Kémi Séba relaxé après avoir brûlé un billet de 5 000 francs CFA

Le polémiste français Kémi Séba a été acquitté mardi par un tribunal de Dakar, où il était poursuivi pour avoir brûlé un billet de 5.000 francs CFA lors d’une manifestation contre la « Françafrique » le 19 août dans la capitale sénégalaise.

A l’issue de plus de deux heures de débats parfois houleux, le président du tribunal des flagrants délits a prononcé la relaxe de Kémi Séta et d’un membre de son mouvement poursuivi pour complicité pour lui avoir fourni un briquet.

Le parquet avait réclamé une peine de 3 mois de prison avec sursis contre Kémi Séba et la relaxe de son coprévenu.

Le polémiste, qui réside au Sénégal et s’est présenté comme « chroniqueur politique », était poursuivi sur la base d’une plainte de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), dont le siège est à Dakar.

La BCEAO est l’institut d’émission en Afrique de l’Ouest du franc CFA, monnaie de 14 pays francophones de l’ouest et du centre du continent, totalisant 155 millions d’habitants, réclamait pour sa part un franc symbolique en guise de dommages et intérêt.

Kémi Séta, en détention préventive depuis son arrestation à Dakar le 25 août, a revendiqué devant le tribunal un acte « symbolique ».

« L’objet de la manifestation était d’exposer les méfaits de la Françafrique », a-t-il dit, se comparant à la militante américaine des droits civiques Rosa Parks.

Une centaine de ses partisans, évacués de la salle d’audience pour avoir applaudi une intervention de l’ex-leader de la Tribu Ka, groupuscule dissous en France en 2006 pour antisémitisme et incitation à la haine raciale, ont bruyamment salué l’annonce de la relaxe, scandant des slogans comme « A bas la Françafrique », « A bas le CFA ».

« Il n’y avait pas de condamnation possible.Il n’a pas brûlé des billets, il a brûlé un billet qui lui appartenait », a réagi son épouse, Etuma Séba.

Les avocats du militant l’ont emporté grâce à un point de droit : le code pénal sénégalais punit la destruction « des » billets de banque, mais non d’un seul.

Mais ils ont aussi porté le débat sur la légitimité du franc CFA ou sur le rôle des anciennes puissances coloniales en Afrique, en particulier la France.

Ceux de la BCEAO avaient pour leur part accusé Kémi Séba de « semer la confusion » sur la politique monétaire de l’institution et affirmé qu’il était « archi-faux » de dire que Paris disposait d’un « droit de véto » sur ses décisions.

Les représentants de la banque centrale ont aussi dit craindre que ses émules brûlent des billets en francs CFA, comme certains l’ont fait lundi à Cotonou, au Bénin, le pays dont est originaire M. Séba.

« On est quand même dans des pays pauvres.On ne peut pas s’amuser à brûler des billets.Cinq cents francs, c’est déjà un début de petit-déjeuner.Donc c’était symbolique, comme (Nelson) Mandela brûlant son passeport.Mais ça ne veut pas dire que ça va se multiplier », a dit l’un de ses avocats, Cheikh Koureyssi Bâ.

« Il n’a rien à faire en prison.Ceux qui devraient aller en prison, ce sont ceux qui affament et pillent un continent depuis des siècles », a soutenu au milieu d’une petite foule Hery Djehuty, coordinateur stratégique de l’ONG Urgences Panafricanistes fondée par Kemi Séba.

« C’est la jeunesse qui pose le débat sur la table et qui veut juste que l’Afrique puisse décider elle-même de son sort, de son avenir, de sa politique économique, et que ce ne soit plus le fait d’une puissance tierce, d’une puissance étrangère comme la France », a ajouté M. Djehuty.

« Les questions impérieuses de la souveraineté et de l’autonomie des Etats africains postcoloniaux, des rapports de domination qui persistent dans les relations entre les anciennes puissances coloniales et les pays africains, méritent d’être posées, et Kémi Séba les pose », estimait lundi dans Le Monde Afrique l’économiste et écrivain sénégalais Felwine Sarr, tout en qualifiant de « simpliste » le discours de Kémi Séba.

