G5 Sahel : Qui gère les fonds ?

La semaine dernière, lors de la 5ème réunion des ministres des Affaires étrangères des pays du G5 Sahel à Ouagadougou, l’UE a annoncé la mobilisation  d’un appui supplémentaire de 138 millions d’euros au profit de la force conjointe.  Une aide qui s’ajoute à plusieurs autres des pays partenaires. Mais qui gère ces fonds, déterminants pour l’opérationnalisation de la force ?

138 millions d’euros, soit environ 90,522 milliards de francs CFA. C’est le nouvel appui de l’Union européenne en faveur de la force conjointe du G5 Sahel. Une aide qui s’ajoute à d’autres contributions de ce partenaire privilégié. Les États-Unis, sceptique vis-à-vis de l’efficacité de l’organisation, avaient promis à l’époque 60 millions de dollars, une somme qui sera par la suite augmentée à 110, mais sous forme d’aides bilatérales. D’autres partenaires, tels que l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, avaient aussi promis respectivement 100 et 30 millions d’euros en faveur du G5 Sahel. À toutes ces sommes s’ajoutent les 10 millions d’euros fournis par chacun des cinq États membres du G5. Mais comment sont gérés ces fonds, si précieux pour l’opérationnalisation de la force conjointe ?

Au niveau du point focal du G5 Sahel à Bamako, ce n’est vraiment pas l’enthousiasme pour  répondre à la question. « Le financement vient au nom du G5 Sahel et non à celui des cinq États membres. Et, par rapport aux 138 millions d’euros de l’Union européenne, nous n’avons pas encore défini les modalités. Mais la semaine prochaine les choses seront plus claires », indique Cherif Bah, point focal du G5 Sahel au Mali. Selon lui, il y a une coordination, à Bruxelles, des pays donateurs. « Tout ce qu’on donne ne vient pas directement à la force du G5 Sahel mais transite par le G5 Sahel, parce que les deux branches sont le développement et la sécurité. C’est cette dernière branche qui concerne la Force conjointe », indique brièvement Daouda Sidiki Diarra, le conseiller à la Communication du commandant de la force conjointe, ajoutant « les argentiers ne parlent pas beaucoup à ce sujet ».

Pour réceptionner et gérer efficacement les ressources financières octroyées à la force, un fonds fiduciaire a été créé en 2018 à Nouakchott, où est basé le Secrétariat du G5 Sahel. Ce fonds est doté de deux organes, un comité de soutien et un comité de contrôle, pour une gestion transparente des montants alloués.

G5 Sahel : Et si le Mali avait eu tort d’avoir raison trop tôt !

Face à la sanctuarisation du Sahel par des pseudo-djihadistes qui ne sont, en réalité, que de vils criminels et trafiquants en tous genres ; et face à l’insécurité entretenue par ces hordes de terroristes avides de sang et exploitant à fond la pauvreté et parfois le désespoir des braves populations du Sahel éprouvées par les effets désastreux des changements climatiques, les Chefs d’Etat du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad ont porté le G5 Sahel sur les fonts baptismaux le 16 février 2014 à Nouakchott (Mauritanie). Dans son acte fondateur, le G5 Sahel ne fait pas mystère de son ambition de promouvoir le développement et la sécurité, la bonne gouvernance et la démocratie ainsi que le développement régional inclusif et durable en agissant sur le levier de la coopération régionale et internationale.

C’est que, entretemps, les doctrines en matière de lutte contre le terrorisme dans l’espace sahélo-saharien et à travers le monde ont fortement évolué, mettant en exergue la nécessité de combiner actions militaires et actions de développement. L’enlisement d’armées qui comptent parmi les plus puissantes au monde dans des théâtres d’opérations disséminés aux quatre coins du monde a achevé de construire de nouvelles doctrines en matière de lutte contre le terrorisme, cette odieuse hydre  de Lerne à la nature insaisissable et aux méthodes asymétriques. Pour l’histoire, flashback sur la genèse de ce qui aurait dû être une évidence.

Le Mali,  précurseur du G5 Sahel

Père fondateur de l’Organisation de l’Unité Africaine, ancêtre de l’actuelle Union Africaine (UA) et ayant gravé la construction africaine dans le marbre de sa Constitution, a toujours été un chantre de l’unité qui donne sa pleine mesure à la mutualisation des intelligences et des ressources pour construire le bonheur des populations africaines. C’est ainsi que des indépendances à nos jours,  le Mali a joué et continue de jouer les premiers rôles dans la construction d’un nombre impressionnant d’organisations qui comptent dans la sous-région ouest-africaine et sur le continent. Pas besoin d’égrener des listes ! Pour notre démonstration, suffiront largement l’OUA, l’UA, la CEDEAO, l’UEMOA, le CILSS, le Liptako-Gourma, l’OMVS… et bien entendu le bien nommé G5 Sahel. A propos de celui-ci, il vous souviendra que depuis le début de la décennie 2000, à l’heure des tout premiers rapts d’européens dans le Sahel, un pays a tiré la sonnette d’alarme. Le Mali. Un pays a tenté vainement de mobiliser pour faire face à la tête de Cerbère qui sortait des profondeurs du grand désert. Le Mali. Un pays a fait face, presque seul, à un fléau transfrontalier. Le Mali. Un pays s’est trouvé dans le rôle peu enviable de victime collatérale pour affronter les conséquences de l’intervention en Libye d’une certaine communauté internationale mal informée, mal préparée et savamment manipulée par MM. Sarkozy et Bernard-Henry Levy. Encore le Mali. Même la vénérable ONU a foncé tête baissée dans le piège libyen, véritable boîte de Pandore d’où se sont échappés le désordre, l’anarchie et la violence. La Libye, ce Styx aux contours aussi imprécis que la mer du Nord qui charrie la déchéance humaine des temps modernes  et qu’il convient de dessécher par tous les moyens.

