Goncourt 2016 : Qui sont les écrivains d’origine africaine nominés ?

Natacha Appanah, Gaël Faye, Leïla Slimani : ces trois représentants de la fiction contemporaine africaine ont été sélectionnés parmi les 16 écrivains en lice pour le prix Goncourt 2016.  

Le mardi 6 septembre, une première liste de 16 romans a été dévoilée par l’académie Goncourt dirigée par Bernard Pivot, composée de Pierre Assouline, Tahar Ben Jelloun, Françoise Chandernagor, Philippe Claudel, Paule Constant, Didier Decoin, Virginie Despentes, Patrick Rambaud et Eric-Emmanuel Schmitt. Le Goncourt est le plus prestigieux prix littéraire du monde francophone. Le coup d’envoi de la saison des prix littéraires est donc officiellement donné. Pour ce prix, cinq prix des éditions Gallimard ont été sélectionnés, et deux titres de Grasset. Les cinq écrivains d’origine africaine sont Gaël Faye, Leïla Slimani et Natacha Appanah.

Gaël Faye, Petit pays, Grasset

A 34 ans, ancien analyste financier à la city, ce rappeur franco-rwandais signe son premier roman Petit pays, qui raconte l’histoire de Gabriel né d’une rwandaise et d’un français, vivant à Bujumbura, loin du génocide qui se planifiait au Rwanda. Mais, le conflit déborde et gangrène le Burundi aussi. « Chez moi? C’était ici. Certes, j’étais le fils d’une Rwandaise, mais ma réalité était le Burundi, l’impasse, Kinanira, l’école française. », confie-t-il à l’hebdomadaire français L’Express.

Leïla Slimani, Chanson douce, Gallimard

Après Dans le jardin de l’ogre en 2014, à 34 ans, cette ancienne collaboratrice de Jeune Afrique signe son deuxième roman Chanson douce qui s’ouvre sur le meurtre de deux enfants par leur baby-sitter. Celle-ci raconte ensuite ce qui l’a menée à ce terrible geste. Interrogée par le magazine Elle, elle raconte qu’elle a été « frappée par un article racontant une affaire datant de 2012 qui a eu lieu dans une famille à New York. Une nounou gardait les enfants depuis plusieurs années, je me souviens très bien, dans le journal, de sa photo dans la bibliothèque de l’appartement, avec les parents qui disaient : « Elle faisait partie de la famille ! » Et puis, un jour, la mère a trouvé les pièces plongées dans le noir et les enfants assassinés par la nounou qui avait tenté de se donner la mort. L’écriture est partie de là. »

Natacha Appanah, Tropique de la violence, Gallimard

Dans ce nouveau roman, la mauricienne parle des tensions qui secouent l’île de Mayotte sur fond de pauvreté et surtout de mépris dirigé contre la population frustrée par la suppression de la libre-circulation entre les îles. Ce roman est son sixième. Natacha Appanah est journaliste.

Les deux prochaines sélections du prix auront lieu les 4 et 27 octobre prochain. Et le lauréat sera dévoilé le 3 novembre. Pour mémoire, en 2015, Mathias Enard a gagné le prix pour son roman Boussole (Actes Sud).

La première sélection

Nathacha Appanah, Tropique de la violence (Gallimard)

Metin Arditi, L’enfant qui mesurait le monde (Grasset)

Magyd Cherfi, Ma part de Gaulois (Actes Sud)

Catherine Cusset, L’autre qu’on adorait (Gallimard)

Jean-Baptiste Del Amo, Règne animal (Gallimard)

Jean-Paul Dubois, La succession (L’Olivier)

Gaël Faye, Petit pays (Grasset)

Frédéric Gros, Possédées (Albin Michel)

Ivan Jablonka, Laëtitia ou la fin des hommes (Seuil)

Régis Jauffret, Cannibales (Seuil)

Luc Lang, Au commencement du septième jour (Stock)

Laurent Mauvignier, Continuer (Minuit)

Yasmina Reza, Babylone (Flammarion)

Leila Slimani, Chanson douce (Gallimard)

Romain Slocombe, L’affaire Léon Sadorski (Robert Laffont)

Karine Tuil, L’insouciance (Gallimard)

Marie Ndiaye, Prix Goncourt 2009 : une femme «tranquillement puissante»