L’intégralité du Discours de François Hollande à Dakar

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique, Mesdames et Messieurs, Je mesure l’honneur que vous me faites en m’invitant à  m’exprimer au sein de votre Assemblée. J’y vois un double symbole, celui de la vitalité de votre démocratie et celui de la force du lien qui unit nos deux pays. J’effectue ici, à  Dakar, mon premier déplacement en Afrique depuis l’élection qui m’a porté à  la présidence de la République française. Ce choix est celui de l’amitié. Il est aussi et surtout celui de l’avenir. Note amitié est fondée sur notre histoire. Une histoire belle, cruelle, rebelle. Une histoire qui nous lègue une langue en partage, mais aussi une culture politique en commun. Je pense en cet instant à  Blaise Diagne, et à  ses successeurs, qui ont activement participé aux travaux du parlement français après la guerre. Je pense à  Léopold Sédar Senghor qui fit partie du comité chargé d’élaborer la Constitution de la Ve République. L’histoire d’une fraternité, aussi. Celle de combats menés ensemble. La France se souvient qu’en 1914 et en 1940, elle a pu compter sur le concours de nombreux Sénégalais enrôlés de gré ou de force sous le drapeau tricolore et dont le courage a permis à  la France d’être ce qu’elle est aujourd’hui. Par deux fois au cours du siècle dernier, le sang africain a été versé pour la liberté du monde. Nous ne l’oublierons jamais. Cette histoire a aussi sa part d’ombre. Comme toute nation, la France se grandit lorsqu’elle porte un regard lucide sur son passé. Je serai cet après-midi sur l’à®le de Gorée pour rendre hommage à  la mémoire des victimes de l’esclavage et de la traite, en présence d’élus des outre-mer français dont j’ai souhaité la présence à  mes côtés. L’histoire de l’esclavage, nous devons la connaà®tre, l’enseigner et en tirer toutes les leçons, parce que l’exploitation des êtres humains continue de souiller l’idée même d’humanité. Il nous revient de poursuivre le combat contre ceux qui exploitent la misère et la détresse de jeunes filles, d’enfants, de réfugiés, de migrants. à€ la Maison des esclaves, qui fait face à  l’océan Atlantique, je ne m’inclinerai pas seulement devant l’histoire, je m’engagerai pour la défense de la dignité humaine. La part d’ombre de notre histoire, c’est aussi la répression sanglante qui, en 1944, au camp de Thiaroye provoqua la mort de 35 soldats africains qui s’étaient battus pour la France. J’ai décidé de donner au Sénégal toutes les archives dont la France dispose sur ce drame afin qu’il puisse les exposer au mémorial sur Thiaroye. *** Mais la meilleure raison de ma présence ici est que je veux vous parler de l’avenir et d’une valeur universelle que nous défendons ensemble : la démocratie. Le Sénégal est un exemple pour l’Afrique. Les trois premiers présidents sénégalais ont su, dans leur diversité, transmettre, tous, le flambeau à  leur successeur, permettant à  votre pays de réussir des alternances sans déchirement. Votre Assemblée nationale, devant laquelle je m’exprime, est l’une des seules du continent à  avoir exercé la totalité de ses droits, sans interruption, depuis l’indépendance. Et quand je vois le nombre de femmes, ici, du peuple sénégalais – un nombre qui a doublé par rapport aux dernières élections -, cela m’inspire, au regard de la situation pourtant récemment améliorée en France, une nécessaire modestie… Voilà  ce que nous portons ensemble. Le respect des droits de l’homme, l’égalité devant la loi, la garantie de l’alternance, les droits des minorités, la liberté religieuse : autant de valeurs universelles ancrées chez vous et qui doivent s’épanouir dans toute l’Afrique. Je ne suis pas venu en Afrique pour imposer un exemple, ni pour délivrer des leçons de morale. Je considère les Africains comme des partenaires et des amis. L’amitié crée des devoirs : le premier d’entre eux est la sincérité. Nous devons nous parler librement. Nous devons tout nous dire, sans ingérence, mais avec exigence. La démocratie vaut pour elle-même. Mais elle vaut aussi pour ce qu’elle permet. Il n’y a pas de vrai développement économique ni de vrai progrès social sans pluralisme. J’ai une conviction profonde : si l’Afrique, berceau de l’humanité, parvient à  faire vivre pleinement la démocratie, partout et pour tous, si elle réussit à  surmonter les démons de la division, alors, elle sera le continent o๠se jouera l’avenir de la planète. L’Afrique est portée par une dynamique démographique sans précédent : la population au sud du Sahara doublera en l’espace de quarante ans – pour atteindre près de 2 milliards de femmes et d’hommes en 2050. Le nombre d’habitants aura été multiplié par dix en un