Moustapha Ben Barka : «L’Huicoma doit redémarrer ! »

Dans un contexte post-crise et une économie malienne au ralenti, le défi majeur selon le ministre malien des Investissements est de maintenir le tissu industriel existant en augmentant la part de ce secteur dans le PIB à  hauteur d’environ 40% d’ici 2025, une projection à  long terme qui répond à  de belles ambitions pour son département. Si la crise a stoppé des initiatives comme le Projet Sucrier de Markhala, Moustapha Ben Barka a déclaré que l’huilerie cotonnière du Mali (Huicoma) devait redémarrer très vite. Sur un autre plan, il déplore le faible taux de transformation du coton(2%)au Mali qui continue d’importer du bazin fabriqué à  l’étranger. « Pourquoi n’aurions-nous pas des unités industrielles compétitives pour fabriquer le basin, en fournissant toute la sous-région ». Par ailleurs, il estime qu’il faut renforcer la compétitivité des petites et moyennes entreprises, par un contrôle adéquat des règles de procédures, l’augmentation du taux de bancarisation, jugé faible, l’accès au crédit. Tout cela va de pair avec un cadre des affaires assaini, une stratégie nationale efficace de promotion des investissements, l’amélioration des normes de qualité, le respect de la propriété industrielle, la mise en œuvre des mesures de l’OAPI etC’… De retour du sommet US-Afrique de Washington, le ministre a rappelé que le gouvernement malien, travaillait d’arrache-pied pour rendre la destination Mali à  nouveau attractive : « A cause de la crise, l’image du Mali a été affectée, il faut donc casser cela, rassurer les investisseurs potentiels, nouer des contacts pour ré-attirer les investissements directs vers notre pays ». Sur la coopération avec les USA, le ministre Ben Narka reste confiant : « Avant la crise, il y avait des projets comme le Millenium Challenge Account, qui ont été suspendus. Grâce au Forum de Washington, de nouveaux projets sont en cours, notamment l’instauration de zones franches industrielles au Mali ». Interrogé sur la coopération avec le Qatar suite au voyage d’affaires, en janvier dernier et le suivi des contrats d’affaires, Ben Barka explique qu’ils sont toujours d’actualité. Une délégation d’hommes d’affaires du Qatar était venue en Mars au Mali, en ciblant notamment le secteur des BTP. Doha reste un partenaire clé du Mali. La Qatar Diar Company avait émis de nombreux souhaits et un autre voyage d’affaires dans les Emirats est envisageable pour poursuivre la coopération Mali Qatar. Pour Moustapha Ben Barka, le Mali revient de très loin et il faudra du temps, pour relancer l’environnement économique malien, en le rendant plus compétitif. Des instruments comme l’AGOA (l’African Growth Opportunity Act), qui réduit les barrières douanières pour promouvoir les exportations de produits africains vers les USA, devrait permettre de relancer des secteurs clés comme l’agriculture; tandis que le secteur des Mines, reste l’un des rares à  avoir échappé à  la crise.

Situation des travailleurs de Huicoma : le bout du tunnel ?

