Sécurité : répondre à la menace

Au Mali, le défi sécuritaire reste un challenge important à relever sur l’ensemble du territoire. Depuis quelques mois, à Bamako, force est de constater que la situation sécuritaire a connu une nette amélioration. Une présence accrue des forces de police et des agents de sécurité, un renforcement des contrôles dans les bâtiments publics, les hôtels et les restaurants de la capitale y est notable. Mais si la situation semble s’améliorer, beaucoup reste à faire, dans la capitale comme dans le reste du pays.

Depuis quelques mois, ils sont de plus en plus présents dans l’espace public. Dans les supermarchés, à l’entrée des banques, devant le siège des grandes entreprises, devant les hôtels et restaurants huppés, aux carrefours de la capitale. Les fouilles et contrôle physique ou via des portiques de sécurité sont systématiques, les forces de police et les agents privés sont là en barrage, ou pour fournir un appui contre l’insécurité galopante qui s’est installée depuis quelques années.

Après le sommet Afrique-France qui accueillait une trentaine de chefs d’État dans la capitale malienne et qui a démontré la capacité du Mali à héberger pareil événement, le défi sécuritaire reste grand, mais le pays est néanmoins en marche pour tenter d’endiguer le banditisme et les attaques terroristes, contre les institutions de l’État, les forces militaires et les civils, devenues monnaie courante.

Défense nationale Si au Mali, une stratégie de réforme exhaustive de la sécurité est restée longtemps lettre morte, depuis quelques années et conformément à la Loi quinquennale d’orientation et de programmation militaire (LOPM), le pays est lancé dans le renforcement de son outil de défense. Les effectifs de l’armée nationale sont passés, en l’espace de 3 ans, de 8 200 soldats réguliers à environ 10 000 aujourd’hui, et une campagne de recrutement à été lancée, en janvier, par le ministère de la Défense afin d’enrôler 5 000 jeunes dans tout le pays et dans plusieurs corps de l’armée. Il s’agit ainsi de reconstituer une force nationale capable de défendre le territoire et de répondre aux menaces à l’intérieur, comme à l’extérieur du pays.

Ces militaires, formés par la Mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM Mali), ont déjà constitué huit bataillons de type GTIA (Groupement tactique interarmes) entraînés et prêt à être déployés sur différents théâtres d’opération. Les chefs militaires et les instructeurs de ces contingents sont actuellement en phase de formation, notamment en matière de commandement et de leadership, avec l’objectif que cette armée soit opérationnelle à l’horizon 2019.

Cette volonté affichée de renforcement du secteur de la défense et de la sécurité s’applique non seulement aux forces armées, mais aussi à la police, au niveau local et national, ainsi qu’aux services de douanes, avec l’objectif futur d’obtenir un service de sécurité de qualité assurant la protection physique, matérielle et morale des populations, ainsi que la souveraineté des institutions et du territoire. Principales difficultés auxquelles seront confrontées ces forces de sécurité : l’étendue du territoire et la guerre asymétrique menée par les assaillants, qui peuvent se fondre dans la population et traverser une frontière. Le pays est en marche mais la route pour parvenir à destination est encore longue.

L’essor de la sécurité privée Alors que le gouvernement s’attèle à renforcer les capacités de l’armée et des forces de l’ordre, la demande de sécurité est en augmentation au Mali. La progression du banditisme et du terrorisme ont favorisé l’explosion du secteur, qui affiche une croissance continue depuis plusieurs années avec une clientèle composée de particuliers, comme d’entreprises. « Le climat sécuritaire actuel est préoccupant et pour 2017 nous ne sommes pas à l’abri d’un autre attentat dans la capitale. Il est clair que cette prise de conscience profite aux affaires », indique ce patron d’une société de sécurité privée de la capitale.

 Le secteur de la sécurité privée, encore archaïque, a en moins de cinq années, connu un accroissement de ces acteurs qui dépasseraient aujourd’hui, selon une statistique non officielle, le nombre de 250. Ces sociétés commerciales, bénéficiant d’un agrément du ministre chargé de la Sécurité, sont régies par des règles propres. Elles proposent des prestations de surveillance, gardiennage, transport de fonds, et de protection des particuliers et des sociétés, et sont règlementées par la loi N° 96-020/AN dont le décret d’application date du 29 février 1996. Des sociétés comme Securicom, G4S, Axesm ou Mali Guard, entre autres, se sont imposées et se partagent ce marché porteur, essentiellement composé d’institutions bancaires, de grands groupes, de représentations d’organisations internationales, de commerces ou encore de particuliers.

Un nécessaire encadrement Néanmoins, ces sociétés qui peuvent s’avérer de précieux auxiliaires pour maintenir la sécurité à Bamako et qui jouent un rôle de service public, ont besoin de se professionnaliser. « Le secteur manque d’organisation. Au niveau de l’État, il n’y a pas d’homologation, les niveaux de paie sont insuffisants et la formation n’est pas satisfaisante », résume cet ex-colonel de l’armée qui travaille dans la sécurité privée depuis 5 ans et regrette que le secteur ne soit pas plus encadré.

Concédé par l’État aux privés pour répondre au besoin de sécurité, le secteur est encore majoritairement informel et non professionnel. La plupart des agents qui travaillent pour ces sociétés n’ont pas de réelles aptitudes pour ce travail et ne sont pas armés pour faire face à toutes les menaces. « J’utilise des gendarmes qui sont armés pour la surveillance de sites sensibles, notamment en cas d’interventions. Certaines sociétés comme Securicom font appel à des policiers, car nous ne pouvons nous permettre de confier des armes à des agents qui manquent de formation », explique ce consultant en sécurité de la place. Cette absence de véritable contrôle de la profession met ces agents en danger et encourage les dérives, notamment salariales.

Malgré tout, en complément des forces conventionnelles, ces compagnies privées qui continuent à se multiplier dans ce nouveau marché concurrentiel, jouent leur partition et se démarquent en diversifiant leur offre de services : géolocalisation, vidéosurveillance, audit de sécurité, sécurisation d’événements, etc., prouvant s’il en était encore besoin, que le secteur de la sécurité a encore de beaux jours devant lui.

 

 

Dan na amba sagou : le rempart Dogon

C’est pour sécuriser la zone du plateau dogon et dissuader d’éventuels assaillants, que des chasseurs dogons ont pris les armes pour former la milice Dan na amba sagou (confier le territoire aux chasseurs). Elle entend rendre au pays dogon sa quiétude d’antan.

