Génocide : le Rwanda se souvient

« Il faut abattre les grands arbres ». C’’est par cette phrase que les initiateurs du génocide ont donné le coup d’envoi du plus grand massacre de populations civiles sur le continent africain. La veille, Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntaryamira, présidents du Rwanda et du Burundi voisin, meurent, lorsque leur avion, qui s’apprêtait à  atterrir à  Kigali, est abattu par un missile. C’’est l’élément déclencheur du génocide, aux dires des historiens. Une guerre civile sévissait à  l’époque dans le pays, opposant le gouvernement rwandais, constitué de hutus, au Front patriotique rwandais (FPR), accusé par les autorités d’être essentiellement « tutsi ». Trois mois d’horreur L’ONU estime qu’environ 800 000 Rwandais, en majorité tutsi, ont perdu la vie d’avril à  juillet 1994. Ceux qui parmi les Hutus se sont montrés solidaires des Tutsis ont été tués comme traà®tres à  la cause hutu. D’une durée de cent jours, ce fut le génocide le plus rapide de l’histoire et celui de plus grande ampleur quant au nombre de morts par jour. Il convient de souligner qu’un génocide n’est pas qualifié comme tel en raison du nombre de morts, mais sur une analyse juridique de critères définis à  l’époque par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 de l’ONU. Cette convention définit qu’un génocide est « commis dans l’intention de détruire, tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel ». La discrimination rwandaise entre Hutus et Tutsis, qui a atteint un point culminant en 1994, s’est construite dans un processus historique complexe entre la réalité de la population du Rwanda et la façon dont les colonisateurs d’une part, et les divers Rwandais d’autre part, l’ont perçue et expliquée. Dans cette Histoire du Rwanda se sont surajoutés de façon déterminante les avantages politiques successifs que ces divers acteurs ont cru pouvoir tirer de cette discrimination, de 1894 (date des premiers contacts entre des Européens et le roi issu des Tutsis du Rwanda) à  1962 (date de l’indépendance du Rwanda), puis jusqu’en 1994 (période dominée par des Républiques dites hutus). Se souvenir pour pardonner et avancer ensemble 20 ans après, les plaies dont encore vives et au Rwanda, le génocide est encore, malgré les efforts de réconciliation, un sujet tabou. Ce sont donc des commémorations empreintes d’une grande solennité qui ont démarré ce 7 avril 2014. La toute première activité s’est déroulée au mémorial de Gisozi. Le présidént Paul Kagame y a allumé une flamme du deuil à  l’aide d’une torche qui a parcouru le Rwanda depuis trois mois. Celle-ci devra y brûler durant les cent jours en rappel de la durée du génocide. Cet anniversaire est placé sous le thème « Souvenir, unité, renouveau ». Les commémorations « sont un temps pour se souvenir des vies perdues, faire preuve de solidarité avec les survivants et nous unir afin que cela n’arrive plus jamais, au Rwanda ou ailleurs », peut-on lire sur le programme officiel. Elles prendront fin le 4 juillet, date anniversaire de la prise de Kigali par les rebelles du Front patriotique rwandais (FPR), commandés par Paul Kagamé, qui allaient mettre fin au génocide. Chaque année, l’anniversaire des massacres est une période douloureuse parfois marqué par des « ihahamuka », crises traumatiques incontrôlables, parfois collectives, o๠se mêlent cris, larmes ou épisodes proches de l’épilepsie.

