Sénégal : Hissène Habré inculpé

Crimes de guerre, crimes contre l’humanité et torture: deux jours après son arrestation, l’ancien président tchadien Hissène Habré a été inculpé mardi à  Dakar, o๠il vit, pour ces chefs d’inculpation. Les juges d’un tribunal spécial ont aussi ordonné sa mise en détention provisoire. Un de ses avocats, Me El Hadji Diouf, a également cité le terme de « génocide » parmi les chefs d’inculpation retenus contre Habré. Une « commission d’enquête sur les crimes et détournements » commis pendant les années Habré, créée par le gouvernement tchadien après sa chute, a estimé à  plus de 40 000, dont 4000 identifiées, le nombre de personnes mortes en détention ou exécutées au cours de ses huit ans de présidence, de 1982 à  1990.. Selon Me François Serres, un autre de ses avocats, il son incarcération dans une prison à  Dakarqui prenait effet dès mardi. Selon une source proche du dossier il va être placé en détention préventive « au pavillon spécial de l’hôpital Le Dantec », une structure dans le centre de Dakar qui accueille habituellement des détenus malades. Des « collaborateurs » également visés « Depuis des années, Hissène Habré est pourchassé et fait l’objet d’un acharnement. La décision de l’incarcérer avait été prise depuis longtemps », a affirmé Me Diouf. Pour Jacqueline Moudeina, présidente de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme (ATPDH), l’inculpation de Hissène Habré est au contraire « un point culminant de nos 22 années de campagne pour que justice soit rendue ». Outre Hissène Habré, cinq Tchadiens sont considérés comme des « suspects » et ont été cités dans les faits reprochés à  l’ancien président. Il s’agit de Guihini Koré, un neveu de Hissène Habré, Mahamat Djibrine, Zakaria Berdeye, Saleh Younouss et Abakar Torbo, présentés comme ses anciens collaborateurs. « Ces cinq suspects seront sous peu visés par des mandats d’arrêts qui seront lancés par le juge d’instruction » du tribunal spécial, selon une source judiciaire.

Sénégal : procès Habré, les choses s’accélèrent

Les familles des victimes de l’ex-dictateur ont longtemps reproché au Sénégal de traà®ner les pieds dans cette affaire. Le régime de Macky Sall veut montrer sa bonne volonté en accélérant le processus. Ainsi, le 1er avril prochain, l’actualité sur le continent sera, sauf évènement majeur inattendu, le début du procès de l’ex-dictateur tchadien, Hissène Habré. Un tribunal international pour rendre justice aux tchadiens Le tribunal spécial créé au Sénégal pour le juger a démarré ses activités et se prépare pour rendre justice aux milliers de victimes et leurs familles qui la réclament depuis des décennies. La fin de leur quête se précise de plus en plus. «J’ai attendu ce jour pendant 22 ans », a déclaré Souleymane Guengueng, qui a failli succomber aux mauvais traitements endurés pendant près de trois ans dans les prisons de Hissène Habré, puis a fondé l’Association des Victimes des Crimes du Régime de Hissène Habré (AVCRHH). « Je veux voir Habré comparaà®tre devant la justice avant que d’autres victimes ne meurent». Selon les victimes ou les familles des victimes qui ont porté plainte, il serait responsable d’un millier d’assassinats politiques. Après l’élection de Macky Sall à  la présidence du Sénégal en avril 2012 et l’arrêt de la Cour internationale de Justice du 20 juillet 2012 ordonnant au Sénégal de poursuivre en justice « sans autre délai » ou d’extrader l’ancien dictateur du Tchad, l’Union africaine et le Sénégal se sont mis d’accord sur un projet pour créer les « Chambres africaines extraordinaires » en vue de mener le procès au sein du système juridique sénégalais. Le tribunal chargé de juger M. Habré est composé de plusieurs Chambres qui poursuivront « le ou les principaux responsables » des crimes internationaux commis au Tchad entre le 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990. Il est toutefois possible que Hissène Habré soit la seule personne à  être jugée devant ce tribunal. Le Statut des Chambres extraordinaires prévoit la participation des victimes à  tous les stades de la procédure en qualité de parties civiles, représentées par leurs avocats, ainsi que l’attribution de réparations en leur faveur. Un procès à  gros budget « Nous allons démontrer que Habré dirigeait et contrôlait les forces de police qui ont tué ou torturé ceux qui s’opposaient à  lui ou qui appartenaient simplement au mauvais groupe ethnique », a déclaré Jacqueline Moudeà¯na, avocate des victimes et présidente de l’ATPDH. « Les preuves montrent clairement que Habré n’était pas seulement politiquement responsable, mais aussi juridiquement responsable de graves crimes commis à  grande échelle». La phase préliminaire du procès, qui comprend une instruction conduite par quatre magistrats sénégalais, doit durer 15 mois. Elle sera vraisemblablement suivie d’un procès en 2014. Le procès Habré pourrait coûter une dizaine de milliards de francs CFA. L’Union africaine(Ua), l’Union européenne(Ue), la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, le Luxembourg, la France, les Etats-Unis et le Sénégal sont les grands contributeurs pour l’organisation et la tenue de ce procès. Le Tchad du président Idriss Deby a donné sa participation. Les autorités de N’Djamena ont déboursé deux milliards de francs CFA. Une contribution critiquée car elle met à  mal l’impartialité du tribunal ainsi financé par le « tomber » de Habré, l’actuel président, Idriss Déby Itno. Récemment, le gouvernement sénégalais a lancé un avis d’appel d’offres pour la construction d’une prison. L’annonce destinée aux entreprises est parue dans plusieurs journaux sénégalais. La presse sénégalaise qui a tôt fait d’y voir, la volonté du gouvernement sénégalais de prendre de l’avance dans l’affaire Habré. Tout porterait à  croire que l’établissement pénitentiaire abritera le célèbre prisonnier à  la fin de son procès.