C’’est sans grande surprise que les huit membres du jury du Prix Goncourt 2009 ont décidé de remettre la plus haute distinction littéraire de l’année à  l’ écrivaine Marie Ndiaye pour son dernier roman Trois femmes puissantes, paru aux Editions Gallimard le 19 août dernier. Encensé par des critiques étonnement unanimes, et d’ores et déjà  véritable succès de librairie de cette rentrée littéraire avec plus de 130 000 exemplaires vendus en France, Trois femmes puissantes était annoncé depuis quelques jours comme le futur gagnant du prestigieux prix français. Couronnée dès le premier tour avec cinq voix contre deux à  Jean-Philippe Toussaint pour La vérité sur Marie et une à  Delphine de Vigan pour Les heures souterraines, Marie Ndiaye a déclaré être très « contente d’être une femme qui reçoit le Prix Goncourt ». Une récompense qu’elle ne s’attendait pourtant pas à  recevoir. Une récompense « inattendue », et pourtant… Première femme à  recevoir le Goncourt depuis 1998, Marie Ndiaye a déclaré lundi à  la presse qui l’attendait devant le fameux restaurant parisien Drouant, lieu la traditionnel de remise de la récompense, que ce « Prix était inattendu ». Une humilité comme une seconde nature chez la discrète Marie Ndiaye, qui avait exprimée le même sentiment huit ans plus tôt, au moment de recevoir le Prix Femina 2001 pour son roman Rosie Carpe. A 42 ans, l’auteure née de père sénégalais et de mère française à  Pithiviers dans le centre ouest de la France, a néanmoins laissé transparaà®tre sa joie et sa fierté en ce jour de remise du Prix Goncourt. « C’’est aussi le couronnement et la récompense de 25 ans d’écriture et de cette opiniâtreté » a-t-elle ajouté à  l’attention des journalistes. Le Prix Goncourt 2009 vient en effet récompenser la longue carrière d’écrivain de Marie Ndiaye, qui a commencé par écrire de petites histoires dès l’âge de 12 ans. Auteure précoce repérée par Jérôme Lindon des éditions de Minuit, Marie Ndiaye publie son premier roman, Quant au riche avenir (1985), salué par la critique, à  18 ans à  peine. La petite histoire veut ainsi que le directeur de la Maison d’éditions l’ait attendue à  la sortie de son lycée, contrat en main, pour éditer son premier livre. En l’espace de 23 ans, Marie Ndiaye écrit alors pas moins de vingt romans et recueils publiés aux Editions de Minuit, puis chez Gallimard, la célèbre Maison d’Editions qui remporte avec elle son 36ème Prix Goncourt . Comédie classique (1988), La femme changée en bûche (1989) La sorcière (1996), la pièce Papa doit manger(1998) fait d’elle la seule femme vivante à  figurer au répertoire de la Comédie française. Bien que très productive, Marie Ndiaye n’écrit pourtant qu’aux heures ouvrables, l’après-midi de préférence, quand ses trois enfants sont à  l’école. Sa force et son efficacité ? Elles les tirent de sa rigueur professionnelle, en s’imposant un rythme bien régulier d’écriture, définissant son métier d’écrivain comme une réelle activité, et non comme un passe-temps. Trois femmes « tranquillement puissantes » Dans Trois femmes puissantes, Marie Ndiaye regroupe avec pudeur, intelligence et sensibilité, trois récits dont les héroà¯nes résistent pour préserver leur dignité, entre la France et l’Afrique. « C’’est le portrait de trois femmes fortes, chacune à  sa manière. Ce qui les unit, C’’est une force profonde, une croyance en qui elles sont. Ce sont des femmes tranquillement puissantes », dit-elle à  propos de Norah, Fanta et Khady, les trois héroà¯nes de son dernier roman. Trois parcours profondément ancrés dans le réel, sur le continent africain, o๠se déroule une bonne partie du livre. Un lieu venu étrangement inspirer l’auteure depuis qu’elle vit à  Berlin, o๠elle a élu domicile avec son mari, l’écrivain Jean-Yves Cendrey, et ses enfants, en 2007. Forte de caractère, précise et réservée, comme son écriture, Marie Ndiaye a réitéré lundi son refus de se laisser enfermer dans des stéréotypes liés à  ses origines. Elle ne souhaite pas devenir porte-parole de minorité, ou écrivaine militante. « Je n’ai pas de réflexion politique très personnelle ou originale, je ne suis pas une penseuse. Un symbole ? Franchement je ne sais pas. Personnellement en tout cas je n’arrive pas à  voir les choses ainsi. Je ne suis représentante de rien », déclarait-elle récemment à  l’AFP. Puissante, résistante, endurante, Marie Ndiaye porte seule le mérite de ce Prix Goncourt. Mais en plein lancement d’un débat sur l’identité française, son exemple n’en demeure pas moins un cas d’école sur les richesses que les immigrants peuvent apporter à  leur pays d’accueil.