Oumar KEITA : « Face au djihadisme, la présence de bases militaires occidentales est souhaitable »

Face à  l’ampleur du phénomène, une présence de bases militaires occidentales est souhaitable pour renforcer la coopération en matière de sécurité et de renseignement, pour construire des réponses régionales, continentales et internationales concertées et coordonnées. l’opération « Serval » a été vécue comme un soulagement par beaucoup de maliens. La situation de la région de Kidal, o๠il paraà®t compliqué de désarmer le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), est différente de celle de Tombouctou, Gao et Menaka, dont la libération n’a pas conduit à  une sécurisation totale de leur espace. Les derniers évènements le prouvent : une victoire militaire définitive est extrêmement difficile dans une guerre asymétrique. La lutte contre le terrorisme se joue au-delà  de la dimension militaire, sur les plans politique, social et économique. l’armée malienne seule n’est pas encore suffisamment restructurée et équipée pour contrer le retour des islamistes. La signature d’un accord de défense entre Bamako et Paris doit donner un cadre juridique à  la prolongation de sa présence militaire dans la zone sahélo-saharienne qui couvre une superficie d’environ 8 millions de km², soit75% du territoire malien. Cet accord de défense avec la France, permettra de réformer l’armée malienne. Ce n’est pas un accord de défense à  l’ancienne, comme on pouvait en produire la Françafrique, mais un accord de coopération, tout comme nous en avons en matière d’agriculture, d’éducation, de santé… Il n’y a rien de secret dans cet accord, dont la signature, initialement prévue le 25 mai, a été reportée en raison des récents événements. Les mouvements djihadistes chercheront toujours à  fragmenter les sociétés. Face à  ce projet de division, il faut fédérer les populations et refuser tout amalgame entre djihadisme et islam Face à  ce projet de division, il faut fédérer les populations, refuser tout amalgame entre djihadisme et islam et reprendre l’initiative politique pour résoudre par la voie du dialogue les conflictualités locales souvent instrumentalisées.

Présence française au Mali : « Nous n’allons pas partir comme des voleurs »

L’opération militaire en cours, sur la boucle du Niger, vise-t-elle à  répondre aux récents attentats-suicides ? Général Marc Foucaud : L’opération en cours est complexe car elle est menée pour la première fois avec l’ensemble des forces alliées, française, malienne et africaines. Elle est planifiée depuis longtemps. Depuis la fin de « Serval 1 » et nos actions dans l’Adrar des Ifoghas [nord-est du Mali], nous ne cessons de mener des opérations pour affaiblir les réseaux djihadistes et leur logistique. Nous leur donnons des coups. Nous avons récupéré beaucoup de munitions. Nous assistons à  une série [d’attaques], qui correspond vraisemblablement à  une campagne orchestrée. Nous savons que le seul moyen pour ces terroristes d’exister, ce sont les actions asymétriques, bien relayées par des médias. Comment évaluez-vous la situation sécuritaire ? Les groupes terroristes ne sont plus capables de mener des actions coordonnées d’envergure. Al-Qaida au Maghreb islamique essaie de trouver actuellement des armes sur le marché local malien, mais aussi dans le sud de la Libye, qui constitue une zone grise, par la route du nord du Niger. Il faut que l’armée malienne puisse maintenant frapper cette ligne logistique. Mais il ne faut pas surestimer la capacité des groupes armés à  revenir à  la situation antérieure à  l’intervention militaire française. Les chefs djihadistes sont en cavale, ils changent de lieu toutes les quarante-huit heures et se terrent. Et à  Kidal ? La situation au nord du Mali relève d’une problématique particulière qui n’est pas nouvelle mais fondamentale, celle des relations entre le gouvernement et les Touareg. S’il n’y a pas d’accord signé entre ces parties, nous allons repartir quelques mois en arrière. La situation est très tendue, assez explosive sur Kidal : les Touareg, les mouvements signataires de l’accord de Ouagadougou [en juin], et l’armée malienne se font face à  quelques centaines de mètres. Sur la route transsaharienne, à  la frontière avec l’Algérie, passe tout le commerce qui alimente le nord du Mali. Celui qui tient In Khalil est le maà®tre. Or, le Mouvement national de libération de l’Azawad a repris ce point des mains du Mouvement arabe de l’Azawad, et il y a une lutte entre ces groupes signataires de Ouagadougou. A Kidal, nous, avec la Minusma (Mission des Nations unies au Mali), jouons les pompiers. Nos soldats prennent des risques. On ne souhaite pas être une force d’interposition, mais on ne veut pas d’escalade car il faut une sortie politique, la seule possible. Nous faisons donc tout pour faire baisser la pression, notre souci est d’éviter l’engrenage. Il faut régler le problème touareg, qui mobilise l’énergie du gouvernement malien, pour que le pays se concentre sur ses vrais ennemis : les terroristes djihadistes. Quel rôle va jouer maintenant la force française ? Une présence militaire et un mouvement permanent d’opérations sont nécessaires, car si on ne l’entretient pas, les groupes terroristes se réorganisent. Pour cela, nous ne pouvons tout faire seuls dans la durée, il faut laisser la place à  d’autres. Après la phase cinétique de « Serval 1 », nous sommes dans une phase de stabilisation, o๠la dimension politique est primordiale. « Serval » compte actuellement 2 900 hommes. Les effectifs devraient baisser à  2 000 fin décembre, après les élections législatives dans le pays. La force va se concentrer. Mais pour la suite, notre présence dépendra de l’accord de défense en cours de discussion entre la France et le Mali, ainsi que de la nouvelle maquette générale de la présence française en Afrique, qui n’est pas encore arrêtée. Nous n’allons pas partir comme des voleurs. Nous aiderons les Maliens à  monter en puissance. Et nous chercherons une cohérence dans la bande sahélienne. L’affaiblissement des groupes terroristes concerne toute la région, il faut qu’elle soit prise en compte avec les Etats voisins. La Minusma peine à  atteindre les effectifs nécessaires et l’armée malienne repart de zéro : pourront-elles prendre le relais ? Dans chaque bataillon de la Minusma, nous avons un détachement de liaison et d’appui, capable de fournir des capacités médicales, de génie, d’ouverture d’itinéraires, de contrôle aérien. Nous resterons une force de réaction rapide au Mali, en appui de la Minusma. La mission de celle-ci est d’assurer la sécurité de la population, pas d’attaquer les groupes armés terroristes. Les forces armées maliennes sont à  reconstruire. Elles sont capables de faire du bon travail et y mettent beaucoup de C’œur. Il reste beaucoup à  faire, bien sûr. La Mission européenne de formation de l’armée malienne (EUTM) forme un troisième bataillon. L’enjeu est de former quatre bataillons supplémentaires. Il faut vraiment regarder d’o๠l’on vient pour mesurer les progrès réalisés.