Le Sénégal n’extradera pas Habré

La Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar a rejeté la demande d’extradition de Hissène Habré, refugié au Sénégal depuis sa chute en 1990, en Belgique. Elle a estimé que la demande de la Belgique n’est pas conforme aux dispositions légales sénégalaises a affirmé un haut responsable du ministère. La Belgique n’a pas respecté la procédure, a-t-il indiqué sans plus de précision. Un autre juge de la Cour d’appel de Dakar, a estimé qu’il y a vice de forme dans la demande formulée par la Belgique, sans non plus préciser lequel. Reed Brody, avocat membre de Human Rights Watch (HRW) et à  la pointe des démarches pour faire juger Hissène Habré, a estimé que ce n’est pas un refus d’extradition en tant que tel. La justice sénégalaise a dit que les Belges n’avaient pas fourni l’original du mandat d’arrêt et d’autres documents. C’est un jugement purement technique qui laisse la porte ouverte à  une nouvelle demande d’extradition belge, a affirmé M. Brody. Ce n’est pas un jugement définitif sur le bien-fondé de la demande, selon lui. Avec cette situation, le Sénégal risque de perdre 50 millions de dollars d’aide des Etats-Unis en raison de son incapacité à  juger ou extrader l’ex-chef d’Etat tchadien, Hissène Habré, a affirmé une ONG ouest-africaine. Plus de 25 milliards de francs CFA (50 millions de dollars) d’aide américaine du Sénégal risquent d’être totalement compromis par l’incapacité du Sénégal à  juger ou extrader Hissène Habré conformément à  ses obligations internationales, affirme cette ONG basée à  Dakar, la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho), dans un communiqué. Selon cette ONG, le Congrès américain avait décidé en décembre d’octroyer cette aide au Sénégal, mais des congressistes sont préoccupés par le fait que M. Habré n’a toujours pas été extradé pour être jugé pour crimes contre l’humanité. Ils ont demandé à  la Secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, de soumettre avant le 6 février un rapport au Congrès sur les dispositions prises par le gouvernement sénégalais en faveur de la traduction de Hissène Habré en justice, selon la même source. La Raddho regrette qu’une aide aussi utile pour le Sénégal soit compromise à  cause du manque de volonté des autorités sénégalaises de faire avancer le dossier Habré. Elle demande à  Dakar de respecter ses obligations internationales en extradant Hissène Habré en Belgique dans les meilleurs délais. Le 8 juillet, le gouvernement sénégalais avait annoncé qu’il allait expulser M. Habré au Tchad o๠il a été condamné à  mort par contumace avant de revenir 48 heures plus tard sur sa décision, à  la demande de l’ONU. Abdoulaye Wade a affirmé que le Sénégal n’avait pas refusé de juger Habré, mais ne disposait pas de juridiction ad hoc pour le faire et avait donc renoncé à  tenir un procès à  Dakar. La Belgique a lancé en septembre 2005 un mandat d’arrêt international contre Hissène Habré pour violations graves du droit humanitaire international et fait une demande d’extradition. Cette procédure se base sur une plainte déposée en 2000 par un Belge d’origine tchadienne, en vertu d’une loi belge dite de compétence universelle pour les crimes de droit international qui autorise les tribunaux à  se saisir d’un tel dossier dès lors qu’un ou des citoyens de nationalité belge sont concernés ou que l’auteur présumé se trouve sur le territoire belge. Hissène Habré avait été renversé par l’actuel président tchadien Idriss Deby Itno qui, après avoir été un de ses proches était entré en rébellion avant de provoquer sa chute.

