Iyad Ag Ghali ou la négociation impossible

Au moment des négociations à  Alger, il était clair pour tous qu’aucune discussion n’était possible avec les groupes terroristes qui avaient occupé le septentrion malien de 2012 à  2013. Depuis, l’accord a bien été signé sans eux et le processus de sa mise en œuvre avance tant bien que mal. Mais les attaques terroristes répétées et les menaces hypothèquent ce processus que beaucoup craignent de voir s’enliser. D’o๠les voix de plus en plus nombreuses qui demandent l’inclusion des djihadistes d’origine malienne. Dernière en date, celle de l’Amenokhal (chef traditionnel) de la tribu des Ifoghas de Kidal, Mohamed Ag Intallah. Intégrer les djihadistes maliens dans le processus de paix et de réconciliation équivaut aujourd’hui à  négocier avec Iyad Ag Ghali, Amadou Kouffa et autres. Cette option va à  l’encontre de la position officielle jusque-là  arrêtée aussi bien par le gouvernement, le Président Ibrahim Boubacar Kéà¯ta s’étant d’ailleurs publiquement opposé à  toute forme de négociation avec le chef d’Ançar Dine, que par la communauté internationale. On se souvient que lors de sa visite à  Bamako le 19 février dernier, le Premier ministre français, Manuel Valls, déclarait que l’ancien rebelle était la deuxième cible prioritaire de la force Barkhane, après l’Algérien Moktar Belmoktar, réitérant ainsi l’exclusion de tout dialogue avec les groupes terroristes. Cette option a pourtant ses défenseurs. Au nombre desquels Tiébilé Dramé, président du parti pour la Renaissance nationale (PARENA), ainsi que des leaders religieux qui multiplient les sorties pour que le « cas Iyad » soit posé. « De toutes les façons, tous les conflits finissent par la négociation. Si l’on veut en finir avec cette histoire au nord, et avoir la paix, il vaut mieux parler avec lui et les autres djihadistes maliens », assure l’un d’eux sous anonymat. Les initiatives sont ainsi de plus en plus nombreuses pour plaider cette « cause ». Le ministre de la Réconciliation, Zahabi Ould Sidi Mohamed, lui-même ancien chef rebelle pendant les années 1990, a ainsi déclaré sans citer de nom, qu’il aurait été sollicité pour négocier avec Iyad, l’argument principal étant que les cadres du Haut conseil pour l’unicité de l’Azawad (HCUA), signataire de l’accord, ne sont autres que les anciens lieutenants d’Iyad Ag Ghali. Ouvrir la porte à  celui qui menace aujourd’hui le processus de paix avec des attaques répétées contre les populations et les soldats de l’ONU, ou continuer sans lui au risque de voir le processus s’enliser ? Tel est l’enjeu. Mais si le dialogue avec Ançar Dine venait à  se concrétiser, nombre de questions essentielles demeureraient. La première étant les termes mêmes de la négociation. Jusqu’ici, les ambitions du leader djihadiste sont toujours d’instaurer un à‰tat islamique avec la charia pour règle et rien ne porte à  croire qu’il y ait renoncé. Sans compter qu’on lui prête d’autres activités telles que le trafic de drogue, qui ne saurait s’accommoder d’un retour d’un à‰tat fort dans le septentrion. Alors, si inviter Iyad dans l’accord peut aider au retour de la sérénité, en particulier dans la région de Kidal, le prix qu’il pourrait réclamer, la paix contre la charia, risque fort de rendre la transaction impossible.