siècle : c’est un changement sans équivalent dans l’histoire humaine. L’Afrique est la jeunesse du monde. Elle est aussi une terre d’avenir pour l’économie mondiale. Sa croissance, ces dix dernières années, a été supérieure à  celle de beaucoup d’autres régions émergentes. Les besoins d’infrastructure sont énormes. La qualité de son agriculture, ses ressources naturelles, ses richesses minières recèlent des possibilités immenses et encore largement inexploitées. Ses paysans, ses artisans, ses étudiants, ses entrepreneurs, ses savants constituent une ressource humaine exceptionnelle. Les grands pays émergents se tournent vers vous et investissent massivement. Vous n’avez pas à  avoir peur de cet intérêt nouveau, à  la condition expresse que vous sachiez, grâce à  vos institutions et vos pratiques, guider et orienter cet afflux d’hommes et de capitaux, et écarter les prédateurs. Votre défi, c’est de renforcer la place de votre continent dans la mondialisation. De lui donner une finalité plus humaine, d’y prendre la place qui doit être la vôtre, d’assumer une nouvelle responsabilité. Aucun enjeu planétaire ne pourra être traité sans l’Afrique. Toutes les réponses essentielles passent déjà  par votre continent : l’économie, les matières premières, l’environnement, l’énergie, la gouvernance mondiale. Dans toutes les négociations internationales sur ces sujets, la France – et au-delà  l’Union européenne, et l’Afrique partagent la même vision de l’avenir. Dans ces négociations, vous êtes notre premier partenaire. Nous sommes votre premier allié. Et notre devoir, c’est de vous accompagner dans les domaines d’avenir : l’agroalimentaire, les télécommunications, les services financiers… *** C’est vers cette Afrique de demain que je regarde en venant ici au Sénégal. Le changement viendra d’abord et avant tout des peuples. Les Africains ont pris leur destin en main et ce mouvement ne s’arrêtera pas. Chaque pays connaà®t sa propre dynamique et parfois ses rechutes. Chaque pays adapte ses institutions à  son histoire ou à  ses réalités. Chaque pays est chahuté par des mouvements qui contestent les frontières issues de la colonisation. Mais j’ai confiance, l’Afrique est en marche et les principes sur lesquels elle peut fonder son développement sont ceux que vous portez. La transparence, vous avez raison de l’exiger de toutes les entreprises qui viennent investir chez vous ou occuper des positions, et notamment dans le secteur minier et forestier. La bonne gouvernance, car c’est une condition de la stabilité, de la sécurité et de la probité. C’est pourquoi je salue l’initiative du président Sall de lancer une opération de récupération des biens mal acquis. La lutte contre la corruption, les abus financiers et contre l’impunité est l’affaire de tous. Nous devons être intraitables face à  ceux qui pourraient se croire autorisés à  voler les deniers de leur propre pays ou face à  ceux qui viennent chercher des contrats en ne négligeant aucun moyen de pression ou d’influence. L’égalité, car, si l’Afrique se développe, le nombre de pauvres ne cesse de progresser. Près de la moitié des pays du continent sont en passe d’atteindre les Objectifs du millénaire. Mais trop nombreux sont ceux qui restent au bord du chemin. La question des inégalités est, pour vous comme pour nous, au coeur du message que nos peuples attendent de nous. Et notamment les femmes, qui, en Afrique, constituent une formidable force de changement et de transformation. Elles sont de plus en plus nombreuses à  s’impliquer dans la vie économique et sociale. Elles jouent un rôle majeur auprès de la jeunesse africaine qui représente les deux tiers de la population du continent. Mais je n’ignore pas les menaces auxquelles vous faites face et les périls que vous affrontez : les crises alimentaires, les changements climatiques, les trafics de toutes sortes, les conflits, les fondamentalistes. Car nous sommes confrontés au même combat, celui de la dérive identitaire, celui du terrorisme. Je pense particulièrement au Mali, victime de groupes extrémistes qui font régner la terreur dans le Nord. C’est votre sécurité qui est en jeu, c’est aussi la nôtre, celle de l’Europe qui connaà®t la valeur inestimable de la paix pour laquelle elle a obtenu aujourd’hui l’illustre récompense du prix Nobel. Le futur de l’Afrique se bâtira par le renforcement de la capacité des Africains à  gérer eux-mêmes les crises africaines. Les organisations telles que la Cedeao et l’Union africaine se sont imposées dans le traitement des situations de crise en Afrique. C’est encourageant. L’engagement des armées africaines dans le maintien de la paix, au sein des Casques bleus, en est la preuve, je pense