Mouvement de grève : Magistrats et agents de santé en ordre de bataille

Alors que deux syndicats de magistrats ont entamé un mouvement de grève ce 25 juillet 2018, plusieurs autres syndicats du secteur de la santé menacent d’enclencher un mouvement de grève de 15 jours à partir du 26 juillet 2018. Amélioration de leurs conditions de travail ou de leur statut, les syndicats entendent exiger du gouvernement la satisfaction de leurs points de revendication avant toute reprise du travail.

La plateforme syndicale constituée de la Fédération des Syndicats de la Santé, de l’Action Sociale du Mali (FESYSAM), le Syndicat des Médecins du Mali et le Syndicat Autonome des Personnels des Centres Communautaires de Santé prévoient d’entamer une grève de 15 jours à partir de ce 26 juillet 2018, si leurs revendications ne sont pas satisfaites d’ici là.  Ce mouvement intervient après  l’observation d’un mot d’ordre de 9 jours en juin dernier pour les mêmes motifs. Il s’agit notamment de l’adoption de leur statut qui comporte notamment le changement de la grille salariale. Les syndicats réclament également l’application du protocole d’accord signé avec le gouvernement à la suite de la grève de 36 jours observée par ces syndicats en mars 2017 et qui connaît « un taux d’exécution de 30% », selon le docteur Seybou Cissé, secrétaire général de la FESYSAM.

D’autres points sont aussi relatifs à la passerelle entre la fonction publique des Collectivités et l’enseignement supérieur ainsi que le soutien à l’installation des médecins « qui ne pourront pas être employés par la fonction publique », précise le docteur Cissé. Cette grève prévue pour 15 jours, sera reconduite en grève illimitée, selon les syndicats. A moins que les négociations qui sont en cours aboutissent.

De leur côté le Syndicat Autonome de la Magistrature et le Syndicat Libre des Magistrats a déjà commencé son mouvement de grève. Motif : la non satisfaction des revendications soumises à l’Etat depuis 2014 ; avec une nouvelle revendication soumise à la suite de l’enlèvement du juge de Niono, il y a maintenant 8 mois. En effet, les magistrats estiment qu’au lieu de mettre en œuvre l’accord convenu avec eux sur le renforcement de la sécurité des magistrats et des juridictions, l’Etat contribue plutôt à le dégrader. « Le gouvernement avait pris 2 engagements relatifs à la relecture de notre statut et la revalorisation de la grille ».  A lieu de mettre en œuvre l’engagement concernant la sécurité qui devrait être mis en œuvre en fin juin, « l’Etat a contribué à la dégrader », avec la diminution de l’effectif de sécurité affecté au niveau des tribunaux, selon Hady Macki Sall, président du Syndicat Libre des Magistrats. Même si l’Etat explique cette situation par des impératifs de formation de ces agents.

Cette grève d’une durée d’une semaine sera reconduite en grève illimitée en cas de non satisfaction de leurs revendications, assurent les syndicats. Cette grève qui débute à quelques jours des élections, est-ce un hasard ? Tout à fait, répond Abdourahamane Mohamed Maïga, secrétaire à la communication du Syndicat Libre de la Magistrature. « Cette grève n’a rien avoir avec les élections. Il s’agit des mêmes revendications que nous avions depuis plusieurs années ».

Grève des magistrats : Enfin le bout du tunnel ?

La grève des magistrats qui dure depuis plus d’un mois devrait bientôt avoir une issue favorable. A l’issue d’âpres négociations, des compromis auraient été trouvés entre les différentes parties pour surseoir sur le mot d’ordre de grève.

Après des semaines de paralysie et de catatonie, le secteur judiciaire devrait bientôt reprendre ses activités, si l’on se fie aux déclarations des uns et des autres à la sortie des négociations qui ont pris fin aujourd’hui et qui portaient sur six points à savoir : l’amélioration substantielle du salaire, l’amélioration de la prime de judicature, de monture et de logement. Un accord sur deux points aurait été trouvé. « Le gouvernement a consenti à faire des efforts pour augmenter le niveau des salaires de 10% et la prime de logement passerait de 50.000 à 118.000FCFA pour cette année, et à 125.000FCFA en 2018 » explique Matthieu Traoré, conseiller technique en charge des questions de droit public et de l’environnement au ministère de la Justice et des Droits de l’homme. Le gouvernement a en outre refusé d’accéder à la demande d’une prime de monture. « Aucun corps de travail au Mali ne dispose d’une telle prime, sur ce point le gouvernement a émis un refus catégorique » défend Traoré. Il estime pour sa part que l’Etat malien a consenti à d’innombrables efforts pour mettre fin à la grève. « A l’heure actuelle, c’est un problème interne entre les syndicats eux-mêmes, il suffit juste qu’ils se mettent d’accord » continue-t-il.

