Mali: Mort de Nouhoum Danioko, ancien champion cycliste

L’ancien champion cycliste du Mali, Nouhoum Danioko, des années 1960 est décédé dans la nuit du 8 juin dans sa famille à l’âge de 79 ans.   

Le vélo a été le dernier moyen de transport qu’il a emprunté. Ce dimanche encore, 7 juin, Nouhoum Danioko l’a enfourché pour réaliser sa prière du soir à la mosquée avant de rendre l’âme dans sa famille dès suite d’un malaise. Toute la vie de celui qu’on appelait affectueusement « Kadiolo tièdian (le grand de Kadiolo) », en raison de ses 1 m 90, a tourné autour du vélo.

Nouhoum Danioko a passé une grande partie de sa vie comme vigile à l’école Dialakoro Danioko de Kadiolo, du nom du père de l’actuelle présidente de la cour constitutionnelle, Manassa Danioko.  Sa venue dans le milieu du cyclisme professionnel relève d’un pur hasard.  Alors qu’il était maçon, le commandant du cercle fait savoir que le gouverneur de Sikasso prévoit d’organiser une compétition de cyclisme. Chaque cercle de la région devait fournir cinq cyclistes. C’est ainsi que Kadiolo Tièdian s’inscrit pour la course. « Le jour de la compétition, je n’avais même pas de vélo. Un ami d’un village environnant dont le père travaillait au gouvernorat m’a prêté le sien, acheté la veille. Le matin après le petit déjeuner, nous sommes partis pour Sikasso.  On avait pour objectif de faire le tour du Tata de la ville. Je suis sorti victorieux de la course », se souvenait-il en février dernier, lors de la 3ème édition du Grand prix Nouhoum Danioko, qui lui rend hommage chaque année. 

Champion du Mali

Nouhoum Danioko a raflé plusieurs prix à travers le pays. Cependant la course qui a fait le tournant de sa carrière a été celle de la biennale de Bamako en 1962 où il a été sacré champion du Mali. « Le Président Modibo Kéïta m’a remis le trophée en personne. Il m’a ensuite demandé si j’étais instruit. Je lui répondis que je n’ai jamais fréquenté chez les bancs. Il en fut surpris ». 

Cette disparition prive Kadiolo de son champion et plonge le monde du cyclisme malien en deuil. Depuis 2017, un prix en son nom a été institué par Tiona Matthieu Koné, journaliste et fils du terroir, pour lui rendre hommage.  Lors de la troisième édition, le 15 février dernier, Nouhoum Danioko a exprimé son indignation face à l’abandon  du vélo par la jeunesse de sa localité. « Les jeunes de Kadiolo refusent de s’entraîner au vélo.  Ils ne savent que conduire la moto », a-t-il asséné.

« Tièdian »  repose désormais à kadiolo. Soucieux de son bien-être, ses enfants lui ont acheté une moto, mais il n’en a pas voulu, car déjà marié au vélo qu’il aurait bien aimé emporter avec lui. 

Boubacar Diallo

 

Grand prix Nouhoum Danioko : Kadiolo reconnaissant envers son champion

Permettre à une pépite d’or souillée par la boue de retrouver toute sa candeur d’antan. Voilà l’objectif du Grand prix Nouhoum Danioko, du nom de l’ancien champion malien qui a dominé le monde du  cyclisme dans les premières années de l’Indépendance. L’événement, initié par Tiona Matthieu Koné, journaliste et fils du terroir, se propose de réhabiliter celui dont l’anonymat a dévoré depuis des lustres.  La 3ème édition a lieu ce samedi 15 février au terrain de football de l’école fondamentale Diallacoro Danioko  de Kadiolo, dans la région de Sikasso en présence de l’ancien premier ministre Ahmed Mohamed Ag Hamani, des autorités administratives et plus d’un millier de personnes.

Le Grand prix Nouhoum Danioko est à Kadiolo ce que le Tour de France est à  la France. Evénement unique du genre, il rassemble et donne la joie, mais pas que. Il remet également sous les projecteurs celui qu’on appelle affectueusement «  Kadiolo tiè djan » (Le grand de Kadiolo) et qu’on comptait naguère parmi les morts. Il a été sacré champion du Mali des premières heures de l’Indépendance  et a reçu des mains de l’ancien Président Modibo Kéïta son prix. Il a également remporté plusieurs compétitions régionales de Sikasso et de l’intérieur du Mali.

Cette troisième édition a enregistré la présence de 16 cyclistes amateurs aux profils variés.  Avec des vélos non professionnels et qui servent de moyen de déplacement de la localité, ils ont parcouru un circuit d’environ 40 Km à l’issue duquel Dramane Sylla, de Kadiolo, a été sacré gagnant avec une heure dix-neuf minutes. « Je voudrais atteindre la performance de Nouhoum Danioko, et  si possible organiser un événement de ce genre dans le futur », espère-t-il.

Trois minutes plus tard,  le représentant de Diou, la plus petite commune du Mali, avec trois villages, fait  son arrivée. Moussa Bamba, franchit la ligne d’arrivée, la sueur dégoulinant du visage. 

Muet, il ne peut nous décrire son ressenti. Cependant, ses gestes et expressions faciales font montre de la solennité du moment. Et c’est le champion de l’édition précédente Lamissa Sanogo de Lofiné, à 12 km de Kadiolo,  qui boucle le podium. Il reproche à la commission d’organisation d’avoir autorisé Dramane Sylla à concourir avec un « vélo VTT ». «  N’eut-été le vélo du gagnant, moderne et à la performance tranchante avec le mien, je serai dans les deux premiers », se justifie-t-il.

Dramane Sylla, charretier de son état, s’est vu donner sa recette de tout un mois. En plus d’une médaille, il a  empoché 75 000 FCFA. Le deuxième a reçu une médaille et 50 000 FCFA et le troisième 30 000 FCFA.

Le public, ému, a donné d’autres sommes supplémentaires aux deux premiers. Chacun des autres cyclistes ont reçu un prix de participation de 2000 FCFA. 

« Les jeunes ne savent que conduire de la moto »

Nouhoum Danioko, 79 ans aujourd’hui,  a exhorté les jeunes cyclistes à plus de persévérance. Il a également reproché à la jeunesse, son désintérêt pour le cyclisme. « Les jeunes de Kadiolo refusent de s’entraîner au vélo.  Ils ne savent que conduire la moto », a-t-il asséné. 

Thiona Mathieu, l’initiateur de la course

L’initiateur de l’événement, Tiona Mathieu Koné a rendu hommage à l’ancien champion  malien des années soixante «  grand par les exploits sportifs et géants par le patriotisme. ». « Cette cérémonie honorent et encourage à perpétuer la célébration des bons exemples réalisés par des compatriotes. A l’époque on ne parlait pas de salaire. Tout se faisait au nom de l’honneur », a-t-il déclaré. 

La danse  des « Samoko », troupe traditionnelle spéciale de Lofiné qui célèbre les grands cultivateurs et la fanfare des armées de la garnison militaire de Sikasso ont entonné tout au long de la cérémonie. Comme pour crier au monde que Nouhoum Danioko reste bien vivant.

Boubacar Diallo