Aujourd’hui, dans le prétoire du tribunal de l’histoire, là  où les faits têtus sont opposables aux discours creux et mensongers des ambitions égoïstes et mesquines, chacun devra assumer pleinement sa part de responsabilité. Victime du terrorisme au Sahel alimenté par le chaos libyen, le  Mali a eu malheureusement tort d’avoir  raison trop tôt. Il en est ainsi de certaines matières même si, par après, il faudra rendre à César ce qui est à César. Beati pauperes spiritu (Bienheureux les pauvres d’esprit !).

Le leadership d’IBK

Du Sahel aux Nations-Unies ; d’Addis-Abeba au château de La Celle-Saint-Cloud, près de Paris ; d’Abidjan à Bruxelles, le Président IBK aura été de toutes les « campagnes », se dépensant sans compter, afin de réunir toutes les conditions nécessaires à l’ancrage institutionnel du G5 Sahel et à la montée en puissance de sa Force Conjointe dont le poste de commandement opérationnel se trouve justement à Sévaré, en terre malienne. Et un certain Didier Dacko, Général de Division de son armée, n’en est-il pas le Commandant en chef depuis le 8 juin 2017 ? Aux côtés de la MINUSMA, de Barkhane, des armées nationales et de diverses forces européennes déployées dans le Sahel, le G5 Sahel agit tel un joker de luxe. Mieux ! Sa Force Conjointe cristallise tous les espoirs des autorités et populations du Sahel ainsi que de toute la communauté internationale dans l’âpre combat contre les forces du mal.

Il est sûr et certain que les historiens ne manqueront pas de faire le bilan de l’œuvre colossale d’IBK en sa qualité de président en exercice de la conférence des Chefs d’Etat du G5 Sahel, du lundi 6 février 2017 (Sommet extraordinaire du G5 Sahel à Bamako) à celui de Niamey (6 février 2018), au cours duquel il a passé le témoin à son homologue nigérien Issoufou Mahamadou.  En attendant cette échéance, il nous faut affirmer haut et fort que c’est sous son magistère que le G5 Sahel est sorti de ses limbes pour prendre véritablement son envol. Si aujourd’hui le monde entier se presse autour du berceau du G5 Sahel, il a bien fallu que des artisans infatigables fassent le boulot et qu’un leadership éclairé ait été à la manœuvre pour mettre fermement le cap sur le port d’attache et que, enfin, sa dédicace ait été à hauteur de ses ambitions. Sans autosatisfaction d’aucune sorte, le Président IBK aura satisfait à toutes ses exigences. Et même au-delà !

Bruxelles, l’apothéose

Le 23 février 2018 à Bruxelles, au siège de la Commission Européenne, s’est tenue la Conférence internationale de Haut niveau sur le Sahel ; elle était co-présidée par le Président de la République du Niger, Président en exercice du G5 Sahel, Issoufou Mahamadou, par le Président de la Commission de l’Union Africaine, Moussa Faki Mahamat, par le Secrétaire Général des Nations-Unies, António Guterres et par le  Président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker. Les 27 chefs d’État et de Gouvernement de l’Union Européenne s’étaient tous pressés au Berlaymont pour apporter leur soutien politique et financier aux pays du Sahel qui sont une « digue » qui les protège et dont toute infortune pourrait les affecter gravement. Venus aussi à Bruxelles, des hauts représentants des riches monarchies pétrolières du Golfe dont l’Arabie Saoudite et les  Émirats Arabes-Unis pour apporter leur solidarité à leurs frères du Sahel.

Le tour de table a abouti à une annonce de 414 millions d’euros dont 116 millions pour l’Europe. La moisson est bonne. Excellente. Par enthousiasme, on serait même tenté d’affirmer que le budget est définitivement bouclé pour la mise à flot de la Force Conjointe s’il n’y avait pas ce petit gap annuel de 9 millions sur les 75 millions du budget des opérations. Qu’à cela ne tienne ! Comme l’a laissé entendre le Président KEITA, il y aura un avant et un après-Bruxelles tant la mobilisation de la Communauté Internationale au chevet du Sahel aura été forte.

Il faut espérer que les modalités de décaissement des contributions annoncées ne soient pas un parcours du combattant de nature à hypothéquer les opérations complexes de la Force Conjointe. Il faut espérer aussi que les partenaires comprennent que, à menace égale, le traitement doit être identique ailleurs comme au Sahel. Malheureusement pour l’instant, il n’y a pas de commune mesure entre les sommes dépensées ailleurs pour éradiquer le terrorisme et celles consenties aux pays du Sahel. Ce deux poids, deux mesures a été fortement souligné par les cinq Chefs d’Etat du Sahel qui ont produit un sacré plaidoyer à Bruxelles dont il faut espérer qu’il génère des dividendes à la hauteur de leurs ambitions.