Dans la région de Mopti, il n’y a pas que les Peuls qui se plaignent de l’abandon de l’État. « Nous ne sommes pas en sécurité, personne ne dort. À chaque fois, des gens viennent commettre des assassinats en toute impunité et s’en vont sans être inquiétés. Nous avons constaté cela des mois durant à Bankass, à Bandiagara et à Koro », s’insurge Boureima Sagara, coordinateur du mouvement Dan na amba sagou, créé en 2012.

Depuis quelques mois, la recrudescence de la violence les pousse à donner à nouveau de la voix et à reprendre les armes. Le 1er octobre dernier, Théodore Soumbounou, conseiller communal à Bankass, a ainsi été froidement abattu par des bandits armés. Un mois plus tard, le maire du cercle de Koro a échappé de justesse à une tentative d’assassinat. Trois jours avant les élections communales du 20 novembre, la tête de liste du parti PRVM-Fasoko fut kidnappé. Autant de faits qui ont poussé le mouvement Dan na amba sagou à rappeler, dans un communiqué publié mi-décembre 2016, les conditions de sa création il y a quatre ans et à annoncer la reprise des armes pour assurer la défense du territoire. Le mouvement revendique à ce jour un millier de combattants, armés de vieux fusils de chasseurs et résolus à donner leurs vies pour le plateau dogon. Le leader du groupe, Youssouf Tobola, serait un chasseur réputé, natif de Bandiagara. Très déterminé à la protection du terroir dogon, il entend fédérer autour de lui et prévient que « plus rien ne sera comme avant ». Tout adhérant doit prêter serment, « dans le but de fortifier les liens et d’instaurer la confiance entre nos membres », explique Sagara.

Appel à l’État Le mouvement est néanmoins conscient de ses limites. Face à la menace croissante que représente la katiba Macina du prêcheur radical Amadou Koufa, les Dogons ont envoyé une missive au préfet pour demander l’installation de camps dans leur zone. « Nous souhaitons des camps militaires dans les quatre cercles et bien équipés en matériels ou des armements adéquats pour mieux sécuriser nos populations du pays dogon car à chaque réveil, nous retrouvons des personnes tuées par des bandits armés qui sont les djihadistes », peut-on lire dans cette correspondance. Ces camps assureraient la sécurité dans la zone et permettraient au tourisme d’y rayonner de nouveau. « À cause de l’insécurité, nous n’avons plus de touristes, le pays dogon est laissé pour compte, les jeunes ne travaillent pas. C’est aussi pour tout cela que nous voulons rétablir l’ordre sur nos terres », conclut Sagara.

 

Au centre du Mali, c’est le Far west…

Cette nuit-là, Ibrahima Maïga, s’est couché tôt, harassé par une journée de travail bien remplie passée entre Sévaré et Ngouma. Vers 2h du matin, dans un sommeil profond, il sent qu’on le secoue. Grognant, il lance son bras pour chasser l’importun, un objet froid et métallique stoppe la course de sa main le faisant sortir d’un coup de sa torpeur. Une puissante lumière l’éblouit, une torche fixée sur un fusil que braque sur lui une silhouette noire, un homme, portant un treillis de l’armée de terre. Un autre, derrière lui, s’active bruyamment à retourner ses affaires. « J’ai d’abord cru que c’était des militaires qui avaient besoin d’essence », raconte Ibrahima, animateur radio à Ngouma, assis sur un petit tabouret de bois dans la pénombre d’une arrière salle de la radio FM de Douentza. « Ils m’ont dit qu’ils voulaient de l’argent, mais je n’avais rien ! ». Les deux hommes fouillent la pièce puis s’en vont, laissant Ibrahima tremblant de peur. Vingt minutes plus tard, une fusillade éclate, un cri perce la nuit, des moteurs démarrent en trombe, puis plus rien. Ce soir-là, les bandits sont repartis avec un butin 5 millions de francs CFA et un véhicule. Nul ne sait d’où ils sont venus, qui ils étaient, mais dans la 5e région du Mali, cette scène tragique fait désormais partie du quotidien. Incursion au cœur de la région de Mopti, véritable « Far west » malien.

La route qui mène à Douentza, chef-lieu du cercle aux portes de la région Nord du Mali, est chaotique et défoncée, comme oubliée des pouvoirs publics. Les trous et crevasses y côtoient les sparadraps de goudron, ralentissant considérablement la progression des véhicules. Sur cet unique axe qui mène à la ville, on peut ne pas croiser âme qui vive pendant des kilomètres. Dans cette zone de la région de Mopti, règne un anarchique chaos où seul prévaut la loi du plus fort résultant de la faible présence ou de l’absence totale d’institutions gouvernementales. Ici, la peur ne semble pas changer de camp, les groupes armés sévissent et les citoyens fatalistes craignent chaque jour pour leurs vies et leurs biens. « Si tu as une arme, c’est toi qui fait la loi, c’est toi qui dirige ! On est confronté à ce problème d’insécurité, surtout dans le secteur nord et est du cercle. Il y a les djihadistes réunis en plusieurs groupuscules, des groupes armés peuls qui s’affrontent dans des règlements de compte pour l’argent, le bétail ou l’accès aux terres arables, et le banditisme, avec les ex-combattants des mouvements armés qui, au sortir de la crise, ont gardé leurs armes et sèment la terreur », explique Amadou, un journaliste local, qui depuis ces dernières années, observe une situation qui ne cesse de se dégrader.

Bien que les langues à Douentza se délient difficilement, au gré des rencontres, force est de constater que le problème d’insécurité dans la zone est complexe. « Certains sont en train de se venger pour ce qui s’est passé il y a des années. Les gens qui ont pris les armes, des Peuls pour la plupart, ont rejoint les islamistes pour être protégés et se faire justice. Il y a eu beaucoup de chefs de village attaqués ou tués, même des imams. On les soupçonne de parler avec les autorités, d’être des complices de l’État, donc on les élimine. Pour sauver ta peau, si tu ne fais pas partie de ces groupes, tu dois donner quelque chose, un garçon, de l’argent, du bétail, tout ce que tu as. Ils ont les armes et font comme bon leur semble », déplore l’animateur radio Ibrahima Maïga.