Le procès de Hissène Habré aura-t-il lieu?

Après la décision inattendue, le 8 juillet 2011, de renvoyer dans son pays l’ex-homme fort de N’Djamena, on a cherché désespérement des soutiens à  cette mesure prise par le Sénégal. On a plutôt eu droit à  un concert de désapprobations. La clameur est venue aussi bien des partisans de Hissène Habré que des militants de droits de l’homme ou même des parties civiles. Devant l’impasse judiciaire, le président sénégalais, Abdoulaye Wade, peut se servir de la béquille politique comme il en a fait la preuve par le passé, pour se débarrasser de l’encombrant hôte qu’est Hissène Habré. Le gouvernement tchadien a souhaité le 22 juillet «que le Sénégal extrade Hissène Habré vers la Belgique, qui lui en a fait la demande en 2005 et l’a réitéré en 2011 ». Le Haut commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, Navi Pillay, a souligné dans une déclaration du 12 juillet que la suspension du transfert de Hissène Habré ne devait pas signifier un retour au statu quo:«Habré ne devrait pas continuer à  vivre en toute impunité au Sénégal, comme il le fait depuis ces vingt dernières années». «Abriter une personne ayant commis des actes de torture et autres crimes contre l’humanité sans la juger ou l’extrader constitue une violation du droit international». Imbroglio politico-judiciaire l’extradition obéit à  une procédure judiciaire. Or en la matière, la justice sénégalaise a déjà  dit le droit en déclarant soit son incompétence, soit un avis défavorable à  son extradition vers la Belgique qui en avait fait la demande en 2005, en vertu de «la compétence universelle». Pour Me El Hadj Diouf, avocat sénégalais d’Hissène Habré, les choses traà®nent encore parce que tout simplement «son client ne peut être ni extradé ni jugé». Toutefois, tempère Me Assane Dioma Ndiaye, président de la Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH) et conseil des victimes, le chef de l’Etat sénégalais peut passer outre l’avis défavorable émis par la Chambre d’accusation et signer le décret d’extradition. Même s’il déclare être pessimiste quant à  une telle option «compte tenu du contexte politique qui prévaut en ce moment au Sénégal». Il faut dire qu’un lobby pro-Habré très actif au Sénégal s’oppose à  toute expulsion de l’ex-homme fort de N’Djaména. A quelques mois d‘une présidentielle incertaine, beaucoup d’observateurs à  Dakar ne voient pas le président Abdoulaye Wade, 86 ans et candidat à  sa propre succession, prendre un tel risque. Cependant, il existe une autre option, tout aussi risquée mais certainement moins onéreuse au plan politique. Parallèlement à  une demande d’extradition, la Belgique a aussi introduit une requête devant la Cour internationale de Justice (CIJ) siégeant à  La Haye. Un mémoire devrait y être déposé avant le 26 août par les autorités sénégalaises. Ayant déclaré qu’il ne pouvait plus juger M. Habré, le Sénégal devrait s’accrocher à  cette perche pour l’extrader afin d’une part de ne pas s’exposer à  «une violation du droit international» et d’autre part, de pouvoir justifier devant l’opinion nationale une livraison de l’ex-président tchadien à  la justice internationale. Un célèbre avocat africain avance quant à  lui de sévères obervations. «Il y a une compétition malsaine entre les organisations de droits de l’homme depuis plusieurs années dans le dossier Habré; ce qui a dénaturé l’objectif initial de faire éclater la vérité et de dire le droit.» Cet avocat s’insurge en plus contre l’attitude de la communauté internationale, prompte à  ériger une cour internationale pour juger les assassins d’un ancien Premier ministre (le Libanais Rafik Hariri, ndlr) mais qui affiche une certaine indifférence par rapport aux crimes actuels en Syrie et s’abstient d’ériger un tribunal international pour juger Habré. Ces dernières péripéties du dossier Habré, constituent en réalité l’arbre qui cache la forêt d’une longue bataille politico-judiciaire de plus de dix longues années. Hissène Habré est soupçonné d’avoir perpétré avec son régime 40.000 assassinats politiques, sans compter les cas de tortures systématiques. Les associations de victimes, épaulées par plusieurs organisations de droits de l’homme se sont investies avec beaucoup de hargne pour son jugement devant un tribunal. Les déboires de l’homme qui a dirigé le Tchad de 1982 à  1990 ont commencé dès janvier 2000, trois mois avant l’accession d’Abdoulaye Wade à  la magistrature suprême. Suite à  une plainte d’un collectif de victimes des geôles d’Habré, l’ex-dictateur est inculpé par la justice sénégalaise de «complicité d’actes de tortures». Mais, en juillet de la même année, la Cour d’appel déclare les juridictions sénégalaises incompétentes pour poursuivre sur son sol un chef d’Etat étranger, fut-il déchu. «Gifle magistrale à  la justice» Saisi d’un recours, la Cour de cassation devait par la suite confirmer l’arrêt. Entretemps, Abdoulaye Wade est devenu président de la République du Sénégal. Il a fait de Me Madické Niang, un de ses fidèles, mais