Allusion faites, à l’imbroglio autour de la présence de Mohamed Chérif Koné, président du syndicat autonome de la magistrature (SAM) qui avait dans une adresse télévisuelle demandé aux magistrats de suspendre la grève. Son vice-président ne veut pas faire des tonnes, « des sanctions sont envisageables, mais pour le moment, nous n’en sommes pas là » soutient Aliou Badra Nanakassé. Mais tous ne serait pas aussi prompt à la tolérance que lui. Selon Matthieu Traoré, plusieurs magistrats devant participer aux négociations auraient tourné les talons à la vu de Mr Koné.

Ce qui aurait eu comme conséquence la non signature du procès verbal qui devait entériner la fin de la grève hier. « Nous ne pouvons pas dire que nous sommes totalement satisfait, mais nous sommes entrain de réunir les conditions pour signer le PV et faire un communiqué conjoint qui mettra fin à la grève » souligne Siaka Coulibaly, président du syndicat libre de la magistrature (SYLIMA). Ce qui ne sera pas synonyme de fin. « Nous voulons créer un cadre apaisée pour continuer les négociations, et nous le ferons » conclut Coulibaly.

 

Salaire des magistrats : le Mali au bas de l’échelle ?

Écart entre les salaires, absence ou manque de primes en termes d’hébergement et de communication sont, entre autres, les raisons qui poussent les magistrats maliens à aller en grève. Mais quelle est la situation de leurs homologues de la sous-région ?

Logements, véhicules de service, indemnité de déplacement sont quelques avantages alloués aux magistrats en Côte d’ivoire depuis 2008. Autant d’aspects qui fâchent leurs collègues maliens. « Nous n’avons ni véhicule de service, ni primes d’électricité et d’eau. Nous sommes très souvent à trois dans les bureaux sans interphone », déplore Maître Saadou Cissé, magistrat au Tribunal administratif de Bamako. Le magistrat débutant au Mali perçoit moins de 400 000 francs CFA comme salaire, alors que le « salaire du magistrat nigérien débutant est de 700 000 francs CFA environ », déplore Dramane Diarra, chargé des relations extérieures du Syndicat autonome de la magistrature (SAM). « C’est inacceptable », a-t-il déclaré chez notre confrère, le journal Africa Check, qui a réalisé une comparaison des traitements des juges magistrats de la sous-région. Il en ressort que ceux du Mali sont effectivement les moins bien lotis. « C’est une évidence. Le gouvernement le sait également », estime Maître Mohamed Maouloud Najim, magistrat et avocat général près la Cour d’appel de Bamako.

Bas du panier Il y a 4 ans, au Niger, le salaire d’un magistrat en début de carrière est passé de 500 000 à 800 000 francs CFA. Il peut atteindre 1 million après 25 ans de carrière, explique Yahou Mahamane, magistrat. Au Sénégal, en 2012, Abdoul Aziz Seck, Secrétaire général de l’Union des magistrats du Sénégal dévoilait le bulletin de salaire des magistrats à la télévision. Chaque magistrat a « une indemnité globale de 800 000 francs CFA qui était de 150 000 vers les années 90, avant de passer à 300 000 francs au début de l’an 2000 », avait-il précisé. En 2011, le « décret en or » pris par le Président Laurent Gbagbo portait quant à lui à 5 millions de francs CFA, le salaire des hauts magistrats ivoiriens, tels que le Premier président de la Cour suprême ou le procureur général. Un magistrat malien avance d’un échelon chaque deux ans. « La prime d’un échelon équivaut à 7 500 francs CFA d’augmentation », affirme Saadou Cissé, qui cite son exemple à titre illustratif. « J’avais moins de 400 000 francs CFA lorsque je commençais et aujourd’hui je suis à 430 000 francs CFA », déclare-t-il.