au courage des Burundais, Djiboutiens, à‰thiopiens, Kényans et Ougandais qui payent un lourd tribut pour libérer la Somalie. Je salue aussi ici les soldats sénégalais engagés dans des opérations de maintien de la paix difficiles, en Côte d’Ivoire, en Guinée-Bissau, en RDC ou au Soudan. Aujourd’hui, c’est la crise que connaà®t le nord du Mali, occupé et violenté, qui doit nous fédérer. On en connaà®t les causes, elles sont multiples. Les pratiques mafieuses de groupes terroristes, les erreurs qui ont marqué la fin de l’intervention en Libye, et notamment le manque de contrôle des armes. Le trafic de drogue qui a corrompu l’économie malienne, mais qui menace aussi, chacun en est conscient, toute l’Afrique d’ouest en est. L’insuffisance du développement économique et social du Sahel, qui a nourri le désespoir. L’absence de mise en oeuvre effective des accords passés qui auraient dû conduire à  une coexistence harmonieuse de toutes les communautés maliennes. Mais au-delà  de l’analyse de ces causes, nous devons prendre nos responsabilités. Les horreurs actuelles ne peuvent plus se poursuivre. Comment accepter ces mausolées profanés, ces mains coupées, ces femmes violées ? Comment tolérer que des enfants soient enrôlés de force dans des milices, que des terroristes viennent dans cette région pour y semer la terreur ? La France aussi, à  travers ses ressortissants dans la région, a été attaquée. Le Mali a fait appel à  la communauté internationale et demande un soutien. Nous devons le lui apporter, avec la Cedeao, avec l’Union africaine, avec l’Union européenne, avec les Nations unies, car la responsabilité première reviendra aux Africains. La France apportera un appui logistique. Mais à  sa place. C’est dans cet esprit que je conçois la résolution de la crise malienne. *** Chers amis, Je veux ici dire ma volonté de renouveler la relation entre la France et l’Afrique. Le temps de la Françafrique est révolu. Il y a la France et il y a l’Afrique. Il y a le partenariat entre la France et l’Afrique, avec des relations fondées sur le respect, la clarté et la solidarité. La clarté, c’est la simplicité dans nos rapports d’à‰tat à  à‰tat. Les émissaires, les intermédiaires et les officines trouvent désormais porte close à  la présidence de la République française comme dans les Ministères. La clarté, c’est dans la constitution du gouvernement d’avoir remplacé le ministère de la Coopération par celui du Développement auprès du Quai d’Orsay, indiquant ma conviction que nous devons affronter ensemble les grands défis de l’humanité, changements climatiques, pandémies et autres crises. Le respect, c’est la franchise. Elle doit être réciproque. Je ne céderai pas à  la tentation de la complaisance, et je n’en attends pas non plus en retour. Nous devons tout nous dire. Cette sincérité vaut en particulier pour le respect des valeurs fondamentales : la liberté des médias, l’indépendance de la justice, la protection des minorités. Car, sans à‰tat de droit, il ne peut y avoir de fonctionnement normal de l’à‰tat, ni d’investissement durable des entreprises, ni de société en paix. Nous devons enfin être particulièrement engagés dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Le respect, c’est une définition parfaitement claire de la présence militaire française en Afrique. Celle-ci ne pourra se poursuivre que dans un cadre légal et dans la transparence. Ainsi, l’accord de défense entre la France et le Sénégal a récemment été revu. Il sera rapidement ratifié dans nos deux pays. Il en sera de même partout, et ces accords ne contiendront plus de clauses secrètes. J’irai au bout de cette démarche. Je tire les enseignements des crises que nous avons à  affronter : un dispositif ne doit pas être figé, il doit s’adapter, et privilégier la réactivité plutôt qu’une présence statique. C’est dans cet esprit que sera définie la nouvelle politique de défense de la France. La solidarité, c’est le développement. L’Afrique subsaharienne est la première priorité de la politique de la France, puisqu’elle concentre plus de la moitié de notre effort budgétaire. Mon pays est particulièrement actif pour défendre les intérêts de l’Afrique dans les institutions multilatérales. Mais le partenariat franco-africain ne se réduit pas à  l’action des à‰tats. Il associe et associera aussi des entreprises de nombreuses collectivités territoriales françaises, des ONG, des associations de migrants, et tout le tissu vivant de nos sociétés civiles La solidarité, c’est l’introduction des financements innovants pour trouver de nouvelles ressources. Au niveau européen, une taxe sur les transactions financières sera bientôt en place avec onze pays. Pour la France, 10 