Gorée, les chaines du retard de l’Afrique

1776, au large des côtes sénégalaises, le colon blanc érige la maison des esclaves, une des dernières captiveries de l’à®le de Gorée. Centre des rivalités entre Hollandais, Portugais, Anglais et Français, l’à®le a vu plus de vingt millions de captifs passer par cette maison devenue témoin d’un pan honteux de l’histoire humaine. Cent cinquante à  deux cents personnes y séjournaient tous les quatre mois, le temps de trouver un acquéreur. Dans des cellules de cinq mètres carré étaient entassés vingt hommes assis à  même le sol, adossés au mur avec les pieds enchaà®nés et obligés de supporter une boule en fer de dix kilogrammes trois cents. Ils sortaient une fois par jour pour aller aux toilettes. Souvent, ils se soulageaient sur place d’o๠l’épidémie de peste qui ravagea l’à®le en 1779. Gorée, à®le de neuf cents mètres sur trois cents, abritait vingt-huit captiveries. La maison des esclaves rachetée par l’Etat du Sénégal y est devenue le symbole de la traite atlantique. Cette traite consistait à  vendre des enfants, des hommes de plus de 60 kilogrammes et des femmes vierges contre des armes, des miroirs et de l’alcool. Les femmes abusées par les négriers et engrossées étaient libérées. Elles prendront plus tard le nom de mulâtresses de Saint-Louis. Murs moites, terre humide, briques silencieusement bavardes, lumière discrète, allées honteuses, vent parlant, vagues instables, la maison des esclaves avec sa porte du voyage sans retour est comme le dit son premier conservateur « le lieu qui permet de comprendre le retard pris par l’Afrique sur la voie du développement ». Gorée, aujourd’hui, est le lieu de pèlerinage de sommités mondiales. Daniel Auteuil, le pape Jean Paul II qui y a demandé pardon aux Noirs, Georges Bush, Jean Paul Belmondo et récemment Obama ont foulé le sol de cette à®le qui abrite le seul internat pour jeunes lycéennes au Sénégal, une statue de la libération des esclaves offerte par les guadeloupéens en 2002, une église datant de 1830, des vestiges de canon ayant servi à  la protection des marchands d’hommes et juchée sur une colline en face de Dakar la stèle en arcs perforés du monument Gorée- Almadies. Un modèle d’écotourisme Gorée s’ouvre à  présent au monde. Son maire, Augustin Senghor, en fait un modèle d’écotourisme. Ses rues sont propres : pas de sachets plastiques volants, pas d’ordures envahissantes, tout y est bien rangé. Les autochtones tiennent à  leur patrimoine pour avoir compris qu’il n’y a « de lutte que celle qui conduit à  la liberté » dixit le défunt conservateur Joseph Ndiaye. Son successeur, Coly, après vingt minutes de speech, conclut par « la maison des esclaves est un nouvel espace d’expression de la démocratie et des droits humains mais elle doit être le lieu de célébration et de réconciliation entre les peuples ». Ces mots du conservateur associés à  la courtoisie des résidents permettent de quitter l’à®le sans rancune mais avec la ferme détermination de combattre l’injustice et la volonté de toujours défendre l’identité du noir.

Tremblement de terre à Haiti : Kadiatou Konaré réagit

 » Comment ne pas être saisi d’émotion par les images chaotiques venues cette nuit d’Haiti, les images tragiques d’un sol qui s’écroule, d’une terre dévastée par le tremblement de terre ? Comment ne pas se sentir Haà¯tien aujourd’hui ? Saint Domingue, Haà¯ti, tout un symbole, le symbole de notre fierté de Nègre reconquis… Saint Domingue, Haà¯ti, notre première République noire indépendante. Cette indépendance du 1er janvier 2004 donna le signal pour les mouvements anticoloniaux d’Amérique Latine de passer à  l’action. Et 150 ans plus tard, sur le continent des origines, les combattants de la liberté, de la justice allaient brandir cette expérience haà¯tienne pour accéder à  l’indépendance, en revendiquant haut et fort l’exemple historique et stratégique ! Et pourtant, Haà¯ti n’a jamais cessé de payer au prix fort son indépendance et sa position stratégique dans le combat contre l’esclavage dans les colonies des Amériques et la conquête des souverainetés nationales africaines. Puissent nos dirigeants et nos peuples d’Afrique, intégrer dans leurs priorités une action pour Haà¯ti. Haà¯ti pour son exemple. Haà¯ti pour son courage. Haà¯ti pour l’espérance. Soyons donc solidaires de la cause haà¯tienne afin que notre première République indépendante ne sombre pas ». Kadiatou Konaré Editeur Cauris Editions.