16 morts et 299 familles sinistrées après la pluie du 16 mai à Bamako

16 morts et 299 familles sinistrées après la pluie qui est tombée sur la ville de Bamako dans la nuit du 15 au 16 mai 2019. Les autorités informées de cette situation se sont mobilisées pour porter secours aux familles avant de leurs traduire leur désolation et leur soutien. Plus de précisions dans cet entretien avec le Lieutenant colonel Bakary Dao, Directeur régional de la protection civile du district de Bamako.

Les sinistrés et les opérations de secours

 

Opérations de ratissage et de secours jusqu’au soir du 16 mai 2019 étaient en cours dans les différents quartiers touchées par les inondations à Bamako.

Fortes pluies : Le changement climatique en cause ?

99 millimètres de pluie à Goundam, plus de 50 mm à Diré, de nombreuses précipitations à Kirina. De fortes pluies ont fait des dégâts dans certaines localités du Mali. Ces précipitations inhabituelles pourraient être dues au changement climatique.

Y a-t-il une corrélation entre les fortes pluies et le changement climatique ? Les plus « trumpistes » vous diront sûrement que non. Difficile toutefois de mettre sur le compte de la malchance ou du pur hasard les « bizarreries » climatiques que connait la planète depuis quelques années. Des chercheurs allemands du Postdam Institute for climate reasearch impact affirment que le dérèglement climatique cause une altération de la mousson africaine. Ils prédisent que le centre du Mali pourrait recevoir autant de pluie que le nord du Cameroun ou le centre du Nigéria, qui se caractérisent par un climat tropical. « L’ampleur du changement nécessite une attention urgente », prévient l’un des chercheurs. Beaucoup plus d’eau peut être stockée dans l’atmosphère lorsque les températures augmentent, et cette humidité supplémentaire peut être libérée lors de fortes précipitations à court terme.

Pour évaluer la tendance, les chercheurs de l’Institut de Potsdam pour la recherche sur le climat (PIK) se sont appuyés sur une analyse statistique des données pluviométriques entre 1901 et 2010, provenant de milliers de stations météorologiques à travers le monde. Conclusion principale : entre 1980 et 2010, il y a eu 12% d’événements extrêmes en plus que dans un climat stationnaire (c’est à dire sans réchauffement climatique).

Mali-météo, dans ses prévisions de juin à septembre 2018, avait déjà alerté sur le risque d’inondations. Assurant qu’il est associé à la fois au débordement des cours d’eaux et aux pluies intenses, la structure en charge des questions météorologiques avait fait un certain nombre de recommandations. Elle affirme que les pluies de cette année ont déjà dépassé celles enregistrées en 2017, alors qu’il reste encore quatre mois avant la fin de 2018.

Difficile désormais pour les experts de prévoir avec certitude les conditions pluviométriques. « Le changement climatique crée un bouleversement de la température. Le chiffre d’eau attendu est parfois plus ou moins élevé que ce qui était prévu. On est parfois surpris » explique Jean Paul Tchapebong, 2ème Vice-président de Climats-Mali.

Tous responsables

« Nous sommes les premiers acteurs de la modification du climat. Il est vrai qu’il y a les phénomènes naturels, mais c’est d’abord nous les responsables », accuse Tchapebong. Il en appelle à une prise de conscience de la population afin de « contenir » le phénomène. « C’est lors de la survenue de catastrophes, avec les sinistres que cela engendre, que les gens se rendent compte que les choses ne tournent pas comme elles le devraient » conclut-il.

Variations de la pluviométrie : L’agriculture doit impérativement s’adapter

Ansongo, Diré, Tombouctou, Kirina ou Siby, cette liste de localités qui ont enregistré des inondations cette année n’est pas exhaustive. Au-delà des dégâts matériels et des victimes, les fortes pluies ont impacté négativement ces zones de production agricole. Des plants inondés aux hectares non semés, les rendements ne seront pas à la hauteur des attentes. Face à ces changements climatiques, les réponses sont pour le moment insuffisantes. Semences améliorées faiblement vulgarisées, manque d’équipements et mauvaises pratiques culturales, de nombreux défis restent à relever au Mali.

