Hivernage 2016 : Attention inondations !

Un mois après le début de l’hivernage, un peu tardif cette année, dix-sept personnes sont mortes dans des inondations causées par les fortes pluies qui ont également fait beaucoup de dégâts matériels. Plusieurs régions du pays sont affectées par ces inondations particulièrement sévères, et si le gouvernement assure avoir déjà pris les mesures appropriées pour faire face à toutes les  éventualités, l’inquiétude n’en grandit pas moins au sein de la population. Les services météorologiques annoncent en effet la poursuite des phénomènes extrêmes accompagnés de vents violents et des cas d’inondations dans plusieurs zones à risques, notamment le District de Bamako, le sud-est de la région de Kayes, la région de Koulikoro, excepté le cercle de Nara, les régions de Ségou, de Sikasso, et la partie ouest de Mopti.

Les fortes précipitations sont la conséquence des changements climatiques dont le Mali subit les effets négatifs. Après avoir commencé avec plusieurs semaines de retard, l’hivernage semble désormais vouloir rattraper le temps perdu et le ciel déverse quasiment chaque jour des trombes d’eau. Aucune région n’est épargnée et la situation présente des facteurs de risque pour les populations, tant urbaines que rurales. En un mois de pluies diluviennes, le bilan des inondations à la mi-août 2016 est déjà très élevé. À la direction nationale de la protection civile, le commandant Adama Diatigui Diarra donne des détails d’où il ressort que sur les 850 ménages touchés, 35 sont à Koulikoro, 14 à Bamako, 94 à Sikasso, 112 à Ségou, 182 à Mopti, 93 à Tombouctou et 404 à Gao. Des chiffres qui correspondent à 9 135 personnes sinistrées recensés par la protection civile (141 à Koulikoro, 185 à Bamako, 4217 à Sikasso, 89 à Ségou, 1717 Mopti, 812 à Tombouctou, 2424 à Gao). Un peu partout, on assiste à des scènes de routes coupées par les eaux, de maisons effondrées, de carcasses d’animaux noyés ou de champs transformés en mare. On déplore surtout la mort de 17 personnes par noyade, et de 4 blessés. La situation est donc assez préoccupante pour que les pouvoirs publics se saisissent de la question et entreprennent dans un premier temps, de venir au secours des sinistrés, et dans un second temps de mettre en place des mesures pour limiter les dégâts.

Prises de risques et insuffisances « Le drame c’est bien le suivi des zones à risque. Tout le monde sait que dès qu’un certain seuil de précipitation est atteint, il y a des dégâts, mais on attend chaque année que la situation se présente pour venir faire des dons », déplore Mohamed Kéïta, enseignant. Un de ses proches a tout perdu dans les inondations qui ont touché le 10 août dernier la ville de Kayes. « Les gens construisent en connaissance de cause dans les bas-fonds, les marécages, les lits de rivières et après ils se plaignent », rétorque un agent de la mairie de Bamako, sous anonymat. Ce dernier reconnait cependant que les responsabilités sont partagées et qu’un véritable problème d’aménagement se pose. Un tableau récapitulatif confirmé sur les cas d’inondations fait en effet ressortir un certain nombre de causes. Il s’agit entre autres de l’insuffisance ou de l’absence de caniveaux dans certains cas, notamment à Bamako et autres grandes agglomérations du pays. C’est le sous-dimensionnement de ces ouvrages qui est pointé du doigt. À ceux-ci s’ajoutent des facteurs liés à l’occupation des services des lits des cours d’eau, l’utilisation des systèmes de drainage des eaux comme lieux de dépôt des ordures. Tous ces facteurs sont surtout occasionnés par l’incivisme des citoyens et parfois de leur ignorance. « Ce lourd bilan en termes de perte de vies humaines aurait pu être évité si les consignes de la protection civile avaient été respectées », constate le chef du bureau des opérations, le commandant Diarra.

Réactions et actions Après avoir suivi avec l’attention requise toutes les inondations du 12 juillet au 10 août, le gouvernement, à travers le ministère de la Solidarité et de l’Action humanitaire, pour assurer la prise en charge des sinistrés, a immédiatement mis à la disposition des localités touchées, bidons d’eau, sacs de céréales, eau de javel, comprimés de purification d’eau, nattes, sucre, savons, moustiquaires, grésil, sel, couvertures et la somme de 360 000 francs CFA. Des activités d’information et de sensibilisation ont également été menées à l’endroit des populations vivant dans les zones à risque. Une cellule de veille a été mise en place avec deux numéros verts dans les brigades de la gendarmerie, des pelletons de garde, des commissariats de police et des postes de secours routiers, afin de compléter le système d’alerte et de rendre plus prompte l’organisation des secours. En outre, le lot de matériel nécessaire aux sapeurs-pompiers pour les interventions a été pré-positionné. On estime à 61 000 le nombre de personnes susceptibles d’être affectées par les inondations, selon le plan de contingence inondation actualisé. Enfin, sur le moyen terme, une Agence nationale de gestion des catastrophes est en cours de mise en place, conformément aux recommandations de la CEDEAO.

 

Sécurité et hygiène De l’avis de Mohamed Kouyaté, chef du service prévision à l’Agence nationale de la météorologie du Mali, « on aura une saison très humide et les pluies vont continuer à tomber jusqu’au mois de novembre. Des pluies diluviennes seront accompagnées de vents très forts et parfois violents, comme cela a déjà été le cas le 16 mai dernier. Chaque fois que l’on voit un phénomène orageux, il est conseillé de se mettre à l’abri car les coups de vent qui vont précéder les pluies feront beaucoup de dégâts », explique-t-il. À cela s’ajoutent les indispensables règles d’hygiène à respecter pour éviter les maladies hydriques qui s’installent en cette période, avec en première ligne, le choléra. La purification de l’eau, même celle du robinet avant consommation, l’évacuation des ordures pour qu’elles ne stagnent pas dans l’eau et la surveillance des plus vulnérables (enfants et personnes âgées), sont les règles de base recommandées par le personnel médical. Du côté du gouvernement, le message se veut rassurant. « Il est  difficile voire impossible d’éviter les inondations. Néanmoins, le gouvernement a adopté des stratégies d’intervention de solidarité d’action sociale et d’action humanitaire en mettant l’accent sur l’efficacité d’un dispositif devant permettre de minimiser les effets des inondations et autres catastrophes », assure de son côté le directeur national adjoint du développement social, M. Ibrahim Abba Sangaré. Pour l’instant, du côté des champs, les perspectives restent bonnes et les indicateurs de la campagne agricole sont toujours au vert, même si les cultivateurs commencent à scruter le ciel avec inquiétude, tout en gardant un  œil sur les jeunes pousses qui commencent à avoir en permanence les pieds dans l’eau.