365 jours. Voilà  exactement le nombre de jours que les travailleurs de Huicoma ont fait à  la Bourse du travail. En effet, suite aux difficultés liées aux arriérés de salaires et aux nombreux licenciements jugés abusifs, les travaileurs de Huicoma avaient décidé de se faire entendre à  travers un sit-in qui aura duré un an. Le résultat est là . En effet, après plusieurs tractations, le Gouvernement a accordé un certains nombre de doléances déposé sur la table. Lors de leur conférence de presse, organisé la semaine dernière, les travailleurs licenciés et non licenciés de Huicoma ont devoilé les points saillants du protocole d’accord signé avec le gouvernement. « Nous félicitons le gouvernement : le Président ATT, le Cnpm et l’Untm pour le climat de sérénité qui a prévalu tout au long des négociations pour la consolidation du dialogue social », a indiqué le porte parole des travailleurs de Huicoma. En effet, la commission a examiné les attentes des parties, pour procéder à  la mise en place d’une administration provisoire dans les meilleurs délais et la mise en application des résultats des négociations que sont : le payement des arriérés de salaires par l’état aux 194 agents, le payement par l’état des reliquats d’indemnités légales dus aux travailleurs licenciés pour motif économique, la prise en charge par l’état d’un plan social comprenant les indemnités légales, les indemnités de réinsertion et les indemnités négociées en faveur des travailleurs licenciés pour motif économique (79 travailleurs contraints à  la retraite ; travailleurs en activité souhaitant quitter l’entreprise ; travailleurs licenciés par Huicoma/Etat n’ayant pas bénéficiés de la prolongation de l’âge de la retraite ; les travailleurs saisonniers ayant servi de façon continue dans la société.) Par ailleurs, le PDG de Huicoma Alou Tomota s’est engagé à  prendre acte de la volonté du gouvernement de payer les indemnités de réinsertion aux travailleurs licenciés pour motif économique, évaluées à  la somme de 1.672.334.777Fcfa. Il estime ne plus être en mesure de reprendre les travailleurs qui observaient un sit – in à  la bourse du travail depuis novembre 2009, à  cause de la dégradation des relations avec l’entreprise et ne souhaite conserver que 20 travailleurs. Il a aussi affirmé ne devoir aucun arriéré de salaire vis – à  Â– vis des mêmes travailleurs qui au demeurant, ne peuvent pas réclamer de salaire car n’ayant pas travaillé ; il accepte le principe d’une administration consensuelle (nomination d’un DG qui choisira à  son tour ses principaux collaborateurs) ; il a accepté de payer les indemnités légales à  tous les travailleurs licenciés ou partant volontaires. L’état s’engage ? Pour sa part, le gouvernement s’est engagé à  octroyer au nom de la solidarité nationale, la somme de 1.500.000.000Fcfa, puis ramener à  1.700.000.000 Fcfa pour le payement des indemnités de réinsertion et à  2.100.000.000 Fcfa pour la prise en compte des arriérés de salaire. Dans le cadre de ce processus, les parties conviennent que la présidence du conseil d’administration de la société sera assurée par Tomota d’une part et d’autre part, par le directeur désigné de manière consensuelle. Quant aux indemnités négociées, les négociations sur ce point auront lieu ultérieurement lorsque l’entreprise aura pleinement repris ses activités. A noter que ledit protocole a été élaboré sous les bons offices du Ministre de la fonction publique, Abdoul Wahab Berthé, du Ministre de l’Industrie, Amadou Abdoulaye Diallo, du Ministre Délégué auprès du ministre de l’Economie et des finances chargé du Budget, Lassine Bouaré. Le Conseil National du Patronat Malien (CNPM) était représenté dans ces négociations par Moussa Balla Coulibaly Président à  l’époque et son secrétaire général. Pour l’Union des Travailleurs du Mali (UNTM), étaient présents Siaka Diakité, secrétaire général, Tibou Telly son adjoint, Seyba Traoré, secrétaire aux questions économiques, coopératives et mutualistes. Bakary Berthé Président de la commission des travailleurs, Modibo Sidibé et Sibiri Diarra membres de la Commission des travailleurs représentaient les travailleurs de Huicoma. Pour la société Huicoma SA, Mr Alou Tomota, Président Directeur général s’est fait représenter par ses principaux collaborateurs à  savoir Mme Konda Kadiatou Haà¯dara, Directrice des Ressources humaines, Mamadou Diagne, Directeur de la production et Seydou Dagnon Directeur technique. C’est dire que la balle est desormais dans le camp des travailleurs. En effet les parties sont conscientes du fait qu’il est nécessaire que chacun fasse des concessions, pour résoudre d’urgence, les difficultés économiques et financières occasionnées.