 

Grève des magistrats: la justice prise en otage

Le ministre de la Justice, Me Mamadou Ismaïla Konaté, fait face à son deuxième mouvement de grève depuis son arrivée à la tête du département en juillet 2016. Ce dernier est le plus dur. Cela fait plus d’un mois que les cours et tribunaux sont fermés, qu’aucun procès ne s’est tenu, et qu’aucune tâche administrative n’a été menée dans les structures judiciaires. Une situation qui porte préjudice, non seulement aux citoyens en quête de justice, mais aussi à ceux qui font recours auxdites structures pour d’autres usages. Si le dialogue a repris ce mardi 7 février sous l’égide du ministre de la Fonction publique, les avancées se font point par point et les deux parties, gouvernement et syndicats, se disent prêts à débloquer la crise. Tout en campant, ou presque, sur leurs positions.

« [ …] Le malheureux attentat de Gao a fait l’objet de l’ouverture d’une enquête judiciaire, mais aucune poursuite n’est possible aujourd’hui parce qu’il n’y a pas de juge, pas de procureur ». Ces propos du ministre de la Justice dans un entretien accordé au quotidien national l’Essor le 23 janvier, illustre bien l’ampleur de l’incidence de la grève des magistrats maliens. « Aujourd’hui, on est en rupture d’État de droit, on est en absence de justice », poursuivait-il le même jour, discours repris en substance sur les ondes de l’ORTM une semaine plus tard, en réitérant l’appelle au dialogue qui semble donc avoir été entendu.

Reprise des discussions « Nous avons relancé les pourparlers sous l’égide du ministre du Travail et de la Fonction publique », a déclaré Matthieu Traoré, conseiller technique en charge des questions de droit public et de l’environnement au ministère de la Justice et des Droits de l’homme, lui-même magistrat. « Nous passons les différents points de revendications et nous les traitons les uns après les autres pour arriver à une entente et à un dénouement de cette crise ». Notre interlocuteur n’a pas voulu en dire plus sur le contenu des échanges au nom du secret de la négociation. Il faut cependant noter que le menu détail de ces pourparlers, et même des coulisses, ont été révélés en fin de journée du mardi 7 février sur Facebook, portant les parties à s’interroger sur l’origine des fuites. On sait d’ores et déjà par ce biais qu’un ou deux points de revendications ont été accordés. Les échanges ont repris mercredi 8 février à 15h, au ministère de la Justice.

« Nous restons sereins », indique pour sa part le vice-président du Syndicat autonome de la magistrature (SAM). Aliou Badara Nanakassé estime que leur mouvement fait l’objet de manœuvres de division, en témoigne « l’acte isolé du président (Mohamed Chérif Koné, ndlr) qui est allé seul à la télé pour parler de suspension, alors qu’il n’en avait pas reçu le mandat de la base ». « Les deux syndicats continuent d’œuvrer main dans la main et nous avons bon espoir. Nous avons montré notre bonne volonté d’arriver à un accord », poursuit notre interlocuteur.