Alger: L’ombre d’Iyad plane sur les négociations

Une mission conjointe du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et du Comité politique et de sécurité de l’Union européenne séjourne depuis ce 11 Février à  Bamako. Cette visite s’inscrit dans le cadre du partenariat stratégique Afrique-Union européenne, qui permet aux deux parties d’échanger sur la coopération dans le domaine de la paix et de la sécurité, examinent les crises et les situations spécifiques. Prévue pour durer trois jours, la visite a débuté par une rencontre ce mercredi avec le Président de la République du Mali, Ibrahim Boubacar Kéita. Une audience qui restera dans les annales car elle a permis au chef de l’Etat malien de montrer, à  quelques heures d’une étape importante des négociations intermaliennes d’Alger, que Bamako n’avait pas l’intention de céder sur les lignes rouges fixées. « Nous ferons en sorte qu’il n’y ait pas de compromission et que l’intérêt supérieur du pays, en particulier son unité nationale, son intégrité territoriale, le caractère unitaire de l’Etat et la forme laà¯que et républicaine du pays », déclarait le ministre malien des Affaires étrangères, lundi dernier lors d’une conférence de presse. Voici le décor du round 5 des pourparlers d’Alger campé. Dans la capitale algérienne, les protagonistes de la crise du nord, les médiateurs et la société civile malienne se sont en effet retrouvés pour tenter une nouvelle fois de parvenir à  un accord qui mettrait un terme à  la crise politico-militaire qui mine le pays. Lors de la cérémonie d’ouverture, la tension était palpable malgré le discours rassembleur du Premier ministre un peu plu tôt. « Mes chers frères, mes chères sœurs, la paix n’a pas que des amis. Je sais que vous saurez résister à  la fascination des marchands d’illusion, ceux qui veulent ralentir le cours du processus ; ceux qui se réjouissent de la détresse de leurs semblables » déclarait celui qui était il y a encore quelques semaines au C’œur des négociations. Une véritable exhortation à  redonner une chance à  la paix au Mali. Le problème « Iyad » « Aujourd’hui, se tissent en Alger, avec la facilitation de l’Algérie et l’accompagnement de la communauté internationale, les fils du dialogue inclusif inter-malien sur une paix globale et définitive », déclarait à  son tour le Président IBK face aux diplomates africains et européens. l’espoir donc clairement affiché du côté de Bamako. Mais point de naà¯veté. Dans son adresse, le chef de l’Etat Malien a mis exergue les dangers qui menacent encore aujourd’hui la paix au Mali. Le premier, selon IBK, a pour nom Iyad Ag Ghali. Le chef du groupe armé islamiste Ansar Eddine qui a semé la désolation au nord du Mali lors des longs mois d’occupation est activement recherché. Pourtant, « nous avons accepté que ce groupe, sous une autre dénomination, vienne siéger à  notre table, signe de notre engagement en faveur de la paix », rappellera-t-il à  ses interlocuteurs. Un geste de bonne volonté qui n’a pas fait évoluer la position de Ag Ghali qui « n’a jamais voulu les négociations ». Et de revenir sur les récentes poussées de tensions dans le nord du pays avec les évènements malheureux de Gao, entre autres. Le Mali es fragile, le « Sahel est fragile » martèle IBK, qui veut rappeler à  la « communauté internationale que les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la région, sont tout aussi dangereuses pour la sécurité des autres pays africains, voire fors du continent. Daesh(Etat Islamique) frappe aux portes du Sahel, s’il n’y est déjà  entré par le biais d’individus comme Iyad Ag Ghali qui lui ont ouvertement fait allégeance. « Pourquoi voudriez-vous le ramener à  la table de négociations? » a encore questionné le président malien qui estime que l’homme devrait plutôt être capturé pour répondre de ses actes face à  la justice. En attendant, ses compères sont à  Alger, réunis dans une engeance qui porte le nom de HCUA, dirigé par un de ses fidèles lieutenants. Dan son propos, le président IBK est à  maintes reprises revenu sur le caractère pluriel du peuple malien, qui a vécu et s’est enrichi de ses brassages culturels et ethniques. Nul ne viendra remettre en question ces acquis séculaires, a affirmé IBK, surtout pas une minorité qui ne représente qu’elle-même, en référence aux mouvements armés touareg qui réclament un statut particulier pour les régions du Nord. Le refus du fédéralisme, l’intégrité intangible du territoire, le caractère laà¯c de l’Etat, autant de points qui ne sont pas négociables si l’on en croit le président maliens. Une réaffirmation de la position ferme qui est celle de Bamako depuis le début des pourparlers et face à  des représentants de la « communauté internationale » qui presse le Mali de faire la paix avec ses fils, quitte à  mettre de côté certains principes, à  « mettre de l’eau dans son vin ». La réponse d’IBK est claire, C’’est non. Plus de tergiversations, de faux semblants. Les discussions peuvent commencer.