Mali : les héroïnes d’une guerre invisible

Elles représentent seulement 4% des militaires déployés au Mali. Sur le terrain, les soldates ont vécu une guerre bien loin des conflits dépeints dans les films, ne côtoyant souvent aucun mort ni ennemi. Janvier 2013, les premiers soldats débarquent au Mali. A bord de son avion transall, Adèle transporte une cinquantaine de militaires. « C’’était le premier à  se poser sur Gao, il y avait beaucoup d’effervescence pour préparer cette mission. Je m’attendais à  voir des soldats postés partout », se souvient la jeune femme de 28 ans. Elle ne restera que dix minutes au sol, assez pour ressentir une légère montée d’adrénaline. Parmi les 150 femmes déployées sur place, Christelle, commando de l’armée de l’air, s’apprête à  passer quatre mois avec treize kilos d’équipements sur le dos, dans un pays o๠la température peut atteindre 60 °C au soleil. Sur place, elle découvre un territoire inconnu, deux fois grand comme la France, en partie recouvert par le désert. Dans cet environnement, difficile de repérer l’ennemi. «Je préfère être à  ma place que sur le sol» l’ennemi, la pilote Adèle ne l’a jamais vu. Malgré tout, le danger est palpable. « La plus grande menace, ce sont des manpads, des armes qui peuvent nous viser et toucher notre avion », nous confie-t-elle. Navigatrice sur avion de chasse (c’est-à -dire qu’elle se trouve à  l’arrière de l’avion), Marjorie a notamment pour mission de tirer sur des bases terroristes. Des ennemis qu’elle ne voit jamais, mais dont la présence lui est signalée par les soldats au sol. « Au début il y a eu beaucoup de tirs, puis ça s’est calmé au fil du temps. Dans les montagnes de l’Adras des Ifoghas (au nord), c’est beaucoup moins facile de repérer les terroristes, car il y a beaucoup de grottes, des endroits o๠ils se cachent », nous explique-t-elle. Les deux pilotes s’accordent en tout cas sur un point : elles préfèrent être dans les airs qu’au sol, o๠le danger semble plus présent. « On ne fait pas exactement la même guerre, vu qu’on est en l’air, on est plus loin des conflits », reconnaà®t Marjorie. « Les airs, c’est notre environnement, on monte dans un avion comme on pourrait monter dans une voiture, on se sent protégée », précise Adèle. « Le risque zéro n’existe pas, on y pense toujours » Ce conflit, Mélanie l’a vécu les pieds bien ancrés sur terre. Infirmière basée près de l’aéroport de Bamako, elle reconnaà®t que « la plupart des journées, il y a beaucoup d’attente. Mais il faut être disponible 24 heures sur 24 ». En à  peine deux mois passés au Mali, elle n’a soigné qu’un seul blessé grave, un soldat français touché par un explosif suite à  une erreur de manipulation. Hormis cet accident, l’essentiel de son travail consiste à  prendre en charge les soldats victimes de coups de chaleur. Christelle, elle, était membre d’un groupe commando de l’armée de l’air déployé dans une zone de 30 km2 autour de Bamako. Sur terre, le principal danger est lié aux IED, ces bombes artisanales qui se déclenchent à  distance. « On a toujours cette adrénaline quand on sort. Le risque zéro n’existe pas, on y pense toujours », témoigne-t-elle. Cette peur sournoise, les Maliens qu’elle a rencontrés la ressentent au quotidien. « Ils ont peur que l’on vienne les attaquer, les violenter. Le conflit aurait pu gagner Bamako, ces peurs étaient fondées », assure-t-elle. Environ un mois après le début de l’opération Serval, Christelle a enfin vu l’ennemi. Ce jour-là , son chef de groupe a reçu un appel lui signalant que des villageois avaient arrêté un djihadiste. Le suspect « était entouré de tout le village et de gendarmes maliens qui nous attendaient », se rappelle-t-elle. Elle décrit un homme « seul, armé, barbu et amaigri, avec une kalachnikov et plein d’argent dans les poches ». Pendant que les « costauds » de son groupe se sont chargés de l’arrêter, la commando est restée à  distance, dans son véhicule. Au total, durant les quatre mois qu’aura duré sa mission, trois djihadistes isolés auront été arrêtés. Des contacts limités avec la population Pour repérer les terroristes autour de Bamako, Christelle était chargée de collecter des informations auprès des villageois. Après dix ans passés dans l’armée, elle a été surprise de l’accueil qui lui a été réservé. « Vous voyez la Coupe du monde 98 ? Et bien c’est pareil ! Dans le village, les habitants sont contents de voir la France, ils sont soulagés, dorment mieux. (….) », commente-t-elle. Un accueil enthousiaste que ses camarades auraient bien aimé rencontrer. « Je suis sortie de la base quelques fois, mais c’était extrêmement rare. C’’est un petit peu frustrant, mais c’est la mission qui veut ça », regrette Mélanie, l’infirmière. En dehors de ses vols, Adèle ne quittait pas non plus l’aéroport o๠elle croisait parfois quelques militaires maliens. Un contact qui se résumait souvent à  l’effet de surprise suscité par la présence d’une jeune femme parmi les militaires. « J’aurais pu être échangée contre quatre chameaux, j’ai essayé de négocier à  cinq », plaisante la pilote. « Ils voulaient me prendre en photo parce qu’une petite blonde aux yeux bleus qui part dans un avion, ce n’est pas banal », renchérit Marjorie. Le sas de décompression, cet « endroit paradisiaque » Le retour en France peut parfois se révéler brutal. « Les problèmes du quotidien nous paraissent ridicules, constate Marjorie. On se dit que les gens sont déconnectés, qu’ils ne se rendent pas compte de ce qui se passe ailleurs. » Après quatre mois de mission, Christelle a saisi l’opportunité de passer trois jours à  Chypre, le sas de décompression de l’armée. « C’’est un endroit paradisiaque, cela permet de se relaxer, de parler à  des psychologues, de profiter de la mer et de la piscine », nous confie la commando. « Si j’étais rentrée direct, j’aurais été énervée, fatiguée, alors que là  ma famille m’a dit : “On pensait te voir pire !” » De retour en France, toutes gardent un regard sur l’évolution de la situation du Mali. En tant que militaires, elles n’ont pas l’autorisation de commenter le conflit. Mais si François Hollande a annoncé le 31 mai dernier que l’objectif de libérer le Mali de l’emprise des terroristes « a été atteint militairement et pratiquement » la Grande Muette a un avis plus réservé : « Ils ont repoussé le terrorisme, ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe plus. »