Huicoma : désespérés, les travailleurs licenciés entament une grève de la faim

6 mois de grèves sans succès «Nous avons perdu notre travail, nos femmes, nos enfants et notre espoir, nous sommes déjà  morts »,fulmine un licencié. « Nous avons plus peur de mourir, la mort vaut mieux que la honte et nous ne reculons plus sans la satisfaction de notre de doléance »martèle un autre. C’’est face à  l’injustice, à  l’irresponsabilité, à  l’impunité, au népotisme et à  l’affairisme de l’Etat dans la gestion de leur situation, l’ensemble des travailleurs de Huicoma et leur collectif de soutien ne savant plus quel saint se vouer. Ce, après 182 jours soit plus de six mois de sit-in à  la bourse du travail. Et, en réaction à  la non évolution de la situation après l’implication souhaitée de la société civile, des chefs religieux, des partis politiques et du président de la République dans le dossier pour une sortie de crise à  travers les marches, les meetings et les démarches. Ces travailleurs ont décidé de faire une grève de la faim en solidarité avec leurs familles qui, depuis six ans, souffrent. Sans satisfaction des doléances, pas de vie digne Selon le président de la commission de négociation, Bakary Berthé, les travailleurs et leur collectif de soutien ont décidé de prendre leur destin en main afin d’abréger leurs souffrances en même temps que celles de leurs femmes, de leurs enfants et de leurs parents. « Nous cessons de nous alimenter jusqu’à  la satisfaction de nos points de revendications », a-t-il déclaré. Ces points sont les suivants : -le retrait de Huicoma au Groupe Tomota pour cause de mauvaise gestion avérée et pour violation du cahier de charge de l’acte de cession des actions de Huicoma –l’ouverture d’une enquête judicaire contre Aliou Tomota et son Groupe –la réintégration de touts les travailleurs à  leur ancien poste et catégorie –la régularisation de la situation administrative des travailleurs –le paiement des arriérés de salaire dont 5 mois pour les travailleurs en activité et 32 mois pour les supposés travailleurs licenciés avec en plus des dédommagements –le renversement des cotisations à  l’INPS et enfin la reprise des activités de l’Huicoma. Mépris souverain des autorités pour les travailleurs La commission de négociation a dénoncé le gouvernement malien et se dit près à  mourir de faim face à  la négligence de l’Etat. «Aujourd’hui vous aurez des martyrs qui ne sont pas morts par les canons de fusils comme C’’était le cas lors des évènements douloureux de mars 1991, mais par les canons de l’impunité, du népotisme, de l’injustice et de l’affairisme d’Etat », a dénoncé le président de la commission de négociation. Pour lui, leur attitude est la conséquence du mépris des travailleurs par le gouvernement Malien, de l’injustice et de l’irresponsabilité. Sinon, continue-il, comment comprendre que les travailleurs de la SOTEMA et de la CMDT qui ont été privatisées après Huicoma, ont bénéficié de leur plan social avec des indemnités négociées. Ainsi, la commission a condamné l’attitude du gouvernement qui, à  leurs dires, a fui ses responsabilités face à  la misère des travailleurs et à  la toute puissance du Groupe Tomota. Elle (la commission) n’a pas manqué d’indexer le premier ministre qui est resté insensible et sourd à  leur appel. Selon la commission de négociation, le secrétaire général de l’UNTM, Saka Diakité, a déclaré le 5 mai dernier, depuis Dakar, que le premier ministre récuse le paiement des indemnités négociées du plan social et rejette l’administration provisoire par crainte que Tomota n’attaque le gouvernement en justice. Faut-il rappeler que depuis le 10 novembre 2009, les travailleurs et leur collectif de soutien sont en occupation illimitée à  la bourse du travail pour réclamer les droits légitimes, expliquer à  l’opinion nationale et internationale la situation qui prévaut au sein de l’Huicoma et des villes de Koulikoro, Koutiala, Kita.

