Quand l’inaction du gouvernement inquiète (2/2)

C’’est en 2006 qu’Amadou Toumani Touré a posé son premier acte qui compromet gravement la souveraineté nationale. Il n’a pas hésité à  ordonner à  son représentant, le Général Kafougouna Koné, de signer l’accord dit Accord d’Alger avec les sécessionnistes de l’Alliance Démocratique du 23 mai 2006 pour le Changement, dirigée par Bahanga, un officier touareg déserteur de l’armée régulière dans laquelle il a été incorporé en 1992 à  l’occasion des Cérémonies de la Flamme de la Paix. Dans le dit accord, les indépendantistes touaregs exigent et obtiennent une sorte d’autonomie avec la démilitarisation des zones urbaines de Kidal et la création d’unités spéciales de sécurité rattachées au commandement de la zone militaire mais composées essentiellement de Touaregs et d’Arabes. Une zone de non-droits est ainsi créée d’o๠est marginalisée, voire exclue, l’autorité de l’à‰tat. De l’année 2006 à  l’année 2012, le temps a joué en faveur des Touaregs et des Arabes indépendantistes qui l’ont mis à  profit pour conforter leurs assises. C’’est ce qui explique, en grande partie, l’alliance objective facilement conclue, au début de la guerre d’occupation, entre les groupes d’assaillants dont les motivations sont fort différentes. Le Mnla veut la «Â décolonisation » de l’Azawad, selon les propos d’un de ses porte-parole ; Al-Qaà¯da ambitionne de continuer tranquillement son activité de prise d’otages et de trafic de stupéfiants ; Ançar Dine est déterminé à  imposer la charia dans toute la région et particulièrement à  Tombouctu o๠cela a déjà  commencé, les intentions du Mujao et de Boko Haram sont peu connues. Certes, la période qui s’étale du 17 janvier 2012, début de la guerre d’occupation, à  ce jour n’est pas comparable, dans la durée, à  celle qui va de l’année 2006 à  l’année 2012. Mais en charge émotionnelle, elle est infiniment plus dense et plus dramatique. Ce sont des populations entières qui sont dépossédées de leurs terres ancestrales par des étrangers à  qui l’hospitalité a été offerte à  leur arrivée. Il ne faut jamais perdre de vue que lorsqu’ils ont décidé d’abandonner le nomadisme pour se fixer dans le nord du Mali, notamment, les Touaregs et les Arabes y ont trouvé les Sonrhaà¯s, sédentarisés depuis la nuit des temps. Les preuves indiscutables de l’antériorité de ce peuple négro-africain sont brandies par les noms des villages, des rues, des cours d’eaux, de la faune et de la flore de tout cet espace. Ils ne sont pas touaregs ni arabes mais bel et bien sonrhaà¯s. De même ATT a laissé le temps aux indépendantistes pour se préparer, de même l’actuel gouvernement, en renonçant à  toute option militaire immédiate, permet aux envahisseurs de consolider leurs positions. Les envahisseurs tirent avantage de son inaction et mettent à  profit l’aéroport de Tessalit, surtout, qu’ils contrôlent, pour recevoir les armes, les munitions, la nourriture et les renforts dont ils ont besoin. Au nombre de trois cents au départ, selon des sources mauritaniennes, il est fort probable qu’ils soient bien plus nombreux aujourd’hui ; ce que le gouvernement n’est même pas en mesure de confirmer ou d’infirmer ne disposant d’aucune source d’information sur place. Ne maà®trisant aucun paramètre, dans cette zone devenue totalement inconnue, le gouvernement, par sa lenteur à  intervenir, risque de rendre la guerre de reconquête plus longue et plus coûteuse en vies qu’il ne faut. La Cédéao n’est pas la solution Du fait de son attentisme injustifié, le gouvernement aura du mal à  convaincre que ses véritables intentions ne sont pas d’équiper l’armée malienne mais, plutôt, de préparer l’arrivée des troupes de la Cédéao. La Cédéao est d’autant moins la solution que sa disponibilité à  participer à  l’effort de guerre par l’envoi de troupes est relativement récente. Ce serait une erreur d’oublier que le jour de son sommet extraordinaire tenue à  Abidjan le 27 mars 2012 sur le coup d’à‰tat au Mali, son Président en exercice, Alassane Ouattara, avait qualifié les événements dans le nord non pas de guerre d’occupation mais plutôt de guerre civile ; il excluait de la sorte et à  l’avance toute intervention de l’organisation interétatique, puisque du point de vue de celle-ci, il s’agissait, et peut-être s’agit-il toujours, d’un conflit maliano-malien. Voilà  sans doute pourquoi, au lieu de proposer le déploiement immédiat, en appui à  l’armée malienne, de ses troupes afin de stopper, dans un premier temps, l’avancée des assaillants, qui ont pris