Gao, basculera-t-elle dans la désobéissance civile ?

La société civile de Gao n’entend pas passer sous silence le maintien du gouverneur de la région. L’ultimatum lancé il y a une semaine jour pour jour pour relever le chef de l’exécutif régional, Seydou Traoré, a expiré mardi soir 22 août à minuit. Le gouvernement n’a pas réagi à cette doléance derrière laquelle désormais germe des revendications séparatistes. Une réunion de la société civile s’était tenue mardi 22 août en après midi et se poursuivra aujourd’hui pour prendre une décision quant à la posture à adopter.

S’il y a un administrateur contesté et méprisé par ses administrés aujourd’hui c’est bien Seydou Traoré, le gouverneur de la cité des Askia. La cause de ce désamour consommé entre le chef de l’exécutif régional et la population date d’il y a plus d’un an. Le 12 juillet 2016, des manifestants des associations des jeunes de la société civile locale de Gao, protestant contre l’installation des autorités intérimaires ont été sévèrement dispersés par les militaires. Trois morts par balle et 37 blessés ont été enregistrés selon des nombreuses sources. Pour les habitants de Gao, l’unique responsable de cette tragédie est le gouverneur Seydou Traoré qui ordonna aux forces de l’ordre de tirer sur les manifestants. Ce fut le point de départ d’une antipathie qui n’a pas baissé au fil du temps. Depuis, des manifestations ont eu lieu demandant son départ pur et simple. Il lui est reproché, la mauvaise gestion, la corruption, le manque de respect et de diplomatie vis-à-vis des populations.

Plus que jamais décidée, la société civile de Gao avait lancé il y a une semaine un ultimatum pour le départ du gouverneur, qui a expiré mardi soir à minuit. Avant cette expiration, elle menaçait de cesser toute reconnaissance de l’État Central. « Nous n’hésiterons pas à mettre fin à toutes collaborations ou reconnaissance de l’État Central », indiquait un document intitulé « déclaration d’intention de la société civile de Gao », rendu public la semaine dernière. La même déclaration va plus loin et menace de la création d’un État. « La société civile représente toute la population de Gao et se donne le droit de créer un autre État » si cette doléance n’aura pas été satisfaite.

Pour Moussa Boureima Yoro, porte parole de la société civile de Gao, la déclaration d’intention faite n’était pas une menace, mais une réalité. «  Ce n’est pas du tout une menace, c’est une réalité, parce que les gens en ont ras-le-bol, la région qui a fait en sorte que le Mali ne soit pas divisé est abandonnée. Pour tout le travail que la population a eu à faire, il n’y a eu jamais aucune médaille » regrette t-il. Pour lui le gouverneur est responsable de plusieurs mésententes et divisions au sein des organisations de la société de Gao. « Il continue à créer des mésententes entre les différentes organisations de la société civile alors qu’à son arrivée la société civile de Gao était la plus organisée. » reproche, au gouverneur, le porte-parole. «  Toutes les organisations ont subi les affres de ce gouverneur, en commençant par le RECOTRADE (Réseau de communicateur Traditionnelle), le Conseil Régional de la jeunesse, etc. Il sélectionne les gens qu’il veut parmi ces organisations pour les rencontrer et demendent `ce qu’ils ne rendent pas compte de ces rencontres aux autres, créant des frustrations », poursuit Moussa Boureima Yoro. Face à toutes ces dérives, le gouverneur n’est plus le bienvenu dans la cité des Askia.

La société civile s’est réunie mardi dans la soirée pour décider de ce qu’il y avait lieu de faire. Une réunion qui a été suspendue tard dans la nuit faute de consensus sur le sujet. Selon nos informations, la rencontre devrait reprendre aujourd’hui pour s’accorder sur la posture à tenir. «  Je suis le premier déçu et traumatisé par ce qui se passe, parce que j’ai beaucoup de camarades qui sont morts pour l’unité de ce pays, pour que le pays ne soit pas divisé, et voila que pour un simple gouverneur des décisions comme ça vont être prises », déplore Moussa Boureima Yoro, « Je ne suis pas d’avis d’en venir là mais quand la majorité décidé c’est comme ça », conclut-il. Depuis l’expiration de l’ultimatum, le gouvernement n’a pas contacter la société civile de Gao et relevé le gouverneur.