pour cent au moins de son produit ira au développement et à  la lutte contre les pandémies qui meurtrissent votre continent : le paludisme, la tuberculose, le sida. La part de l’aide française allant aux ONG sera par ailleurs doublée. La solidarité, c’est le co-développement, qui ne peut être réduite à  la seule question migratoire. J’entends mettre fin à  ce paradoxe absurde, qui fait que la France dans un passé récent a trop souvent fermé la porte à  ceux-là  mêmes qui voulaient y créer des emplois, y développer les échanges, participer à  l’effort de recherche ou de création artistique ! Je souhaite que les procédures administratives soient simplifiées pour les étudiants, dès lors qu’ils sont motivés, talentueux, capables de subvenir à  leurs besoins, mais aussi pour les artistes et les créateurs. Votre ministre de la Culture, Youssou N’Dour m’a alerté. J’ai entendu son appel. La solidarité, c’est, enfin, la consolidation de la zone franc. Que l’on me comprenne bien, les monnaies communes à  l’Afrique de l’Ouest et à  l’Afrique centrale constituent un véritable atout, notamment en matière d’intégration régionale, et la stabilité monétaire est un avantage économique précieux. Mais je suis convaincu que les pays de la zone franc doivent pouvoir assurer de manière active la gestion de leurs monnaies et mobiliser davantage leurs réserves pour la croissance et l’emploi. Pour amplifier encore la croissance africaine, je veux aussi établir entre l’Europe et l’Afrique des relations commerciales plus équitables. Je considère que la position des pays africains dans la négociation des accords de partenariat économique n’a pas été assez prise en compte. Cette discussion s’est enlisée. Je suis favorable à  ce que nous la relancions sur de nouvelles bases, avec des conditions de calendrier et de contenu plus favorables pour les pays africains. Nous voulons permettre aux à‰tats africains de négocier de meilleurs contrats avec les multinationales étrangères, par exemple dans le secteur minier. C’est pourquoi la France mettra en place, avec la Banque mondiale, une facilité financière pour renforcer l’assistance juridique aux pays africains dans la négociation de leurs contrats. Il s’agit de permettre aux pays africains de percevoir un juste prix pour leurs ressources. Nous soutiendrons donc un renforcement de la réglementation européenne en faveur de la transparence des comptes des entreprises extractives. Une transparence réelle, avec des comptes publiés pays par pays, et projet par projet. Ici, au Sénégal, ces principes se traduisent par la volonté de la France d’être toujours à  vos côtés. C’est la raison pour laquelle la France a accordé en juillet dernier à  votre pays une aide budgétaire exceptionnelle de 130 millions d’euros, répondre aux urgences. Je sais aussi l’importance que vous accordez à  la jeunesse. Je partage pleinement cette priorité. Avec le président Sall, nous visiterons, cet après-midi, l’un des trois centres de formation professionnelle que l’Agence française de développement a récemment financés à  Dakar. La France soutiendra aussi la construction et la rénovation de collèges publics dans l’académie de Dakar. C’est par l’éducation, de l’école primaire à  la formation professionnelle, que les jeunes Africains pourront, à  leur tour, imaginer et construire l’Afrique de demain. Ce faisant, nous construisons aussi la Francophonie de demain. Communauté de langue, d’initiatives et de valeurs promises à  un grand avenir. Cet investissement humain devra être complété d’un investissement dans les infrastructures, dont l’état actuel constitue un frein au développement durable du continent africain. Votre croissance est d’abord celle de vos villes. Mais je suis conscient que votre pays a l’ambition, comme beaucoup d’autres, d’assurer un développement inclusif, qui ne laisse pas de côté ses campagnes. Il existe dans le domaine agricole de grandes marges de productivité. Partout en Afrique, et évidemment ici aussi au Sénégal, nous serons avec vous pour réduire la dépendance aux importations de produits alimentaires, afin que les Africains puissent nourrir les Africains. *** Mesdames et messieurs, chers amis Je remercie le Sénégal pour la chaleur de son accueil. Il me touche et m’encourage à  penser que nous avons encore tant à  faire ensemble. Pour nos pays et pour l’Afrique. Une grande histoire commune nous lie. Il nous revient maintenant d’écrire un nouveau récit, celui de notre avenir. C’est « épaule contre épaule », pour reprendre les mots donnés par Senghor à  votre hymne national que la France et l’Afrique avanceront ensemble. Vive le Sénégal. Vive la France. Vive l’amitié entre le Sénégal et la France.