Comment Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont croisé la mort à Kidal

Lorsque Claude Verlon et Ghislaine Dupont arrivent à  Bamako le vendredi 25 octobre, ils sont heureux à  l’idée de faire des sujets sur la réconciliation nationale dans le cadre de la grande opération spéciale que préparait RFI les 7 et 8 novembre à  Bamako.  » On a tellement bossé dessus, on voulait montrer que les populations du Nord Mali sont pour la paix et l’unité », confie leur collègue Christine Muratet lors de la cérémonie funèbre organisée avant le rapatriement de leurs corps à  Paris. Ghislaine Dupont et Claude Verlon n’en sont pas à  leur premier coup d’essai. Habitués de l’Afrique, des terrains sensibles comme le Congo Kinshasa d’o๠Ghislaine fut expulsée en 2006 ou encore la Côte d’Ivoire pendant la crise politique, ils ont souvent travaillé ensemble. Les deux reporters en étaient à  leur deuxième voyage au Mali, après l’élection présidentielle de Juillet o๠ils avaient couvert le vote à  Kidal. « J’ai voyagé avec eux, j’ai beaucoup discuté avec Ghislaine et Claude dans l’avion « , témoigne Ousmane Ndiaye, l’un des correspondants de TV5 Monde à  Bamako. Ce dernier reste très ému par leur mort et n’a pas souhaité en dire plus. Direction Kidal Sur place, Ghislaine Dupont et Claude Verlon entament rapidement les démarches pour se rendre à  Kidal le vite possible. Samedi 26 octobre, le lendemain de leur arrivée, on les verra au Parc National de Bamako, à  la journée des Nations Unies. Ils y étaient pour prendre contact et rencontrer la Minusma, et organiser leur voyage à  Kidal :  » Ils ont demandé à  ce que nous les transportions jusqu’ à  Kidal, confie cette chargée de l’information. Nous avons accepté et leur avons fait signé un document nous désengageant, car une fois à  Kidal, ils seraient responsables de leur propre sécurité. J’avais encore ces documents sur la table, samedi, lorsqu’on m’a appelé pour m’informer de leur enlèvement », poursuit-elle, émue. Ghislaine Dupont et Claude Verlon étaient-ils trop pressés d’arriver à  Kidal ? C’est l’avis d’un journaliste malien, qui les connaissait : » Lorsqu’elle arrive à  Bamako, Ghislaine Dupont prend du temps pour se reposer, voir des amis, mais cette fois, elle avait hâte d’aller au nord ». Confiante en la mission, elle avait depuis Paris, contacté des responsables du MNLA. Quelques jours plus tard, les deux reporters sont à  Kidal. Ils y sont à  l’aise et testent leur matériel devant foules et témoins, rencontrent les autorités et des responsables locaux. Sur place, la présence des deux français est vite repérée.  » S’ils se sentaient en confiance », confie en sourdine Mme Chekchik, l’épouse d’un membre influent de la communauté touareg, c’est que le MNLA a du leur dire, venez, nous contrôlons Kidal, et vous n’avez rien à  craindre. Et turbans sur la tête ou pas, à  Kidal, chacun sait qui est qui… ». Affirmation osée, mais qui va dans le sens de tous ceux qui accusent le groupe rebelle d’être complice de l’enlèvement des deux journalistes français. Du reste, qu’Ambéry Ag Ghissa déclare avoir été sommé de  » rentrer » au moment o๠les deux français sont enlevés, continue d’étonner. Et l’autre thèse qui évoque l’arrivée imprévue des deux reporters, chez Ambéry Ag Ghissa, est plus qu’improbable… Flou autour de l’enlèvement Comment Ghislaine Dupont sont -ils arrivés au domicile d’Ambéry Ag Ghissa sans escorte ? Comment ont-ils pu sortir de la maison du responsable du MNLA et se faire enlever sans qu’aucune intervention n’ait eu lieu. Ambéry Ag Ghissa, haut responsable politique du MNLA vit-il sans garde rapprochée ? Autant de zones d’ombres qui laissent penser que les deux français étaient suivis, épiés et attendus. Mais l’alerte sera vite donnée après leur enlèvement. « Une patrouille au sol et deux hélicoptères Serval, qui ont décollé de Tessalit, ont entrepris de prendre en chasse les ravisseurs », précise l’état major français. « Kidal est une petite ville et il n’y a pas mille et un chemins pour sortir de la ville.  » Lorsque les Français disent qu’ils n’ont pas établi de contact visuel, cela laisse place au doute », affirme un militaire de la Minusma en poste à  Bamako. Ghislaine Dupont et Claude Verlon, selon une première thèse, ont été tués par balle puis abandonnés à  quelques mètres du véhicule des ravisseurs à  12km au nord de Kidal. L’enquête avance, et la katibat, qui aurait organisé le coup étant identifiée comme celle d’Abdelkrim El Targui, réputé sanguinaire, laisse penser qu’ils « auraient été égorgés ». Sont-ils morts à  cause de la panne du véhicule ou parce que les ravisseurs s’estimant poursuivis , ont préféré les exécuter froidement ?  » C’est en général la technique d’AQMI et chaque fois qu’il y a une opération visant à  libérer les otages, et qu’elle tourne mal, AQMI exécute les otages », précise cet expert du Sahel. Victimes collatérales La mort de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon aurait-elle pu être évitée ? Les questions demeurent mais toujours d’après cet expert du Sahel, les ravisseurs auraient pu vouloir prendre les deux français comme monnaie d’échange. On sait désormais qu’Iyad Ag Ghali, l’ex chef d’Ancar Dine, a été un médiateur dans la libération des 4 otages d’AREVA. On l’accuse d’avoir fui avec l’intégralité du butin et Targui son cousin, chef de la katibat « El Ansar », d’avoir voulu prendre les deux français comme monnaie d’échange potentielles pour calmer les ardeurs de tous ceux qui ont été impliqués dans la libération des otages d’Areva. Leur mort résulterait alors du mécontentement de certains bandits qui n’auraient pas eu leur part du butin. En outre, un autre suspect, Bayes Ag Bakabo, serait impliqué dans l’enlèvement des deux journalistes puisque c’est son véhicule, une totoya pick up beige, dans laquelle des preuves auraient été retrouvées, qui aurait servi à  l’opération, puis été abandonné à  quelques kilomètres du corps de Ghislaine Dupont et Claude Verlon.L’enquête elle se poursuit et plusieurs suspects ont été appréhendés. Mais qu’en est-il de l’interview que les deux journalistes ont réalisé avec Ambéry Ag Ghissa ? Que se sont-ils dit ? La direction de RFI a t-elle pu récupérer ces enregistrements ? De ces éléments, on ne sait rien pour le moment… Sauf que leur contenu pourrait apporter de nouveaux éclaircissements dans l’affaire…

Iyad Ag Ghali, le djihadiste touareg

Ses vieux amis se rappellent un poète, un homme à  femmes et un amateur d’alcool. Ils se souviennent aussi d’un lève-tard qui n’émergeait pas avant midi, l’esprit embrumé par les nuits à  discuter politique autour d’un verre. L’un d’eux, touareg comme lui, l’avait même grondé parce qu’il ne faisait jamais le «fajr», la prière de l’aube. Aujourd’hui, Iyad Ag Ghali impose la règle la plus stricte à  tout son monde. à€ la mosquée, il se tient au premier rang, il ne serre plus la main à  une femme, il boit de l’eau et refuse tout contact avec les non-musulmans. Zélé converti, son projet politique l’est tout autant: un émirat islamiste au Nord-Mali, précurseur d’un «Sahelistan» englobant toute la région. L’incarnation de la lutte touareg Fondateur et commandant de la milice Ansar Dine – les partisans de la religion -, Iyad Ag Ghali, 54 ans, est aussi le principal chef de guerre qu’affrontent les troupes françaises et leurs alliés. C’est lui qui a lancé ses milices à  la conquête de Bamako, précipitant des colonnes de pick-up chargés de combattants vers le Sud. C’est donc lui qui a poussé un François Hollande, pris de court, à  déployer l’armée sur le territoire malien, quitte à  revenir sur tout ce qu’il avait affirmé auparavant. Dans le paysage de la rébellion touareg, Iyad Ag Ghali n’est pas un nouveau venu, tant s’en faut. Il incarne au contraire la lutte des Hommes bleus contre Bamako depuis plus de vingt ans. «Un de nos plus grands chefs de guerre», dit de lui un intellectuel touareg, qui ne veut pas que l’on publie son nom par peur des représailles. Son charisme, son courage et son opportunisme ont bâti sa