« La réalité est qu’il a beaucoup plu cette année à la station de Cinzana. Les quantités de pluie recueillies étaient de  700 mm fin août, alors que la pluviométrie annuelle est d’environ 600 mm en moyenne », relève le Docteur Moussa Sanogo, sélectionneur de semences à la station de Cinzana.

Ce constat, partagé dans plusieurs localités, traduit un état de fait dont ne se réjouissent pas les acteurs du monde de l’agriculture cette année. Si le déficit et l’irrégularité des pluies ont caractérisé la campagne 2017 – 2018, l’actuelle se caractérise par de très fortes pluies, nuisibles à certains endroits et ayant même empêché certains agriculteurs d’effectuer leurs semis. « Pour récolter, il faut semer. Les endroits où l’on devait le faire ont été inondés. 70% des superficies sont vouées à l’échec », note pour sa part M. Djibrilla H Maïga, Président du Conseil de cercle d’Ansongo. Dans cette zone où les bas-fonds représentent la plus grande partie des espaces cultivés, l’installation tardive de l’hivernage n’a pas permis de les exploiter à hauteur de souhait. Si le recensement des personnes vulnérables et des espaces détruits n’est pas encore terminé, les acteurs assurent que la production, déjà déficitaire dans cette zone en année normale, ne permettra pas « de couvrir les besoins alimentaires ». « Ces pluies exceptionnelles ont causé des pertes », relève M. Abdoul Wahab Haïdara, le chef du secteur de l’agriculture d’Ansongo.

Champs inondés Si les semences améliorées peuvent constituer une réponse adéquate face à cette situation, la culture de contre-saison représente également une alternative pour combler les déficits, à condition que « les semences et les intrants soient disponibles à temps, afin de respecter le calendrier cultural », insiste M. Haïdara.

Si les données exactes ne sont pas encore disponibles, « les pertes seront plus grandes cette année » aussi du côté de Tombouctou. En effet, la période des crues, favorable au repiquage du riz, a coïncidé avec les fortes pluies qui ont inondé les champs, « ce qui a empêché les gens de travailler », explique M. Abega Sarmoye, chef du secteur de l’agriculture du cercle de Tombouctou. Il ajoute que « le grand problème, c’est l’équipement agricole ». Une insuffisance qui impacte négativement la production, compte tenu de l’importance des superficies à cultiver.

Si la culture de contre-saison est possible dans la zone, le technicien rappelle qu’elle ne représente qu’un vingtième des superficies cultivables, donc peu en terme de production.

Malgré un « démarrage difficile » et des taux de réalisations inférieurs à ceux de l’année dernière pour les principales cultures, M. Oumar Maïga, le Directeur national de l’agriculture s’attend à une augmentation de la production pour certaines spéculations, grâce notamment à l’utilisation des engrais. S’il reconnaît qu’il peut « y avoir eu des dégâts au niveau des bas-fonds », il estime qu’ils seront moindres pour les cultures sèches. L’autre menace qui pesait sur la production cette année, selon le Directeur, était « les attaques de chenilles légionnaires, surtout dans la région de Sikasso. Mais les dégâts ont été circonscrits », assure t-il.

Si les spécialistes redoutent cette situation de forte pluviométrie, c’est parce qu’elle peut négativement impacter toutes les cultures.

Des impacts multiples

Ainsi, pour la plupart des cultures sèches, comme le mil, le maïs et le sorgho notamment, la stagnation de l’eau au niveau des racines entraîne une insuffisance d’approvisionnement en oxygène, ce qui ralentit le développement des plantes. Cette situation favorise également la prolifération des maladies, dont la plus répandue actuellement, qui peut se manifester à tous les stades du développement de la plante, est le mildiou. « Au stade de l’épiaison, elle peut empêcher la formation de graines et entraîner une perte importante de production », explique le Dr Sanogo.