Huicomabougou : Entre incertitude et espoir

La bourse du travail o๠vivent les centaines de travailleurs avec femmes et enfants est aujourd’hui baptisée « Huicomabougou ». Laissé à  eux-mêmes, ces grévistes vivent dans un dénuement total. Ils passennt le plus clair de leur temps assis sous les grands arbres de la Bourse du travail. Mais, le moral est loin d’être sapé. Bien au contraire, ils tiennent bon et restent déterminés à  faire aboutir leurs revendications. Cela pour obtenir leur plan social quatre ans après que l’Etat ait cédé 84, 13% des actions à  un privé, le Groupe Tomota Doléances insatisfaites Le quotidien de ces licenciés se résume ainsi : égrener les jours sur un morceau de carton servant de tableau d’affichage, prier, faire des réunions et des prises de contact avec la société civile et les partis politiques. Pendant ce temps, Alou Tomota, patron du groupe, s’entêterait à  redémarrer l’usine sans les travailleurs, après avoir recruté 7 ivoiriens et quelques manœuvres saisonniers. l’entêtement de Tomota se trouve cautionné par les autorités. » Comment l’Etat malien peut-il couvrir un homme qui a pris la responsabilité de bloquer un instrument essentiel qui assure la survie des populations et apporte gros dans l’économie local », s’exclame un riverain de l’usine Huicoma de Koutiala. Application du plan social Pour sa part, le Gouvernement s’active pour sauver cette industrie qui était devenue la mamelle nourricière de trois villes: Koulikoro, Kita et Koutiala. La plus grande revendications des travailleurs se résume ainsi : l’application du plan social et le paiement de tous les arriéré de salaires, et la reprise en main de Huicoma par l’Etat. Les griefs formulés contre Tomota sont légions. Outre son refus d’appliquer le plan social, le puissant homme foule également aux pieds son engagement de rétrocéder au moins 17, 46% du capital de Huicoma aux travailleurs de ladite société et aux investisseurs privés maliens dans un délai de trois ans, à  compter de la date de transfert des actions. L’état désengagé ? Aujourd’hui, les grévistes disent avoir compris que le gouvernement malien est en connivence avec un homme qui se serait accaparé indûment des ressources publiques. Ce que certains jugent exagéré, tant le groupe qu’il a racheté comportait de nombreuses difficultés financières et dans ce cas, les salariés sont les premières victimes, l’espoir pourrait bien renaà®tre dans le rang des travailleurs, avec l’intervention possible du Vérificateur général dans les rouages de cette société. Cette mission aura pour tache de voir si la société n’a pas été bradée à  Tomota, et de vérifier la gestion faite par l’argent de la session, et beaucoup d’autres questions qui précoccupent les victimes de cette situation. Affaire à  suivre.

