Afrique de l’Ouest : un coût des céréales élevé

Les prix des céréales en Afrique de l’Ouest ont amorcé une baisse ou se sont stabilisés dans certains cas au mois de septembre mais restent plus élevés que leurs niveaux de 2020. C’est ce qu’a constaté la FAO dans son dernier bulletin Food Price Monitoring and Analysis.

Les prix se sont maintenus bien au dessus de leurs niveaux de 2020, soutenus par une forte demande intérieure et à l’exportation, précise la FAO. Les coûts de production et les perturbations continues à cause de l’insécurité dans la région du Liptako-Gouma, la région du Centre Sahel et certaines parties du Nigeria et du Tchad constituent aussi d’autres facteurs pertinents, explique la FAO. Par endroits, les inondations ayant entraîné des pertes de récoltes font également partie des causes.

Au Mali, les prix du mil et du sorgho ont connu une augmentation d’environ 20% par rapport à l’année dernière. La situation sécuritaire a perturbé la commercialisation dans les régions du Centre et de l’Est du pays. Au Niger, malgré une détente, ils sont supérieurs de 15% dans les zones de conflit. Au Burkina, les prix du maïs, mil et sorgho sont également sur une tendance à la hausse de 20 à 30% malgré les récoltes.

Fatoumata Maguiraga

Mali – Œufs de consommation : Des prix à la hausse

Selon une étude du marché de la filière avicole datée de 2016, la production d’œufs de consommation était estimée à  811 684 775 œufs à cette date au Mali. Un chiffre en croissance, qui montre la place de cette denrée de consommation courante dont les prix sont en hausse depuis quelque temps.

Baisse de la production, coût élevé de l’aliment volaille sont quelques facteurs évoqués. Mais cette période de soudure, qui commence à être longue pour les consommateurs, pourrait prendre fin d’ici quelques semaines, avec l’entrée en production des nouvelles pondeuses.

« J’ai acheté l’alvéole de 30 œufs 2 500 FCFA la semaine dernière et 2 650 FCFA cette semaine. À ce rythme, je ne pourrai plus continuer », se plaint Madame Ly Aminata Soucko, qui vend des gâteaux dont les œufs constituent l’un des principaux ingrédients.

Ce constat est partagé par les grossistes, qui commencent à s’inquiéter de la rareté des clients. « Lorsque les clients se présentent et que vous leur dites le prix, ils repartent avec leur argent, parce que ce n’est pas le tarif habituel », explique Monsieur Bagna Keïta, vendeur au marché Dibida.

Prix fluctuants

S’il regrette cette hausse des prix, qui fait « fuir » de nombreux clients, le commerçant tient à la relativiser. « C’est une hausse habituelle. Pendant le Ramadan, les producteurs vendent leurs poules et à la fin il n’y a plus de pondeuses. Il y a donc une pénurie », mais qui devrait bientôt prendre fin, espère-t-il.

Si le phénomène est habituel, la hausse de cette année est exceptionnelle à cause de la grande chaleur, estime pour sa part Madame Maguiraga Mariam Camara, productrice à Kayes.

« La forte mortalité des sujets en cette période pousse certains producteurs à vendre ceux qu’ils ont, ce qui peut conduire à une baisse de la production d’œufs. Mais le taux de ponte de ceux en production ayant aussi chuté, la demande reste insatisfaite ».

Mais ces périodes de crise sont souvent suivies d’un « boom » dans le secteur, parce que même ceux qui arrêtent la production à cause des difficultés la reprennent une fois la crise passée. Cette hausse temporaire des prix pourrait aussi profiter aux producteurs, qui, en temps normal, « ont très peu de marge ».

En effet, alors qu’ils cédaient l’alvéole de 30 œufs entre 1 750 FCFA et 1 800 FCFA auparavant, elle est actuellement vendue de 2 000 FCFA à 2 300 FCFA.

Fatoumata Maguiraga

Chiffres

Alvéole 30 œufs : De 2 000 FCFA à 2 500 FCA

Population de volailles : 42 millions de sujets

Effectif pondeuses : 3 279 542

Pour cause de grève illimitée, le prix du gaz s’envole

En grève illimitée depuis 2 semaines, les distributeurs du gaz domestique au Mali, réclament à l’État des subventions impayées s’élevant à environ 3, 5 milliards de francs CFA. Si le gaz est de moins en moins disponible, son prix prend de l’ascenseur au grand dam des consommateurs.

« Je viens d’appeler mon fournisseur. Il veut me céder à 17 500 francs CFA la bouteille qu’il me vendait à 16 000 francs. J’ai renoncé parce que c’est trop cher », confesse M. Gaoussou Sanogo, revendeur. Regrettant cette situation qui dure depuis 2 semaines, il ajoute que ce sont une cinquantaine de clients qu’il vient de perdre parce qu’il ne peut plus les fournir. Dans le domaine depuis plus de 10 ans, il affirme qu’à « sa connaissance, c’est la première fois que l’on assiste à une telle situation ».