La tentation djihadiste Avant la crise de 2012, des prêcheurs comme Amadoun Kouffa, un prédicateur peul fondateur du Front de libération du Macina, groupe djihadiste qui sévit dans la région, ont silloné la zone pour le compte de la secte Dawa, prônant une ré-islamisation de la population. « Ils viennent à plusieurs en moto et bien armés. Ils parlent de la défense de l’Islam et nous disent de refuser tout ce qui n’en fait pas partie. Ces prêcheurs racontent ce que les éleveurs peuls veulent entendre, que l’Islam interdit de payer le droit d’accès aux pâturages qui autrement peut se négocier à des centaines de milliers de francs CFA. Ils adhèrent à ces groupes aussi pour ça. Beaucoup les ont rejoint dans le Macina », explique Issa Dicko, frère d’Amadou Issa Dicko, chef du village de Dogo, assassiné par les djihadistes en 2015.

Écoles fantômes et maires en fuite Dans ces zones reculées, désormais sous la coupe des prêcheurs, l’éducation nationale est délaissée au profit de l’éducation coranique. « Ces communautés ne sont pas prises en compte dans le système éducatif national », dénonce pour sa part, Ibrahima Sankaré, secrétaire général de l’ONG Delta Survie, qui a mis en place des écoles mobiles pour ramener les enfants en classe. « La communauté peule de ces zones est réfractaire à l’école formelle pour des raisons moins féodales que religieuses. Pour eux, s’ils mettent leur enfant à l’école française, il ira en enfer », explique Ibrahima Maïga, qui cite le cas du village de Tanan, à 60 km de Douentza où depuis 2006, aucune classe n’est ouverte, « même les portes et les fenêtres ont fini par être emportées »…

Si dans beaucoup d’endroits l’école est en panne, d’autres représentations étatiques comme les mairies sont aussi visées. Dans la ville de Kéréna, située à une trentaine de kilomètres de Douentza, les « occupants » comme ils sont aussi appelés ici, ont interdit à tous ceux qui travaillent à la mairie d’habiter la commune, sous peine de mort. Depuis ces derniers ont fui. « Durant les élections communales, les gens étaient angoissés et vivaient dans la peur d’une attaque », se rappelle Sidi Cissé, enseignant à Douentza. Le nouveau maire de Kéréna, Hama Barry, n’a pu exercer son mandat ne serait-ce qu’un jour. Il a dû se réfugier à Douentza avec son adjoint pour sa sécurité. Plusieurs parmi la population l’ont suivi. Le vieil homme est aujourd’hui méfiant, car dit-il, « ici on ne sait pas qui est qui ». Après maintes discussions, il accepte une rencontre. À côté de lui, son adjoint affiche un perpétuel sourire et un regard inquiet durant la courte entrevue qu’il accorde au Journal du Mali. « Je vais bientôt retourner à Kéréna, tout va bien, ce ne sont que quelques querelles », se borne-t-il à dire en pulaar, pour éluder les questions trop précises, avant de saluer chaleureusement et de prendre congé.

Peur sur la ville À Douentza, l’omerta règne aussi. L’assassinat d’une parente de l’ancien adjoint au maire de Kéréna, froidement abattue à son domicile, à moins de 200 mètres du camp de la MINUSMA, il y a quelques mois, a marqué les esprits et imposé de facto le silence. « Ceux qui ont fait ce coup ont réussi. Ils ont fait en sorte que tous sachent que même à côté des forces de l’ordre, on n’est pas sécurisé », explique cet autre élu, également forcé à l’exil. Ce qu’ils veulent, ces groupes l’obtiennent avec leur fusil ou à la pointe de leur couteau, celui qui n’est pas d’accord avec eux ne peut que se taire. « Les gens ont peur. Ils ont peur pour leur vie. Moi qui vous parle, je me suis un peu trop avancé dans cette conversation. Je n’ai rien dit mais j’en ai déjà trop dit », ajoute-t-il, assis dans son salon, où trône sur le mur derrière lui, un portrait le représentant arborant l’écharpe aux couleurs du drapeau national. Triste rappel d’une fonction aujourd’hui vide de sens.

Cette peur ambiante freine les populations dans leur désir de collaborer avec les autorités. « Les gens veulent collaborer mais ils ne sont malheureusement pas protégés en retour », affirme Madame Diarra Tata Touré, membre active de la société civile et secrétaire générale de l’ONG ODI Sahel, à Sévaré. « Il y a le laxisme de la gendarmerie, la corruption. Quand les forces de l’ordre prennent des djihadistes ou des bandits, il suffit qu’ils versent de l’argent pour qu’on les relâche. Les gens collaboraient avec l’armée et la gendarmerie avant, mais c’est un marché lucratif et ce sont ces mêmes autorités qui, après avoir relâché les bandits ou djihadistes, leur disent que c’est un tel qui a donné l’information. Ensuite, ils sont assassinés. Même si je vois un bandit, je ne dirai rien parce que je sais qu’après il viendra me tuer ! », résume Amadou, journaliste à Douentza, qui ajoute sur la foi de renseignements de terrain, que si l’État ne fait rien, « il va y avoir une révolte social. Les gens s’organisent et s’arment. Ça peut éclater à tout moment ». Pour Sidi Cissé, qui faisait partie du groupe d’auto-défense de la ville de Douentza en 2012 et qui a eu à négocier avec les djihadistes durant cette période, la situation actuelle est vraiment déplorable. « Après la crise, l’État est revenu mais ça continue. On tue froidement des gens, on les harcèle, malgré la présence de la gendarmerie et de la MINUSMA. Ça ne se passait pas comme ça même durant la crise », témoigne-t-il. « Je ne sais pas ce qu’il faut faire pour arrêter ça. Est-ce que c’est l’État qui a failli ? Est-ce que ce sont les forces de l’ordre ? », s’interroge-t-il.

Sur le retour, nous dépassons Sévaré. Sur la route qui mène à Bamako, il n’est pas rare de croiser des pickup aux couleurs camouflage, transportant 5 ou 6 militaires casqués et bien armés. Ils finissent par disparaître de notre rétroviseur. De Mopti à Douentza jusqu’à Tombouctou, ils ont aussi disparus. Comme si la ville de Mopti était un point, une ligne charnière au-delà de laquelle la sécurité n’existe plus.

 

 

 

2017, La sécurité en question

Attaque djihadiste sur le territoire, banditisme, conflit intercommunautaires, difficultés dans la mise en œuvre de l’Accord, l’année 2016 qui touche à sa fin a été mouvementée sous bien des aspects. Alors que le pays se tourne vers 2017, que peut attendre le Mali de cette nouvelle année qui s’ouvre dans l’incertitude ?

