ORTM – Gouvernement : signal brouillé

Le bras de fer qui oppose le Comité syndical de l’ORTM au ministère de l’Économie numérique, de l’Information et de la Communication s’est traduit par une grève de 48h à la fin décembre 2015, suivi d’une seconde de 72h du 27 au 29 janvier. À Bozola, on est déterminé à contraindre le gouvernement à satisfaire les revendications.

« Cette grève a eu lieu à  cause d’un calendrier, parce que le gouvernement a refusé la mise en oeuvre de nos revendications pour janvier 2017 !», déplore Abdrahamane Hinfa Touré, secrétaire général du comité syndical de l’ORTM. Pour le syndicat, plusieurs points essentiels restent insatisfaits, comme l’abrogation des lois portant sur la restructuration de l’ORTM et l’harmonisation du statut des deux entités à  créer : la Société malienne de transmission et de diffusion (SMTD), et l’ORTM, actuellement établissement à  caractère public administratif (EPA), pour l’édition. « La séparation n’a jamais posé de problèmes, mais nous voulons que ces deux entités gardent un même statut, soit EPA, soit établissement public à  caractère industriel et commercial (EPIC). Comme cela, l’une va veiller sur l’autre car les ressources de la SMTD ne sont pas garanties », explique M. Touré.

Bien qu’en baisse depuis la crise de 2012, la subvention de l’État à l’ORTM atteint aujourd’hui de 5 milliards. La redevance audiovisuelle qui devrait faire partie des ressources de l’ORTM n’est toujours pas effective, et la régie publicitaire est gérée par l’AMAP (éditeur de l’Essor), « qui prélève 30 % et doit nous reverser 70 %, mais elle nous donne ce qu’elle veut quand bon lui semble. Nous voulons le retour de l’intégralité de la régie ! » Autant de raisons pour lesquelles le comité syndical souhaiterait que les entités passent d’EPA à  EPIC. « Le gouvernement pense qu’en allant à  l’EPIC, l’ORTM va lui échapper. Loin de nous cette idée ! », s’exclame Abdrahamane Touré.

Enfin, l’ingérence des autorités dans le fonctionnement de l’ORTM ajoute au malaise ambiant. Elle a été d’ailleurs dénoncée par son ex-Pdg Bally Idrissa Sissoko, limogé brutalement fin janvier. « Avec le statut d’EPIC que nous avions proposé, le gouvernement pourrait peut-être moins s’ingérer dans la gestion de l’ORTM », ajoute Abdrahamane Touré. Le Comité syndical rappelle néanmoins que le but n’est pas de se libérer du gouvernement, mais d’insuffler un esprit d’entreprise afin de permettre à  l’ORTM de résister à  la concurrence et d’améliorer les conditions de vie des agents de l’Office.

Menace d’extinction du signal Au niveau du ministère de l’Économie numérique, de l’Information et de la Communication, on joue l’apaisement et on rappelle que les textes de loi ont été élaborés en collaboration avec l’ORTM. « Il s’agit d’un service public essentiellement gratuit, c’est sa vocation. Nous souhaitons qu’il reste EPA. Sinon, ils devront payer eux-mêmes les fonctionnaires, ils seront appelés à  faire des bénéfices et tous les services ne seront plus gratuits », explique Étienne Coulibaly, conseiller technique du ministère. Le gouvernement compte sur l’institution de la redevance et le retour de la régie publicitaire pour appuyer les finances de Bozola. Les journalistes quant à  eux se disent partagés entre le soutien à  l’action syndicale et la crainte que le nouveau statut souhaité ne leur soit pas aussi favorable qu’ils l’espèrent pour les travailleurs de la « Grande Maison », comme ils l’appellent. « Il y a effectivement un paradoxe, d’autres EPA ont beaucoup d’avantages en terme de salaires ou de primes, alors qu’ils ne sont pas plus nantis que nous », observe un journaliste de l’ORTM. Aujourd’hui, la tension ne semble pas s’apaiser et c’est désormais une « grève illimitée avec écran noir ! » que menacent d’organiser Abdrahamane Hinfa Touré et ses camarades.