Le récit d’une bataille entre Français et djihadistes

En ce lundi matin, Gao se méfie encore. La veille, une poignée de djihadistes, entre quatre et six hommes bien armés, se sont infiltrés dans la cité du Nord-Est malien. Il aura fallu plus de quatre heures et un mort à  l’armée malienne pour réduire cette petite bande de combattants suicidaires qui fuyait de maison en maison, mitraillant tout sur son passage. Le Mujao (Mouvement unicité et jihad en Afrique de l’Ouest), le groupe islamiste qui occupait Gao jusqu’à  l’intervention française, signait là  sa troisième incursion urbaine. Alors que, dans le grand nord, dans l’adrar des Iforas, Aqmi a mis un genou à  terre sous les coups des troupes françaises, Gao et sa région deviennent la priorité sécuritaire des officiers. La zone, o๠stationne un millier d’hommes, est renforcée. «La stratégie du Mujao est différente de celle d’Aqmi. Al-Qaida avait choisi, au moins au début, une confrontation frontale avec nous. Le Mujao lui a opté pour une guerre asymétrique, une guerre de harcèlement et de guérilla», souligne le général Bernard Barrera, le chef des opérations au Mali. à€ Gao et dans les villages des alentours, profitant des cachettes offertes par les arbres de cette brousse sèche, le Mujao n’a jamais vraiment lâché prise. Depuis la fin février, les accrochages s’y multiplient, presque quotidiens, autour de Bourem, Djebok ou Gao. Chaque fois l’histoire est la même: un groupe de quelques djihadistes est débusqué puis «traité». Mais rien jusqu’alors n’avait vraiment préparé les militaires français à  la bataille Imènas. «C’était un scénario qui avait été planifié», reprend le colonel Bruno Bert. Le 1er mars, à  la tête d’une colonne de 200 hommes et de 16 blindés du 92e régiment d’infanterie (RI) de Clermont-Ferrand, appuyés par autant de soldats maliens, l’officier s’approche d’Imènas à  l’aube. Trois jours que la troupe ratisse la région, dans un calme relatif. Imènas est le dernier objectif. Ce gros village, signalé par les renseignements comme un possible site de transit de l’ennemi, doit être fouillé. Quelques djihadistes, surpris, tentent une vague résistance, puis préfèrent fuir. Le plan est mis en place: le capitaine Jean-Baptiste place ses véhicules pour assiéger la bourgade et l’armée malienne entreprend de visiter les maisons. Imènas se révèle sans grand intérêt. «La population était très calme, tout se passait bien», souligne le capitaine. Avant le départ, les militaires se décident néanmoins à  vérifier les alentours, une forêt touffue, d’aspect innocent sous la chaleur. La section envoyée pour cette mission n’atteindra pas le sous-bois. «Ils ont tout de suite été pris sous un feu extrêmement intense et violent», rapporte le colonel Bert. Des dizaines de Gad («Groupe armé djihadiste» dans le jargon français) se ruent hors du couvert, kalachnikov en mains. Plusieurs roquettes RPG7 frôlent les blindés. Pris de court, les Français manœuvrent à  la hâte. Le QG mobile, un transport de troupes blindé, est presque submergé par l’ennemi. Pour se dégager, la mitrailleuse 25 mm crache sur l’ennemi à  moins de 20 mètres. Les fantassins prennent position comme ils le peuvent, vidant leurs chargeurs. Même les officiers doivent prendre leurs pistolets et tirer. «C’était très dur», commente le capitaine. «On les voyait dans les yeux.» La colonne française finit par se réorganiser, et prendre deux petites hauteurs qui surplombent ce qui devenu un champ de bataille. «Il nous fallait garder l’initiative pour ne pas subir», expliquer le jeune officier. Des hélicoptères sont dépêchés sur place, pour pilonner les arrières du Mujao et le priver de tout espoir d’obtenir des renforts ou de se réapprovisionner. Le combat durera toute la journée. Par deux fois au moins, les djihadistes relanceront des assauts insensés. Les vagues s’approchent parfois à  moins de dix mètres des fantassins français, qui encore et encore ouvrent un feu nourri. Caches d’armes dans la forêt à€ ces souvenirs, le regard des soldats, les plus jeunes d’abord, se perd un peu. «Ils étaient juste là . Les têtes éclataient comme des melons», décrit l’un. Ce combat de près, qui n’a rien de virtuel, va laisser des traces. Les Maliens, moins armés moins protégés que leurs homologues français, sont eux aussi violemment engagés. «On tirait, on tirait et ils revenaient encore. J’avais pris 100 balles et j’ai tout utilisé», se rappelle le soldat Ousman, qui n’en revient pas. L’ennemi espérait profiter de la relative faiblesse malienne pour briser l’offensive. «Les djihadistes n’étaient pas du tout désorganisés. Ce n’était pas du suicide. Ils bougeaient. Ils ont tenté à  plusieurs reprises de nous contourner tant par la droite que par la gauche. Ils ont combattu», analyse le colonel Bert. Ce n’est que le soir tombant que la fusillade cesse. Le bilan côté franco-malien est vierge. «Un vrai miracle. Le fruit de l’entraà®nement sans doute», assure un deuxième classe. Toute la nuit, le 92e RI veille. Aux premières lueurs, les forces coalisées lancent l’attaque. Cette fois, le bois tombe sans mal. Profitant de l’obscurité, les djihadistes ont fui. Sous les arbres les Français retrouvent 51 corps abandonnés. Seuls les blessés ont été emmenés par les islamistes. Combien étaient-ils au plus fort de cette bataille? «Vraisemblablement pas moins d’une centaine», estime le colonel Bert. Au moins le double, selon un responsable des renseignements. Le mystère des effectifs restera entier. La visite, serrée et tendue, des taillis d’Imènas lèvera en revanche celui de la motivation des djihadistes. Sous des bâches et branchages, dans des trous, on découvre des dizaines de caches d’armes de tous calibres. Des postes de combats bien préparés sont aussi mis au jour. Un arsenal qui n’étonne pas les officiers français. Fondus dans la population «C’est leur stratégie. Ils cachent leurs armes et vont les chercher quand ils veulent», rappelle le colonel Bert. Entre-temps, les islamistes se fondent dans la population, se muant en bergers ou en artisans. Comme en Afghanistan, l’ennemi peut donc être partout, n’ayant besoin que de quelques heures pour surgir ou se cacher à  nouveau. Chaque village peut être un jour un Imènas. Et difficile de savoir si, dans cette guérilla des plus classique, les civils sont les otages ou les complices du Mujao. «L’une des grandes différences entre la région de Gao et le reste du Mali, c’est qu’ici les islamistes ont réussi à  convaincre une partie des habitants du bien-fondé de leur thèse. Cela fait au moins une dizaine d’années que les salafistes se sont implantés avec succès», explique l’un des rares humanitaires à  être resté en ville au cours des derniers mois. Paris n’ignore rien de cette imprégnation. Les morts retrouvés sur le champ de bataille étaient tous de jeunes Noirs. Des gamins perdus recrutés sur place et qui forment aujourd’hui l’ossature du Mujao. Alors, même si après le choc d’Imènas le Mujao s’est fait nettement plus discret, les militaires se gardent bien de crier victoire.