Depuis le 30 juillet dernier, le territoire malien est sous état d’urgence, rétablit au lendemain de l’assaut contre un camp de l’armée à Nampala, dans la région de Ségou, où 17 soldats avaient trouvé la mort en juillet dernier. Cette mesure d’exception devrait prendre fin le 29 mars 2017, mais il y a fort à parier qu’elle sera de nouveau prorogée tant la situation sécuritaire dans le pays se dégrade. Au Nord du Mali d’abord, où les mouvements armés belligérants, GATIA et CMA, peuvent à tout moment rebasculer dans le conflit armé qui avait enflammé la région durant l’été 2016. Sur le terrain, à Kidal, les forces se repositionnent, on craint sur place un nouvel embargo, « plus rigoureux », dans la logique de ce conflit intercommunautaire dont la gestion de Kidal est l’enjeu. La région qui vit dans la crainte de nouveaux affrontements est aussi le théâtre d’une intensification des attaques djihadistes, à l’instar de la région centre et des zones frontalières avec le Niger et le Burkina Faso, menées par Ansar Dine est ses groupes affiliés, comme la Katiba Macina du prédicateur Hamadoun Kouffa, dans la région de Mopti. Leurs attaques ne visent plus seulement les forces étrangères ou maliennes, mais aussi les civils, le plus souvent victimes des engins explosifs improvisés que font essaimer ces groupes.

Renforcement Dans ce climat, la MINUSMA, cible régulière de ces attaques, va renforcer en 2017 son dispositif militaire. Le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé, en juin dernier, l’envoi de 2 500 hommes, et l’extension du mandat de la mission multidimensionnelle pour protéger les civils et son personnel. Du matériel militaire, notamment des hélicoptères, des véhicules blindés et des moyens de renseignement, devrait venir équiper la force onusienne.

À l’offensive En visite samedi 17 décembre à Gao, le candidat de la droite à l’élection présidentielle française, François Fillon, a réaffirmé l’engagement militaire de la France au Mali, et a déclaré que « cette mission (Barkhane) avait vocation à durer ». Sa visite survient à un moment ou la force française multiplie ses opérations anti-terroristes dans la zone d’Abeïbara, fief des djihadistes d’Ansar Dine, et où les anciens combattants du Mujao se fédèrent pour former un nouveau groupe sous la férule de l’État islamique.

Blocages Un des remparts aux djihadistes et au banditisme qui prolifèrent dans ces régions pourrait être les patrouilles mixtes, composée de FAMa, de combattants de la Plateforme et de la CMA, dans le but d’amener plus de sécurité dans ces zones où les forces maliennes n’ont pas forcément droit de cité. Seulement, les petits mouvements armés font blocage, se disant écartés des instances décisionnelles du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) et se heurtent à l’intransigeance de la CMA qui conditionne leur inclusion à leur intégration dans les mouvements majeurs, HCUA et MNLA.

Personne à suivre en 2017 : Alghabass Ag Intalla

Le nouveau président de la CMA Alghabass Ag Intalla, a jeté lundi 19 décembre, un pavé dans la mare, via un communiqué qui, à la surprise générale, entérine le retrait de la CMA de toutes les commissions et sous-commissions du Comité de suivi de l’Accord (CSA), conditionnant son retour à la tenue d’une rencontre de Haut niveau et élargie avec la médiation internationale. Cet énième revirement remet en question l’opérationnalisation des patrouilles mixtes qui devait être effective avant cette fin d’année et brouille toute perspective d’une application diligente des termes de l’Accord. On ne sait pas pour le moment quelle suite ce positionnement radical aura pour l’année 2017, mais force est de constater, que 18 mois après la signature de l’Accord d’Alger, aucune avancée concrète ne se profile à l’horizon.

Prisons maliennes, grand malaise et basse sécurité

En début de semaine, la prison de Niono a été attaquée par des hommes armés qui ont libéré plus d’une cinquantaine de détenus. Un mois auparavant une attaque visait la prison de Banamba. Dans ces deux cas les assaillants ont, sans mal, pu arriver à leur fin, relançant la question du dispositif sécuritaire dans les établissements pénitenciers et de la prise de conscience, pour un nécessaire changement.

« Il faut qu’il y ai un événement tragique pour qu’on se rende compte qu’il y avait une menace potentielle », déclare Brahima Sogodogo, secrétaire général de la section syndicale des surveillants de prison. Au moment de l’attaque de la prison de Niono, il n’y avait que 3 surveillants en service pour plus de 90 détenus. Beaucoup de choses n’ont pas fonctionné lors de cette attaque, le chargeur des surveillants était vide, ils n’étaient pas en nombre suffisant, l’établissement était mal éclairé et vétuste, il ne comportait pas de mur de sécurité ou de mirador pour permettre de mieux défendre le site.

Pour le syndicaliste, Niono, n’est que l’expression d’une crise plus profonde dans le dispositif sécuritaire et le système de fonctionnement des établissements pénitentiaires maliens. « il y a un manque crucial de personnel, manque de matériel, manque d’actualisation de la formation et maintenant on est la cible des attaques, au moins qu’on nous donne le matériel pour nous défendre », s’exclame-t-il.

Au Mali, dans les 59 établissements pénitentiaires que compte le pays, le moral n’est pas au beau fixe et le malaise est grand, à cause des conditions déplorables dans lesquels travaillent les surveillants, « il n’y a rien qui est fait et je ne vois pas quelque chose à court terme, même si au niveau du statut des lois ont été promulguées mais ne sont toujours pas appliquées », souligne Brahima Sogodogo, qui s’évertue à faire comprendre le rôle que le surveillant de prison joue dans la sécurité publique. « On peut prendre un chef de gang mais ses éléments peuvent vouloir aller le libérer, vous avez souvent des mutineries à l’intérieur des prisons, des attaques. Un agent de sécurité normalement ne doit pas être surpris par une attaque, car si vous êtes surpris ça veut dire que c’est trop tard et que quelque chose n’a pas fonctionné. il faut être prêt à être attaqué même si on doit attendre 1 an, 10 ans. Si les autorités s’attendaient à ce que les prisons soient attaquées, ils recruteraient, ils achèteraient des armes , ils formeraient des agents, il faut que cette démarche sécuritaire soit intégrée », ajoute le syndicaliste.

Après l’attaque de Niono, le ministre de la Justice qui s’est rendu sur place a déclaré, « Cette visite m’a permis de toucher du doigt la réalité et je puis vous donner la garantie que toutes les dispositions seront prises pour, non seulement, prendre totalement en charge les frais de traitement des deux blessés mais aussi améliorer les conditions de travail des gardiens de prison ».