A la découverte du pays des mille collines : Rwanda 2013

Décembre 2013, des Maliens découvrent le Rwanda, pays de l’Afrique de l’Est situé à  côté de la RDC, de l’Ouganda, du Burundi et de la Tanzanie. Douze Maliens issus d’associations quittent Bamako pour se rendre à  Kigali, la capitale rwandaise. « Notre pays traverse une situation difficile. Ce n’est pas exactement ce qu’a connu le Rwanda mais une guerre est une guerre. Et le Rwanda a consenti beaucoup de sacrifices pour panser au mieux les maux du génocide » croit Souleymane Satigui Sidibé, président du MONAJEP Mali « Nous sommes au Rwanda pour participer au sommet de la jeunesse africaine. C’’est une belle opportunité pour nous car nous sommes en train de découvrir ce pays et nous avons beaucoup de leçons à  en tirer en tant que Maliens » explique Ismaà¯la Doucouré, plus connu sous le nom de Master Soumi, artiste malien représentant les SOFA de la République au Rwanda. Les Rwandais sont sortis « grandis » du génocide Même dans les pays les plus éloignés du Rwanda, quand on mentionne le nom de ce petit pays, une pensée unique « génocide 1994 ». Le génocide est un acte qui consiste à  tuer en masse des personnes d’une ethnie, d’une religion ou d’une région donnée. Chaque Rwandais a son histoire liée au génocide de 1994. Aucun recoin de ce pays n’a été épargné à  partir du mois d’avril jusqu’au mois de juin 1994, à  la recherche des « Tutsi » dans le seul but de les exterminer. Un million de personnes ont perdu la vie lors du génocide rwandais. Ce samedi 21 décembre 2013, C’’est la fin du sommet de la jeunesse africaine à  Kigali, capitale rwandaise. Les Maliens visitent le Mémorial du génocide à  Kigali. « Depuis que je suis allée visiter le mémorial, je n’arrive plus à  fermer les yeux sans voir les images des morts défiler devant mes yeux. C’’est horrible ce qui est arrivé » se désole Oumou Kanouté. Innocent Ndamunkunda est âgé de 26 ans. Ce garçon souriant, beau et intelligent a perdu plusieurs membres de sa famille lors du génocide « J’étais au Burundi avec ma mère pendant ce temps, mon père, mes oncles, mes tantes, grand-père et grands-mères ont tous perdu la vie. Ici au mémorial, il y a une chambre o๠sont exposées les photos des personnes qui sont mortes lors du génocide mais nous n’avons pas de photos des membres de ma famille. Nous ne savons pas qui les a tués ni o๠ils ont été enterrés. La mère d’Innocent est morte en 2008, après avoir lutté pendant de longues années contre la dépression « elle partait à  l’hôpital tous les jours » témoigne Innocent. Aujourd’hui, il est étudiant en master de management des finances et travaille dans une banque à  Kigali, originaire du Nord du Rwanda, il vit avec ses deux frères et trois sœurs. « J’étais Tutsi, J’ai perdu des membres de ma famille mais maintenant, C’’est fini, je pardonne. J’ai même des amis Hutu, cela ne fait rien. Je tiens à  préciser que nous sommes tous des Rwandais; il n’y a plus de Hutu et de Tutsi, nous voulons travailler ensemble pour construire notre pays et pour préparer le bonheur des générations qui viendront après nous » témoigne-t-il. Se dire la vérité pour reprendre tout à  zéro Lors du génocide, des femmes ont été violées, des hommes atteints du VIH Sida, les ont sciemment contaminées. Grâce au tribunal « Gacaca », une sorte de première instance, les Rwandais se sont dit la vérité en face, en expliquant comment ils ont tué, qui, o๠ont-ils été enterrés. Cependant de nombreuses questions restent encore sans réponse, des génocidaires purgent leur peine sans pour autant avoir accepté de dévoiler certains charniers. Le rôle de la radio des mille collines n’est un secret pour personne dans la propagande lors du génocide du Rwanda. Avant le génocide, ce pays était calme et ne connaissait pas la notion d’ethnie. Tout le monde parle la même langue (le kinyarwanda). C’’est à  l’arrivée de belges pour coloniser le pays, que la division a commencé. Les Belges ont voulu diviser le peuple rwandais en trois