Le Tchad, précieux allié de la France au Mali

Début février, dans le Gao tout juste libéré des forces islamistes, les soldats tchadiens restaient discrets. Tout juste voyait-on de temps à  autre un de leur pick-up sable monté d’une dizaine hommes puissamment armés, un chèche remonté jusqu’aux yeux. Sans doute cette avant-garde du plus puissant contingent étranger au Mali derrière l’armée française, avec quelque 2 000 militaires, savait-elle qu’elle ne resterait pas longtemps dans cette ville. L’objectif était déjà  le grand Nord, le combat au près contre les islamistes. Désormais, le gros des Fatim (Forces armées tchadiennes en intervention au Mali) s’engage au plus profond des montagnes de l’Adrar des Iforas, dans l’extrême nord-est du pays, o๠se sont retranchés des djihadistes. Le 22 février, au cours d’un engagement sérieux, les Fatim ont perdu 26 hommes, les plus grosses pertes des armées de la coalition. Les djihadistes auraient, selon les officiers tchadiens, perdu 96 personnes. Les conditions précises de cette bataille, comme le lieu, demeurent imprécises. «C’était un assaut d’une position pas une embuscade», précise-t-on simplement. Il démontre, dans tous les cas, l’utilité du soutien tchadien dans cette opération. Pour la France, l’entrée en guerre tchadienne fut, sinon une surprise, au moins une bonne nouvelle. Avant même l’ouverture des hostilités, et alors que la situation au Mali se détériorait, les militaires français plaidaient pour recevoir l’appui de ces troupes. «Dans cette partie du continent, l’armée tchadienne est la seule à  être suffisamment nombreuse, équipée et entraà®née pour être réellement efficace», souligne un officier français. Les armées ouest-africaines, engagées d’entrée aux côtés de l’à‰tat malien, souffrent en effet de graves lacunes logistiques et tactiques. L’expérience des Tchadiens dans les terrains désertiques rendait leur engagement plus précieux encore, tout comme leur habitude de se coordonner avec les Français. L’intervention des Fatim n’allait pourtant pas d’elle-même. Au Quai d’Orsay, des diplomates s’inquiétaient des conséquences que pourrait avoir une collaboration aussi proche entre Paris et le régime de N’Djamena, loin d’être un modèle de démocratie. Ils s’interrogeaient aussi sur les règles d’engagement des Tchadiens pas toujours très respectueuses des lois de la guerre édictées en Occident. La question semble s’être réglée lors d’une visite du président Déby à  l’à‰lysée le 5 décembre dernier et d’un long tête-à -tête entre François Hollande et son homologue. Paris a toujours nié avoir négocié. Mais N’Djamena n’a jamais caché son intention de régler à  cette occasion quelques dossiers en souffrance, notamment celui de L’Arche de Zoé. Une force autonome Seule certitude, le Tchad s’est très vite engagé après l’intervention «surprise» des Français, le 14 janvier. En masse. C’est l’élite des troupes tchadiennes qui a été déployée, notamment la garde présidentielle, pour la plupart des Zaghawas, le clan de Déby. Elles ont été placées sous le commandement du général Oumar Bikomo, mais surtout sous les ordres opérationnels du fils du président, le général Mahamat Déby. Leur intervention depuis le Niger, et non depuis Bamako, montre que les Tchadiens ne se sont pas vu confier une simple mission d’appui ou de soutien. «Les Tchadiens opèrent de leur côté, avec les Nigériens, sous le commandement de la coalition. Les Français et les Tchadiens ne se battent pas ensemble», assure-t-on à  Paris. L’armée française a simplement déployé un détachement de liaison d’une quinzaine d’hommes auprès du QG tchadien pour coordonner les efforts et régler les interventions aériennes. De son côté, le président tchadien trouve lui aussi matière à  se féliciter. Si, au Tchad, l’intervention est parfois critiquée, notamment après la bataille du 22 février, elle impressionne en Afrique. Idriss Déby a pu ainsi s’imposer comme un leader régional. Et c’est comme un leader qu’il a tancé ses pairs, le 27 février, lors d’un sommet de la Cédéao, les enjoignant à  «plus de célérité» dans le déploiement de leurs troupes.