Hollande à Dakar : « Le temps de la Françafrique est révolu »

« Les trois premiers présidents sénégalais ont su, dans leur diversité, transmettre le flambeau à  leur successeur, permettant à  votre pays de réussir des alternances sans déchirement », leur a-t-il dit, lors d’un discours prononcé à  l’Assemblée nationale. « Le temps de la Françafrique est révolu : il y a la France, il y a l’Afrique, il y a le partenariat entre la France et l’Afrique, avec des relations fondées sur le respect, la clarté et la solidarité », a-t-il ajouté. François Hollande a prôné « la sincérité » dans les relations avec les Africains, avec lesquels on peut tout se dire. « Je ne suis pas venu en Afrique pour imposer un exemple, ni pour délivrer des leçons de morale. Je considère les Africains comme des partenaires et des amis. L’amitié crée des devoirs, le premier d’entre eux est la sincérité. Nous devons tout nous dire, sans ingérence mais avec exigence », a affirmé M. Hollande. L’AFRIQUE « VA DEVENIR UN GRAND CONTINENT à‰MERGENT » Plus tôt dans la journée, à  Dakar, lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue, Macky Sall, M. Hollande a exprimé sa « grande confiance dans l’avenir du Sénégal et de l’Afrique », qui, selon lui, « va devenir un grand continent émergent ». S’adressant à  M. Sall, élu en mars face à  Abdoulaye Wade, battu après avoir dirigé le Sénégal pendant douze ans, il a affirmé : « Vous êtes un exemple de transition réussie. » Arrivé en fin de matinée au Sénégal, sa première visite en Afrique depuis son élection, en mai, M. Hollande a noté que « de l’aéroport jusqu’à  Dakar, nous avons été suivis par une foule innombrable, c’est toute la France qui se sentait accueillie, fêtée ». « Je voulais être au Sénégal avant de me rendre à  Kinshasa pour le sommet de la francophonie », samedi, a-t-il affirmé. « UN GRAND CONTINENT à‰MERGENT » M. Hollande a qualifié sa rencontre avec M. Sall d' »importante, parce que entre le Sénégal et la France c’est une histoire, une langue, une culture que nous partageons, mais au-delà  de l’histoire, de la langue qui nous unit depuis si longtemps, au-delà  des personnalités, ce qui nous rassemble aujourd’hui c’est l’avenir ». « L’Afrique est un grand continent qui va devenir aujourd’hui un grand continent émergent », a-t-il dit, et « la France sera au rendez-vous ». « Il ne s’agit pas de générosité, il s’agit de solidarité et de compréhension de ce qu’est l’avenir du Sénégal et du continent », a affirmé M. Hollande. Le président Macky Sall a pour sa part noté que « dans les relations entre Etats, chaque acte posé est un signal qu’il convient de décrypter pour en saisir le sens et la portée ». Et selon lui, que François Hollande ait « consacré au Sénégal sa première visite en Afrique est un geste d’amitié et de style ».

France-Afrique : la rupture ?