surtout, ex-avocat de Hissène Habré, son conseiller aux affaires juridiques. Le juge Demba Kandji, réputé intègre, en charge du dossier Habré, avait déjà  entendu plusieurs victimes, ainsi que le président de la commission d’enquête tchadienne qui a reconstitué le registre d’horreurs dont on accuse l’ancien dictateur tchadien. Mais, contre toute attente, le juge Demba Kandji est muté par le Conseil supérieur de la magistrature, dirigé par le président de la République. Des responsables d’organisations de droits de l’homme n’avaient pas manqué d’y déceler une manœuvre politique. «Une gifle magistrale à  la justice sénégalaise», avait alors commenté le président de la Rencontre africaine pour les droits de l’homme (Raddho), Alioune Tine, tandis que Me Sidiki Kaba de l’Organisation nationale des droits de l’homme (Ondh) rappelait avec amertume: «Quand la politique entre dans un prétoire, la justice en sort». Soupçons légitimes ou pas? Habré a en tout cas, par la suite, bénéficié d’un non-lieu de la Chambre d’accusation. Déjà  à  cette époque le président Abdoulaye Wade prenait une solution politique, faute d’avoir obtenu de la justice sénégalaise une solution définitive: «Je lui ai donné un délai pour quitter le Sénégal», avait-il asséné en avril 2001 dans une interview à  la BBC. En 2006, le Sénégal sollicite et reçoit de l’Union africaine (UA) le mandat de juger Habré. Le débat fait rage entre les parties civiles et les avocats d’Hissène Habré. Pour les premiers, les engagements internationaux du pays ainsi que la primauté du droit international suffisent. A l’opposé, les avocats de l’ex-président tchadien se réfèrent à  l’arrêt rendu par les tribunaux sénégalais, brandissent «l’autorité de la chose jugée». Qu’à  cela ne tienne, l’Etat du Sénégal affiche une grande détermination pour exécuter le mandat de l’UA. C’’est dans ce sens que l’Assemblée nationale du Sénégal a procédé en avril 2008, à  une modification de la Constitution introduisant en son article 9, une exception à  la non rétroactivité de la loi pénale pour le crime de génocide, les crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Le «verrou» juridique a sauté et la mise en place d’un tribunal spécial est en vue. Reste la question épineuse du budget que nécessite un tel procès. Les autorités sénégalaises l’avaient estimé au départ à  27 millions d’euros. Mais après moult réévaluations, ce montant s’est stabilisé autour de 8,5 millions d’euros. La France, le Luxembourg, le Tchad et l’UA, s’engagent à  financer le procès. «Je veux m’en débarrasser» Le président Wade s’est plaint du peu de soutien manifesté par la communauté internationale pour réunir l’argent nécessaire. Las de ces lenteurs et des promesses non tenues, il avait déclaré lors d’une interview en décembre 2010 avec France 24, vouloir se débarrasser de cet encombrant hôte:«Franchement, je regrette d’avoir accepté (le mandat de l’UA pour juger Habré, ndlr). Parce que je n’ai pas obtenu le minimum de soutien que je cherchais. Actuellement, je veux que l’Union africaine reprenne son dossier. Je veux m’en débarrasser ». Malgré cela, le président Wade continuait à  manifester son impatience, voire son ras-le-bol. Au même moment, M. Habré et ses avocats qui avaient saisi d’une requête, en octobre 2008, la Haute Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), voyaient comme une lueur. l’arrêt rendu, fin 2010, est favorable à  Hissène Habré. La Cour ordonne en effet au Sénégal «le respect du principe absolu de non rétroactivité» et lui exige de se conformer aux décisions rendues par ses juridictions nationales, à  savoir notamment le respect de «l’autorité de la chose jugée». l’institution judiciaire communautaire a même cru utile d’apporter des précisions:«Le mandat reçu de l’UA par le Sénégal lui confère plutôt une mission de conception et de suggestion de toutes modalités propres à  poursuivre et faire juger dans le cadre strict d’une procédure spéciale ad hoc à  caractère international telle que pratiquée en droit International.» Joignant l’acte à  la parole, le président du Sénégal décide, le 20 janvier 2010, quelques jours avant le 16e sommet de l’UA à  Addis Abeba en Ethiopie, pour déclarer officiellement le retour à  l’organisation continentale du dossier Habré. Toutefois, il affiche sa préférence pour un jugement de l’ex-homme fort de N’Djamena en terre africaine. La réaction de l’UA est tombée lors du récent sommet de Malabo (Guinée équatoriale) auquel le chef de l’Etat sénégalais n’a pas pris part. Le Sénégal est prié de juger rapidement Habré ou de l’extrader. La réponse de Wade a été presque immédiate: la décision arrêtée est de l’expulser vers son pays d’origine. Après la décision de suspendre l’expulsion de l’ancien président tchadien, les autorités sénégalaises annoncent «engager immédiatement des consultations avec les Nations unies, l’Union africaine et la communauté internationale pour qu’une solution puisse intervenir rapidement». En attendant, le jugement de Hissène Habré tourne en rond.