Gao à nouveau sous le feu des djihadistes maliens

Le scénario tant redouté depuis l’attaque islamiste contre le commissariat de Gao, le 10 février dernier, s’est vérifié jeudi dans la capitale du nord du Mali. Des islamistes armés, infiltrés la nuit précédente, ont mené une attaque d’envergure contre des bâtiments publics. L’assaut confirme que le conflit dans cette partie du pays a basculé dans une guérilla urbaine. Les affrontements ont débuté après le franchissement en pirogue du fleuve Niger par des rebelles venus de villages voisins. Ponctués par des tirs à  l’arme lourde, ils ont éclaté vers 23 heures, mercredi soir, aux entrées nord et sud de Gao. Les islamistes armés sont parvenus malgré les tirs de barrage à  investir le centre-ville. «Nos troupes ont reçu l’ordre d’attaquer. Si l’ennemi est plus fort, nous allons reculer pour mieux revenir, jusqu’à  la libération de Gao», a assuré à  l’AFP Abu Walid Sahraoui, porte parole du Mouvement pour l’unicité pour le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). «Nous allons libérer la ville de tous les mécréants. Nous avons le plan de leurs domiciles, de leur lieu de cachette, de leurs complices». Le tribunal en feu Selon une source militaire malienne, une quarantaine de djihadistes particulièrement déterminés ont convergé jeudi à  7 heures du matin vers la place de la charia, la grande place de Gao baptisée ainsi durant les neuf mois de règne du Mujao. Certains étaient déguisés en femme. Ils ont incendié le palais de justice ainsi qu’une importante station d’essence. Le feu s’est propagé au marché central, dont une partie des stands a été détruite. Les rebelles ont en outre tenté de s’emparer de la mairie. L’immeuble des impôts et celui de l’assemblée régionale ont également été touchés par les combats. «Ca n’arrête pas de tirer depuis plusieurs heures. Il y a une épaisse fumée au-dessus des maisons. Les rues sont désertes, les gens sont terrés chez eux», témoignait au téléphone un habitant. Des militaires français basés à  l’aéroport international qui sert de quartier général à  la base avancée de l’opération Serval ont été dépêchés sur place. «Nos soldats participent aux combats mais des forces sont également positionnées dans divers secteurs dans le cadre d’un dispositif plus large. Deux hélicoptères Tigre survolent les lieux», précisait un officier français. Les soldats français et maliens ont ouvert le feu à  la mitrailleuse sur l’hôtel de ville pour déloger les combattants du Mujao. Six pick-ups de l’armée malienne, équipés de mitrailleuses lourdes, sont également intervenus. Dans une rue voisine, un véhicule des forces maliennes a été touché par un engin explosif. Les tirs très nourris témoignaient de l’intensité des combats mais aussi, semble-t-il, comme le 10 février, des difficultés des soldats maliens à  toucher les cibles visées. Ces derniers ont en tout cas cessé de reculer face aux islamistes lors des engagements. La bataille a duré près de huit heures puis a baissé d’un cran. Des tirs se faisaient toujours entendre à  la tombée du jour. Le bilan provisoire était d’au moins huit morts du côté des djihadistes. On dénombrait de nombreux blessés dans les rangs de l’armée malienne et parmi les civils atteints par des balles perdues. Long ratissage Les djihadistes qui ont quitté Gao sans combat voici plus d’un mois juste avant l’arrivée des forces franco-maliennes ont opté pour la stratégie du harcèlement. Leur parfaite connaissance du terrain leur permet de circuler clandestinement d’un point à  un autre. Les islamistes sont dispersés par petits groupes dans les localités des environs et dans des «poches» situées à  une centaine de kilomètres autour de la route menant de Gao à  Tombouctou. Les armées française et malienne ont commencé à  avancer dans cette direction. Elles se sont emparées le week-end dernier de Bourem et tentent de contrôler peu à  peu la région. Bourem est un carrefour de routes dont l’une mène plus au nord vers Kidal et le massif de l’Adrar des Igoghas. Le ratissage des zones parcourues par les djihadistes autour des grandes villes du nord s’annonce long et difficile. Il devrait se poursuivre pendant plus semaines. D’ici là , de nouveaux raids de rebelles contre Gao sont à  prévoir.

VIDEO : Pourquoi la France n’est pas près de partir du Mali

Depuis plus d’un mois, l’armée française est engagée au Mali dans l’opération Serval pour chasser les islamistes du nord du pays. Aujourd’hui, 4 000 soldats sont engagés aux côtés de l’armée malienne. Samedi 16 février, les forces françaises et maliennes ont pris le contrôle de Bourem, sur le fleuve Niger, un bastion des islamistes d’o๠était partie la semaine dernière une offensive contre Gao. Si le gouvernement a parlé d’une baisse des effectifs sur le terrain en mars, l’armée française ne semble pas sur le point de quitter le pays, pour au moins deux raisons. Tout d’abord, si les jihadistes ne sont plus regroupés dans les villes les plus importantes, il faut aller les déloger dans des villages plus petits, parmi la population. Ensuite, il faut retrouver les otages. A 500 kilomètres au nord de Gao, dans le massif des Ifoghas, l’armée française épaule les armées africaines qui ont commencé à  sillonner ces montagnes à  la recherche des Français retenus au Sahel. A l’aéroport de Gao, o๠les avions militaires se succèdent sur la piste d’atterrissage, l’analyse de Loà¯c de la Mornais, avec Annie Tribouard, envoyés spéciaux de France 2 au Mali.