Affaire Huicoma : 500 travailleurs investissent la bourse du travail

Ce sit-in fait suite à  plusieurs d’activités menées par le collectif des travailleurs licenciés pour exiger au Gouvernement, la satisfaction de (3) doléances essentielles La reprise sans délai et sans condition de l’Huicoma au groupe Tomota, le payment sans délai et sans condition du plan social de Huicoma à  la date du 2 juin 2005, et la reprise sans délai et sans condition des activités de l’entreprise. Ainsi, après les meetings, les conférences, les colloques, les marche pacifiques…, le collectif des travailleurs licenciés a choisi de faire un sit-in à  la Bourse du travail, leur centrale syndicale. «Â Nous y resteront jusqu’à  la satisfaction totale des 3 points de revendication, dont l’application du plan social, et toutes les mesures d’accompagnement » ne cessaient de scander les manifestants. Depuis le 16 mai 2005, l’huicoma a été cédée au groupe Tomota. Et l’Etat ne détient plus que 12%. Ce qui était attendu du repreneur de la Société, C’’est d’une part, l’augmentation de la capacité de production de l’entreprise à  travers un recrutement massif de travailleurs. Rien de cela n’a été fait. Le repreneur de la société s’est attaqué aux travailleurs en licenciant 301 personnes, en envoyant 31 syndicalistes en prison, après leur licenciement. Gestion de l’entreprise A en croire les observateurs, aujourd’hui, la gestion de l’entreprise est des plus chaotiques. Par ailleurs, depuis l’arrivée de Tomota, il n’y a jamais eu d’avancement en faveur des travailleurs. «Â Depuis 2007 les travailleurs ne bénéficient plus des prestations de l’INPS, car les cotisations sont prélevées sur le salaire des travailleurs. Pis, les 266 personnes qui y travaillent encore, ne sont pas payés depuis 6 mois » en témoigne un travailleur non licencié de Huicoma. Après avoir engagé des actions diverses en vue d’obtenir le plan social, les travailleurs licenciés de l’Huicoma ne sont visiblement pas au bout de leur peine. D’o๠la tenue du présent sit-in. En effet, le collectif des travailleurs licenciés ne cesse de multiplier des actions pour obtenir le social. Ainsi, après la marche pacifique organisée le 24 septembre à  Koulikoro et le 6 octobre à  Koutiala, place au sit-in. A l’issue de toutes ces activités, des déclarations ont été remises aux autorités locales, afin que ces derniers les transmettent aux plus hautes autorités du pays. Par ailleurs les activités reprennent dans les différentes unités parce que l’Huicoma est un patrimoine national. Est-il besoin de rappeler qu’aujourd’hui les services des impôts, des communes, les assemblées régionales ne perçoivent rien de l’Huicoma pour la simple raison que, le repreneur, à  savoir le groupe Tomota a bénéficié d’une subvention sur 8 ans. De là  à  voir que l’entreprise ne produit pas les effets escomptés, fait révolter plus d’un malien. Le coup d’envoi d’une série d’actions Aux dires de Bakary Berthé, président de la coordination des licenciés, ce sit-in ne saurait être le dernier recours des licenciés. «Â C’’est le coup d’envoi d’une série d’actions ». Ce qui laisse entendre que le collectif n’a pas dit son dernier mot. «Â Si jamais des dispositions ne sont pas prises pour régler notre situation, nous retournerons à  la base pour réfléchir à  d’autres voies d’actions ». Le mouvement des Sans-voix Farouchement opposé au principe du néolibéralisme, le mouvement des Sans voix à  travers son secrétaire général M. Tahirou Bah, s’est dit déterminé à  se positionner inlassablement contre le système de privatisation des sociétés d’Etats. Des options qui, dit-il, n’ont contribué qu’à  plonger lesdites sociétés dans des crises sans précédent. « Depuis 1980 jusqu’à  nos jours, les privatisations n’ont fait que des victimes dans notre pays. Le Mouvement des Sans voix est une Association de défense des droits humains. Et depuis 4 ans, ils accompagnent les travailleurs licenciés de l’Huicoma dans leur combat. Et C’’est le Mouvement des sans voix qui préside le comité de soutien aux travailleurs licencié, mis en place. Enjoignant aux plus hautes autorités du pays, M. Bah a laissé entendre que « ce sont eux qui sont les responsables de cette situation cauchemardesque de l’Huicoma. Ils doivent rendre justice à  ces licenciés »