Pourtant cette augmentation de prix ne se justifie pas selon un acteur du secteur. « En principe depuis 2 semaines, les distributeurs ne vendent plus. Donc c’est sur leurs stocks que certains revendeurs font des spéculations », poursuit ce technicien travaillant dans le domaine. En effet, la bouteille de 6 kilogrammes, cédée habituellement à 3 500 francs, est maintenant vendue entre 4 000 et jusqu’à 7 500 francs par certains.

Informée par les distributeurs de gaz par une lettre en date du 16 octobre, qu’ils « seront dans l’impossibilité de fournir le marché si leurs arriérés de subvention ne sont pas payés par le gouvernement», l’Association des Consommateurs Maliens (ASCOMA), dénonce cette situation. Car « quelque soit la manière  nous n’avons pas à souffrir de leurs engagements avec l’État et nous condamnons », ajoute M. Fofana, vice président de l’ASCOMA. Il condamne « cette grève » des distributeurs de gaz dont les « consommateurs sont les premiers à payer le prix ».

L’association s’apprête à adresser au gouvernement une lettre pour « décrier la situation » en premier lieu et en second lieu se concerter avec les consommateurs, car « pour un oui ou pour un non, les gens décident d’aller en grève» et «ce sont les consommateurs qui en payent le prix » ajoute M. Fofana. Un prix que les consommateurs continuent de payer en attendant que distributeurs de gaz et autorité décident de se mettre d’accord.

Période de soudure : Énormes difficultés dans les ménages

Dure, c’est le mot qui revient le plus quand il s’agit d’évoquer la situation alimentaire dans les ménages ces jours-ci. La période de soudure bat son plein et ses effets se font clairement sentir. Quant à l’atmosphère dans les marchés de la capitale, elle est peu reluisante. Les prix de certaines denrées ont carrément doublé. Pour les commerçantes comme pour la clientèle, le supplice continue. En attendant des jours meilleurs, les familles essaient de tenir.

Entrée du marché de Médine. Les revendeuses sont alignées d’un côté. Dans leurs paniers, les condiments élémentaires très prisés des ménagères : tomates, oignons, ail, choux, carottes, pommes de terre, etc. Des passants déambulent devant les étals et jettent des coups d’œil, sans pour autant s’arrêter. La scène se répète, de façon interminable, sous le regard désabusé des bonnes dames. « Nous n’avons plus beaucoup de clients à cause des difficultés du marché. Les marchandises nous reviennent très cher et les clients ne viennent pas faire des achats. Ils se plaignent du manque de moyens », affirme Djeneba Diallo, une revendeuse de légumes. D’un ton plaintif, elle nous montre, juste à côté de son étal, un panier de haricots manifestement en passe d’être inconsommables. «  J’en suis entré en possession juste hier et tout est déjà gâté. Après, mes fournisseurs viendront quand même réclamer leur dette, pensant que tout a été vendu et que j’ai utilisé l’argent pour autre chose », regrette-elle.

Si les revendeuses se plaignent des dures conditions du marché, le désarroi de la clientèle, composée en grande partie de ménagères et mères de familles, est encore plus criard. « L’augmentation du prix des condiments nous cause beaucoup de problèmes avec nos maris. La viande, qui était à 2 000 francs CFA le kilo, est passée à 2 400FCFA. Et le plus grave c’est qu’on ne sait vraiment pas ce qui se passe avec les balances : le prix augmente mais le poids de la viande diminue. Quant au  sucre et au lait, n’en parlons même pas », se désole Kadidiatou Traoré, ménagère à Djelibougou. Pour elle, il y a énormément de soucis ces jours-ci pour s’en sortir, « ce n’est pas du tout facile », affirme-t-elle.

Le constat est le même un peu partout dans les ménages, car la flambée des prix des produits de première nécessité a des impacts non négligeables. « Avec les prix qui ont carrément doublé, par exemple l’oignon, qui est passé de 200 à 400 francs CFA le kilo, cela affecte évidemment nos budgets. Malheureusement, il n’y a aucune mesure à prendre, à part s’adapter », affirme Mme Traoré, une fonctionnaire de la Direction nationale de la Santé venue faire ses achats au marché de Médine. À l’en croire, les prix sont difficilement maitrisables sur le marché, mais si le gouvernement pouvait réussir à le faire et annoncer leur diminution ce serait une très bonne chose pour toute la population. C’est ce que Djeneba Diallo appelle également de tous ses vœux. « Il faut qu’on fixe un prix pour chacun des produits, auquel tout le monde devra se conformer. Dans ce cas, nous, les revendeuses, nous saurons quoi faire » propose la commerçante, car, dit-elle, « au Mali chacun fait ce qu’il veut, ce qui amène un agriculteur à vendre ses produits au prix qu’il souhaite, sans aucune forme de contrôle des autorités ».