Mali : ces nouvelles missions invisibles de l’armée française

Les photos exclusives que nous publions illustrent la guerre à  laquelle se préparaient les forces narco-djihadistes avant que les troupes françaises ne débarquent au Mali il y a six semaines. Ces clichés, pris à  Kona et à  Gao, ont permis aux services de renseignement de vérifier ce qu’ils savaient en partie. D’abord, que les djihadistes se préparaient à  des actions offensives sous la forme d’attentats pour accompagner ou conforter leur conquête du Sud malien. Mais également à  des actes de « résistance » en prévision d’une guerre asymétrique. Des explosifs en nombre (plus de 2 tonnes de matériel retrouvées à  Gao), des gilets pour kamikazes, des obus de 122 mm reliés entre eux pour exploser au passage d’un véhicule, des engins piégés de toutes sortes, dont un extincteur : « Nous avions là  des laboratoires de terrorisme, des écoles de guerre avec manuels d’apprentissage en arabe pour fabriquer des bombes, la preuve que les djihadistes voulaient bien transformer le pays en sanctuaire terroriste », confie une source au C’œur du dispositif de l’opération Serval. L’arsenal de guerre des djihadistes Est-ce à  dire que les Français vont devoir maintenant affronter une « afghanisation » de la guerre? Les moyens de l’ennemi y ressemblent, mais la grande différence tient au nombre et au terrain : en Afghanistan, les effectifs des groupes talibans et de leurs alliés djihadistes s’appuient sur une ethnie pachtoune fortement implantée dans l’est de l’Afghanistan et à  l’ouest du Pakistan. Au Mali, les « internationaux » des katibas islamistes n’ont jamais réussi à  « faire prendre la greffe » sur les populations locales, selon l’expression d’un diplomate au plus près du dossier sahélien. Quant aux Touareg, ils restent minoritaires au sein de la population du Nord. Orgues de Staline et signatures infrarouges D’après une carte de situation que le JDD a pu consulter, il n’en demeure pas moins que des poches de « résidus terroristes » subsistaient encore en fin de semaine dernière aux environs d’une dizaine de localités situées entre Tombouctou et Gao, notamment dans la région de Bourem. « Nos gars sont en chasse, dès qu’ils repèrent du mouvement ennemi, on leur tombe dessus de nuit ou à  l’aube », raconte une source bien placée. Selon nos informations, en périphérie de cette ville, les soldats français ont mis la main, vendredi soir, sur de l’armement lourd : une batterie d’orgues de Staline (lance-roquettes multiples) dont le véhicule de traction était déjà  reparti. « Ils communiquent très peu, bougent très peu, nos bombardements sur leurs bases logistiques arrière ont vraiment freiné leur mobilité », poursuit un officiel français. « Ils ont adopté les bonne vieilles techniques d’Al-Qaida sur la frontière pakistano-afghane », indique un spécialiste, comme de décaper les capots de leurs pickup ou poser des serviettes froides dessus pour limiter la signature infrarouge que captent les satellites. Les rares messages interceptés par les moyens du renseignement militaire français témoignent d’une volonté de « harceler » les troupes étrangères dans l’objectif de les « fixer ». « Lorsque l’un de nos avions ou de nos drones se fait entendre, ils coupent leurs radios HF », précise l’officiel français. Mais cette vigilante opération de sécurisation n’a pas empêché l’état-major des opérations de déployer environ un millier d’hommes plus au nord, dans une zone o๠se déroule une toute autre bataille. « Tourner autour pour aller les choper » Au nord de la ville de Kidal (15.000 habitants à  350 km au nord de Gao) et de deux autres localités (Tessalit et Aguelhok) les forces françaises et tchadiennes – près de 2.000 hommes en tout – ont entamé une opération de « ceinturage » du massif des Ifôghas. Dans cette zone montagneuse de plus de 250.000 km², les services de renseignement estiment qu’une partie des troupes d’Aqmi se sont repliées avec tout ou partie des 7 otages français. Les soldats veulent-ils pénétrer à  l’intérieur de cette zone au risque de s’y éparpiller? Ou bien empêcher les djihadistes de s’en échapper « On va aller voir à  quoi ça ressemble », confie l’une de nos sources. « l’idée est de tourner autour pour aller les choper », assure une autre. Au nord du massif se trouve la frontière algérienne. Selon nos informations, l’armée algérienne aurait massé d’importants moyens terrestres et aériens de surveillance entre ses postes frontières de In Khalil et de Tin Zaouatine distants de plus de 350 km. Les Algériens auraient même mené deux ou trois incursions en territoire malien. Pour la première fois depuis 1962, des lignes de contact ont été établies entre états-majors français et algérien pour s’échanger des informations sur toute activité mobile dans la région. Aux dires de certains responsables français, il est désormais acquis cependant qu’une partie des chefs d’Aqmi se soient d’ores et déjà  repliés dans le Sud libyen ou dans le désert tchadien. à€ Kidal, toujours tenu par le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), un diplomate français a commencé cette semaine une série d’entretiens avec des leaders locaux et des chefs de grandes tribus touareg. C’’est ce mouvement qui avait pourtant conquis le Nord-Mali au prix d’une alliance militaire avec les organisations islamistes armées d’Aqmi, du Mujao et d’Ansar Dine. Depuis, le MNLA s’est fait chasser par les djihadistes des grandes villes, s’est regroupé, a vu une partie de ses troupes rejoindre Ansar Dine, mais a gardé le contrôle de Kidal. Le diplomate Gilles Huberson travaillait à  Bamako depuis septembre dernier. Cet ancien gendarme saint-cyrien est un expert des questions de sécurité. Avec l’aide de la DGSE, son travail consiste à  favoriser le rapprochement entre le MNLA et le gouvernement malien. Premier succès : l’organisation touareg vient de publier un communiqué n° 52, daté du mercredi 13 février, qui renonce clairement à  ses revendications indépendantistes et réclame le retour des services publics maliens à  Kidal. « Le succès de nos opérations militaires dépend beaucoup d’une solution politique entre le Nord et le Sud », confie une source militaire de haut niveau. Le Premier ministre malien est attendu mardi à  Paris. Sous les lustres du Quai d’Orsay comme au fin fond du désert, se déroule une guerre invisible ou en coulisses prévue pour durer.

