Mamadou Kané, et la lumière fut à Garalo

A Garalo (région de Sikasso, cercle de Bougouni, 10 001 habitants), les plus vieux l’appellent « Machini Madou » (Madou, le machiniste). C’’est en effet ainsi qu’il a d’abord été célèbre dans sa bourgade et alentours, pour sa dextérité pour redonner vie aux vieux moteurs de moulins. Sa profession de mécanicien, Mamadou Kané l’a apprise avec les pères protestants dans les années 50 à  60. Il commence à  l’exercer quand un oncle lui demande de venir s’occuper bénévolement de la pompe du village. Un travail à  plein temps, non rémunéré. Sans hésiter, il dit oui ! Ainsi commence une vie entièrement dévouée au bien-être de sa communauté. Mamadou Kané a aujourd’hui 79 ans sonnés. « J’ai en fait 80 ans, nous confie-t-il. Je suis de 42. Mais sur mon jugement (document suppléant l’acte de naissance,ndlr), on a écrit 43 ». Mais C’’est d’un pas alerte qu’il nous accueille dans la cour de « Garalo Bagani Yelen ». Cette unité de production d’électricité, C’’est lui qui en a rêvé. « Tu sais, quand Dieu veut faire quelque chose, il passe forcément par quelqu’un pour le réaliser. La nécessité d’amener l’électricité dans mon village m’est apparue en rêve ». De ce rêve naà®tra une obsession. M. Kané ira de bureau en bureau, de direction en direction, de Bamako à  Bougouni en passant par Yanfolila pour soumettre son projet : de la lumière pour Garalo. Partout, on lui fera la même réponse : Impossible ! « Je leur ai dit que moi, J’aime l’impossible, parce que tout ce qui est possible est déjà  réalisé. J’aime les défis ! » raconte-t-il dans un grand rire. Parce que pour lui, développer sa communauté, lui donner les moyens d’aller de l’avant, d’éduquer ses enfants, de soigner ses femmes et ses vieux, cela passe par quatre piliers : l’eau, l’électricité, l’information et les routes. Le premier est acquis depuis plus d’une dizaine d’années et C’’est d’ailleurs Mamadou Kané qui gére les équipements. Un grand rêveur l’électricité, ça n’a pas été évident. La ville la plus proche raccordée à  l’électricité, Bougouni, se trouve à  une cinquantaine de kilomètres. Pas moyen de faire un branchement depuis là . Le solaire ? pas pérenne, répond Kané. Alors, il se creuse les méninges pour trouver une solution, sans beaucoup d’aide ni de soutien, les gens chez lui le traitent de fou et les autorités de rêveur. Et, un jour, « je tombe sur un monsieur grand de taille dans les locaux de la direction de l’énergie. Il s’appelle Ibrahim Togola et coincidence, J’ai été élève de son père. On me le présente et J’apprends qu’il travaille dans les énergies renouvelables et qu’il étudie en ce moment la possibilité de faire de l’électrification avec de l’huile de pourghère. Je lui dis « C’’est toi qui va amener la lumière chez moi à  Garalo! »» raconte-t-il. On lui demande de cultiver à  grande échelle le pourghère, ou jatropha (Bagani en bambara) pour fournir du biodiesel pour une hypothétique centrale. Qu’à  cela ne tienne, il s’y lance aussitôt et parvient même à  convaincre quelques autres personnes dans le village. Il est vrai que le bagani est un arbuste connu depuis toujours dans la localité comme un peu partout dans le pays. Il sert surtout de clôture pour les champs, ses épines en éloignent les ruminants. l’aventure «Electricité du pourghère à  Garalo » débute en 2006. Les sceptiques convaincus Aujourd’hui, 325 ménages ont accès à  l’électricité grâce à  une génératrice de 300 kW installée par l’ONG Mali Folkecenter en partenariat avec l’AMADER(Agence Malienne pour le Développement de l’Electrification Rurale). Et ce de 16heures à  1 heure du matin tous les jours. Les enfants peuvent étudier la nuit et les habitants se promener sous l’éclairage public sans craindre les morsures de serpents. Mais plus important encore, de nombreuses activités se sont développées, permettant une amélioration substantielle des conditions de vie des populations. Administration, hôpitaux, écoles, commerces, tous bénéficient de l’électricité de la centrale. Les sceptiques ont été convaincus et aujourd’hui, « on reçoit tout les jours des demandes de raccordement ». Mamadou Kané voudrait renforcer les capacités du réseau d’adduction d’eau et fournir plus de familles. Seuls 20% de la population ont accès à  l’eau et il voudrait bien avoir une autre pompe et un château d’eau plus grand pour que tous aient de l’eau potable. «Je vous avais dit que pour la vie, il y a quatre piliers. l’eau, l’électricité, C’’est bon. J’ai aussi obtenu l’installation d’un relais de l’ORTM (radio et télévision publique) et des deux opérateurs de téléphonie mobile. Aujourd’hui, Garalo est au courant de tout ce qui se passe dans le monde. Nous sommes sortis de l’ignorance. Il me reste seulement une chose maintenant, C’’est la route » affirme le vieux monsieur qui dit prier pour que « Le Bon Dieu » lui donne de réaliser cela aussi pour sa localité. « J’ai même reçu une promesse d’un homme politique » ajoute-t-il sur le ton de la confidence. Ibrahim Togola, le Président de l’ONG Mali-Folkecenter, qui est devenu un ami de Mamadou Kané au fil des années, dira « si tous les villages maliens avaient un homme comme lui, C’’en serait fini de la misère depuis bien longtemps »…