Assemblée Nationale : dans les coulisses de l’immunité parlementaire…

Huit heures trente à  l’Assemblée Nationale du Mali, ce dernier vendredi de novembre. A l’image du printemps bamakois avec ces feuilles sèches jonchant les rues de la capitale, le siège du parlement, curieusement, grouille de monde. Les représentants du peuple sont en conclave. Nous avons rendez-vous avec quelques élus sortants pour percer le mystère de ceux qu’on appelle avec déférence «Â les honorables députés ». Pour accéder aux bureaux du parlement, il faut montrer patte blanche. Les militaires stationnés à  l’entrée de la bâtisse veillent au grain. Ils côtoient au quotidien commerçants et badauds à  la recherche d’oasis qui pour se soulager qui pour rencontrer un député plein aux as. En tenue saharienne bien guindés, ces militaires n’aiment pas les journalistes fouineurs. Nous nous présentons alors comme cadre d’une structure internationale et hop le tapis rouge est déroulé. Contrôle de l’action gouvernementale Nous nous acheminons vers la salle des plénières o๠se déroulent des échanges épiques entre parlementaires et ministres de la république. C’’est l’endroit le plus connu du parlement. Les joutes oratoires retransmises à  la télévision nationale se passent dans cette salle aux allures de tribunal qu’aiment bien certains tribuns partisans du populisme. Notre hôte refuse d’en être un. Durant toute la législature, il dit avoir pris très au sérieux sa mission au point de retourner sur les bancs de l’université pour upgrader son niveau. Président de commission, il affirme avoir parfois passé des nuits blanches pour comprendre la nomenclature budgétaire afin de toucher les points controversés des projets de budget soumis à  la représentation nationale. Sur son mètre quatre vingt quinze, les lunettes bien vissées, l’honorable député Adidéye MAIGA nous confie donc que «Â le rôle premier du député est de contrôler l’action gouvernementale, de veiller à  ce que le budget soit exécuté selon les orientations arrêtés lors du marathon budgétaire qui demeure le moment le plus important de l’agenda parlementaire. A preuve, nous sommes en campagne électorale et dans l’entre deux tours, nous sommes revenus à  l’Assemblée Nationale pour voter le budget. Nous oublions le temps de cette session nos querelles partisanes et nos ambitions personnelles pour servir la nation d’ailleurs le peuple croit que nous avons rendu les écharpes or nous sommes bien là  entrain de légiférer. C’’est un sacerdoce et disséquer un projet de budget n’est pas chose aisée ». l’immunité, un sésame précieux Ce marathon budgétaire, en effet, requiert la présence des représentants du peuple. C’’est une bonne opportunité puisque le législatif en profite pour interpeller l’exécutif sur les préoccupations et attentes des populations. Un député sortant précise que «Â le travail se fait d’abord en commission technique mais cette séance est souvent boycottée par les députés, ils préfèrent la plénière qui est retransmise en direct à  la télévision nationale d’o๠l’occasion de se mettre en valeur face aux électeurs question de se faire passer pour le député du peuple. La vérité est que nous ne faisons pas ce pourquoi nous sommes élus à  savoir proposer des projets de loi, examiner les propositions de loi et contrôler l’action gouvernementale ». Cet autre député élu dans le nord du pays conforte ces dires «Â nous nous battons pour venir à  l’Assemblée Nationale afin de jouir de certains privilèges comme le passeport diplomatique, le prêt bancaire, les honneurs, les indemnités de session et cerise sur le gâteau, l’immunité parlementaire qui absout le député de toute poursuite judiciaire, suivez mon regard ». Aveu ou calomnie. Quoiqu’il en soit, la candidature de certains trublions de la scène politique malienne est assimilée à  une volonté d’aller se réfugier au parlement. Le parlement, un labyrinthe Notre visite nous mène à  la cantine du parlement qui, en ce jour de vendredi saint, sent bon avec les boubous amidonnés des élus. Ils se taquinent en commentant les résultats du premier tour. Le très courtois Ouali DIAWARA, ci-devant président de la commission des finances sirote une tasse de thé en écoutant les explications du Secrétaire Général chargé d’évacuer les choses courantes en entendant l’entrée en fonction des nouveaux élus. Justement, les serveuses de la cantine attendent avec impatience cette équipe. «Â Je suis pressée de voir défiler les nouveaux députés, les sortants sont généreux. Je pense notamment à  l’honorable Ouali DIAWARA qui ne ratait jamais l’occasion de nous offrir des présents à  ses retours de voyage ou à  la veille des fêtes » affirme cette serveuse bien moulée dans un jean rouge tape à  l’oeil. Nous avons terminé notre randonnée à  l’Assemblée Nationale par une visite de la salle Aoua KEITA, la salle de réunion du bureau du parlement. Bien sonorisée et accueillante, elle attend ses nouveaux locataires. Cette salle jette sur l’estrade de l’histoire : ici sont placardées les photos des anciens présidents du parlement dont entre autres Ibrahim Boubacar Keita, Dioncounda TRAORE et le tout dernier TOURE Younoussi. La prochaine photo pourrait être celle d’un dandy venu de Niafounké.