Divergences Si l’on en croit le président du Syndicat libre de la magistrature (SYLIMA), tout avait pourtant bien commencé entre le gouvernement et le monde de la justice. En août dernier, le ministère de la Justice et des Droits de l’homme convoque un Dialogue national sur la justice. Le constat, posé par Me Mamadou IsmaïIa Konaté, chef du département, est sans appel. « La situation du juge est dramatique car le juge a mal dans son corps, sa tête et sa peau ». Il urge donc d’améliorer ses conditions de travail et de vie pour une justice malienne de qualité. « Ce dialogue permettra de recevoir les revendications, les traiter avec eux pour une justice de qualité.  Qu’il n’y ait plus de juge pourri. Les mauvaises graines sont à extraire », avait alors déclaré le ministre. « Le dialogue national a accouché d’un rapport qui présente six points de revendications pour les deux syndicats : l’amélioration substantielle de salaire, l’amélioration de la prime de judicature, de monture et de la prime de logement. C’est une commission mise en place par le ministre de la justice qui a présidé les échanges. Le gouvernement est donc imprégné des décisions prises, il les connait », assure Siaka Coulibaly, président du SYLIMA. Qui donne le détail de certaines des revendications actuellement en discussion. « Pour les hauts magistrats tels que le président de la Cour suprême, le président du Conseil constitutionnel, nous avons demandé que le salaire de ceux-ci puissent aller à 5 millions de francs CFA. Mais il n’est pas dit que ce sont tous les magistrats qui doivent percevoir un salaire de 5 millions ni que la décision doive être appliquée aujourd’hui. Pour les magistrats de deuxième rang, nous avons demandé qu’après 20 ans d’exercice ils puissent avoir au moins 3 à 4 millions de francs CFA comme salaire. Pour passer à un grade exceptionnel, il faut encore 20 ans d’exercice. L’information n’est donc pas entièrement et correctement donnée à la population. Le gouvernement a proposé d’augmenter de 5% cette année et 5% l’année prochaine. Nous avons répondu que c’est eux même qui ont pris des experts pour travailler sur ces questions, alors qu’ils appliquent ce qui a été dit ».

Ce n’est donc pas sur la pertinence des doléances des magistrats que bloquent les négociations. Mais si le gouvernement est d’accord pour améliorer les conditions de travail des fonctionnaires de justice, il n’en est pas moins que « la responsabilité de l’État est quand même de tenir le cordon de la bourse et d’être juste vis-à-vis de l’ensemble des catégories de personnels y compris les magistrats », comme l’a encore récemment déclaré le ministre de la Justice. Il faut signaler qu’après le dépôt du préavis de grève, la médiation avait obtenu des syndicats la réduction des 55 points initiaux en 7 points. Les 55 points étaient chiffrés à 110 milliards de francs CFA et les 7 représentent 31 milliards de francs Cfa, selon les chiffres du ministère de la Justice.

L’opinion publique est quant à elle pour le moins divisée sur cette affaire. « Comment des Maliens peuvent demander une augmentation de 600% dans le contexte dans lequel est le pays ? Et on bloque le pays pour ça, c’est criminel ! », s’insurge Adama, un internaute qui commente régulièrement l’évolution de la grève. « Ils ont le droit de faire la grève, et tous les travailleurs devraient faire comme eux pour obliger l’État à se pencher sérieusement sur l’amélioration sérieuse de leurs conditions de vie », défend pour sa part Dicko. C’est d’ailleurs l’argumentaire des grévistes. « Nous sommes partis du constat que les magistrats donnent une image que le peuple n’accepte pas. L’autre constat est que le peuple ignore tout de nos conditions de travail. Le peuple pense que nous avons tout. Ce qui n’est pas le cas. C’est pourquoi nous tenons à ce que le peuple sache la vérité. J’avoue que nous avons contribué à l’idée selon laquelle les magistrats du Mali sont bien payés parce que nous n’avions pas osés le dire ». En contrepartie, nous avons demandé le durcissement des procédures et l’application des sanctions. À l’interne, nous allons sensibiliser les collègues dont le comportement peut être reprochable sur le plan de la déontologie afin qu’ils reviennent dans le droit chemin.  Si cela ne suffit pas, alors ils répondront de leurs actes comme tout le monde ».

Les yeux sont donc braqués sur les locaux du ministère de la Justice où les négociations continuent, sous la férule du Président du comité de médiation, Amadi Tamba Camara. Avec l’espoir que prenne fin cette crise inédite, avant qu’elle ne fasse effet boule de neige. Déjà, les greffiers et les assistants parlementaires menacent eux aussi de débrayer le 15 février prochain…

 

 

Grèves des magistrats : le gouvernement s’accroche au dialogue

La grève illimitée des magistrats a paralysé le système judiciaire. Le gouvernement, qui dit ne pas avoir les moyens pour satisfaire toutes les doléances, appelle au dialogue.

Sale temps pour le ministre de la Justice, Mamadou Ismaël Konaté. Arrivé à la tête de ce département en juillet 2016, il fait face à la deuxième grève des syndicats des magistrats. Depuis le mercredi 18 janvier, le Syndicat autonome de la magistrature et le Syndicat libre de la magistrature ont allumé la mèche d’une grève illimitée, après 7 jours de grève déclenchée le 9 janvier.