« Je ne suis pas trop optimiste sur une prise de conscience après Niono car ce n’est pas la première fois que cela arrive, répond Brahima Sogodogo. « Si il y a prise de conscience c’est bien, mais elle aurait déjà du arrivé avant », conclut-il.

3 questions à Héléna Pes, chargée de l’information publique au HCR

Quelle est la situation pour les réfugiés maliens au camp de Mbéra ?

C’est un moment un peu particulier, parce qu’on observe une augmentation de l’afflux de réfugiés maliens, qui n’était pas observée en Mauritanie depuis 2013. Le nombre actuel de nouveaux arrivants dans ce pays dépasse largement les chiffres des dernières années. Entre fin septembre et aujourd’hui, on a reçu plus de 3 000 réfugiés maliens à Mbéra.

 Comment expliquez-vous cet afflux ?

La situation au Nord Mali demeure fragile. La plupart des réfugiés fuient les régions de Tombouctou, Goundam, Mopti et Ségou. Beaucoup s’attendaient à ce que les accords de paix améliorent la situation, et finalement ils se trouvent harcelés par les groupes armés. À partir du 28 septembre, on a commencé à observer cet afflux massif vers la Mauritanie. Au 15 novembre, nous avions 42 867 réfugiés, mais la totalité des nouveaux arrivants n’est pas totalement prise en compte dans ces chiffres.

 Y a-t-il des demandes de retour de la part des réfugiés maliens ?

De janvier 2016 à juillet 2016, le HCR a beaucoup travaillé sur la facilitation des retours volontaires. Dans cette période, 1 800 réfugiés volontaires sont retournés au Mali. Avec l’afflux des nouveaux réfugiés fin septembre, nous avons cessé de faciliter les retours. En fait parmi ceux qui sont retournés au Mali, une partie est revenue en Mauritanie avec les nouveaux arrivants. Tant qu’il n’y aura pas de sécurité au Mali, il n’y aura pas de retour possible.

 Réfugiés : Tranches de vie à Mbéra

Un an et demi après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation, plus de 100 000 Maliens qui ont fui les conflits dans leur pays, vivent encore en exil. Dans l’extrême sud-est de la Mauritanie, à moins d’une centaine de kilomètres de la frontière malienne, ils sont environ 43 000 réfugiés maliens parqués dans le camp de Mbéra, immense enclos à ciel ouvert où les conditions de vie sont loin d’être optimales. Originaires pour la plupart des localités du nord et du centre du pays, ils ont fui l’instabilité, les affrontements entre groupes armés, le banditisme et les exactions. Ils ont tout laissé derrière eux et attendent, parfois depuis des années, des temps meilleurs.

Au Burkina Faso, au Niger, et en Mauritanie, les réfugiés vivent sous l’interdit. Ils ont fui le Mali et ont trouvé refuge chez les autres. Ils ont à boire, à manger, une tente pour s’abriter, mais ils restent déracinés, exilés, des apatrides dans ces villes immenses à ciel ouvert, hors du monde, où le temps passe sans qu’ils ne sachent vraiment s’ils retrouveront un jour leur chez eux. « Ce qui me manque le plus de mon pays c’est la liberté que j’avais », confie Ahmed, un Malien qui habitait un village près de Léré et qui avoue sans peine qu’en tant qu’habitant du désert, où les frontières n’ont pas cours, ce confinement s’apparente pour lui à une prison. « Nous sommes là, dépendant de l’assistance humanitaire pour boire, manger, s’éduquer, ou trouver un peu de travail », dit-il. Pour ces Maliens, la fierté en a pris un coup et la dignité est tout ce qui leur reste.

Vie de réfugiés Ils sont environ 43 000 réfugiés maliens concentrés dans le petit périmètre international du camp de Mbéra, vivant sous perfusion et selon les règles des ONG. « Je suis ici depuis le 25 janvier 2012, cela fait plus de 4 ans maintenant. La vie est très difficile au camp. Ce que nous recevons du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) n’est pas du tout suffisant, mais nous ne pouvons vivre ailleurs. Ce sont les conditions qui veulent ça », explique Zeine, résigné sur son sort. En 2012, au tout début de la crise, tout son village est parti de l’autre côté de la frontière en Mauritanie, pour fuir les exactions. « Nous avons eu peur car nous avons vu ce qui s’était passé dans les années 90. L’armée est venue et ils ont tué des gens. Nos parents l’ont vécu, nous aussi. C’est un problème qui est toujours là », lâche-t-il fataliste.

Le camp de Mbera qui s’étend sur 8 km carré est maintenant sa nouvelle réalité, son nouveau village. Ahmed se souvient du jour où il est arrivé : le monde, la poussière, la promiscuité, les files d’attentes interminables, qui sont devenues son lot quotidien, pour s’enregistrer, se nourrir, se loger, se soigner. « Quand tu arrives, tu fais la queue pour t’enregistrer auprès de l’administration mauritanienne, ensuite au centre d’accueil, où tu attends des heures ton enregistrement pour avoir un ticket te permettant d’accéder au camp. Tant que tu n’as pas l’attestation de réfugié, tu n’as pas droit à grand-chose », explique-t-il. Ahmed et sa famille ont attendu 3 mois pour avoir la leur. « Quand tu as une attestation, le HCR va te donner une tente, voire un hangar, et tu as droit à la distribution : du nécessaire d’hygiène, des biscuits, des couvertures, un bidon, des rations de nourriture mensuelles, le strict nécessaire », décrit Ahmed. Le HCR assiste, protège et organise la vie des réfugiés, il fournit l’aide provisoire d’urgence… qui va souvent durer. Un épineux et coûteux problème toujours pas résolu.

Khalid, 25 ans, a quitté le Mali en février 2012 pour fuir les représailles. Le camp de Mbéra, il connaît bien. Il y vit de petits travaux et d’expédients et, pour lui, en dehors de la chaleur implacable sous la tente qui frise souvent les 48 degrés et qu’il partage avec 5 autres personnes, la principale difficulté est la nourriture, les rations qui depuis quelques mois ont diminué. « Il y a des distributions mensuelles pour la nourriture, souvent irrégulière. Nous étions à 12 kg de riz par personne. Ce dernier mois nous avons eu 2 kg de riz plus 1 kg de haricot et 2 000 ouguiyas (équivalant de 3 440 francs CFA en monnaie mauritanienne). Comment voulez-vous arrivez à vous nourrir tout un mois dans ces conditions ? », maugrée-t-il. Pour améliorer le quotidien, il y a bien les boutiques des villages avoisinants, mais les prix sont deux fois plus cher qu’au Mali et la plupart des réfugiés ont tout abandonné au pays et ne disposent plus d’aucune ressource.