Hissène Habré, retour à la case départ

C’est le flou total qui règne en ce qui concerne la procédure juridique qui sera appliquée à  l’arrivée à  N’Djamena lundi par vol spécial de l’ex-président tchadien Hissène Habré, transféré du Sénégal à  la surprise générale. Le président Wade a informé par courrier son homologue tchadien Idriss Deby Itno « de sa décision de renvoyer dans son pays d’origine M. Hissène Habré », selon un communiqué vendredi du gouvernement tchadien qui « prend acte de cette décision ». « Par ailleurs, le gouvernement prendra attache avec l’Union africaine (UA), les ADH (associations des droits de l’homme) intéressées, ainsi que les victimes, pour l’organisation d’un procès équitable au Tchad », assurait le gouvernement. « C’est un coup de foudre. Personne ne s’y attendait. Rien n’est préparé, décidé », a affirmé un officiel tchadien. A l’heure actuelle, aucun officiel tchadien n’était en mesure de préciser ce qu’il adviendra à  Hissène Habré, réfugié au Sénégal depuis sa chute en 1990 et poursuivi pour crimes contre l’humanité, qui doit arriver lundi à  N’Djamena par un vol spécial pour y être jugé. Déception des victimes « On est inquiet car on ne sait pas ce qui va se passer », a estimé Clément Abayefouta, président de l’Association des victimes contre la répression politique (AVRP), qui regroupe les victimes du régime d’Hissène Habré. « C’est une déception pour nous les victimes. On ne s’y attendait pas. Le président sénégalais Abdoulaye Wade n’a pas respecté les clauses internationales », selon lui. « Il n’y a aucune garantie pour faire un procès équitable. Nous sommes en concertation entre nous pour voir ce qu’on va faire », a-t-il poursuivi. « C’est une prise d’otage A Dakar, un des avocats sénégalais d’Habré, El Hadji Diouf a affirmé que l’ex-président tchadien avait « réagi avec étonnement et surprise » à  la décision du gouvernement sénégalais et « il a lui-même utilisé le terme de kidnapping ». »Ce n’est ni une expulsion, ni une extradition, c’est une prise d’otage », a estimé l’avocat qui a ajouté que la défense de l’ancien chef de l’Etat tchadien qui vivait en exil au Sénégal était en train de rédiger « des plaintes » contre le président Wade pour « violation des droits de l’homme ». Ces plaintes seront déposées « au Sénégal, au niveau continental et au niveau international », a-t-il dit, affirmant que le président Wade serait « poursuivi pour complicité d’assassinat et d’actes de torture » au cas o๠il arriverait quelque chose à  Hissène Habré une fois rentré dans son pays. Ses défenseurs et des organisations de défense des droits de l’homme craignent qu’il ne soit porté atteinte à  la vie de M. Habré à  son arrivée au Tchad o๠il a déjà  été condamné à  mort par contumace. Me Diouf n’a pas dit o๠se trouvait actuellement l’ex-président tchadien, s’il avait déjà  été arrêté par les autorités sénégalaises en vue de l’expulsion, ou s’il était toujours dans un de ses domiciles au Sénégal. Accusé de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture, Hissène Habré, qui a dirigé le Tchad de 1982 jusqu’à  son renversement en 1990, est réfugié au Sénégal depuis sa chute. Il avait été renversé par l’actuel président tchadien Idriss Deby Itno qui après avoir été un des généraux et proche conseiller d’Habré avait été accusé de complot et avait fui le Tchad en 1989 pour fonder sa rébellion et finalement renverser son ennemi juré. En 2006, l’Union africaine avait demandé au Sénégal de juger Hissène Habré « au nom de l’Afrique », ce que le président sénégalais avait accepté, mais aucune information judiciaire n’a été ouverte.

