Coton malien : Une opportunité pour l’industrie textile locale

Le coton, communément appelé l’or blanc, est-il une opportunité pour l’industrie textile malienne ? Sur cette question, les avis mitigés sont rares. La plupart des acteurs du secteur soutient que le coton est une force pour que le Mali compte parmi les puissances de l’industrie du textile, en Afrique et dans le monde. Une chose est sûre, quand on parle de pays producteurs de coton en Afrique, le Mali se classe parmi les premiers, dans la sous-région et sur le continent, ce qui lui donne une place importante sur le marché mondial.

En termes de chiffres, un pic considérable a été observé durant la campagne 2017 – 2018, où le Mali a obtenu une production record de 725 000 tonnes, distançant le Burkina Faso, qui a enregistré une chute de 30% de sa production, suite aux contreperformances du secteur cotonnier burkinabè ces trois dernières années. Le Mali, qui régnait en maître sur l’or blanc du continent africain, a perdu sa place de leader devant le Bénin lors de la campagne 2018 – 2019.

Le coton au cœur de l’économie

Malgré ce rendement, lié également au changement climatique, le Mali s’est fixé d’autres objectifs. Pour la campagne agricole 2019 – 2020, le pays veut atteindre une production record de 800 000 tonnes de coton graine et une valeur ajoutée de près de 15%. Toujours dans le spectre des projections, le secteur coton envisage de récolter un million de tonnes d’ici deux à trois ans grâce à de nouvelles variétés. Une aspiration annoncée par le ministre de l’Agriculture, Moulaye Ahmed Boubacar, en marge d’une conférence de l’Organisation mondiale du commerce, à l’occasion de la Journée mondiale du coton, célébrée le 7 octobre 2019 à Genève. Encore des défis pour un pays qui finance 50% de ses importations alimentaires grâce aux revenus liés à l’exportation du coton et qui occupe 11% de son territoire pour la culture de cette plante. Avec plus de 3500 villages cotonniers au Mali et « quatre millions d’acteurs », le coton se classe au premier rang des secteurs pourvoyeurs d’emplois du pays. Il impacte considérablement le développement local et contribue à celui des infrastructures agricoles. Tous secteurs confondus, celui du coton rapporte près de « 500 milliards de francs CFA par an au Mali». Au cœur de sa gestion, la CMDT (Compagnie malienne pour le développement des textiles). Créée en 1974, c’est une société anonyme d’économie mixte, garante de la vente du coton malien au niveau de l’Organisation mondiale du commerce. Avec un capital de 7,982 milliards de francs CFA, la compagnie, détenue par l’État Malien majoritairement, compte au sein de son actionnariat son partenaire français Geocoton et des producteurs de coton locaux.

Du coton au textile

Le secteur du coton est parmi les mieux organisés du Mali. Au niveau primaire, les producteurs sont organisés en confédérations, les vendeurs d’intrants agricoles en groupements et les industriels autour d’une fédération. Selon Abdel Rahmane Sy, Président de l’Association des jeunes pour la valorisation du coton et initiateur du Festival panafricain de la cotonnade (FEPAC), « le Mali compte 117 entreprises évoluant dans le secteur du coton ». En ce qui concerne l’industrie textile, il précise « il y a deux grandes industries textiles, parmi les 117 du secteur coton, la Comatex (Compagnie malienne des textiles) et Batex-Ci, qui sont les plus connues. Mais à côté de ces dernières, il y a d’autres industriels ».

En ce qui concerne le secteur de l’artisanat textile au Mali, la région de Ségou fait partie des plus actives dans le domaine. Elle abrite la Comatex, première usine de textile au Mali depuis 1968. Privatisée en 1994, elle a pour principaux actionnaires l’État (20% des parts) et la société nationale chinoise COVEC (80% des parts). Les produits de l’entreprise, vendus sur le marché local et ailleurs, sont entre autres le tissu imprimé, le fil écru, le percale et le coton hydrophile, comme l’énonce le gérant de la boutique Comatex de Bamako, Sounoro dit Souleymane Sanou.

Batex-Ci (Bakari textile – commerce et industrie) naît des cendres de l’ITEMA, après la cession d’une partie des actifs par l’État, en 2004, au Malien Bakary Cissé. Spécialisée dans la confection de draps, de tissus, de treillis, de jeans et de tissés, l’entreprise étend ses activités à bien d’autres secteurs du textile. Cependant, malgré la présence de ces entreprises de transformation et de bien d’autres, certains acteurs, à l’instar des artisans, se plaignent par moment de l’absence de matière première, le fil à tisser, outil incontournable pour la confection des étoffes.

Malgré la bonne organisation autour du secteur de l’artisanat textile dans plusieurs régions du pays, comme Sikasso ou Ségou, où les plateformes des tisserands traditionnels et les groupements de femmes qui évoluent dans le domaine de la filature traditionnelle sont très actifs, beaucoup reste à faire pour satisfaire la demande, car le cœur du problème dans la chaine de transformation au Mali réside dans la production de fils. La méthode traditionnelle disparait au profit de nouvelles techniques pour éviter les pertes de temps. Le constat est unanime chez les artisans et les autres professionnels : « transformer localement plus de coton donnera de la valeur ajoutée au textile malien ».