Aujourd’hui, alors que hommes politiques, dignitaires religieux et autres membres de la société civile ont chaussé leurs babouches de médiateurs pour trouver une issue à la grève, le gouvernement et les magistrats continuent de se renvoyer la balle. « C’est un mouvement qui nous a été imposé, c’est le gouvernement de par son attitude de mépris, de dédain qui arrive à même radicaliser les gens. Personne n’a fermé la porte au dialogue. Il faut qu’on montre le droit chemin aux mauvais gouvernants. Il faut qu’on commence à sortir de l’hibernation», estime Dramane Diarra, secrétaire aux relations extérieures du syndicat. Face à la stratégie du rouleau compresseur employée par les magistrats, le gouvernement, par la voix du ministre de la Justice Me Mamadou Ismaël Konaté, objecte que « nous avons des exigences, des limites et des obligations budgétaires qui ne nous permettent pas aujourd’hui de prendre en charge une demande aussi importante que celle exprimée par les magistrats. Pour autant, le gouvernement a indiqué qu’il n’était aucunement pas fermé au dialogue ».

Que veulent les magistrats ?

Dans une interview qu’il a accordée à L’Essor, le ministre de la Justice, Mamadou Ismaël Konaté, explique que « les magistrats demandent 5 millions d’augmentation de salaire pour le premier président de la Cour suprême, 5 millions pour le procureur général près la Cour suprême. Ce qui fait une augmentation de près de 650%. Ils demandent en même temps 4,5 millions pour les conseillers et les avocats généraux au niveau de la Cour suprême, 4 millions pour les magistrats de grade exceptionnel, 3,5 millions pour les magistrats de premier grade et 3 millions pour les magistrats de deuxième grade. L’incidence de ces doléances sur le budget national représente par mois environ 2,8 milliards de francs CFA. Au total, elle est d’environ 34 milliards de francs CFA par an. » Ce sont là les point de revendications des magistrats qui, selon le ministre, ne peuvent être discutés que dans le cadre du dialogue.

Que perd l’Etat dans cette grève ?

A en croire le ministre Mamadou Ismaël Konaté, les conséquences de cette grève sont graves. Dans les commissariats de police et les brigades, les garde-à-vues sont prolongés, ce qui crée une surpopulation dans les cellules. A Gao, où il y a eu un attentat ayant causé la mort de plus de 80 personnes, explique le ministre, aucune enquête n’est possible «parce qu’il n’y a pas de juge, pas de procureur. » Pour le moment, tout ce que le ministre a à offrir aux magistrats, c’est le dialogue.

 

La magistrature en grève illimitée

Des syndicats de magistrats ont décidé d’entamer une grève à durée illimitée à partir de ce mercredi 18 janvier.

A la sortie d’une Assemblée extraordinaire tenue lundi dans la salle d’audience de la Cour d’appel de Bamako, les magistrats ont décidé à l’unanimité de prolonger leur grève, initialement prévue pour sept jours, en une grève illimitée à compter du mercredi 18 janvier. Deux groupes syndicalistes de magistrats, à savoir le SYLMA (Syndicat libre de la magistrature) et le SAM (Syndicat autonome de la magistrature) ont décidé de s’allier afin que le Gouvernement prenne acte et réagisse face à leurs revendications. En plus des deux syndicats, de nombreux magistrats venus de l’intérieur et de la ville de Bamako, ont également pris part à la rencontre.

Selon le président du SAM, le gouvernement n’aurait pas respecté des éléments essentiels du principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire et ses engagements internationaux, relatifs aux normes minimales sur l’instruction judiciaire et sur le traitement des magistrats. « Constatant la banalisation du mouvement syndical des magistrats par le pouvoir en place, caractérisée par le mépris, tirant les conséquences de la fermeture de la porte du dialogue par le gouvernement, le Syndicat autonome de la magistrature et le Syndicat libre de la magistrature ont, à l’unanimité, pris la décision de convertir leur grève initialement de sept jours, en grève illimitée jusqu’à satisfaction totale de leurs revendications », a expliqué Cheick Mohamed Chérif Koné, président du SAM.