Les difficultés engendrent même parfois des tensions dans les relations marchands – clients sur les marchés, comme nous l’a confié Kadidiatou Traoré. « L’autre jour, j’ai eu une dispute avec mon vendeur de viande, parce que je n’arrivais pas à comprendre que du jour au lendemain le prix puisse augmenter de 400 francs CFA sans que l’information ne passe ni à la télé, ni à la radio, ni dans les journaux », témoigne-t-elle. Les chefs de famille, bien que ne vivant pas pour la plupart directement les péripéties du marché, ne sont pas pour autant épargnés en cette période de soudure. Qui dit augmentation des prix des condiments dit nécessairement hausse du budget qui y est consacré par le ménage. «  En réalité, je suis obligé de revoir à la hausse ce que je donnais pour que mes femmes aillent faire le marché. Un changement du jour au lendemain n’est pas facile à gérer, mais je m’adapte et j’espère que très bientôt les choses vont revenir à la normale », confie Issiaka Doumbia, chef de famille à Niaréla.

Les raisons de ces augmentations de prix sur les marchés de Bamako sont diverses. La plupart des produits frais étant importés de pays comme le Maroc ou la Côte d’ivoire, des frais de dédouanement sont acquittés aux frontières. « Le prix du dédouanement n’est pas abordable. Une petite caisse de tomates peut coûter jusqu’à 17 000 francs CFA », dit Djeneba Diallo. Par ailleurs, comme le souligne M. Moussa, marchand d’oignons au marché de Médine, les camions transporteurs des marchandises perdent beaucoup de temps à la frontière et ceux qui arrivent jusqu’à la capitale sont insuffisants pour satisfaire toute la population, ce qui les oblige à payer beaucoup plus à la douane pour faire entrer d’autre camions. « Du coup nous sommes obligés d’augmenter un peu les prix de nos marchandises pour avoir du bénéfice », explique-t-il.

En réalité, en plus des raisons évoquées plus haut, quand on regarde la situation de près il parait évident que les difficultés ressenties à Bamako ne le sont pas moins dans les autres régions du pays. La crise est beaucoup plus accentuée dans les milieux ruraux. Principal facteur, la période de soudure, qui sépare la fin de la consommation de la récolte de l’année précédente, et l’épuisement des réserves  des greniers, de la récolte suivante, et qui est intervenue de manière précoce cette année. Ce qui, selon le Programme alimentaire mondial (PAM), a provoqué l’épuisement précoce des pâturages et une crise chez les agriculteurs, qui ont vu leur dernière récolte être fortement affectée par la sécheresse. En outre, comme l’indique la même source, la dernière saison des pluies n’a pas été très bonne. Les pluies insuffisantes à Kayes, Koulikoro et Mopti, mal réparties et survenues aux mauvais moments, ont  entrainé des productions moyennes dans les bassins des régions de Sikasso ou de Mopti pour le riz. Les campagnes agricoles des pays frontaliers, par ailleurs, notamment le Burkina Faso, n’ont pas été bonnes et ces pays ont acheté des céréales au Mali.

En parallèle, les commerçants et producteurs ont réalisé leurs stocks au moment de la récolte en anticipant les résultats mitigés de la campagne. Également, et ce n’est pas la moindre des causes, l’insécurité persistante dans le nord et le centre pénalise les producteurs et affecte la circulation des biens et des personnes, entrainant des manques de disponibilité et des hausses de prix sur les marchés agricoles.

Le gouvernement du Mali travaille avec le Programme alimentaire mondial, à travers le Plan national de réponse (PNR), afin de porter assistance à la population malienne, en particulier en période de soudure. Au-delà d’un appui d’urgence, le PAM considère qu’il faut continuer de renforcer la résilience des plus vulnérables, c’est-à-dire leur capacité à faire face aux chocs et à se mettre durablement à l’abri de la faim. Cela demande des interventions intégrées et pluriannuelles qui aideront ces communautés à reconstruire leur capital productif, érodé par le temps à cause des chocs récurrents.

Même si, en raison de l’augmentation depuis 2015 des besoins d’assistance humanitaire, en  particulier au nord et au centre du Mali, les défis restent nombreux, le PAM reste optimiste, car, avec le gouvernement et ses partenaires, plusieurs activités variées et complémentaires, allant de la réponse humanitaire d’urgence aux programmes visant à renforcer la résilience pour lutter contre la faim et la malnutrition de façon définitive, sont prévues.

Mais, en attendant, les ménages continuent de subir les effets de cette période de soudure qui, cette année, ne s’achèvera pas avant le mois de septembre. D’ici là, comme le confie une mère de famille, « on s’en remet à Dieu ».