ethnies, les Tutsi, les Hutu et les Batwa. C’’est l’un des actes à  l’origine du génocide, sans aucun doute. De nombreux rescapés du génocide témoignent dans des films pour expliquer comment leurs parents, frères, sœurs et amis ont été tués. D’autres ont tout simplement échappé à  la mort, « ils sont venus pour me tuer, celui qui voulait me tuer était un employé de mon père, je le voyais tous les jours. Je l’ai supplié mais il n’a pas voulu me laisser. Il m’a frappée avec la machette je suis tombée, et quand il a cru que J’étais morte, il est parti » peut-on lire sur le mur dans la chambre des enfants. Au mémorial du génocide de Kigali, cette chambre entièrement destinée aux enfants est émouvante à  plus d’un titre. Des nouveau-nés, des enfants, des adolescents, personne n’a été épargné par les génocidaires. Chanelle a été tuée alors qu’elle n’avait que 8 ans. Sa cousine, Michaela, aujourd’hui âgée de 26 ans, se souvient d’elle, les larmes aux yeux. « Voici la photo de mon oncle, montre-t-elle dans la partie o๠plus de 3 000 photos sont exposées ». Ces photos ont été collectées par les autorités pour rendre hommage aux victimes du génocide dans la dignité. Cela permet aussi, aux membres de leurs familles de venir se recueillir auprès d’eux. Difficile de ne pas avoir les larmes aux yeux en visitant le « Kigali genocide memorial ». Dans une chambre, des ossements, des crânes et des objets trouvés avec les personnes sont exposés. Dans le noir, on entend les visiteurs pleurer ! 21e siècle : la sécurité est garantie au Rwanda Les Rwandais sont habitués à  rester dehors à  n’importe quelle heure sans se soucier d’être attaqués par des bandits ou autres personnes de mauvaise volonté. « Le prix du sacrifice » , à  en croire ce sexagénaire vivant à  Kigali depuis près d’une quinzaine d’années. Les autorités ont dû sacrifier des vies pour en arriver là . A un moment donné, il était impossible de circuler librement à  Kigali sans se faire voler son téléphone ou encore son portefeuille. La police et la gendarmerie ont déjà  fait des victimes pour que cela cesse » témoigne-t-il. Pour la petite histoire, la directrice du projet i H.O.P.E Week, Hawa Dème-Sarr, a perdu son téléphone portable après une conférence de presse en compagnie du ministre de l’éducation rwandais et autres personnalités. C’’était la veille du sommet de la jeunesse africaine « J’ai informé le chef de la police. Il m’a assuré qu’ils vont retrouver le voleur ». Pour ne pas éveiller de soupçon et attirer la curiosité de la foule, le chef de la police avait sa petite idée. Au Rwanda, quand tu achètes une carte SIM pour téléphone mobile, tu es obligé de laisser une copie de ta pièce d’identité et remplir une fiche. Il suffit d’introduire cette carte SIM dans un mobile pour que le numéro de série de celui-ci soit automatiquement enregistré. Effectivement, le jour de son départ dans son pays «le voleur » est arrivé à  l’aéroport avec dans son bagage à  main, le fameux téléphone, la police appelle immédiatement Mme Sarr qui récupèrera son bien. Quant au voleur, il a raté son vol, la police rwandaise l’a sermonné et l’a probablement inscrit sur sa liste noire. Le Rwanda a été classé premier pays le plus sécurisé au monde en 2012. Rwanda, ville propre La première chose qui peut frapper un Malien quand il visite le Rwanda, C’’est l’absence de sachets plastiques. Les rues sont propres, « chacun balaie devant chez lui » comme le dit l’adage malien. Personne ne jette les déchets à  même le sol, « les poubelles sont là  pour ça ». « c’est comme ça partout, même dans les villages, tout est propre » explique un passant. l’importation de sachets plastiques est interdite au Rwanda. Quand des achats sont effectués au marché, des enveloppes sont utilisées pour stocker la marchandise achetée. Quand aux légumes et autres produits frais, des ustensiles sont amenés par les clients. Le pays des mille collines, C’’est aussi le respect strict du port de casque pour les motards et leurs passagers !