légende, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, parce que de jeunes Touaregs sont prêts à  suivre son turban blanc jusqu’à  la mort, même si le chef les exhorte aujourd’hui au sacrifice au nom du djihad et de la charia. Le pire, parce que ses rivaux et ses ennemis lui reprochent duplicité, trahison, luttes fratricides et d’innombrables pactes avec le diable – de Bamako, d’Alger ou d’al-Qaida. Dans les années 80, il s’enrôle dans la Légion verte du colonel Kadhafi Né dans la tribu noble des Ifoghas, près de Kidal, ville du nord-ouest du Mali, Iyad Ag Ghali a laissé derrière lui la misère du nomade pour s’enrôler dans la Légion verte du colonel Kadhafi au début des années 80. Le «Guide» avait beaucoup promis aux Touaregs, feignant d’épouser leur cause. à‰quipé et formé en Libye, le jeune Iyad fait partie du corps expéditionnaire envoyé par Kadhafi au Liban pour sauver les Palestiniens en guerre contre les milices chrétiennes et les Israéliens. Selon un de ses camarades de l’époque, il aurait été évacué de Beyrouth avec Yasser Arafat le 30 août 1982 par un bateau français. Un an plus tard, Iyad Ag Ghali fait partie des unités libyennes qui entrent au Tchad en appui des rebelles pour renverser le président Habré. Une aventure stoppée (déjà !) par l’armée française. «Le Renard du désert» La carrière d’Iyad Ag Ghali se perd ensuite dans les sables du désert. On sait seulement que le mercenaire de Kadhafi, déçu, a regagné le Mali. Avec quelques compagnons de la Légion verte, il monte une rébellion touareg. En juin 1990, un premier fait d’armes fonde sa légende. Flanqué d’une poignée d’hommes équipés de seulement six fusils, il s’empare de la garnison de Ménaka, une bourgade du nord-ouest du Mali. Par la suite, la geste d’Iyad Ag Ghali ne cessera de s’enrichir et lui vaudra le surnom de Renard du désert. Au gré des révoltes, il devient «le» leader, à  la fois politique et militaire, de la cause touareg face à  l’à‰tat malien. Interlocuteur de Bamako, il négocie plusieurs accords qui portent, entre autres, sur le développement du Nord-Mali et l’intégration de Touaregs dans les forces armées. Sa route croise celle de prédicateurs pakistanais Chapeautées par l’Algérie (accords de Tamanrasset en 1991, accords d’Alger en 1996), les discussions permettront à  Iyad Ag Ghali de nouer d’étroites relations avec le puissant voisin du nord, au point d’être regardé aujourd’hui comme un de ses agents. à€ la fin des années 90, sa route va croiser celle de prédicateurs pakistanais du Jamaat al-Tabligh en visite au Mali. à€ leur contact, le guerrier qui composait des chansons d’amour va basculer vers le rigorisme. Aussi, en 2003, quand des bandes d’islamistes opérant dans le Sahara prennent des Occidentaux en otages, c’est naturellement vers lui que les autorités maliennes se tournent pour récupérer les touristes. Non seulement Iyad Ag Ghali s’enrichira en prélevant sa commission sur les rançons, mais il va se lier à  ces groupes radicaux. Début 2012, on les retrouvera à  ses côtés quand il s’emparera du Nord-Mali. C’est en Arabie saoudite qu’Iyad Ag Ghali se convertira à  l’idéologie djihadiste qui guide sa milice actuelle, Ansar Dine. Nommé conseiller consulaire à  Djedda par le président malien Amadou Toumani Touré, en 2007 il y fréquente les musulmans les plus radicalisés. «Une véritable haine des Occidentaux» «Il aurait pu obtenir un poste plus important, confie un de ses amis touaregs, mais il a préféré celui-ci pour pouvoir se rendre tous les vendredis à  la grande prière de La Mecque.» Le Royaume l’expulsera pour ses contacts avec des membres d’al-Qaida…«Il est revenu de Djedda avec une véritable haine des Occidentaux», dit un vieux compagnon de route. L’universitaire français Pierre Boilley, qui passa des soirées à  refaire le monde avec lui, confirme: la dernière fois qu’il l’a vu, il l’a à  peine salué de loin. Celui qui se prenait pour le Che Guevara de l’Azawad n’est plus qu’un djihadiste infréquentable. Et la cause touareg, si chère à  son coeur, est passée du côté sombre de la charia.