Désertification : des solutions existent

Le Mali est un pays aux deux tiers désertiques. Il est donc particulièrement concerné par cette problématique de la lutte contre la désertification. Depuis quelques décennies, le fléau s’accélère avec comme une dégradation accrue des terres et de plus en plus de contraintes pour les systèmes de productions, notamment agricole. Sont pointées du doigt les changements climatiques, causes directes qui ont eux-mêmes pour cause l’action humaine. « l’augmentation de la production agricole par des modes extensifs et itinérants contribue à  l’épuisement des sols et conduit à  la désertification » affirme le ministre malien de l’environnement de l’eau et l’assainissement, Abdoulaye Idrissa Maà¯ga. « Les conséquences de la sècheresse et de la désertification sont désastreuses pour la population » poursuit-il dans son discours à  l’occasion de la célébration de cette journée. « Elles se traduisent par des formes diverses dont la famine, les pénuries d’eau potable, la migration des populations, «les réfugiés écologiques», des conflits liés à  l’accès aux ressources naturelles, le rétrécissement continu des parcours pastoraux, voire le stress hydrique». Des milliers d’hectares perdus chaque année La coupe abusive de bois pour la production d’énergie est l’une des causes principales de la dégradation des terres au Mali. Malgré les multiples campagnes de sensibilisation et la présence des agents de l’Etat en charge de veiller à  la protection de la faune et la flore, environ 500 000 hectares de terres sont déboisés annuellement pour la satisfaction des besoins de l’agriculture et du bois énergie. Cette année, les Nations Unies ont décidé de mettre l’accent sur l’un des messages serinés au fil des ans : « la terre appartient aux générations futures », complété par l’exhortation à  l’action « assurons-nous qu’elle soit à  l’épreuve du climat ». Ce thème été choisi pour sensibiliser sur les possibilités offertes par l’adaptation fondée sur les écosystèmes comme stratégie pour faire face aux impacts du changement climatique, en particulier dans les zones arides. L’adaptation écosystémique signifie le renforcement des systèmes naturels avec pour but d’atténuer les pires effets du changement climatique. Lorsque les écosystèmes sont en bonne santé, ils sont moins vulnérables aux impacts et aux risques du changement climatique. La GDT, des pistes pour faire face l’utilisation rationnelle des terres, qui s’appuie sur les axes d’intervention de la Gestion durable des terres (GDT), permet de réduire leur vulnérabilité à  la dégradation (y compris face aux changements climatiques), mais aussi d’atténuer les impacts négatifs des changements climatiques par l’amélioration de la productivité et la réhabilitation des terres dégradées. Parmi les nombreux outils qui permettent la prise en compte des changements climatiques dans les projets et programmes de développement et la planification budgétaire, l’équipe GDT du Mali a opté pour l’outil Climate Proofing développé par la GTZ, à  cause de sa simplicité d’utilisation, de son efficacité et surtout parce qu’il ne nécessite pas de connaissance en informatique. Le « Climate Proofing est utilisé au Mali pour la prise en compte des CC dans toutes les politiques sectorielles et dans le processus de planification du développement » expliquait au début de l’utilisation de cet outil Mr Alamir Touré, ancien chef de l’équipe GDT du Mali. Cette utilisation peut se faire dans plusieurs cas de figures: niveau projet, planification communale et politique. La fixation mécanique des dunes, les cordons pierreux avec haie vive, la jachère associée à  la rotation des cultures et au paillage, la régénération naturelle assistée et reboisement du rônier (réalisée dans le cadre de la campagne nationale de reboisement 2014), la mise en défens, l’agriculture durable avec peu d’Intrants extérieurs (ADPIE), sont autant de technologies aujourd’hui vulgarisées auprès des populations rurales. l’objectif étant de les amener à  se les approprier et les inclure dans les techniques culturales. A Tombouctou, par exemple, le PEALCD a permis de récupérer des centaines d’hectares menacés par l’avancée des dunes, en fixant ces dernières par la plantation de vivaces. Dans la région de Ségou, les cordons pierreux ont permis de sauver la terre de l’érosion hydrique. La plantation de vétivers le long des berges a également permis de freiner leur dégradation qui aggrave l’ensablement des cours d’eau. La nécessaire volonté politique « Si vous ne nous donnez pas autre chose, nous allons toujours utiliser le bois » affirmait sans ciller Awa, une ménagère de Ségou, lors de cérémonie d’ouverture de la Quinzaine de l’environnement 2014. En effet la pression exercée sur les ressources ligneuses pour la production du bois-énergie ne baisse pas malgré les différentes mesures prises au fil des ans. l’absence de solutions alternatives adaptées et accessibles n’aide pas à  venir au bout du phénomène et les mesures restrictives n’empêchent pas les consommateurs de satisfaire leurs besoins. Ainsi, malgré la hausse du prix du sac de charbon qui est passé de 1500 FCFA les 50kg à  300 voire 3500 en l’espace de trois ans, la consommation de gaz au Mali demeure l’une des plus faibles de la sous-région. Et pour cause, le prix de la bouteille de gaz, qui n’est d’ailleurs plus subventionné depuis 2012, est encore trop élevé pour bon nombre de ménages. La volonté politique est donc l’un des ingrédients indispensables pour la réussite de la sauvegarde des ressources qui permettent de préserver les terres. Dans ce sens, toujours lors de l’ouverture de la Quinzaine de l’environnement, le Premier ministre Moussa Mara avait affiché la détermination de son gouvernement à  agir. Il a ainsi instruit a création de « forêts communales » devant permettre aux populations d’avoir accès sur place à  la ressource énergétique, mais aussi et surtout qu’un effort soit fait pour rendre le gaz domestique accessible pour tous. Les acteurs de l’environnement espèrent que ce ne seront pas de simples déclarations mais qu’elles seront suivies d’effets pour éloigner du Mali la menace de la désertification et garantir de meilleures conditions de vie aux populations. Il ne restera plus que celles-ci se sentent enfin concernées par la sauvegarde de leurs propres cadres de vie et conditions de production, et s’engagent dans un processus de changement des habitudes de consommation comme de production.