Un possible retour ? « Je suis au camp de Mbéra depuis 2013. Je suis venu par peur des représailles, des arrestations qui avaient lieu chez moi. Je suis de la commune de Karéri dans le cercle de Tenenkou », se présente Lamine, un Peulh. Pour lui, la motivation première des réfugiés pour quitter le Mali, c’est la sécurité. « Au Mali, on s’en prend à nous, à de simples personnes qui sont en transhumance. On les emmène, on place des armes à leur côté et on dit qu’on a récupéré des terroristes. Ce sont les autorités maliennes qui nous prennent pour des terroristes, qui nous accusent », décrit-il le ton las. Leur retour, les réfugiés le conditionnent à deux priorités, l’application de l’Accord et la sécurité. Khalid, Zeine et Ahmed semblent partager le même constat. « Si l’Accord et les point prévus pour les réfugiés sont appliqués, et s’il y a une armée reconstituée c’est à dire mélangée, incluant les groupes armés et non composée d’étrangers qui ne nous comprennent pas, alors nous retournerons », affirme Zeine. « La sécurité n’est toujours pas là. On a trop souffert, on en a assez. Il y a des barrages routiers et des hommes en armes qui viennent vous voler, nos biens, notre bétail, notre subsistance, c’est humiliant ! », affirment-ils. Selon eux, la majorité des réfugiés maliens du camp ne souhaitent pas retourner au Mali pour le moment. Certains ont essayé mais beaucoup sont revenus. Depuis septembre 2016, le camp de Mbéra a vu l’afflux de 3 000 réfugiés maliens, des retours ainsi que de nouveaux arrivants.

Même si pour la majorité de ces réfugiés maliens, les conditions ne sont pas réunies pour revenir au Mali, tous rêvent d’un retour au pays, sur leur terre. Alors, malgré les inquiétudes, certains décident de rentrer à la maison. Pour la période de décembre 2015 à juin 2016, le HCR en a aidé pas moins de 2 000 à rentrer. « Malgré tout la vie continue. On a l’espoir qu’il y aura la paix chez nous, que l’on puisse rentrer et vivre paisiblement et en sécurité. On attend et on s’en remet à Allah », conclut Zeine.

 

 

 

 

Prison de Niono, et de deux !

Dans la nuit de lundi à mardi, des assaillants ont attaqué la prison de Niono, situé à 350 km de Bamako. Plusieurs dizaines de prisonniers en ont profité pour s’échapper.

Il était aux alentours d’une heure quinze du matin quand des hommes armés vêtues de boubous et de tenues militaires ont pris d’assaut la maison centrale d’arrêt de Niono, blessant au passage deux gardiens et permettant la fuite de 90 détenus. L’un des gardiens blessés a par la suite succombé à ses blessures. Selon des témoins, les assaillants criaient Allah Akbar et étaient spécifiquement venus pour libérer un de leur frère d’arme détenu. Ils en ont profité pour ouvrir en grand les portes et laisser tous les autres prisonniers s’échapper.

Après la fin de leur mission commando, les bandits se sont éclipsés vers Molado où ils ont disparus. « Des dizaines de prisonniers se sont évadés. L’armée a réussi à en reprendre certains et poursuit les autres » a déclaré le porte-parole du ministère de la Défense, Abdoulaye Sidibé. L’attaque n’a pas encore été revendiquée mais les soupçons se portent sur le Front de Libération du Macina dirigé par Amadou Kouffa. Prêcheur radical, qui prône le djihad et l’application de la charia sur toute l’étendue du territoire. Il serait le principal allié d’Iyad Ag Aly, chef d’Ansar Dine au centre et au sud du pays.

Le modus operandi de l’attaque ressemble beaucoup à une autre qui s’est déroulée un mois plus tôt à Banamba et qui avait la même visée : libérer des combattants. Malheureusement pour eux, les personnes en question avaient été déplacés vers un autre endroit plus sûr. Ansar dine qui avait revendiqué la tentative, a par la suite fait la promesse de libérer tous leurs frères et qu’aucune fortifications ne leurs résisteraient.

 

Interview du général Salif Traoré, ministre de la Sécurité et de la protection civile

Le contexte sécuritaire s’est considérablement dégradé ces dernières semaines. L’attaque d’Ecobank et celle plus récente de Banamba, sont venus accroître les inquiétudes d’une population habitée par le sentiment que l’insécurité s’étend et que rien n’est fait pour endiguer cet état de fait. Malgré le fait que les forces de sécurité sont de plus en plus formées à parer aux menaces, la crainte d’une défaillance de notre système sécuritaire perdure. Dans ce climat délétère, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Général Salif Traoré, répond aux questions de Journal du Mali sur ces sujets brûlants qui font l’actualité et préoccupent les Maliens.

Interview du général Salif Traoré, ministre de la Sécurité et de la protection civile 2

Le contexte sécuritaire s’est considérablement dégradé ces dernières semaines. L’attaque d’Ecobank et celle plus récente de Banamba, sont venus accroître les inquiétudes d’une population habitée par le sentiment que l’insécurité s’étend et que rien n’est fait pour endiguer cet état de fait. Malgré le fait que les forces de sécurité sont de plus en plus formées à parer aux menaces, la crainte d’une défaillance de notre système sécuritaire perdure. Dans ce climat délétère, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Général Salif Traoré, répond aux questions de Journal du Mali sur ces sujets brûlants qui font l’actualité et préoccupent les Maliens.

Ansar Dine revendique l’attaque de Banamba

Le groupe islamiste Ansar Dine a dans un message audio revendiqué l’attaque de Banamba dans la nuit de dimanche à lundi.

L’attaque menée par la ‘’katiba Macina’’, unité combattante du groupe islamiste avait permis à 21 prisonniers de s’échapper. Les djihadistes ont également incendié une banque et enlevés deux personnes.

Dans son message de revendication, le groupe affirme avoir tué un militaire et capturé un autre et s’être emparé de trois véhicules et d’autres équipements.

Selon le ministre de la justice malienne Mamadou Ismaël Konaté, les assaillants venaient spécialement libérer deux prisonniers, mais ces derniers avaient été transférés dans une autre localité.