De bonnes perspectives

Le coton biologique est l’une des options pour un développement durable du secteur du textile au Mali. Une agriculture de niche, certes, mais révolutionnaire de par sa forme, car respectueuse de l’environnement. Au Mali, seul le Réseau malien de transformation du coton biologique (REMATRAC – Bio) a la responsabilité de promouvoir ce savoir-faire écologique. Disséminé en douze structures artisanales établies dans différentes régions, son objectif est de transformer le coton biologique en textiles. Avec de nombreuses expertises, les artisans font du tissage, de la filature, du crochetage et de la teinture naturelle à base de plantes, pour des tissus maliens. La production de coton biologique de la CMDT est de 200 tonnes sur une production globale annuelle de 800 000. Le réseau a une capacité de production de près de « 20 tonnes par an ». Cette filière bio est appelée à compléter celle du coton traditionnel et représente pour les cotonculteurs des milliers d’emplois en plus, ainsi qu’une hausse des revenus dans l’avenir.

Valorisation du textile local. Le consommer local, un slogan qui se répand et qui créée une parfaite harmonie avec la culture identitaire dans la course à l’affirmation de soi sur le continent et dans le monde. Il s’agit bien de mode et quand on en parle, il y a des stars locales, comme Mariah Bocoum et Racky Thiam, ou des labels comme « Ikalook » et « I Parila » qui retiennent l’attention. L’objectif de tous ces designers est la mise en valeur du textile malien dans des fora, des défilés, des festivals et des expositions nationales ou internationales. En bref, de présenter le made in Mali, dans toute sa diversité culturelle, à travers des collections d’accessoires ou vestimentaires. Il y en a qui choisissent un style, comme la marque « I Parila », qui s’est lancée avec le bogolan et dont la promotrice, Aissata Traoré, rêve d’une entreprise malienne qui va fédérer transformation et mise en valeur des différents produits, voire du prêt à porter malien. Comme elle, Mariah Bocoum, avec sa casquette de designer, propose d’innover avec une matière plus bio, ou plutôt plus « nature ». C’est donc en phase avec l’environnement qu’elle opte pour des matières biologiques pour confectionner ses collections. Amoureuse de couleurs et de textures, elle ose, pour faire du chic, la teinture naturelle à base de plantes, écorces et autres matériaux naturels.

Faire briller l’industrie du textile c’est le rêve des acteurs du secteur du coton malien. Multiplier les entreprises de filature est aussi l’un des objectifs de la CEDEAO et de l’UEMOA, qui veulent commencer par transformer 25% de la production régionale de coton localement.

Idelette BISSUU

Mode : Des investissements rentables ?

L’industrie de la mode en général génère beaucoup de profits. Même si, au Mali, son envol et son développement ne sont pas encore à leur sommet, plusieurs acteurs s’en sortent. En témoignent les boutiques de prêt-à porter, bijouteries, teintureries, ateliers de couture et de stylisme, modernes et autres, qui sont de plus en plus visibles à Bamako. Le secteur présente-t-il aujourd’hui des garanties de bénéfices pour susciter les investissements ?

Si l’on peut parler aujourd’hui d’une rentabilité du secteur de la mode au Mali, c’est essentiellement lié à l’industrie de l’habillement. Cette dernière est la composante qui prospère le plus. « Au Mali, le secteur de l’habillement rapporte beaucoup. Il y a quand même beaucoup de couturiers, de tailleurs et de teinturiers qui arrivent à vivre de ce qu’ils font et qui vendent beaucoup ailleurs. L’habillement est inclus dans la mode, qui elle-même est une industrie qui rassemble aussi la création d’accessoires et la culture, à travers la production d’évènements », explique Ibrahim Guindo alias Akim Soul, Président de Mali Mode Association.

Pour notre interlocuteur, qui n’est plus à présenter dans ce domaine dans notre pays, investir dans la mode peut générer beaucoup de gains et devenir un maillon important en termes de développement économique du pays, si le secteur est considéré à sa juste valeur. Ce qui, à l’en croire, n’est pas encore le cas. « Ici, le secteur n’est pas considéré comme une véritable industrie », déplore-t-il.

Même si visiblement la mode semble aller au mieux, il reste néanmoins encore beaucoup de progrès à réaliser pour rivaliser avec d’autres  pays. « Au Mali, la mode est encore très discrète. C’est même pour cela que notre association essaie de mettre en place des évènements pour en faire parler et pour que les acteurs bénéficient de vitrines pour ce qu’ils font en vue de générer des profits ensuite », souligne Akim Soul.

Pour l’avenir du secteur de la mode dans notre pays, Il faut aussi et surtout une volonté politique affichée pour faire évoluer les choses. Selon notre interlocuteur, il est indispensable que les politiques lui accordent un maximum de crédit, dans un premier temps, afin que les financiers aussi y investissent à leur tour. « Ailleurs, la mode fait vivre énormément de personnes. C’est une vraie industrie, toujours en croissance. C’est là où nous pouvons en venir aussi au Mali, si la volonté politique nous accompagne », conclut-il.