L’opération française au Mali a déjà coûté 30 millions d’euros

30 MILLIONS D’EUROS Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, a estimé, mercredi 23 janvier, à  environ « 30 millions d’euros » le coût de l’opération militaire française au Mali, douze jours après le début de l’engagement français. « On peut considérer que l’opération la plus coûteuse pour nous jusqu’à  présent a été l’opération logistique, le transport… », a-t-il déclaré lors de l’émission « Politiques », de France24-L’Express-RFI. « Lors de l’examen du budget de la défense, annuellement, il y a une somme qui est affectée à  ce qu’on appelle les ‘opex’, les opérations extérieures, d’un montant de 630 millions, qui sont à  disposition du ministre de la défense, du ministre des finances, lorsque des opérations sont menées. Donc nous ne sommes pas en situation de difficultés de trésorerie », a souligné le ministre. « Nous n’avons jamais imaginé une opération éclair. Tout ce que nous souhaitons c’est mettre en place les conditions pour que la Misma [Mission internationale de soutien au Mali] puisse remplir la mission qui lui a été confiée par les Nations unies », a aussi déclaré le ministre de la défense. Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a quant à  lui affirmé, mercredi devant l’Assemblée nationale, que la France allait « poursuivre son engagement, mais n’a pas vocation à  rester au Nord-Mali », soulignant, lui aussi, que Paris comptait sur la force ouest-africaine pour « prendre le relais » de son action. Alors que certaines interrogations ont commencé à  poindre sur un isolement de la France – engagée seule depuis le 11 janvier au côté de l’armée malienne pour stopper l’offensive de groupes islamistes armés et reconquérir le nord du Mali –, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a déclaré mercredi que tous les soutiens internationaux supplémentaires à  la guerre au Mali seraient « les bienvenus ». Le ministre a énuméré les participations logistiques des principaux pays européens – Grande-Bretagne, Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Italie –, mais aucun pays occidental ne s’est engagé à  participer sur le terrain. RENFORCEMENT DES EFFECTIFS La France a déjà  2 150 soldats sur le terrain et le nombre de militaires mobilisés pour l’opération « Serval » pourrait atteindre, voire dépasser, les 3 000 hommes. Les effectifs de la Misma, fixés à  3 300 hommes par la résolution 2085 du Conseil de sécurité, pourraient quant à  eux doubler, selon l’ambassadeur de Côte d’Ivoire aux Nations unies, Youssoufou Bamba. « Les capacités des groupes armés occupant le nord du Mali se sont révélées fortes, car ils étaient mieux équipés et entraà®nés que ce qui avait été anticipé, a relevé le secrétaire général adjoint pour les affaires politiques, Jeffrey Feltman. Il existe un consensus parmi les acteurs principaux réunis à  Bamako selon lequel le niveau de la force de la Misma (…) doit être revu à  la hausse. » Selon Youssoufou Bamba, dont le pays préside actuellement la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), les pays membres de la Cédéao mais aussi le Tchad, l’Afrique du Sud, le Rwanda, le Burundi ou la Tanzanie se sont engagés à  contribuer en effectifs ou matériel au déploiement de cette force africaine. SOUTIEN DE L’ONU ET DE L’UE Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a salué mardi l’intervention « courageuse » de la France au Mali, mais a souligné les risques pour les humanitaires et le personnel de l’Organisation des Nations unies sur place. M. Ban a réitéré ses craintes concernant les conséquences de l’opération pour les civils et les droits de l’homme. « Des organisations terroristes menacent le mode de vie du peuple malien, et même l’existence de l’Etat », ajoute-t-il. Selon l’ambassadeur français à  l’ONU, Gérard Araud, il y a vu « une véritable mobilisation de l’Afrique aux côtés de la France ». Il a aussi assuré que les Etats-Unis allaient « contribuer de manière substantielle » au financement de la Misma. Le chef de la diplomatie russe, Sergue௠Lavrov, a quant à  lui indiqué, mercredi, que Moscou avait proposé à  la France de prendre contact avec des entreprises privées russes de transport pour acheminer ses troupes. L’Union européenne « est très favorable aux actions de la France au Mali » et « veut jouer un rôle actif » pour résoudre la crise, a enfin assuré la représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères, Catherine Ashton. « D’ici quelques jours, 500 formateurs européens » seront au Mali pour participer à  la reconstruction de l’armée malienne, a souligné mercredi Laurent Fabius. L’UE a par ailleurs proposé d’organiser une réunion internationale sur le Mali le 5 février à  Bruxelles, avec l’Union africaine, la Cédéao et l’ONU. EXACTIONS MILITAIRES : LA FRANCE APPELLE à€ LA VIGILANCE Le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, a appelé mercredi l’encadrement de l’armée malienne à  être « extrêmement vigilant » envers les risques d’exactions, car leur « honneur est en cause ». Le président François Hollande « compte sur le sens des responsabilités des cadres de l’armée malienne pour éviter toute exaction », a-t-il déclaré à  France 24, RFI et L’Express. Mercredi, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) a accusé des soldats de l’armée malienne d’avoir perpétré « une série d’exécutions sommaires » dans l’ouest et le centre du Mali, et a réclamé la création « immédiate » d’une commission d’enquête indépendante. « La FIDH a pu établir qu’une série d’exécutions sommaires a été perpétrée par des éléments des forces armées maliennes, à  partir du 10 janvier, particulièrement à  Sévaré, Mopti, Nioro et d’autres localités situées dans les zones d’affrontements », a indiqué l’organisation de défense des droits de l’homme. Lors du sommet ouest-africain sur le Mali à  Abidjan, le président malien, Dioncounda Traoré, avait lui aussi mis en garde samedi contre d’éventuelles « exactions ». A Bamako, le chef d’état-major de l’armée malienne a promis, mardi, que « tout soldat qui commettra des exactions contre des population civiles sera immédiatement ramené du terrain et jugé par un tribunal militaire », mettant en particulier en garde contre des atteintes visant les « peaux blanches », comme on appelle Arabes et Touareg au Mali. Ceux-ci sont très largement majoritaires au sein des groupes islamistes armés. PREMIERS MOUVEMENTS D’UNITà‰S AFRICAINES VERS LE CENTRE Des unités africaines de la Misma « ont commencé » à  faire mouvement vers le centre du pays, a annoncé Laurent Fabius mercredi. « Il y a déjà  des forces qui sont arrivées à  Bamako. Un certain nombre de forces ont déjà  commencé à  monter vers des villes intermédiaires (Centre). Donc la Misma s’installe beaucoup plus vite que prévu », a-t-il déclaré à  l’Assemblée nationale. La veille, la France s’est attaquée directement à  Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), le plus important des trois groupes islamistes armés qui occupent le nord du Mali, en bombardant plusieurs cibles, dont « un centre de commandement des terroristes » près de Tombouctou. Le palais que Kadhafi s’était fait construire à  Tombouctou, utilisé par les islamistes, a été détruit par ces bombardements, selon des habitants et une source de sécurité malienne. Par ailleurs, Français et Maliens s’attelaient mercredi à  déminer et à  évacuer armes et munitions abandonnées par les islamistes dans les villes récemment reprises. FERMETURE DE L’AMBASSADE DU JAPON à€ BAMAKO Le Japon a décidé, mercredi 23 janvier, la fermeture temporaire de son ambassade à  Bamako, en raison de la dégradation des conditions de sécurité. « Le personnel continuera son travail à  partir de l’ambassade de France. Le personnel évacuera dès que les préparatifs seront achevés, soit vers le 27 janvier », explique le ministère des affaires étrangères. Le Japon est encore sous le choc de l’attaque d’islamistes armés contre un site gazier dans le Sud algérien, au cours de laquelle au moins sept employés japonais ont été tués, et trois sont toujours portés manquants. Les assaillants entendaient agir en représailles à  l’intervention militaire en cours au Mali voisin.