En période de floraison également les fortes pluies peuvent être nocives, à travers un « lessivage » qui empêche la pollinisation et donc la reproduction de la plante. Une des particularités des variétés actuellement cultivées au Mali est que leur période de floraison coïncide avec la rareté des pluies, ce qui favorise leur maturation. Ce qui est le cas dans la plupart des zones sèches, comme Mopti, Ségou et Kayes.

Or,  avec la tendance actuelle, il est probable que cette période de floraison coïncide désormais avec des fortes pluies, ce qui pourrait conduire à de fortes baisses de rendement.

Par contre, dans les zones humides comme Sikasso ou Koutiala, cette floraison, qui est attendue jusqu’à fin septembre ou même en octobre, pourrait se dérouler normalement, surtout avec les variétés améliorées nommées « San kô » (après la pluie). Sauf si des pluies « inattendues » surviennent à la même période.

Si les variétés améliorées ne constituent pas les seules réponses face à cette abondance pluviométrique, leur efficacité est bien réelle. En effet, selon le Dr Sanogo, une attaque par le mildiou n’a sur elles qu’une incidence d’environ 1 à 2% de pertes, alors que sur les variétés locales elle s’élève à environ 27%. Dans la réalité, elle pourrait même être de près de 50%, selon le spécialiste.

Pour lutter contre cette maladie, il existe une méthode de traitement des semences qui permet aux plants de résister jusqu’à 40 jours après le semis, à condition que la plante ait acquis l’immunité nécessaire pour assurer son développement. Mais, pour une réponse plus efficace, l’objectif des chercheurs est de créer des variétés résistantes à la maladie. Un des principaux axes de  recherche du programme d’amélioration de la culture du mil, assure le Docteur Sanogo.

Vulgarisation insuffisante

Le faible taux d’adoption des variétés améliorées par les agriculteurs est cependant un obstacle à l’atteinte de cet objectif.  Mais cette « réticence » peut s’expliquer par le fait que la recherche avait en priorité mis l’accent sur les variétés précoces, qui répondent aux besoins en cas d’installation tardive des pluies, en raison d’une longue période de sécheresse. La tendance observée est qu’en année de bonne pluviométrie les paysans préfèrent les variétés locales, qui se caractérisent par le fait que leur période de floraison coïncide avec la diminution des pluies. Une situation complexe qui pénalise la promotion et l’adoption des variétés améliorées.

Pour y remédier, les chercheurs ont donc envisagé de mettre en valeur la faculté de photosensibilité dont disposent les variétés locales. Des tests ont été réalisés. Cependant, « le relais pour vulgariser les résultats n’a pas été assuré », déplore le chercheur. Compte tenu notamment de la diminution des activités des services de vulgarisation agricole, qui ne sont plus financées à hauteur de souhait.

L es chercheurs espèrent que l’existence du SAPEP, un projet destiné à améliorer la disponibilité des semences auprès des petits producteurs, permettra de relancer la vulgarisation et d’établir un lien étroit entre les chercheurs et les paysans afin de faire adopter par un grand nombre d’entre eux les variétés de semences issues de la recherche.

L’autre maillon important de la chaîne étant constitué par les informations météorologie, Mali Météo devrait travailler à l’extension et à la densification de son réseau, selon les chercheurs. Car, tout comme la recherche doit savoir s’adapter aux spécificités des différentes zones de culture, les prévisions météo doivent être elles aussi très spécifiques, ajoutent les spécialistes.

Pour les chercheurs, il existe bien des moyens de faire face aux différents cas de figure en matière d’agriculture et de changement climatique. Encore faudrait-il que les paysans aient l’information nécessaire et en temps voulu.