Crise au centre : Le haut représentant du président de la République fait le point sur sa mission

Près de six mois après sa nomination par décret N°2019-0586 / P-RM du 31 juillet 2019 comme Haut Représentant du président de la République pour les régions du centre, Pr.Dioncounda Traoré a animé jeudi 23 janvier 2020 au siège de l’institution, une conférence de presse pour situer l’opinion nationale et internationale sur les missions qui lui ont été confiées, les démarches déjà entreprises et les perspectives à venir.
Le haut représentant du président de la République pour les régions du centre était accompagné pour cet exercice de son secrétaire permanent M. Diango Cissoko et de l’expert militaire, le colonel-major Abbas Dembélé.
Prenant la parole, il a d’abord réitéré ses remerciements au chef de l’Etat pour la confiance qu’il lui a témoigné en lui confiant « cette mission aussi difficile, aussi complexe, aussi vitale pour notre pays », avant de revenir sur les grandes lignes de la tâche qui lui incombe.
Missions diverses
Les grandes lignes de cette haute tâche sont diverses. D’abord favoriser et soutenir le redéploiement des forces de défense et de sécurité dans les régions du Centre et désarmer toutes les milices et forces hostiles, élaborer et mettre en œuvre une stratégie globale axée sur la protection des civils et la réduction des violences intercommunautaires, veiller à ce que les responsables des violations des droits de la personne humaine ainsi que du droit international humanitaire aient à répondre de leurs actes et soient traduits en justice. Ensuite, assurer le suivi du sort réservé aux crimes perpétrés à KoulongoOgossagou et Sobane Da, ainsi que tout crime semblable commis au centre du pays, faciliter les échanges intra-communautaires et contribuer au rapprochement des points de vue à la lumière de l’intérêt exclusif du peuple malien, contribuer à l’installation et au maintien d’un climat de confiance entre toutes les communautés impliquées et entre ces communautés et l’Etat. Enfin, contribuer à établir des activités économiques au Centre, sécuriser les travaux agro-sylvo pastoraux et promouvoir l’investissement productif, faire un plaidoyer pour la mobilisation des ressources financières en faveur du développement.

Activités menées
« Nous nous sommes mis au travail avec comme premier objectif de comprendre malgré le brouhaha ambiant les vrais raisons de la crise qui sévissait dans ces zones du centre et qui risquait à terme de porter atteinte à l’existence même du Mali », a indiqué Pr. Dioncounda Traoré« Nous avons invité, reçu et écouté à ce jour près de 500 personnes, Maliens ou étrangers, intellectuels, cadres, religieux, politique, ressortissant ou non des zones concernées, organisations, associations, groupes civils ou armées, partenaires africains ou internationaux etc.», a-t-il ajouté. Après toutes ces différentes rencontres, le haut représentant du président de la République et
son équipe sont parvenus à identifier après les analyses, les véritables raisons de la crise au centre, qui selon eux, n’est pas due à un problème ethnique mais plutôt l’accumulation de certaines circonstances défavorables exploitées « intelligemment » par les groupes djihadistes.

Perspectives
« Nous passerons par le dialogue entre les vrais acteurs qu’il faut identifier. Dans cette identification, nous sommes suffisamment avancés et nous en avons déjà identifié quelques-uns », a précisé M. Traoré« Nous sommes convaincus qu’au bout nous arriverons à mettre fin aux violences intra et intercommunautaires » espère-t-il.
« Nous avons des plans et des suggestions de solutions à faire au chef de l’Etat et il va falloir une synergie de toutes les actions de tous les bords impliqués directement ou indirectement dans la résolution de la crise », a-t-il également souligné. Le haut représentant du président de la République ambitionne d’apporter dans les semaines et
mois à venir, avec l’accompagnement de l’ensemble des organismes dédiés pour la sécurité, une
solution durable aux problèmes du Centre.

Centre : Dioncounda Traoré, un choix judicieux ?

L’ancien Président de la Transition de 2012, le Pr Dioncounda Traoré, a été nommé le 20 juin Haut représentant du Président de la République pour le Centre. Dans la quête pour la résolution de la crise dans cette partie du pays, le choix de l’ancien Président de l’Assemblée nationale apparait judicieux, tant le personnage a des atouts. Mais certains ressortissants de la région de Mopti voient plutôt ATT comme « Solution one ».