Gao : Des manifestants réclament le départ du gouverneur

De nombreux manifestants ont déferlé dans les rues de Gao, ce vendredi 30 juin et se sont rassemblés au niveau du gouvernorat pour un sit-in dont la durée dépendra de l’acceptation, par le gouvernement, de leur demande, à savoir la démission de l’actuel gouverneur de Gao, Seydou Traoré.

C’est depuis juillet 2016, après la mort de 3 manifestants sous les balles des forces de śecurité lors de la répression d’une manifestation contre la mise en place des autorités intérimaires, que la population de Gao avait demandé le départ du gouverneur Seydou Traoré, accusé d’avoir ordonné de tirer sur les civils. Cette demande, acceptée dans un premier temps par les autorités, qui avait à l’époque dit que le problème serait résolu en « quelques semaines », ressurgit un an plus tard dans la cité des Askia, alors que le gouverneur est toujours en poste. « Cela fait un an et il n’est toujours pas parti ! Depuis quelques semaines nous nous sommes remobilisés, à cause du mois de carême nous avons suspendu notre mobilisation et on a donné jusqu’au 29 juin à l’État pour agir. Hier 29 juin l’État n’a pas réagi, donc nous manifestons et cette fois-ci nous resterons jusqu’à ce qu’il quitte son poste », déclare Mohamed, un manifestant joint au téléphone à Gao.

Pour les détracteurs du gouverneur la coupe est pleine et le divorce doit-être consommé : mauvaise gouvernance, manque de considération, de respect et cupidité sont les principaux griefs qui lui sont reprochés. « C’est quelqu’un qui s’enrichit sur le dos des populations, il a ses affaires, parce qu’il va être à la retraite donc il demande à chacun de l’argent. Tout organisme qui veut faire un projet, des activités, passe obligatoirement par lui et se voit répondre  »où est ma part ? », c’est comme ça qu’il parle ! », dénonce Moussa Boureima Yoro, chef des mouvements civils de Gao. « Sa part », poursuit Mohamed, « c’est de travailler pour le bien des populations et s’il a besoin d’une autre part que ça alors il ne doit pas rester ici. Nous ne voulons plus qu’on nous envoie des fonctionnaires qui ne pensent qu’à leurs poches, nous avons assez souffert ». Autre reproche fait a ce haut fonctionnaire de l’État, ses absences répétées aux activités de la société civile, qui selon certains manifestants est un manque de respect patents envers les communautés dont la plus importante la communauté songhoy.

C’est donc devant le gouvernorat, actuellement fermé, que les manifestants sont rassemblés en  sit-in, pour empêcher le retour du gouverneur actuellement en mission à Bamako et qui devrait revenir ce vendredi par un vol de la Minusma. « Le gouvernement nous donne de faux arguments pour justifier son maintien en place. Ils dit que nous faisons pression sur lui pour qu’il change le gouverneur et qu’il ne peut admettre cela. Nous ne souhaitons pas imposer quelqu’un, mais l’État malien n’a qu’a nommé quelqu’un d’autre », déclare Moussa Boureima Yoro, qui ajoute qu’au sein de la manifestation tous ne sont pas modérés et qu’il y a des radicaux qui pourrait agir diffèrement de ce qu’ils sont en train de faire. « Vous savez Gao est une ville proche du terreau des terroristes, donc si l’État malien n’écoute pas les populations, je pense que la déception peut amener les gens à prendre des décisions qui peuvent nous nuire à nous-même » prévient-il.

Joint au téléphone à Bamako, où il se trouve encore, le gouverneur Seydou Traoré rappelle qu’il n’est pas élu par la population mais désigné par l’État et que toute cette agitation n’est qu’une campagne médiatique négative visant à nuire à son action. « Les motifs de mon départ ce sont eux qui les connaissent, je pense que c’est une manipulation. Je suis là pour mettre l’administration au travail et asseoir l’autorité de l’État et ce n’est pas facile d’y parvenir quand il y a toutes sortes de pratiques établies qui protègent des intérêts personnels. Nous sommes en train d’obtenir des avancées très notables dans la sortie de crise et ça n’arrange pas beaucoup de gens », rétorque le gouverneur, qui ajoute, « les manifestants sont dans leur droit, mais c’est l’État qui m’a nommé, je suis en mission, donc je quitterai quand ma mission prendra fin ».