Seydou Badian Kouyaté à propos du 26 Mars :  » Ils nous ont imposé leur démocratie et nous avons accepté mécaniquement ! « 

Né en 1928 à  Bamako, Seydou Badian Kouyaté fait ses études primaires à  Bamako, avant de s’envoler pour Montpellier o๠il passe le BAC en 1948. Il y poursuit ensuite des études à  la Faculté des Sciences de 1948 à  1949 et à  la Faculté de Médecine (Doctorat) de 1942 à  1955. Son premier roman, Sous l’Orage (1953), qui traite des rapports des anciens avec l’administration coloniale est suivi de La mort de Chaka, une pièce en cinq tableaux dénonçant le colonialisme. Médecin au Soudan français (actuel Mali) en 1955 à  Bougouni, puis successivement ministre du Plan et de l’Economie Rurale en 1957, du Développement de 1962 à  1966, ministre à  la Présidence de 1966 à  1968. Il sera détenu après le coup d’état du 19 novembre 1968. Déporté à  Kidal, il est libéré en 1975 seulement. Il s’installe alors à  Dakar jusqu’à  son retour au Mali en 1991. Seydou Badian Kouyaté est l’auteur des paroles de l’hymne national malien : Pour l’Afrique et pour toi, Mali. On lui doit également deux romans, Le Sang des masques et Noces Sacrées, ainsi qu’un essai Les Dirigeants africains face à  leurs peuples pour lequel il obtient le Grand prix littéraire d’Afrique. A l’occasion du 26 Mars, il a bien voulu recevoir chez lui à  Bamako. Rencontre avec un érudit, un humaniste chaleureux Que pensez-vous de la célébration du Cinquantenaire du Mali ? C’est une occasion pour nous de réfléchir. Qu’avons nous fait, qu’avons nous réussi pour le Mali et quelles ont été nos succès et nos échecs en cinquante ans d’indépendance ? Aujourd’hui, que devons-nous faire pour aller de l’avant. Donc 2010, C’’est l’heure de la réflexion et de la confrontation des idées. Il faut que la jeunesse Malienne évite d’être complexée ! Justement, quel espoir pour cette jeunesse confrontée à  la faillite de l’école et au chômage ? En ce qui concerne la faillite de l’école, il faut d’abord former les formateurs et les études doivent être prises au sérieux, vous le savez très bien, il y a des élèves qui ne connaissent absolument rien. En l’occurrence les filles avec leurs notes sexuellement transmissibles(NST), je ne l’ai pas inventé. De plus, il faut que les parents d’élèves laissent les enseignants faire leur travail. Il faut que les parents acceptent que les enseignants donnent quelques taloches aux élèves. Nous, nous avons été cognés à  l’école et nous remercions nos enseignants pour ce geste salutaire pour l’école malienne. Si vous frappez un élève aujourd’hui, on vous traà®ne au tribunal, un système imposé par les occidentaux. Nous avons tous été frappés à  l’école mais aujourd’hui, on ne sait plus à  quel saint se vouer ? Il ne faut surtout pas faire une comparaison entre les blancs et nous. Quant à  l’insécurité actuelle au Mali, cela doit nous amener à  réfléchir. Parce que nous sommes entrain d’imiter l’occident, je suis qu’on rétablisse la peine de mort. Le respect du gendarme est le commencement de la sagesse ! Seydou Badian Kouyaté à  propos des économies africaines « Nous avons privatisé toutes les banques sous la pression de la banque mondiale et du FMI y compris les grandes usines Maliennes. Aujourd’hui les universités sont devenues des fabriques à  chômeurs. A notre époque, nous allions chercher les jeunes en Europe pour leur donner du travail. J’allais en France, aux Etats Unis pour chercher les jeunes cadres qui disaient préparer leur thèse et je leur disais, venez je vous donne du travail. Mais aujourd’hui, plus personne n’ose dire les choses telles qu’elles sont. Moi je suis un vieillard qui a fait son temps et proche de la mort alors, je ne cherche plus l’argent. Les gens ont aujourd’hui peur de parler, de peur de perdre quelques privilèges amassées. Voilà  l’état des choses aujourd’hui. Que reste t-il des idéaux démocratiques démocratiques de Mars 91 ? De quelle démocratie parlez-vous ? Celle de l’argent ? La démocratie des riches. Aujourd’hui, un illettré milliardaire peut devenir président de la république du Mali. Il suffit de donner de l’argent aux électeurs et distribuer des voitures aux hommes indignes et les griots vont chanter tes éloges. C’’est le règne de la décadence dans notre démocratie. Nous sommes intellectuellement complexés ! D’une manière ou d’une autre, l’Occident nous a tous rendus complexés. J’ai mes convictions et je mourrai avec, et en mon âme et conscience, j’ose le dire, les Africains ont été complexés à  partir du discours de la Baule. Mitterrand a donné l’ordre et nous avons tous tendu vers le pluralisme. J’étais à  Paris, interviewé par France-Culture et je leur ai dit : « Faites attention, les Africains peuvent se réunir eux-mêmes et trouver des formules pour inventer leur propre démocratie. » Avec cette idée de pluralisme, les tribus vont s’ériger en partis politiques, les religions également, vrai ou pas ?. La preuve on s’entretue partout en Afrique. Et pourtant, on peut trouver une autre formule pour ne pas imiter systématiquement les Blancs. Le cas d’Israà«l et de la Palestine est édifiant. Quant le premier ministre Israà«lien est parti aux Etats-Unis, il a d’abord cherché à  avoir la bénédiction du Lobby juif très puissant aux Etats-Unis, avant de rencontrer Obama. Et pourquoi Israel n’a pas été condamné par le Conseil de Sécurité des Nations-unies face à  la colonisation de Jérusalem ? Hein ? Vous avez été en Israà«l? J’ai été en Israà«l quand le pays n’avait que neuf ans en 1957, avec le président Modibo Keita, Sala Niaré et à  l’époque, Modibo Keita était encore un ministre français avec la loi cadre. J’y ai rencontré des grands cadres Israéliens qui disaient à  Modibo Keita comment Israel pouvait se rapprocher du monde arabe. Mais aujourd’hui, il faut voir leur arrogance. La question de la dictature comme solution me parait d’actualité, car aujourd’hui,tout le monde court derrière la Chine qui n’a pas fait son progrès dans la démocratie. Dà®tes moi combien de partis politiques il existe en Chine ? Un seul, mais au Mali, il y en a plus d’une centaine. Un parti, C’’est un projet ! Est-ce que tous les partis ici ont des projets ? De qui se moque t-on ? Mais si tu commences à  dénoncer ces choses, on te coupe tes salaires, tes pensions, mais moi qu’on me coupe la langue ! Etes-vous fier de l’hymne national du Mali, votre œuvre ? Je suis fier parce que J’ai fait cet hymne pour l’éternité. Au carrefour de l’indépendance, J’ai vu monter le drapeau et je me suis arrêté pour regarder pendant que les motocyclistes passaient. Un policier me conseillait de partir et pour cause, le nombre de motos et de voitures qui circulaient près de moi, pouvait être dangereux. « Nous sommes tous responsables de l’état actuel du Mali, et nous avons été lâches parce que que nous avons laissé faire. Votre démocratie n’a servi à  rien, à  cause de la pauvreté généralisée. Aujourd’hui les pensions des vieux servent à  faire vivre leurs enfants chômeurs qui n’ont pas trouvé d’emploi. Nous devons réfléchir et trouver nous-mêmes une formule adaptée à  notre société !