Bac 2014: une session pas comme les autres

Fuites de sujets, démarrage tardif des épreuves, conditions exceptionnelles de composition, erreurs dans les sujets distribués qui doivent être changés et les épreuves reprises, le bac 2014 est certainement une édition particulière. Pour obtenir le précieux sésame qui ouvre les portes de l’université, les élèves et leurs parents pouvaient, contre espèces sonnantes, bénéficier d’un système de fraude qui garantissait, plus ou moins, le succès. Les autorités de l’Education ont décidé cette année de serrer particulièrement la vis, histoire de redonner un tant soit peu de valeur à  ce diplôme, aussi déprécié que l’éducation dans les écoles maliennes. S’en sont suivis de nombreuses mesures, surtout après le scénario du DEF, les sujets de cet examen se vendant comme des petits pains dans les rues à  quelques heures du début des épreuves. Ainsi, dans la nuit du lundi au mardi, la quasi totalité des sujets du Bac ont été changés, à  cause de forts soupçons de fraude. Un travail de secrétariat (impression du sujet et duplication en centaines de milliers de copies), qui en principe se fait en plusieurs semaines, a dû être abattu en quelques heures. Conséquences, un retard de plus de trois heures dans le début de l’examen ce 10 juin 2014. Dans la grande majorité des centres, les candidats ont ainsi passé leurs épreuves du jour jusqu’à  tard dans la nuit, jusqu’au delà  de 22heures, comme à  Kalabancoro. Difficiles conditions pour les candidats Une chose que l’on peut dire, c’est que les conditions n’étaient pas les meilleures pour un examen. Le proviseur de Lycée Beidy Konandji de ACI Hamdallaye plaint particulièrement les candidats venus de très loin, et qui n’ont pu rentrer chez eux à  la pause entre les deux épreuves, intervenue vers 17h. Sur place dans leurs centres à  6h du matin, on imagine aisément dans quel état physique et mental ils se trouvaient pour composer. Dans certains établissements, c’est à  la lueur de bougies que s’est terminée cette journée particulière. La fraude à  l’examen, les élèves en sont conscients et la condamnent. Ils ne sont cependant pas d’accord qu’on s’en prenne à  eux, comme le dit Sidibé Bouba élève en sciences économiques « Au lieu de condamner les innocents, on doit plutôt démanteler les réseaux. A ce que je sache, C’’est le ministère qui délivre les autorisations aux écoles privées». Ce sont en effet les établissements privés que la plupart accusent d’alimenter un système qui existe depuis des années. Pour avoir les taux de réussite les plus élevés possibles, ils sont prêts à  « banquer gros » pour obtenir les sujets qui sont traiter et remis aux candidats avant l’examen. Inquiétude pour les résultats Comme toutes les années, ce sont des candidats confiants que l’on croise à  la sortie des salles d’examen. Pour Abdoul Salam Sidibé « les sujets sont abordables surtout celui de l’économie, il n’y a pas assez de calcul, J’espère que ça va continuer ainsi». Bouba Sidibé trouve aussi que « ce n’est pas assez dur dans l’ensemble. On a eu à  faire certains sujets en classe donc J’ai fait de mon mieux », « sauf que les épreuves étaient venues en retard », tient-il quand même à  préciser. Même préoccupation pour Babou qui avoue avoir, avec ses camarades, été « paniqués à  cause du retard ». « Hier J’étais venu le matin, je suis reparti et J’ai raté le premier sujet » raconte-t-il avec dépit. Binta Sanogo est dans le même état d’esprit. « On a été bouleversé par les histoires de fuites. On a commencé le premier sujet hier vers 13h. Nous étions fatigués hier parce que la journée s’est terminée vers 21h. Et on devait se lever encore tôt ce matin pour venir composer». « Nous étions déconcentrés, on ne savait plus quoi faire, on se tournait le pouce. Franchement je suis inquiète pour la suite c’est-à -dire les résultats et inquiète pour notre avenir », affirme de son côté Kadidiatou Sidibé. « Pour ce qui concerne la fuite, les élèves doivent aussi refuser de prendre ces sujets. Tout cela nous met dans des difficultés », conclut sa camarade Binta Sanogo.