Il y a deux semaines, le Président de la République désignait le Professeur Dionconda Traoré comme son Haut représentant pour le Centre du Mali. Les violences exercées dans cette partie du pays et les massacres répétitifs de populations civiles depuis le début de l’année 2019 nécessitent des approches nouvelles et un engagement accru des autorités. La nomination de l’ancien Président de la République sous la Transition s’inscrit dans cette volonté de résolution de la crise. Le personnage a, selon plusieurs analystes, de nombreux atouts. « C’est quelqu’un qui a assez de chance dans la vie. Il sait souvent transformer les défis en réalités. Il a beaucoup d’atouts et connait le paysage politique malien. Mieux, c’est un ancien Président sous la Transition, également ancien Président de l’Assemblée nationale, et c’est à sa demande que les forces étrangères sont arrivées en terre malienne », explique l’analyste politique Salia Samaké.

Réputé patient et pragmatique, ce scientifique pourrait faire bouger les lignes et apaiser les tensions. « Il ressort des différentes analyses que son profil est à la limite consensuel, mais pas à 100%. Beaucoup d’acteurs, tant sur l’échiquier politique que social, trouvent que le Président Dioncounda pourrait combler les attentes,  mais le personnage est marginal au centre du Mali », note le sociologue Dr Aly Tounkara.

Dans la région de Mopti, certaines personnalités, à l’annonce de cette désignation, se disaient déçus, misant avant tout sur l’ancien Président Amadou Toumani Touré, originaire de cette région. Au sein de la Coordination des associations des ressortissants des cercles de la région de Mopti résidant à Bamako (CAREMB), on relativise. « C’est un choix souverain du Président de la République qui ne souffre d’aucune contestation. On peut être frustré ou ne pas être totalement d’accord, mais le choix est fait. La position du CAREMB est de dire aujourd’hui qu’il faut partir de ce choix pour concevoir une dynamique qui permettra à tous les Maliens de contribuer à la résolution du problème du Centre et de la région de Mopti en particulier », estime Adama Samassekou, ancien ministre et Président du regroupement.

Au-delà du personnage

Il s’avère que les deux personnages évoqués ont servi au sommet de l’État à des moments très particuliers. Et que chacun d’eux à ses forces et ses faiblesses. Face aux urgences, le choix apparait plus comme un détail que comme un obstacle. « Au regard de la gravité de la situation dans la région et au Centre en général, nous ne souhaiterions pas ajouter une crise à la crise. Il ne doit pas y avoir de débats insolubles entre personnalités par rapport à la prise en charge de la question gravissime de la région », insiste le Président du CAREMB.

Dans un pays au tissu social atteint, sortir des sentiers battus serait une bonne piste à suivre. « L’enjeu au Centre n’est aucunement lié au choix du personnage. Il faut plutôt interroger les causes profondes de l’insécurité. Est-ce que le Pr Dioncounda Traoré sera capable de questionner les raisons profondes de cette insécurité, la question de la justice sociale et du traitement partial et parcellaire entre les communautés ? », s’interroge le sociologue. Selon lui, il ne peut y avoir de choix unanime.  « J’ai la ferme conviction que si c’était ATT qu’on avait choisi, beaucoup allaient lui renvoyer la responsabilité du début de la crise de 2012. Ce qui aurait compromis ses chances de réussir. Les gens auront souvent des arguments fallacieux sans s’intéresser  à la quintessence de la mission ».

Dans cette zone, où interviennent de nombreux acteurs, la tâche parait ardue, mais pas impossible. Un diagnostic minutieux des causes, pour trouver des solutions durables, s’impose au missionnaire. « Si dans sa démarche il parvient à mettre la main sur les vrais acteurs, il pourra faire décanter la situation. Il faut que tout le monde s’engage à ses côtés, car le problème est complexe », recommande Salia Samaké.

La CAREMB se dit disponible à accompagner le Haut représentant du Président. « Le moment venu, quand nous serons sollicités par lui, nous lui réserverons la primeur de nos propositions », assure Adama Samassekou.