Ces dernières semaines on assiste à une recrudescence des attaques de la mouvance djihadistes. En amont de celle de Banamba, ils avaient déjà revendiqué des attaques contre des positions françaises et ceux de la MINUSMA.

D’ailleurs inquiet par ces attaques qui se décalent plus au Sud, le président Ibrahim Boubacar Keita a convoqué un conseil de défense pour donner des instructions afin que les forces de sécurité soit beaucoup plus mobile et qu’ils aillent au devant de la menace pour assurer la sécurité de la population.

Le directeur de la communication de la présidence, Racine Thiam a tenu un point presse hier où il a reconnu l’urgence devant l’insécurité de plus en plus galopante. « Nous ne sommes pas face à un ennemi qui se bat pour une localité, mais un ennemi qui est porté par la volonté de perpétrer des coups pointus et disparaitre en même temps. Aucun pays du monde d’aujourd’hui n’est à l’abri de ces attaques sporadiques » a-t-il déclaré

Boubacar Sidiki Haidara

Le ministre Salif Traoré : « Il n’y a jamais eu de sécurité parfaite nulle part »

Le contexte sécuritaire s’est considérablement dégradé ces dernières semaines. L’attaque d’Ecobank et celle plus récente de Banamba, sont venus accroître les inquiétudes d’une population habitée par le sentiment que l’insécurité s’étend et que rien n’est fait pour endiguer cet état de fait. Malgré le fait que les forces de sécurité sont de plus en plus formées à parer aux menaces, la crainte d’une défaillance de notre système sécuritaire perdure. Dans ce climat délétère, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Général Salif Traoré, répond aux questions de Journal du Mali sur ces sujets brûlants qui font l’actualité et préoccupent les Maliens.

Le contexte sécuritaire semble se dégrader. Comment expliquez vous l’intensification des attaques dans un temps aussi court ?

Les ennemis de la paix s’activent, mais il n’y a pas une faille plus béante qu’avant. Nous sommes en pleine montée en puissance, beaucoup de matériels sont acquis, les formations des forces de sécurité avancent bien avec l’assistance de nos partenaires stratégiques, et nous sommes en train de récupérer du terrain notamment au sud et dans le centre. Mais c’est vrai qu’au même moment, et surtout ces dernières semaines, il y a eu des attaques sur des axes, des postes attaqués et même quelques braquages sanglants à Bamako, alors que nous démantelons des réseaux, des cellules dormantes. C’est assez difficile à accepter pour nous-mêmes mais nous ne devons pas tomber sous le coup de l’émotion. Nous devons rester lucides et tirer les leçons de chaque incident qui survient.

Qui est l’ennemi qui est en face : ce sont des terroristes, des djihadistes, des bandits ?

C’est la même chose, c’est la même famille. Aujourd’hui nous avons du mal à faire la différence entre celui qui se prétend djihadiste, celui qui se prétend terroriste et les bandits de grand chemin. Nous ne faisons pas de différence, et c’est pourquoi à Bamako et environs, la force spéciale antiterroriste que nous avions conçue, préparée et entraînée pour lutter contre le terrorisme, les FORSAT, est employée à présent contre le grand banditisme. C’est elle essentiellement qui est en train de nettoyer les nids criminogènes. Depuis 2 ou 3 semaines déjà, cette force travaille de façon intense.

Cela signifie-t-il qu’auparavant nous n’avions pas les ressources capables de faire cela ? Pourquoi cela commence-t-il seulement maintenant ?

Cela ne commence pas maintenant. Vous savez, pour avoir de la ressource humaine de qualité, il faut du temps. Nous avons nos forces habituelles classiques qui sont là pour la présence, pour les enquêtes, pour la police de proximité. Mais un certain type d’intervention nécessite un certain type de forces. Au Mali, et pas que dans notre pays d’ailleurs, la situation des armes est devenue préoccupante. Beaucoup d’armes circulent. Le banditisme est devenu extrêmement violent, même les petits délinquants détiennent des armes. Face à cette situation, la police classique, les armées classiques ne peuvent pas efficacement agir. C’est pourquoi nous sommes dans une dynamique de rendre les forces plus combatives et de créer des forces spéciales. Cela prend nécessairement du temps. Mais les premiers éléments sont déjà prêts et passent à l’action. Vous les avez vus à l’œuvre au Radisson, également au niveau de l’hôtel Nord Sud. Ce sont ces éléments-là qui, aujourd’hui, de l’avis même de nos partenaires, donnent satisfaction et qui, si d’aventure une attaque terroriste devait avoir lieu, seraient envoyés en première ligne.

L’impression générale c’est que les forces de sécurité ont l’air dépassées par les événements. Les bandits commettent leurs forfaits en toute sérénité sans craindre d’être inquiétés. Est-ce que vous comprenez ce sentiment et qu’y répondez-vous ?

Je ne dirais pas du tout que nos forces sont dépassées. Je peux comprendre le dépit de la population, mais je vous mettrais au défi de me trouver un seul pays où il n’y a pas d’actes de banditisme, de braquages ou de terrorisme. Ça n’existe plus aujourd’hui. Le monde entier doit apprendre à vivre avec ça. Cela nécessite un changement de comportement. Presque tous les cas que nous avons vécu auraient pu être évités ou amoindris si les premiers témoins avaient eu le réflexe simple d’appeler la police, la gendarmerie, la BAC ou d’approcher une autorité quelconque, pour dire « j’ai vu quelque chose, j’ai des doutes ». Le fait qu’il n’y ait pas ce genre de réflexe est un handicap pour nous. Dans d’autres pays, si vous vous trouvez dans un endroit où vous ne devriez pas être, vous allez vous faire arrêter car des gens vont appeler les forces de l’ordre. Ce n’est pas que nous soyons dépassés, bien au contraire, mais le contexte fait aussi que les bandits sont de plus en plus nombreux et de mieux en mieux organisés et équipés.

Est-ce que ce n’est pas aussi une question de posture ? Quand on voit nos policiers dans la ville, on n’a pas l’impression qu’ils soient sur le qui-vive, prêts à faire face. Que faites-vous pour lutter contre cela ?