Polémique : Des « quotas » pour les joueurs binationaux en France

Le 8 novembre dernier, Laurent Blanc, sélectionneur de l’équipe de France, Erick Mombaerts, sélectionneur des espoirs, François Blaquart, Directeur Technique National, et Francis Smerecki, sélectionneur des moins de 20 ans se réunissent au siège de la Fédération Française de Football à  l’occasion d’une réunion interne pour évoquer les problèmes du football français dont notamment la formation et la question des joueurs binationaux. Au cours de la discussion, des propositions telles que l’instauration d’un quota pour limiter le nombre de joueurs binationaux ou encore le changement de politique au sein des centres de formation pour donner plus de chances aux joueurs techniques sont évoquées sans que leur application soit formellement énoncée. Six mois après, le site internet Médiapart publie un article dans lequel ils révèlent que la FFF veut mettre en place des quotas officieux pour les joueurs binationaux. Si Médiapart ne ment évidemment pas, ont-ils vraiment pris le temps de la réflexion sur ces sujets importants du football français ? Il est vrai que, sortis de leur contexte, les mots sont durs et ont sûrement dépassé la pensée des interlocuteurs. Mais on se doit de dissocier le fond et la forme. Si cette dernière est clairement maladroite, regrettable voire condamnable, le fond ne l’est pas et mérite une analyse un peu plus poussée. Le problème des joueurs bi-nationaux Ce sont des joueurs dont on finance la formation en France, des joueurs qui ont joué dans toutes les sélections françaises de jeunes et qui partent au dernier moment pour aller jouer avec leur nation d’origine. Qui peut donc dire qu’ils ont tort de soulever ce problème ? Prenons l’exemple de l’équipe de France espoirs. Mombaerts a dû mal à  construire une équipe entre ceux qui partent en équipe de France A et ceux qui partent dans une sélection étrangère. Il est donc logique qu’ils se sentent lésés. Certes, la plupart des joueurs qui changent d’équipe nationale avaient peu de chances d’aller en équipe de France. Certes, certains font déjà  leur choix depuis leur adolescence. Mais à  des joueurs qui à  21 ans n’ont pas le niveau pour l’équipe de France, qui peut dire qu’ils ne l’auront également pas à  25 ans (on pense à  Drogba, Chamakh qui ont éclaté à  cet âge-là ) ? Devrons-nous attendre que la France se fasse éliminer par une équipe composée de joueurs formés en France pour que nous comprenions l’importance du problème ? On est dans une logique de concurrence et il est normal que la France ne veuille pas renforcer ses probables futurs adversaires lors de grandes compétitions internationales. Alors oui, bien évidemment que le mot « quota » n’est pas approprié, tout comme le fait de vouloir faire des quotas officieux l’est encore moins, mais la France, comme d’autres pays, subit des règlementations de la Fifa très farfelues. Ils cherchaient des solutions, en ont sorti spontanément sans vraiment y avoir réfléchi et se retrouvent aussitôt catalogués comme racistes (en sachant notamment que François Blaquart a énormément œuvré lorsqu’il était à  l’àŽle Maurice ou que Laurent Blanc met des joueurs comme Samir Nasri ou Alou Diarra capitaine de l’équipe de France). Mais l’autre problème de cette solution proposée est, au-delà  des mots, qu’il sera difficile de préjuger et de prévoir qu’un enfant binational de 12 ans aura le niveau pour l’équipe de France. On ne peut pas non plus demander à  ces enfants de choisir entre la France et leur pays d’origine, C’’est incongru pour leur âge. Le fait même de les différencier et de les « discriminer » dès le jeune âge passe mal. Malheureusement, il ne semble pas y avoir d’autres solutions plus efficaces (peut-être essayer d’inculquer l’histoire de l’équipe de France, ce que représente le maillot des bleus pour faire rêver et donner envie aux jeunes enfants) et tant que ce ne sera pas réglé dans les hautes instances internationales, les discussions et les solutions resteront du niveau de la réunion du 8 novembre. Changement de politique dans la formation Celle-ci a également soulevé un autre problème : la formation des joueurs à  la française. Depuis des années, on fait prévaloir les qualités physiques et athlétiques aux qualités techniques. Comme le dit Laurent Blanc : « Je vois quelques centres de formation: on a l’impression qu’on forme vraiment le même prototype de joueurs: grands, costauds, puissants. Qu’est-ce qu’il y a actuellement comme grands, costauds, puissants ? Les blacks. Et c’est comme ça. C’est un fait actuel. ». Il fait sans doute une généralité puisque il y a évidemment des joueurs blancs costauds et physiques (des joueurs scandinaves tels que le défenseur Petter Hansson de Monaco ou encore le milieu défensif français Jérémy Toulalan) mais on ne peut pas vraiment lui donner tort dans le fond. Des joueurs comme Valbuena ou Griezmann n’entraient pas dans le moule et ont dû partir dans une division inférieure pour l’un, à  l’étranger pour l’autre, pour vraiment émerger et se faire remarquer. Aujourd’hui, on remarque que les équipes qui gagnent sont des équipes qui privilégient les joueurs techniques (Barcelone, Espagne, Pays-Bas ou encore Borussia Dortmund et Lille) et Laurent Blanc veut également primer ces caractéristiques en changeant radicalement la politique de formation des joueurs. Arrêtons donc avec les a priori et les stéréotypes sur les profils de joueurs et concentrons-nous sur les critères de détection vers l’âge de 12 ans : privilégions les joueurs techniques, peu importe leur origine, leur taille, leur poids. Et maintenant ? La sur-médiatisation et tout le pataquès de cette semaine sont plutôt disproportionnés. Des voix se sont même déchaà®nées pour relier cet épisode à  la montée de la xénophobie dans la société française et à  la banalisation totale du racisme. Ce sont donc des conclusions hâtives voire erronées qui sont déversées ces derniers jours sans qu’il y ait vraiment eu des réflexions et des analyses approfondies des questions soulevées par la réunion. D’ailleurs, une enquête demandée par la ministre des sports, Chantal Jouanno, et une enquête interne à  la Fédération devraient être bouclées en début de semaine. Les conclusions de celles-ci orienteront les futures sanctions ou non en sachant que François Blaquart est d’ores et déjà  suspendu de ses fonctions le temps que l’enquête. Laurent Blanc va-t-il démissionner ? Médiapart va-t-il révéler de nouvelles pièces du dossier ? Le football français va-t-il enfin marcher à  l’endroit ? On n’a surement pas fini d’entendre parler de cette affaire.

Attentat de Bamako : Les représentions françaises ferment leurs portes

Du coup, C’’est la psychose qui a gagné la petite communauté française résidant au Mali. Le suspect tunisien répondant au nom de Sennon Béchir, 25 ans, auteur de l’attentat manqué du 5 janvier dernier contre l’ambassade de France à  Bamako, pensait avoir commis un acte de grande portée, mais son coup d’essai n’est au final qu’un coup de pétard, car la grenade qu’il a explosée a fait 4 blessés et pas de morts fort heureusement. Son sort se trouve désormais entre les mains des services de sécurité maliens qui l’ont interrogé sur son acte. Selon l’individu lui-même, il aurait suivi un entrainement avec des éléments d’Al-Qaà¯da au Magreb Islamique(Aqmi). Après quelques mois, d’entrainement et de lavage de cerveau, les dirigeants d’Aqmi auraient jugé qu’il ne serait pas un bon terroriste. Il fut semble t-il renvoyé des rangs. Très déçu, il commettra son forfait quelques mois plus tard au Mali contre l’ambassade de France au Mali, il aurait voulu faire croire à  ses camarades d’Aqmi, que sans eux, il pouvait atteindre l’ennemi. Les français du Mali inquiets Au lendemain de l’attentat, tous les services français de Bamako, dans la capitale malienne, ont été fermés jusqu’à  nouvel ordre. De l’ambassade de France au Centre culturel français en passant par le consulat, le lycée français situé entre le musée et le parc national du Mali. « La fermeture de ces services aura forcément des conséquences sur les activités de certains operateurs économiques maliens, sur les élèves et étudiants et autres immigrés chercheurs de visas, pour se rendre en France et en Europe. La petite communauté française reste inquiète malgré les déclarations du ministre de la sécurité intérieure.