est heurtée à l’héritage laissé par le colonisateur, dont le Mali a gardé des traces tout au long de son histoire administrative, politique, éducative et culturelle, jusqu’à aujourd’hui, et qui ont servi de modèle à l’administration et à son mode de gouvernance. L’indépendance chèrement  acquise semble s’être dissoute, au fil des décennies, dans le socialisme de Modibo Keïta pris dans la guerre froide, le libéralisme, la violence de la dictature de Moussa Traoré, la démocratisation, les conflits avec des Touaregs au nord du pays, l’importation des modèles de développement, et la dépendance économique persistante. « Tout s’explique à travers une indépendance politique qui n’a jamais été traduite en indépendance économique depuis plus de 50 ans. Un progrès économique et social insignifiant, des formations académiques inadaptées, des services de santé mal structurés, une dégradation du niveau de vie, un système politique non conforme aux aspirations de la masse, sans oublier l’exploitation des ressources naturelles au profit de l’hexagone. Voilà un peu le bilan qui s’affiche du Mali, plus d’un demi siècle après une soi-disant indépendance », résume Mamadou Koné, conférencier et chercheur à l’Institut des Sciences politiques de l’université de Vienne.

Dépendance politico-économique  Au cours des 23 ans de dictature, le Mali a basculé dans les politiques de développement et d’industrialisation et s’est endetté. Pour faire face à l’endettement, Moussa Traoré puis les gouvernements successifs, ont passé des accords avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM), et ont accepté de soumettre le pays aux fameuses politiques d’ajustement structurel (PAS), pour obtenir des crédits censés sortir le pays de la crise économique, conditionnés à des réformes qui imposaient d’énormes contraintes. En a résulté l’effondrement d’un tissu industriel plutôt dynamique, et une ouverture au libéralisme mal préparée.

Trois décennies plus tard, le Mali dépend des apports extérieurs, aussi bien pour les investissements que pour la consommation. « Quand on voit un peu les éléments qui constituent notre économie, on dépend beaucoup des importations, on n’a pas d’industrie pour transformer les produits. Quand je prends l’exploitation minière, 20% des bénéfices nous reviennent et 80% à ceux qui transforment, parce que nous n’avons pas la technologie. Nous dépendons de nos partenaires techniques et financiers, avec l’aide au développement et tout le reste. Le Mali ne maîtrise pas son économie, et est donc dépendant économiquement », explique Soibou Mariko, inspecteur au service économique à la direction générale du budget.

Cette dépendance du Mali à l’égard de l’aide publique au développement, qui représente plus de 45% du budget national et 80% des investissements publics, est devenue telle que le pays semble sous contrôle permanent des bailleurs de fonds (FMI, BM) et autres partenaires bilatéraux. Les acteurs nationaux sont amenés à définir les politiques nationales en fonction des conditions d’accès à ces aides extérieures, et beaucoup de décisions ne peuvent être prises sans leur consentement. « Ceux qui financent, décident. C’est d’autant plus vrai pour les institutions internationales élaborant et finançant des projets au Mali, que notre État reste un exécutant. La dette extérieure est devenue un fardeau, un moyen de chantage permettant de donner des directives à l’exécutif. La fragilité de notre indépendance politique réside dans sa faiblesse et sa dépendance économique à la France, aux institutions internationales et à l’Union européenne. Ce système est intelligemment conçu. Nos partenaires connaissent bien nos points faibles et en profitent sous forme de coopération ou d’aide militaire, pour appuyer une continuité et renforcer la dépendance, et nos responsables affichent une incapacité à nous en sortir », analyse Mamadou Koné.

Indépendance sécuritaire Économiquement dépendant de ses bailleurs internationaux, le Mali doit aujourd’hui composer avec les armées de ces mêmes pays pour assurer la sécurité de son territoire. Trois ans après l’intervention qui a chassé les mouvements djihadistes du nord et du centre du pays, une bonne partie de l’immense territoire échappe encore à l’État. La présence de ces forces et la sous-traitance de notre appareil sécuritaire et militaire est aussi un autre aspect de notre dépendance. « Aujourd’hui, le Mali ne peut pas mener une attaque contre des éventuels ennemis par manque de moyens logistiques », rappelle Ousmane Kornio, spécialiste des conflits communautaires. « Ceux qui sont en charge de notre protection ou de la formation de nos armées sont aussi, pour certains, ceux qui ont plongé le Mali dans la crise, avec la guerre libyenne, et qui n’ont pas assuré le service après-vente, en permettant à ces groupes de se déplacer jusqu’au Mali et de déstabiliser le pays. Je crois qu’aujourd’hui, dans le malheur il faut choisir le moindre mal, l’armée n’étant pas capable, il est bon d’avoir l’EUTM et Eucap Sahel pour les former. Dans le futur, peut-être, aurons-nous une armée reconstituée et bien formée, mais pour le moment on est obligé de dépendre des partenaires extérieurs pour, par la suite, être autonome », ajoute Ousmane Kornio.

Si un État indépendant se définit par un certain nombre de paramètres classiques, comme les langues dans les administrations, l’impact ou la place de sa propre culture au niveau national, la consommation interne de ses propres produits, la maîtrise de son économie, sa capacité d’assurer la sécurité de son peuple en cas de conflits, ces 56 années qui nous séparent de la déclaration d’indépendance, peuvent pousser à penser que le chemin vers le rêve des pères fondateurs sera encore long. Les plus sceptiques voient dans la forte implication des « partenaires » du Mali dans la gestion de ses affaires, une « mise sous tutelle », et ne voient pas comment, dans les conditions actuelles que certains estiment savamment entretenues, le Mali pourra prétendre à une réelle indépendance politique, économique, voire sociale et culturelle.