Mme Sangaré Aminata Keita : « On ne me pardonne pas d’être une femme »

Réélue le 25 novembre 2017 à la tête de la Fédération d’athlétisme pour un second mandat, Mme Sangaré Aminata Keita, présente un séduisant CV. Après une riche carrière sportive, qui l’a vu être championne sur 100m, 200m et au javelot dans les années 1970 et 1980, Mme Sangaré a réussi une brillante reconversion. Elle a notamment été Directrice du Lycée sportif Ben Oumar Sy, du Centre d’entrainement pour Sportifs d’Élite de Kabala et du Stade Ouezzin Coulibaly. Entretien avec une dame dont les qualités et l’expérience ne sont plus à démontrer.

Vous avez été victime d’un incident le dimanche 4 mars (un camion a ravagé les locaux de la Fédération). Nous vous imaginions plus abattue ?

Les dégâts sont vraiment considérables. Cela a été un choc pour moi, d’autant plus nous venions de rénover le siège. C’est également arrivé à une période intense. Nous sommes en pleine préparation du meeting traditionnel de San et nous devons également organiser une formation à l’attention des journalistes. Cela fait maintenant quelques jours que nous ne pouvons pas travailler.

Vous avez été élue pour un second mandat. Sous quel signe le placez-vous ?

Celui de la continuité et du renouveau. Nous nous donnerons les moyens d’améliorer ce que nous avons fait durant le premier mandat et voir également ce que nous n’avons pu programmer. Nous allons organiser des formations pour les journalistes, les officiels et les athlètes. Nous avions tellement à faire lors du premier mandat que nous n’avons pas pu l’organiser à l’endroit des athlètes. Nous allons donc voir  comment sélectionner les meilleurs dans les petites catégories afin qu’ils fassent des stages ponctuel. Nous pensons également aux équipements, car qui dit grandes performances dit équipements adéquats. Il y a des disciplines que nous n’arrivons pas à faire avancer parce que nous n’avons pas les équipements qu’il faut. Les haies, le matériel de saut, les perches, nous devons en doter la fédération durant ce mandat. Nous allons également miser sur les compétitions, faire renaitre le Meeting de Bamako et pour participer au maximum de compétitions sous-régionales et internationales.

Vous êtes régulièrement prise pour cible par vos adversaires. Que vous reprochent-il réellement ?

Fondamentalement, d’être une femme. Beaucoup n’ont pas compris qu’au 21ème siècle les femmes doivent s’exprimer. Ils pensent que j’ai pris leur place alors que j’estime que j’occupe naturellement la place que je devrais occuper. Je me suis battue pour cela, je me suis fixée des objectifs et je vais travailler dans ce sens. Il y a beaucoup d’attaques, mais je pense que pour bien travailler il faut être imperturbable. Je préfère transcender cette adversité et me donner les moyens d’atteindre mes objectifs. On ne me pardonne pas le fait d’être une femme. C’est vrai qu’il n y a pas beaucoup de femmes dans ce milieu mais il faut bien commencer ! Je n’ai pas le droit d’échouer, pour ne pas décourager celles qui sont devant la porte. Si je me laisse abattre, je fermerai la porte à beaucoup de femmes volontaires.

Vous avez eu certains différends avec le ministère des Sports sous la conduite de Guindo. Le ministre a changé, vos relations ont-elles évolué ?

Il n’y avait pas vraiment de problèmes avec le ministre Amion Guindo. Nous avons eu des incompréhensions sur la gestion des compétitions. Ce n’est pas le ministre, mais les services techniques plutôt. Tout s’est aplani. C’est tout à fait normal, quand vous voulez évoluer, des frictions apparaissent, mais il ne faut pas essayer de transformer cela en conflit de personnes. J’espère que Me Jean-Claude, ancien Président de fédération, saura mieux appréhender les problèmes.

L’IAAF (Association Internationale des Fédérations d’Athlétisme) a adopté un nouveau cahier des charges pour 2018. Les qualifications pour les grandes compétitions ne se feront plus avec des minima, mais par un classement mondial. Pensez-vous nos athlètes capables de s’aligner ?

Nous n’avons pas attendu que l’IAAF procède à ce changement. Dès notre premier mandat, nous nous sommes dits que tant qu’un athlète n’avait pas sa qualification, il ne saurait prétendre au niveau international. Au début, il y a eu beaucoup d’appréhensions. Beaucoup pensaient que nous ne serions pas au niveau. Aux Championnats d’Afrique de Marrakech, nous avions onze athlètes qui avaient leusr minima. Nous allons renforcer cela et, pourquoi pas, chercher des minima au niveau mondial. Nous sommes dans cette dynamique. Pas de minima, pas de médailles. Il faut mériter sa place. Dès la semaine prochaine est prévu un stage pour les entraineurs dans ce sens.

Vous avez un très bon bilan. Comment expliquez-vous cette réussite ?

Par la motivation des athlètes. L’État malien fait aussi beaucoup, par l’octroi de primes. Les indemnités de victoire motivent les athlètes. L’athlétisme, c’est la mère de toutes les disciplines. Lorsque l’athlétisme marche bien, il y a de fortes chances que les autres disciplines aussi. Nous avons le devoir de le développer dans tout le pays.