Huicoma Koulikoro : la descente aux enfers

Les travailleurs avaient donné un délai de 15 jours à  la Direction de la société et aux autorités maliennes de tout mettre en œuvre afin de résoudre la crise qui secoue la société. Suite à  la déclaration remise au gouverneur de la région, le ministre des investissements, de l’industrie et du commerce a initié un dialogue entre les deux parties. Mais la rencontre n’a rien donné parce que le PDG de la société s’est fait représenter. Toute chose qui a provoqué la colère des porte-paroles des travailleurs. Quelques semaines après, les délégués des travailleurs se sentent dans l’obligation d’informer leur base. « Nous avons fait appel à  cette population qui nous a accompagné tout le long du processus, pour partager avec elle les informations que nous avons depuis la grande manifestation du 24 septembre », a lancé Bakary Berthé, secrétaire général du comité des travailleurs d’Huicoma; l’ultimatum « Trop C’’est trop », « Huicoma est notre raison d’être! », ce sont de tels slogans qu’on pouvait lire sur les pancartes au meeting de samedi dernier. Les responsables des travailleurs ont brossé la situation de long en large. A l’issue des échanges, une nouvelle déclaration a été faite par le secrétaire général. l’assemblée a demandé le paiement sans condition du plan social des travailleurs. La reprise sans délai des activités de l’entreprise, le paiement des arriérées de salaires et le retrait du groupe Tomota de la gestion de la société. Cette dernière requête semble être le point essentiel des revendications depuis la mise en concession de Huicoma. « Si l’Etat ne fait rien, nous avons tous les moyens de retirer la société des mains du groupe Tomota », a menacé M. Berthé. La menace est on ne peut plus claire si l’on se réfère à  l’arrestation d’une trentaine de travailleurs après la grande marche de septembre. Une ville paralysée l’usine s’est arrêtée et avec elle toutes les activités de la ville. Près de 80% activités économiques sont liées au de Huicoma. Avant la privatisation près de mille personnes étaient employés dans l’usine. Plus de 400 ont été licenciés et les travailleurs actuels n’ont pas perçu de salaire depuis le mois de mai. La situation affecte aujourd’hui des centaines de famille. Du coup C’’est toute l’économie de la ville qui est touchée. Les produits de l’usine (savon, huile…) sont devenus des denrées rares sur le marché national et même koulikorois. C’’est pour toutes ces raisons que le comité des travailleurs demande l’annulation du contrat de cession de l’usine. La requête est assez lourde à  résoudre pour un gouvernement engagé dans un processus de privatisation.

Marche des travailleurs « licenciés » de l’Huicoma à Koulikoro

C’’est tout Koulikoro qui a vécu au rythme de la marche pacifique organisée ce matin par les travailleurs de l’Huilerie cotonnière du Mali (HUICOMA), le Mouvement des Sans-voix et la CAD Mali. Objectif, soutenir les 411 travailleurs «abusivement » licenciés suite à  la privatisation en 2005 de l’HUICOMA. Koulikoro abrite une marche pacifique Ce matin le public avait pris d’assaut la principale voix bitumée de Koulikoro. Cette voix qui traverse la ville était noire de monde. Le spectacle a donné lieu à  une véritable solidarité en faveur des licenciés de l’HUICOMA.Sur la multitude de banderoles confectionnées pour la circonstance, on pouvait lire : « A bas le