La présence du chef de l’Etat ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, en France le jour de l’élection présidentielle, le 6 mai dernier, pour une visite d’Etat et celle du candidat socialiste sénégalais au siège du Parti Socialiste le soir de la victoire de François Hollande, témoignent de la nature des rapports entre la France et les pays africains, notamment ses ex-colonies. Battu ce soir du 6 mai, le président sortant Nicolas Sarkozy était le candidat mal-aimé des Africains. Cependant, faut-il se réjouir de ce retour de la gauche au pouvoir? Aucun changement fondamental ! Pour Dr Etienne Oumar Sissoko, la réponse C’’est oui, si on est homme de gauche. Pour ce professeur d’économie à  l’Université internationale « Sup-Management » de Bamako, la nouvelle fait plaisir, car il consacre « la fin d’une politique catastrophique qui a régné pendant cinq ans ». Cependant, prévient l’universitaire, il ne faut pas céder à  l’euphorie. Car, dit-il, pour l’Afrique, un Français en vaut un autre, et sera préoccupé par la sauvegarde des intérêts français en Afrique. « Que les Africains ne se fassent pas d’illusions, cette politique ne changera absolument rien aux politiques françaises en Afrique et ne contribuera nullement à  améliorer les conditions de vie des Africains, ni même amorcer un processus de développement », nous déclare le Dr Sissoko. « Il ne sera donc pas étonnant de voir que la libération des Français détenus au nord Mali soit plus au centre des débats, coté français, que la libération du nord de notre pays et le recouvrement de notre souveraineté », tranche l’économiste qui ajoute que les Africains, surtout de l’Afrique subsaharienne, doivent être très attentifs aux orientations que le nouveau Président donnera à  sa politique vis-à -vis des pays africains. « Hollande est élu pour les Français, et non pour les Africains ! » Beaucoup d’Africains reprochent à  Sarkozy son comportement vis-à -vis du continent. Et le tollé suscité par les déclarations de Dakar, faisant croire que « l’Afrique n’a pas d’histoire » a ajouté à  la colère des ex-colonies. Pour d’autres, C’’est la pilule du durcissement des conditions d’immigration qui ne passe pas. En général, C’’est surtout « le style Sarkozy agace. Et si Hollande veut se démarquer, il doit d’abord supprimer la cellule Afrique de l’Elysée. On doit refonder les relations entre l’Afrique et la France. Le problème sous Sarkozy C’’est une politique à  géométrie variable. Et cela a été perceptible au Niger avec Tandia, au Cameroun avec Paul Biya, en République démocratique du Congo avec la réélection de Joseph Kabila, en Libye sous Kadhafi, etc. », analyse un conseiller d’un ministère sous le couvert de l’anonymat. Mais notre interlocuteur est formel : « Hollande est élu par et pour le français et non pour les Maliens ». Un visage humain à  l’immigration Si cet avis est largement partagé par de nombreux observateurs, ils attendent du nouveau président français « une coopération normale entre la France et l’Afrique basée sur le principe de respect des Droits de l’homme ». En ce sens, expliquent-ils, il doit donner un visage humain à  notre coopération notamment dans le domaine de l’immigration en renonçant à  la politique d’ « immigration choisie » de son successeur. « Le tout nouveau président a bien les moyens de le faire, car l’Afrique compte pour lui et il comptera pour l’Afrique s’il parvient à  recoller un continent divisé et déstabilisé par Sarkozy », martèle un ancien expulsé de France, aujourd’hui militant de l’Association malienne des expulsés (AME). La fin du supposé soutien français au MNLA Adama Coulibaly, spécialiste en sciences politiques (ancien étudiant de la Sorbonne à  Paris), s’attarde lui sur l’implication de la France dans la crise au nord du Mali. Selon lui, parmi les aspects de la coopération Afrique–France qui vont changer, il y aura la fin du «soutien au Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) dont les responsables ont été reçus en grande pompe par Sarkozy ». Ce qui va aussi changer, ce sont les conditionnalités démocratiques dans les Etats africains. « Hollande, comme l’a fait Mitterrand, va sans doute se montrer plus exigeant envers les démocraties africaines avant de les soutenir », analyse-t-il. Pour cet assistant parlementaire à  l’Assemblé nationale, « l’Aide publique au développement allouée par la France, devrait augmenter, notamment en direction du Mali, dans le cadre du programme socialiste de lutte contre l’immigration. « Je crois que Hollande va mettre l’accent les aspects du développement local. Car cela va constituer une réponse à  l’immigration, en permettant de fixer le potentiel migratoire », conclut notre interlocuteur.