entre temps Tombouctu et Gao, et, dans un second temps, d’entreprendre, toujours avec l’armée malienne, la reconquête de l’intégrité territoriale du Mali, la Cédéao à  préféré tenter de faire plier le Cnrdre en imposant, dès le 02 avril 2012, un embargo total au pays dont elle sait, pourtant, qu’il ne touchera véritablement que les couches les plus fragiles de la population. Il ne faut pas perdre de vue non plus que le jour de la signature de l’Accord Cadre que la Cédéao a contraint les militaires à  parapher, est ce même jour o๠les agresseurs ont affirmé la partition du pays avec la déclaration d’indépendance de la partie qu’ils ambitionnaient de conquérir. En tout état de cause, la Cédéao lie, à  présent, son intervention à  l’accompagnement de l’Union Africaine laquelle se propose de saisir le Conseil de Sécurité des Nations Unies et de solliciter l’appui des partenaires financiers et techniques de l’Afrique pour préparer les troupes qui doivent être envoyées au Mali. l’expérience à  monter qu’il faut plusieurs mois de prise de contacts avant de parvenir au résultat souhaité. Autant dire que les envahisseurs ne sont pas près d’être délogés et les populations du nord de retrouver la tranquillité de leurs foyers. l’absence de consultation nationale sur l’arrivée des troupes de la Cédéao, rejetée par la majorité des Maliens conscients des enjeux, en tête desquels les militaires, explique, sans doute, pourquoi le gouvernement n’a pas compris cette autre réalité douloureuse. Quand bien même les troupes de la Cédéao auraient réussi à  libérer le nord, après leur retrait avec tout leur matériel militaire, l’armée malienne, qui n’aurait pas été équipée pour libérer son pays elle-même, resterait toujours aussi sous équipée et fragile. Et la honte continuerait d’envelopper toute la nation de sa couverture infâmante. l’unique option honorable Les militaires maliens ont pris le pouvoir le 22 mars 2012 parce que, contrairement aux promesses qui leur avaient été faites, les armureries étaient vides des armes qu’il leur fallait pour combattre et mettre fin à  l’hécatombe dont étaient victimes leurs camarades sur les différents fronts. Ils se trouvent toujours dans cette situation de dénuement qu’il faut corriger au plus vite. Eux-mêmes ni le peuple malien n’ont besoin d’aucune force d’appoint étrangère pour renforcer leur effectif largement suffisant. Tout ce qu’il leur faut, ont-ils dit et répété, C’’est un armement moderne et la logistique. Dans la situation chaotique que vit le Mali aujourd’hui, aucun pays au monde n’aurait pris autant de temps pour fournir ses forces combattantes en armes suffisantes et immédiatement opérationnelles. Un large éventail de choix est disponible sur la scène internationale pour traiter avec les pays dont les délais de livraison sont les plus courts. Le défaut de liquidités ne peut être un frein pour le Mali, puisque dans ce genre de transaction, la règle générale est l’endettement comme mode de règlement. Le gouvernement se doit de faire face, ici et maintenant, à  l’impérieuse nécessité de pourvoir l’armée en moyens convenables pour reconquérir l’intégrité territoriale du pays. C’’est à  elle et à  elle seule qu’incombe cette noble mission. Le 1er juin 2012, le Premier Ministre a pris cet engagement dans le camp militaire de Ségu ; mieux vaut tard que jamais. Cependant, il aurait mieux valu faire le déplacement à  Sévaré pour y prêter le même serment ; car C’’est Sévaré qui est proche de la ligne de front et C’’est à  Sévaré o๠sont cantonnés les premiers soldats déjà  psychologiquement prêts pour entreprendre la libération du pays. Il est plus qu’urgent que le gouvernement comprenne que le Mali, le Très Grand Mali est tombé bien bas et qu’il doit, au plus, vite se redresser et se toiletter pour que les Anciens, qui ont perdu la tranquillité de leurs tombes, puissent se reposer en paix. En effet, de Dinga à  Modibo Keà¯ta, en passant par Sunjata, Tiramagan et Fakoly, Sakura, Soni Ali Ber et Askia Mohamed, Biton, Damonzon et Bakarijan, Babenba, Samory et El Hajj Oumar, Amadou Cheikhou et tant d’autres, tous ces devanciers, qui ont défendu la terre de leurs origines jusqu’au sacrifice ultime, et sans aucune aide étrangère, ne se reconnaissent plus dans l’image si dévalorisante que leur renvoie leur peuple aujourd’hui. Plus que jamais, le Mali a besoin de filles et de fils remplis de l’amour oblatif indispensable à  la restauration de son honneur. Plus que jamais le Mali doit compter sur lui-même et sur lui seul. Doumbi-Fakoly, écrivain.