Djiwa Oyétundé: « Pour nous, Rio+20 est un défi! »

En Afrique, la terre est une denrée précieuse. Mais, elle est de plus en plus dégradée par l’action de la nature et surtout celle de l’homme. Des actions sont entreprises pour la « gestion durable des terres » et une organisation s’investit dans ce domaine, il s’agit de Terrafrica. Djiwa Oyétundé, nous parle de son organisation, qui est présente également au Mali.   Journaldumali.com: Quelle est la mission de l’ONG Terrafrica ? Djiwa Oyétundé: Terrafrica est une plateforme internationale qui est née en 2005 à  la Conférence des Parties sur la Désertification et qui regroupe l’ensemble des partenaires qui s’intéressent aux questions de gestion durable des terres et qui appellent à  une coalition de toutes les nations. Ce n’est pas un bailleur de fonds. C’’est comme je l’ai dis tantôt, une plateforme qui permet au pays de discuter et d’échanger les expériences. Le secrétariat de Terrafrica est logé au niveau du NEPAD en Afrique du Sud. Notre travail se fait autour de quatre lignes d’action que sont la coalition des acteurs, le partenariat et la recherche pour la mobilisation des financements. La coalition permet de mettre ensemble tous les acteurs et ils travaillent ensuite à  définir ce qu’il faut entreprendre et enfin cherchent les fonds. Tous les pays membres de Terrafrica en sont dotés. Le Mali est membre de votre organisation. A quel stade d’avancement sommes-nous dans le processus que vous venez d’évoquer? Le Mali est en Afrique de l’Ouest l’un des pays les plus avancés. Le Togo s’est d’ailleurs inspiré de l’expérience du Mali. Le représentant de Terrafrica en Afrique de l’Ouest était basé à  Bamako. Cela a permis de beaucoup travailler avec les autorités maliennes et C’’est sur l’expérience de votre pays que les autres bâtissent leur plateforme. Nous sommes à  quelques jours de l’ouverture du Sommet de la Terre Rio +20. Les questions de dégradation des sols y seront sans doute évoquées ? Terrafrica va activement participer à  ce sommet. Déjà  pour nous Rio + 20 C’’est un défi. Il s’agira de parler de Rio il y a 20 ans, et de ce qui a été accompli. Mais aussi et surtout de Rio, pour les 20 ans à  venir. On va faire le diagnostic et on va se donner des lignes de conduite pour les 20 ans à  venir. Nous y serons aux côtés de l’UNCCD, la Convention des Nations Unies sur la désertification avec laquelle nous allons à  nouveau attirer l’attention sur la question de la dégradation des terres et en Afrique en particulier. Vous venez de nous parler de Rio dans 20 ans. Il y a de nombreux scenarii plus ou moins alarmistes. A Terrafrica, comment voyez-vous l’avenir ? Je pense qu’il y a de l’espoir. D’ailleurs, de nombreuses expertises nous montrent que le Sahel se reverdit. Quand on regarde en arrière, il y a quinze voire vingt ans, la situation est moins grave qu’on ne le prévoyait. Cela veut dire qu’il y a une tendance positive. Mais, nous ne devons en aucun cas nous endormir sur nos acquis car ils sont très fragiles. Il va falloir redoubler d’efforts. De nombreuses crises viennent mettre en danger les succès engrangés mais nous devons garder à  l’esprit que plus les initiatives sont nombreuses et innovantes, plus nous auront de chances de continuer à  sauver les terres dont nous avons tant besoin pour nourrir les générations d’aujourd’hui et celles de demain.