Affaire Bourgi : les « mallettes à fric » de la Françafrique !

Fini la françafrique ? On la croyait définitivement enterrée avec l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy en 2007 et qui prônait la fameuse «Â rupture », or il se trouve que les financements occultes de campagnes électorales refont surface surtout quant l’argent vient d’Afrique pour maintenir au pouvoir «Â  nos amis français ». Il s’agit notamment de Jacques Chirac, Dominique de Vilepin, alors Secrétaire Général de l’Elysée ou encore d’Edouard Balladur. l’argent, on le sait, est venu de plusieurs pays d’Afrique comme le Zaire de Mobutu, le Gabon d’Omar Bongo ou encore le Burkina Faso, le Sénégal et le Congo etC’…. Les dirigeants de ces pays, ont ainsi déversé de grosses sommes d’argent, en liquide, à  destination de Dominique de Villepin et de Jacques Chirac, aujourd’hui mis en cause par l’avocat franco-libanais Robert Bourgi. Ce dernier dénonce des transferts faramineux d’argent à  destination de ces hommes politiques français dans une interview au Journaldu dimanche (JDD) : « j’évalue à  20 M$ ce que j’ai remis à  Jacques Chirac et Dominique de Villepin ». l’avocat dit avoir agir en son nom propre et sous aucune espèce de pression. Et pour se protéger, il se met à  disposition de la justice, malgré le fait qu’il n’existe aucune preuve matérielle de ces allégations: « J’ai agi en mon nom personnel. Personne ne m’a dicté cette interview », a déclaré Bourgi sur les ondes françaises. Pourtant, Bourgi ne dit rien sur Nicolas Sarkozy dont il est proche. Qu’est-ce qui a bien pu motiver l’avocat, et qui se réclame l’héritier de Jacques Foccart, le Monsieur Afrique de l’ère Mitterrand, à  faire ces révélations, mettant en cause les politiques français ? :  » Je suis un repenti… », et de poursuivre, « J’ai assisté M. Foccart dans cette partie que je qualifie de côté obscur de la Françafrique jusqu’à  son départ en 1997. Et de 1997 à  2005, j’ai géré ce côté obscur de la Françafrique, a déclaré l’avocat franco-libanais. Robert Bourgi sert sur un plateau à  l’opinion publique française, à  la classe politique française, ce que tous les journalistes cherchaient à  savoir. Montée au créneau Pour corroborer ces accusations qui choquent la classe politique française et l’opinion, les déclarations de Mamadou Coulibaly, président de l’Assemblée Nationale Ivoirienne, et jadis proche de Laurent Gbagbo, viennent ajouter du piment à  l’affaire « Robert Bourgi a parfaitement raison, il y a eu un transfert d’argent entre Laurent Gbagbo et Jacques Chirac, en 2002 », a ainsi déclaré l’homme politique, faisant état « d’environ deux milliards de francs CFA (environ trois millions d’euros) transportés d’Abidjan vers Paris par valise » . Nul doute que l’ouvrage de Pierre Péan, à  paraà®tre bientôt et intitulé La République des Mallettes, regorge de détails savoureux de cette ère pour le moins obscure… Chirac et Villepin portent plainte Déjà  mis en cause dans l’affaire Clearstream, Jacques Chirac et Dominique de Villepin, dont les ambitions présidentielles sont une fois de plus menacées, portent plainte contre Robert Bourgi : «Â Les accusations qu’il porte sont graves, scandaleuses, détaillées comme tous les mauvais polars et C’’est pour cela que comme Jacques Chirac, je porterai plainte contre lui », a souligné De Villepin, écoeuré par ce qu’il appelle un Contre feu à  l’Affaire Clearstream o๠de nouveaux éléments pourraient le blanchir. Tentative de manipulation, ou campagne de discrédit, faut-il voir dans ces nouvelles révélations de l‘avocat, la main de Sarkozy contre ses rivaux potentiels dans l’optique des échéances présidentielles de 2012 ?Mais Bourgi révèle aussi qu’Omar Bongo aurait effectué des transferts d’argent à  destinations de Chirac et… de Nicolas Sarkozy lors de la campagne de 2007. Alors, la Françafrique, C’’est vraiment du passé ou bien ? Affaire à  suivreÂ