népotisme ! », « Koulikoro, ville martyr de la privatisation de l’HUICOMA », « Halte aux fossoyeurs de l’économie nationale ! », «Non au bradage de notre société ! », « dans ces conditions misérables, il n’y a aucun avenir »Â… Le soutien aux travailleurs licenciés de l’HUICOMA est devenu le mot d’ordre de la population koulikoroise. l’entreprise, avant sa privatisation, constituait un véritable poumon pour l’économie de la région. Un périple de près de 5km Le cortège des marcheurs a entamé son long périple à  partir de Kolébougou (quartier situé à  l’entrée même de la ville) pour se terminer, sur 5 km de marche, au Gouvernorat de Koulikoro. Dès 9h, tous (hommes, femmes, jeunes, vieux, enfant) étaient au rendez-vous d’une marche qui restera gravée dans les mémoires et dans les annales de la région. De mémoire de Malien, jamais une marche n’a autant mobilisé de monde. Même la présence très menaçante des forces de l’ordre n’a pas réussi à  ébranler la quiétude et la détermination des marcheurs. Marcher coûte que coûte ! Un ancien travailleur de la société du nom de Broulaye (avec lequel nous avons cheminé ensemble) ne tarissait pas d’insultes à  l’endroit du régime actuel. Malgré le fait qu’il s’essoufflait à  tout bout de champ, le sexagénaire joignait sa voie hachée à  celle du public qui, à  gorge déployée, scandait sans répit : . Au terme d’une demi heure de marche, les marcheurs se sont immobilisés devant le Gouvernorat de Koulikoro, sous haute surveillance policière. Apprenant l’arrivée des marcheurs, le gouverneur de Koulikoro, Soungalo Bouaré, s’est vite empressé de les rencontrer au portail de sa structure flanqué par ses « gorilles ». Licenciement abusif Ainsi, dans la déclaration qui lui a été remise par Bakary Berté, les travailleurs licenciés de l’HUICOMA dénoncent énergiquement le bradage de « cette manne nationale, autrefois fleuron de l’économie locale et nationale ». Ce qui attise la colère et l’indignation des licenciés vis-à -vis de l’Etat, C’’est le fait que l’HUICOMA soit cédée au Groupe Tomota contre « la modique somme de 9 milliards de F CFA et exonérée d’impôts et de taxes pendant huit ans ». Ils s’indignent aussi du fait que, dans le cahier de charge, le Groupe Tomota devait prévoir un plan social. Le collectif des licenciés soutient vigoureusement que le « bradage » de l’HUICOMA a engendré des troubles sociaux graves : licenciement abusif des travailleurs, arriérés de salaires, dislocations de familles et de foyers, renvois d’enfants de l’école… 411 travailleurs à  la rue En outre, depuis la cession de la société au Groupe Tomota en mai 2005, sur 852 travailleurs permanents et 462 saisonniers, 411 travailleurs ont été licenciés sans préavis, ni droits. Pis, tous les saisonniers ont été licenciés. Il faut signaler au passage que depuis le licenciement des travailleurs de l’HUICOMA, le tribunal de première instance a enregistré plus d’une centaine de cas de divorces. Certains n’arrivant plus à  faire face aux besoins matériels et financiers des familles. Au final, tranche le collectif des licenciés, C’’est la responsabilité de l’Etat qui est entièrement engagée dans cette affaire : Lors de son passage à  Koulikoro (il y a 3 mois), le Ministre de l’Industrie, Ahmadou Abdoulaye Diallo, avait donné un regain d’espoir quant à  la reprise effective des activités de l’HUICOMA, sève nourricière dela région de Koulikoro. En vain.