Procès d’Hissène Habré : Fini de tergiverser

Parcours d’un dictateur Hissène Habré fait partie des hommes politiques africains qui ont marqué le continent à  travers leur rude gestion du pouvoir. Arrivé à  la tête du Tchad en 1982, suite à  un coup d’Etat militaire, Habré dirigera ce pays d’une main de fer pendant huit ans. Sa politique dictatoriale a maintes fois été dénoncée par la classe politique nationale, les organisations de défense des droits de l’homme, la communauté internationale…Aucune de ces critiques n’ébranlera l’homme. Le Tchad a été durant ces huit années de règne, le théâtre de troubles politiques, sociaux et d’affrontements armés. Habré met un frein à  la liberté d’expression et à  toute activité politique…A en croire les chiffres communiqués par le ministère tchadien de la justice d’après Habré, il y aurait eu 40 000 assassinats politiques et des milliers de cas de tortures durant son règne. Notons qu’il a fui du pouvoir en 1990 après une attaque rebelle conduite par le général et actuel président Idriss Deby Itno. Il trouva refuge au Sénégal qu’il n’a plus quitté depuis cette époque. Jugement en question depuis 2006 Depuis 2006, le Sénégal devait entamer une procédure pour juger l’ancien dictateur Hissène Habré conformément à  la demande de l’UA. A l’époque, la justice sénégalaise avait évoqué des problèmes financiers. Or, depuis 2005, le Tchad avait mis deux milliards de francs CFA à  la disposition du Sénégal pour que le jugement puisse se faire. Cette somme s’est par la suite, avérée insuffisante puisqu’il fallait compter la prise en charge des témoins. De report en report donc, le procès n’a pu se tenir six ans après que Sénégal ait été mandaté par l’UA. Et ce malgré les appels à  la justice des familles et des victimes du régime Habré. Aujourd’hui, le principal prétexte que ce pays évoquait, n’est plus d’actualité. Les bailleurs de fonds se sont en effet engagés à  mettre le paquet, pourvu que commencent les démarches. A présent les autorités sénégalaises doivent prendre position : soit elles procèdent au jugement, soit elles procèdent à  l’extradition de Habré vers la Belgique. Le président Sénégalais Me Abdoulaye Wade indiquait la semaine dernière, qu’il souhaitait voir le dossier repris par l’UA. Il estime que la justice de son pays ne peut à  elle seule, juger l’ancien dictateur devenu le protégé des sénégalais après avoir épousé une des leurs. Le commissaire chargé de la Paix et de la Sécurité de l’Union africaine, Ramtane Lamamra, vient de présenter aux autorités, un projet qui permettrait au Sénégal de concilier ses différentes obligations juridiques. Il propose la mise en place de chambres spéciales au sein du système sénégalais, avec quelques juges nommés par l’Union Africaine, dans la limite des fonds débloqués par la Communauté internationale.