Le vendredi 6 janvier dernier, la rencontre de la dernière chance entre le Gouvernement et le Syndicat Autonome de la Magistrature avait échoué, et le SAM avait alors décidé d’observer une grève de 7 jours ouvrables du 9 Janvier 2017 à partir de minuit au 17 Janvier minuit, sur l’ensemble du territoire national. Ce mouvement d’humeur était la suite d’un préavis de grève en date du 23 décembre 2016.

Les Magistrats revendiquent l’augmentation de leurs salaires, afin de les mettre au même niveau que ceux de leurs confrères de la sous-région. En plus, les ressources financières générées par la Justice (consignations, amendes, enregistrements, etc.), s’établissent à plus de 15 milliards de FCFA par an. Ces ressources, dont une grande partie échappe à toute perception, constituent des manques à gagner par manque d’organisation. Découlant des activités de la Justice, elles représentent plus de 0,8% du montant des recettes budgétaires et dépassent les 12 milliards alloués chaque année au Département de la Justice.

Les magistrats en grève pour 72 h

Après l’échec des négociations avec le gouvernement, le syndicat autonome de la magistrature (SAM) observe une grève de 72 heures à partir de ce mercredi.

C’est le 11 février que le syndicat autonome de la magistrature a déposé son cahier de doléances sur la table du ministère du Travail, de la Fonction publique et des Relations avec les institutions. Le 11 juillet, a suivi un préavis de grève de 72 heures allant du mercredi 27 au vendredi 29 juillet. Le syndicat a donc maintenu, sans surprise, son mot d’ordre de grève. Les négociations avec le gouvernement autour des 27 points de revendications ont fini en queue de poisson. Un accord fut trouvé autour de huit point (1, 2, 8, 9, 15, 16, 17, 18) et les négocions ont achoppé sur le reste des points, hormis le 24 qui a fait l’objet d’un accord partiel tandis que le 27 a été écarté. Le mardi 26 juillet, au cours d’une conférence de presse, le syndicat a fait porter le chapeau de l’échec des négociations au gouvernement qui, selon lui, ne travaille pas dans le sens de l’indépendance de la justice. Le relèvement de la grille salariale, les indemnités de logement, la prime d’installation, la revalorisation des pensions ainsi que l’attribution de passeports diplomatiques et de services sont des points essentiels sur lesquels les négociateurs du gouvernement se sont refusé à céder.

« On pense que le magistrat ne doit pas bénéficier des mesures de renforcement et de protection, surtout dans le contexte actuel marqué par l’insécurité. Cela relève d’un esprit négatif. », a déclaré le syndicat.

Aujourd’hui, les deux camps se renvoient la balle. Pour les émissaires du gouvernement, ces revendications, en plus d’être illégitimes, sont disproportionnées surtout dans un pays qui sort affaibli d’une crise. Toutefois, le gouvernement a accepté de relever le budget du ministère de la Justice de 5,2%, l’alignement de la Cour suprême sur les institutions de même niveau, du point de vue des traitements et avantages, l’extension des dispositions du décret N° 2014-0837/PRM du 10 Novembre 2014 aux magistrats (indemnités de représentation et de responsabilité, d’eau, d’électricité, de téléphone, de résidence, primes de zone, de domesticité et autres), l’élaboration d’un Plan de Carrière des magistrats et la classification des juridictions, l’élaboration du Règlement Intérieur du Conseil Supérieur de la Magistrature…

Points de revendications

1°) le relèvement du budget du Ministère de la Justice à hauteur de 10% au moins du budget national, à compter de l’exercice 2017.

2°) L’alignement de Cour Suprême sur les institutions de même niveau au regard du principe de la séparation des pouvoirs, au point de vue des traitements et avantages, ainsi que sa dotation en moyens suffisants nécessaires à son fonctionnement et lui permettant d’assurer le respect des engagements internationaux pris au nom du Mali ;

3°) le relèvement de la grille indiciaire des magistrats de :

-350 à 750 pour le Magistrat en début de carrière ;

-1100 à 3500 pour le Magistrat de grade exceptionnel.

4°) le rehaussement des indemnités de judicature à hauteur de 800.000 FCFA pour chaque magistrat.