Bac 2014: les sujets changés in extremis

Les épreuves du Baccalauréat, session de Juin 2014, ont finalement débuté ce mardi. Avec plus de deux heures de retard. La raison de cette situation inhabituelle, les fuites de sujets qui ont poussé les autorités du monde scolaire à  les changer. Le scénario du DEF se reproduit, quelques heures après la révocation du directeur du Centre national des examens et concours de l’éducation, CNCE. Et soulève une nouvelle fois de nombreuses questions sur le système d’organisation des examens au Mali. Ce que tous redoutait s’est de nouveau produit. Les sujets du Bac ont fuité, de Bamako à  Tombouctou, la veille du début des épreuves, alors que tous pensaient avoir pris des mesures nécessaires pour les sécuriser. Jusque tard dans la nuit de ce lundi 09 juin, les directeurs d’académie et leurs collaborateurs étaient à  pied d’œuvre pour que les sujets ne tombent pas entre des mains mal intentionnées. Cantines scellées par de gros cadenas, et rangées dans des lieux secrets, « il ne manquait que les policiers pour les garder » disait, pince-sans-rire, un directeur de CAP. Mais rien n’est fait. Quelques heures après, il fallait se rendre à  l’évidence, de nouvelles fuites avaient eu lieu. « Nous avons été appelé aux environs de 1h du matin pour nous informer que les sujets du Bac circulaient et qu’il fallait donc les changer. Jusqu’à  6h du matin, nous attendions les nouveaux sujets qui étaient en train d’être dupliqués » raconte le DCap qui a souhaité garder l’anonymat. « Personne ne sait d’o๠viennent les fuites, pour l’instant, mais les responsabilités doivent être très vite situées », souhaite-t-il « car, ceci nous décrédibilise tous ». Des candidats qui ne perdent pas le nord! Il aura en effet fallu attendre plus de deux heures, voire plus dans certains centres à  l’instar de celui de Sébénikoro, pour voir le début des épreuves, ce mardi. La mise à  disposition des nouveaux sujets a en effet pris du temps, puisqu’il fallait encore acheminer les documents qui ont été imprimés jusqu’au petit jour. Presque toutes les régions sont touchées, à  l’exception notoire de Ségou, c’est au delà  de 8h que les sujets ont été disponibles, ce qui fait que la répartition devant prendre elle aussi du temps, c’est en fin de matinée que le travail proprement dit a pu commencer. Avec là  aussi, quelques petits problèmes. Les épreuves n’ont pas commencé au même moment pour tous les candidats. On pouvait ainsi lire sur les réseaux sociaux des témoignages de journalistes qui affirment que les élèves qui ont pour certains commencé avant d’autres, sortaient pour informer par téléphone leurs amis qui eux attendaient encore leurs sujets. La fraude à  l’examen est donc devenue une attitude normale pour les élèves qui loin d’être perturbés par la situation inhabituelle de ce jour, en ont plutôt tirer profit. Ce début chaotique du baccalauréat 2014 pose deux questions essentielles. La première concerne la responsabilité dans les fuites de sujets. La révocation du Directeur du CNECE, Bakoni Ballo, hier lundi, devait servir de signal fort afin de décourager les auteurs de ces faits. Mais c’était sans compter sur la force de ce qu’on peut appeler un « système de fraude » qui dispose de nombreux rouages pour arriver à  ses fins. Il faudra donc, un véritable travail de fond pour débusquer ceux qui sont responsables « réellement » de la situation et prendre les sanctions nécessaires et désormais inéluctables. Deuxièmement, il convient de s’interroger sur l’efficacité des mesures pour empêcher les fraudes. Pourquoi ne pas prévoir un jeu de sujets et en choisir un à  la dernière minute, suggère un enseignant. « Des dizaines de sujets sont soumis au choix chaque année pour les examens, ce n’est donc pas ce qui manque » assure-t-il. La question de la surveillance est également posée, beaucoup ironisant sur la possibilité de faire intervenir les corps habillés car les surveillants actuels font de leurs salles de véritables sources de revenus, chaque candidat apportant une somme modique pouvant faire recours autant qu’il le souhaite à  ses « anti-panne ».