Bagadadji : 9 députés ont perdu leur immunité

C’est ce vendredi que s’est finalement déroulée la plénière qui devait trancher sur le sort des dix députés dont les dossiers de levée d’immunité avaient été transmis par le Gouvernement. Neuf d’entre eux ont donc perdu ce statut qui les mettait à  l’abri de poursuites judiciaires. Il s’agit des députés Me Mountaga Tall élu à  Ségou, Moussa Berthé élu à  Sikasso, Oumar Mariko élu à  Kolondiéba et leurs collègues des régions du Nord ayant viré dans la rébellion en l’occurrence, Hamada Ag Bibi, Algabass Ag Intalla, Déity Ag Sidimou, Mohamed Ag Intalla, Atta Ag Houd et Ibrahim Ag Mohamed Assaleh. Les députés n’ont pas levé l’immunité parlementaire de Mamadou Hawa Gassama. La plainte qui le visait a été retirée par le maire de la Commune 1 du District de Bamako. En ce qui concerne Mamadou Hawa Gassama, dans la mesure o๠la plainte à  son encontre était déjà  retirée, les députés ont refusé la levée de son immunité parlementaire. Ainsi 87 ont voté contre la levée de son immunité parlementaire, 42 ont voté pour et 2 se sont abstenus. Les députés « MNLA » touchés par la mesure Ils ont voté à  : 81 pour, 40 contre et 4 abstentions pour Me Tall ; 85 pour, 34 contre et 6 abstentions pour Moussa Berthé ; 119 pour, 8 contre et 2 abstentions pour Oumar Mariko ; 114 pour, 0 contre et 5 abstentions pour Hamada Ag Bibi ; 118 pour, 0 contre et 5 abstentions pour Algabass Ag Intalla ; 117 pour, 1 contre et 4 abstentions pour Déity Ag Sidimou ; 72 pour, 10 contre et 4 abstentions pour Mohamed Ag Intalla ; 104 pour, 10 contre et 3 abstentions pour Atta Ag Houd ; 117 pour, 0 contre et 2 abstentions pour Ibrahim Ag Mohamed Assaleh. Si les députés du Nord (Hamada Ag Bibi, Algabass Ag Intalla, Déity Ag Sidimou, Mohamed Ag Intalla, Atta Ag Houd et Ibrahim Ag Mohamed Assaleh), qui ont choisi de prendre le fusil contre leur patrie en lieu et place de l’écharpe de l’honorabilité, sont visés par des mandats d’arrêt nationaux et internationaux pour crime de guerre et crime contre l’humanité, les Me Tall, Moussa Berthé et autres Oumar Mariko vont s’expliquer devant le juge pour des affaires de corruption, d’assassinat, d’abus de confiance etc. Me Tall est accusé d’avoir mal géré la somme de 700 millions F CFA qui lui a été versée pour désintéresser divers créanciers de l’honorable Babani Sissoko. Quand à  Moussa Berthé, il est mis en cause devant le tribunal de la Commune III pour escroquerie par un collectif de plaignants, qui l’accusent de leur avoir soutiré la somme totale de 61 450 000 F CFA en leur promettant de les recruter dans la Fonction publique. Enfin, Oumar Mariko est visé par une procédure judiciaire est ouverte contre lui devant le juge d’instruction du Tribunal de première instance de la Commune V pour tentative d’assassinat de deux étudiants. Ils sont désormais à  la disposition de la justice pour que chacun puisse répondre de ses actes.

Le Gouvernement veut poursuivre le Dr Mariko

L’élu à  Kolondièba, Dr Oumar Mariko, est dans le collimateur du gouvernement. Ce dernier a en effet envoyé à  l’Assemblée Nationale une lettre signé du Premier Ministre demandant la levée de son immunité parlementaire afin qu’il puisse répondre devant la justice des multiples faits dont il est présumé coupable. Ladite demande a aussitôt été transmise à  la commission parlementaire créée à  l’effet d’étudier l’ensemble des demandes faites dans ce sens. Déboires Dr Oumar Mariko a été récemment arrêté par la sécurité d’Etat et interrogé des heures durant. Il avait ensuite été relâché mais la pression semble toujours peser sur lui de la part des autorités.pas que celles du Mali puisqu’il s’est vu refusé, il y a peu, un visa pour se rendre en Europe. Un camouflet pour l’homme qui était le chouchou de tous les fora internationaux o๠son « franc-parler » séduisait. La crise au Mali est passée par là  et surtout son soutien indéfectible à  la junte auteur du coup d’Etat de mars 2012. Il s’est même fait traiter de « djihadiste du sud » à  cause des multiples marches, meetings et conférences de presse qu’il organisait, avec des mouvements pro-junte, contre les autorités de la transition. Cette demande de levée d’immunité d’Oumar Mariko signifie que le gouvernement n’a pas pris en compte sa décision de mettre fin à  son mandat à  la fin officielle de la mandature de l’Assemblée, prorogé pour cause de crise. Une question se pose, l’honorable Mariko a-t-il continuer depuis à  jouir des droits dus à  son statut? Le nom d’Oumaar Mariko vient s’ajouter à  celui des députés Tall, Berthé et Gassama, dont les cas sont à  l’étude en ce moment au sein de la commission de levée d’immunité, mise en place la semaine dernière. Après la cascade d’arrestations de maires, va-ton vers des ennuis judiciaires pour les élus nationaux? De nombreux maliens l’espèrent car cela signifierait le début d’une ère nouvelle: la fin de l’impunité.