Huilerie cotonnière du Mali (HUICOMA) : les effets pervers de la privatisation

Le projet de plan social HUICOMA ignoré Avec la protection des droits des travailleurs licenciés, le projet de plan social, HUICOMA, a été élaboré (avant la cession) par le gouvernement, le syndicat des travailleurs de HUICOMA et la société HUICOMA-SA. Mais, il a été tout simplement jeté à  l’eau, malgré le fait qu’il garantissait des mesures d’accompagnement,d’indemnisation et de réinsertion socio-économique des travailleurs licenciés. En effet, ledit projet de plan social prévoyait explicitement que « l’acquéreur s’oblige à  mettre en place, dans un délai de soixante jours, à  compter de la date de transfert, un plan social négocié avec les travailleurs et acceptable pour le cédant. Ce plan social sera pris en charge par HUICOMA. Plus loin, le même projet de plan social stipule que l’Etat et la société HUICOMA-SA s’engagent à  effectuer le paiement intégral des montants dus à  tous les agents concernés en une seule tranche et au moment de leur licenciement. « Mais, force est de constater, qu’en dépit des dispositions du projet de plan social, depuis la cession de HUICOMA au groupe TOMOTA en juin 2005, aucun plan social en faveur des travailleurs n’a été mis en place jusqu’à  ce jour. l’engagement de maintien de la totalité du personnel par l’acquéreur n’est pas respecté ; encore moins son engagement à  poursuivre la réalisation de l’objet social de l’HUICOMA, en maintenant les 3 usines (Koutiala, Koulikoro et Kita) pendant une durée minimum de 5 ans. Une vie socio-économique en lambeaux La crise qui a engendrée la privatisation de l’HUICOMA a donné lieu au licenciement de plus de 395 travailleurs. La situation précaire des travailleurs licenciés à  Koulikoro (par exemple) a fini par causer d’énormes troubles sociaux. Au plan socio-économique, la baisse vertigineuse du revenu des ménages, s’est fait cruellement ressentir, causant une dégradation du tissu social. Ainsi, nous assure le greffe du Tribunal de Première Instance de Koulikoro : « une soixantaine de foyers ont vu leur union conjugale, partir en fumée. Cela était bien prévisible dans la mesure oà¹, la plupart des chefs de famille (ne travaillant plus), ne pouvaient faire face aux charges familiales. Il faut aussi ajouter certains cas de décès, une vague de déguerpissement dans des maisons louées… Aussi, certains parmi ces licenciés, pour échapper à  la stigmatisation, se sont convertis dans le métier d’extraction de sable(dans le fleuve) en attendant des lendemains meilleurs ». La mauvaise foi des autorités Le premier rôle qui revenait à  l’Etat, était de veiller strictement à  l’application du plan social, deux mois après la cession de l’HUICOMA au Groupe TOMOTA. Ce qui n’a point été fait. Selon le porte-parole du collectif des licenciés, M. Ibrahim Diarra, « à€ aucun moment, nos gouvernants ne se sont souciés de la mise en place d’un plan social au profit des travailleurs qui sont au nombre de 900. Les autorités ne se sont pas préoccupées de la violation de tous les textes en matière du travail et de sécurité sociale (code du travail et code de prévoyance sociale). Pourtant, le droit réclamé par les travailleurs licenciés, ne sauraient être de trop pour l’Etat qui a empoché 9 milliards, suite à  la cession de ses 84,13 % d’actions ». Une gestion défaillante Pendant ce temps, l’HUICOMA, depuis sa cession, subit une véritable descente aux enfers par sa calamiteuse gestion. Aux dires du président du collectif des travailleurs licenciés, Boubacar Samaké, la société se portait économiquement très bien avant la privatisation, contrairement à  ce que nos autorités ont laissé croire. Et mieux, poursuit-il, l’Etat n’a jamais eu la clairvoyance de l’accompagner financièrement. « Aujourd’hui, il est très regrettable de constater que l’HUICOMA coule progressivement vers un avenir incertain », a-t-il déploré. Au grand dam des dispositions prévues dans le protocole, le repreneur (le Groupe TOMOTA) quant à  lui, a bénéficié de la part de l’Etat, d’avantages exceptionnels. Les effets pervers de la privatisation Il s’agit notamment de la diminution du prix de la graine de coton : de 47 500 Fcfa TTC prix HUICOMA avant cession à  12 500 Fcfa TTC, après cession au groupe TOMOTA ; l’exonération sur une période de huit (8) ans…Mais, le constat est aujourd’hui amer puisque : l’HUICOMA est pratiquement à  l’arrêt, après seulement trois années de gestion. Sur le marché, aucun produit de la société n’est présent (huile, savon, aliment bétail et crème karité) et tous les prix ont doublé avec l’arrivée massive de produits étrangers. Les villes industrielles de Koutiala, Koulikoro et Kita sont aujourd’hui des villes mortes, les retombées indirectes de ces unités sur les activités connexes (transports, commerce, location, restauration) étant estompées. Des travailleurs, déterminés à  se faire entendre « Un droit ne se donne pas, mais s’arrache », cet adage semble inspirer la démarche entreprise par le collectif des travailleurs licenciés de l’HUICOMA des suites de sa privatisation. En effet, le collectif s’est plus que jamais assigné le devoir de prendre ses destinées en mains (en restant solidaire), nonobstant les méfaits du grotesque coup bas que lui a infligé le bradage de l’HUICOMA. Ainsi, le collectif des travailleurs licenciés a saisi toutes les autorités administratives du pays impliquées dans la gestion du dossier, et a même adressé une lettre, ouverte au Président de la République (lequel, en son temps, avait donné l’assurance que la privatisation n’interviendrait que lorsqu’un plan social consensuel aura été mis en place) pour lui manifester leur indignation et leur colère. Pour sortir la société HUICOMA de l’ornière, l’Etat devra donc relancer dans le cadre d’une délégation de gestion et mettre les travailleurs licenciés dans tous leurs droits.