Procès de Hissène Habré: devoir de justice?

Hissène Habré va enfin être jugé. L’ancien président tchadien, exilé au Sénégal depuis 1990, passera devant ses juges dès le début de l’année prochaine. Toutes les conditions sont désormais réunies pour ce faire. En effet, après une table ronde maintes fois reportées mais finalement tenue à  la mi-novembre à  Dakar, les donateurs s’engagent pour 5,6 milliards de FCFA. La Commission de l’Union africaine (UA) va débloquer une première enveloppe de un million de dollars américains pour le démarrage du procès de. L’Union européenne a promis deux millions d’euros, la France, l’Allemagne et les Pays-bas devant donner le reste. Me Robert Dossou, le représentant de l’Union Africaine à  la table ronde a rappelé devant la table ronde la position de l’UA selon laquelle, il est impossible d’évaluer à  l’avance le coût de la procédure du jugement de Hissène Habré et que les chiffres annoncés n’étaient que des estimations. Depuis 1990, les victimes du régime Habré réclament ce procès. Leurs représentants ont utilisé toutes les voies possibles pour médiatiser leur combat. Pendant la table ronde de Dakar, des manifestations ont été organisées pour faire pression sur les participants et les pousser à  délier les cordons de leur bourse. Objectif, dire non à  l’impunité et obtenir que le « bourreau de N’Djamena » réponde de ses actes. . Rappelons qu’Hissène Habré est inculpé de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture. Bien, bravo. Mais encore ? Il me vient à  l’esprit une question que je suppose quelques-uns d’entre vous se posent aussi. La Commission de l’Union Africaine et ses partenaires, ne feraient-ils pas mieux de mettre cet argent à  la disposition des victimes ? Pour qu’elles puissent se reconstruire, scolariser les enfants orphelins, soutenir les veuves ? Je ne dis pas qu’il ne faut pas juger et punir les auteurs d’actes comme ceux reprochés à  Habré. Mais dans le contexte particulier du Tchad, o๠les conditions de vie des populations ne sont pas les plus enviables, n’est-il pas possible de penser autrement l’utilisation de cette manne ? Certes, il est vrai que rendre justice aide les victimes à  aller de l’avant. Mais que leur restera-t-il une fois Habré jugé ? Même s’il est condamné, va-t-il versé des dommages et intérêts aux victimes ou leurs ayants droits ? Je doute même qu’il en ait les moyens. A l’image de Pinochet dont on lui prete le nom tant leurs cursus sanguinaires se rejoignent, il risquerait d’ailleurs de passer l’arme à  gauche, étant donné son âge déja avancé, surtout que personne ne peut dire aujourd’hui combien de temps durera ce procès. Alors après avoir dépensé plus de 5 milliards et demi pour le procès, les défenseurs des droits de l’homme et autres organisations partie prenantes dans cette affaire vont-elles faire preuve du même engagement pour obtenir réparation pour les victimes ? Permettez-moi d’en douter. Le Tchadien Clément Abaà¯fouta, un des habitués des geôles du régime Habré, crie tout haut « haro sur les discours ». Place aux actes, lance-t-il. La plus belle des vengeances des victimes de Hissène Habré ne serait-elle pas de pouvoir continuer à  vivre et s’épanouir en essayant de panser leurs blessures ? Les 5,6 milliards de franc CFA auraient ainsi, à  mon humble avis, un bien meilleur usageÂ