Levée d’immunité : la commission de l’Assemblée entre en fonction

Les élus concernés par la demande de levée d’immunité sont Me Mountaga Tall élu à  Ségou, président du Congrès national d’initiative démocratique, Mamadou Hawa Gassama, député élu à  Yélimané, Moussa Berthé élu à  Sikasso. Sont également visés six députés du nord qui ont ouvertement rejoint la rébellion. Ces six députés sont Ibrahim Ag Mohamed Assaleh (élu à  Bourem), Alhgabass Ag Intallah (élu à  Kidal), Ahmada Ag Bibi (élu à  Abeibara), Deity Ag Sidimou (élu à  Tessalit), Mohamed Ag Intallah (élu à  Tin-Essako) et Atta Ag Ould Houd (élu à  Gourma Rharous). La commission existe en fait depuis la semaine dernière, la conférence des présidents ayant arrêté le principe de sa mise sur pied. Ses 15 membres ont été désignés et un bureau a été installé, présidé par Kassoum Tapo, élu à  Mopti, avocat et ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Mali. Moriba Keà¯ta, élu à  Kita, en est le vice-président et Mme Camara Saoudatou Dembélé, élue en Commune VI, le rapporteur. Elle serait d’ailleurs déjà  à  pied d’œuvre avec l’élaboration d’un planning de travail et une liste de personnes à  écouter. Selon toute vraisemblance, le dossier des élus du nord ayant rejoint la rébellion sera traité à  part. et devrait faire l’objet d’une procédure assez simplifiée qui pourrait même être bouclée avant la prochaine plénière.

Végal: « Les gens me promettent de régler mes comptes à la fin de mon mandat »

Dans une interview accordée à  l’Auditeur Francophone, le trimestriel d’information sur l’audit interne en milieu francophone, le Vérificateur général, Sidi Sosso Diarra, passe en revue sa mission et les défis à  relever dans l’amélioration de la gouvernance au Mali voire en Afrique. Nous vous livrons, ici, des extraits de cette riche interview de l’homme qui s’apprête à  passer la main, en avril 2011, et cela au terme de son mandat unique de 7 ans non renouvelable. L’Auditeur Francophone : Au nom de l’ensemble des Auditeurs Francophones, nous vous remercions pour avoir accepté cette interview malgré votre emploi du temps très chargé et surtout au moment o๠vous venez de déposer votre rapport annuel 2009. Monsieur le Vérificateur Général, qui êtes-vous et pourquoi avez-vous accepté cette fonction? Sidi Sosso Diarra : C’est au contraire moi qui vous remercie pour tout l’intérêt que vous portez à  ma personne, en tant qu’auditeur, et pour le travail de l’institution que je dirige actuellement. Je m’appelle Sidi Sosso Diarra, je suis Malien, expert-comptable et père de 5 enfants. J’ai été auditeur en France, Chef de mission à  la Commission Bancaire de l’UMEOA puis Directeur du Budget et de la Comptabilité à  la BCEAO, avant d’être Vérificateur Général du Mali pour un mandat unique de 7 ans ; fonction que j’assume depuis le mois d’avril 2004. Malgré cette étiquette d’auditeur-comptable, je suis passionné d’économie, de droit, de musique et de cinéma. J’ai accepté d’être Vérificateur Général du Mali pour servir mon pays. Je tiens à  rappeler que j’ai eu l’immense privilège de partir étudier en France grâce à  une bourse d’excellence octroyée par le Fonds d’Aide et de Coopération (FAC) par l’intermédiaire de I’ Etat malien. Il me semble donc légitime de venir mettre au service du développement national, ces années d’expériences acquises à  travers le monde. Il faut aussi reconnaà®tre que mon profil semblait correspondre aux attentes du président de la République. Les missions assignées au BVG-Mali convergent vers la promotion de meilleures pratiques de gestion des ressources nationales, ce qui est un combat que j’ai toujours voulu mener pour les pays en développement comme le notre. La fonction de Vérifcateur Général est la réponse parfaite à  cette dualité qui, en fin de compte, résume assez bien ma personne. A.F. : Vous avez donc une riche expérience dans le domaine de l’audit, notamment pour avoir travaillé en France dans des Cabinets internationaux d’audit. Quelles sont les difficultés pour la promotion de l’audit au Mali? S.S.D. : En effet, j’ai commencé ma carrière d’auditeur en France et j’ai eu la chance d’apprendre et de diriger des équipes dans de grands cabinets comme Arthur Andersen