5°) le rehaussement des indemnités de logement à hauteur de:

– 500.000 FCFA pour le magistrat de la Cour Suprême

– 300.000 FCFA pour les autres magistrats.

6°) l’octroi de primes de responsabilité et de représentation à hauteur de:

-500.000 FCFA pour le Président de la Cour Suprême et le Procureur Général près la Cour Suprême ;

-400.000 FCFA pour les autres magistrats de la Cour Suprême ;

-350.000 FCFA pour le Premier Président de Cour d’Appel, le Procureur Général près la Cour d’Appel, les Chefs des Services Centraux du Ministère de la Justice et le magistrat en détachement ;

-300.000 FCFA pour tout autre magistrat de Cour d’Appel ou tout autre magistrat de l’Inspection des Services Judiciaires ;

-250.000 FCFA pour le Président du Tribunal de Grande Instance, le Président du Tribunal Administratif, le Président du Tribunal de Commerce, le Président du Tribunal du Travail, le Président du Tribunal pour Enfants, le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance ;

-200.000FCFA pour le Président du Tribunal d’Instance, le Procureur de la République près le Tribunal d’Instance et tout magistrat en fonction dans un Service Central ou assimilé du Ministère de la Justice ;

-150.000 FCFA pour tout autre magistrat d’une juridiction de premier degré.

7°) l’octroi d’indemnités de recherche à hauteur de :

-200.000 FCFA pour chaque magistrat de la Cour Suprême et le Directeur National de l’Institut National de Formation Judiciaire ;-100.000 pour le Directeur Adjoint et le Directeur des Etudes de l’Institut National de Formation Judiciaire ;

8°) l’octroi d’une prime de risque d’un montant de 150.000 FCFA pour tout magistrat.

9°) l’extension des dispositions du décret N° 2014-0837/PRM du 10 Novembre 2014 aux magistrats (indemnités de représentation et de responsabilité, d’eau, d’électricité, de téléphone, de résidence, primes de zone, de domesticité et autres).

10°) l’octroi d’une prime, d’installation non taxable d’un montant de 2.000.000 FCFA, au jeune magistrat au moment de son entrée en fonction.

11°) l’Intégration des primes et indemnités aux salaires.

12°) la revalorisation des pensions des magistrats à hauteur de 50 pour cent.

13°) la dotation en carburant de tous les magistrats.

14°) la réparation des dommages matériels occasionnés aux magistrats lors des évènements survenus dans la partie Nord du pays.

15°) l’élaboration d’un Plan de Carrière des magistrats et la classification des juridictions.

16°) l’élaboration du Règlement Intérieur du Conseil Supérieur de la Magistrature.

17°) le respect des dispositions de l’article 8 de la loi N° 02-054 du 16 Décembre 2002 portant Statut de la Magistrature, relatives à l’installation solennelle des chefs de juridiction et de parquet.

18°) la conception d’un programme adapté de formation de base et le soutien à la formation continue des magistrats.

19°) l’inscription du SAM au budget du Ministère de la Justice concernant les frais et charges afférents à sa qualité de membre de l’Union Internationale des Magistrats.

20°) l’octroi au SAM de sa place au sein du Conseil Economique, Social et Culturel, conformément à l’arrêt N° 76 du 15 Août 2002 de la Section Administrative de la Cour Suprême.

21°) le renforcement des mesures de sécurité.

22°) la dotation de chaque magistrat en passeport de service, en général, et particulièrement ceux de la Cour Suprême, les Présidents des Cours d’Appel, les Procureurs Généraux près les Cours d’Appel et le Directeur Général de l’Institut National de Formation Judiciaire en passeport diplomatique.

23°) la dotation des magistrats de la Cour Suprême, des chefs de juridiction et de parquet en véhicule de fonction.

24°) la dotation de chaque Cour d’Appel, de chaque Tribunal de Grande Instance et de chaque Tribunal d’Instance en véhicule d’extraction.

25°) la transparence dans l’attribution des titres de distinction et la disponibilité des critères d’avancement pour une meilleure prise en compte des magistrats.

26°) l’adoption d’un programme de logement des magistrats.

27°) l’exonération de la totalité des droits et taxes pour toute importation faite par le magistrat, chaque trois an.