Nous y travaillons. Vous avez vu que depuis deux semaines nous sommes en train d’ériger sur certains grands carrefours de Bamako, des postes de sécurité en y déployant des hommes à moto. Il y a des véhicules supplémentaires aux carrefours. Les policiers que vous voyez au bord de la route sont affectés à la sécurité routière. Ils sont là pour assurer la fluidité du trafic. Ils ne sont pas là pour combattre, ils n’ont pas été formés pour cela. La police a toujours eu des unités d’intervention. Vous avez la BAC et la BSI qui sont des unités faites pour combattre le banditisme. Vous voyez que ce ne sont pas des unités qui sont préparées pour faire face à des hommes équipés d’armes lourdes. Mais aujourd’hui malheureusement, les bandits nous imposent ce genre de combat en ville et donc cela demande un changement de concept dans la doctrine et c’est ce que nous sommes en train de faire. Je demanderai encore une fois au peuple de comprendre que ce changement, pas seulement au Mali mais partout ailleurs, prend du temps à être mis en place. Il faut changer les habitudes, il faut changer les mentalités, et cela ne se change pas du jour au lendemain. Nous avons des défis au niveau des effectifs, nous sommes engagés dans un grand processus de recrutement et il nous faut constituer de plus en plus d’unités combattantes capables de faire face aux bandits armés.

Il semble y avoir également un déficit de confiance de la population envers les forces de l’ordre jugées souvent corrompues…

Je ne voudrais pas faire de langue de bois en disant que cela n’existe pas. Cela existe ! Mais malheureusement il n’y a pas de corrompu sans corrupteur. Il faut absolument que nous changions positivement et tous ensemble. Aujourd’hui, qu’est-ce qui se passe surtout au niveau de la circulation ? Tout le monde est pressé et, en règle vis à vis des textes ou pas, ce sont les citoyens qui ont tendance à tendre des billets aux agents. On encourage cette forme de corruption. Je sais qu’il peut y avoir des agents qui vont exiger des choses, mais vous devez bien comprendre que cela n’est pas accepté par l’administration. À chaque fois que nous avons un cas confirmé, nous sévissons. Si quelqu’un outrepasse les règles, il est sanctionné et cela peut aller jusqu’à la radiation.

Pourquoi ne pas faire comme en Côte d’Ivoire où cela se passe de manière publique pour lancer des signaux forts ?

Attention ! Ce sont des fonctionnaires de police dont on parle. Il n’est pas bon de généraliser. De plus, venir dire en public « nous avons sanctionné telle ou telle personne », je ne sais pas si c’est productif. Nous avons une inspection interne, nous mettons des moyens à leur disposition pour qu’ils puissent faire des rondes et observer les agents dans leur travail. Ce sont des mesures de discipline qui se prennent en interne. Nous n’avons pas besoin de beaucoup de publicité pour gérer ça. Mais un plaignant avec des éléments de preuve saura ce qu’il advient de sa plainte.

Pour lutter contre les différentes menaces évoquées, le renseignement est tout aussi important. Comment faire quand les populations ont peur d’informer car elles craignent des représailles et savent qu’elles ne seront pas protégées?

Vous avez parfaitement raison, c’est là le cœur du dispositif. Tant qu’on n’a pas d’informations et donc de renseignements, il nous sera difficile de sécuriser la population. Tant qu’il n’y a pas ce lien de confiance, ça ne marche pas. Nous ne pouvons pas déployer des policiers partout, derrière chaque citoyen. Aujourd’hui, nous sommes en train d’acquérir des moyens technologiques pour compléter ce que l’on appelle le renseignement de source humaine. Nous sommes en train de mettre en place un nouveau numéro vert plus court de 5 chiffres. Ce numéro va être le 80 331. Nous pensons qu’avec cela, partout au Mali on peut appeler pour signaler une activité ou un fait suspect. Avec le système d’intervention que nous sommes en train de mettre en place avec des forces spéciales, nous pensons que nous pouvons réduire raisonnablement les délais d’intervention. En cas d’appel, l’unité d’intervention la plus proche va être activée pour intervenir. Nous comptons sur la bonne coopération de la population pour que cela fonctionne.

Ces derniers jours, il y a eu des centaines d’arrestations. Sont-elles liées aux récents incidents ? À quel niveau en sont les enquêtes ?

Il y a des pistes. Nous avons lancé des opérations de ratissage de Bamako et les zones criminogènes ont été visitées. Il y a eu des rafles. Nous sommes tombés sur des personnes que nous étions en train de rechercher depuis longtemps. Les personnes arrêtées sont identifiées. Si on n’a rien à leur reprocher, on les laisse partir. Mais tout ceux qui détiennent de la drogue ou des armes sont gardés et font l’objet d’un PV transmis au procureur, et la justice aura à trancher.

Sur un autre plan, peut-on relier les attaques qui touchent les FAMAs et les forces étrangères à l’accélération actuelle de la mise en œuvre de l’Accord de paix, la mise en place des autorités intérimaires et le scrutin communal à venir, notamment ?

Je fais la même analyse que vous. Certains ont déclaré qu’ils ne voulaient pas de la mise en œuvre de l’accord. Certains trouvent leur compte dans cette situation. Il est évident qu’ils feront tout pour que la paix et le calme ne reviennent pas. C’est pourquoi toute la communauté internationale et le gouvernement du Mali sont conscients que tant que le Mali ne sera pas stable, on ne pourra pas ramener la stabilité dans le Sahel. Les coups que nous prenons, nos voisins les prennent aussi. Nous comptons d’ailleurs faire une prochaine rencontre avec les différents ministres de la Sécurité. Nous allons les inviter pour échanger des informations. Mais il faudrait pousser cela plus loin comme la rencontre qui avait eu lieu après l’attentat de Grand-Bassam en Côte d’Ivoire.

Justement comment va la coopération sécuritaire entre les différents pays de la sous-région ? On entend souvent dire que le Mali est le « ventre mou ». Est-ce qu’aujourd’hui le Mali a changé de position ?

Le concept de ventre mou n’engage que les personnes qui le disent. Ce que je sais c’est que très peu de pays peuvent résister face à ce que nous avons encaissé. Ce qui nous est arrivé, nous ne le souhaitons à personne. Les autres puissances du monde qui sont atteintes arrivent à déjouer pas mal de coups mais elles en prennent quand même. Si vous vous adonnez à un décompte macabre des actes terroristes, vous verrez que nous ne sommes pas en première position. Cela étant, il n’y a jamais eu de sécurité parfaite nulle part. Dans les attaques terroristes, les gens viennent pour mourir et c’est compliqué de combattre quelqu’un qui vient pour mourir. Nous sommes en train de travailler dessus. Les spécialistes en sécurité ne disent jamais que toutes les dispositions sont prises pour que rien ne se passe, mais nous prenons plutôt toutes les dispositions pour que tout se passe bien.

Iyad Ag Ghaly, l’instigateur de nombre d’attaques contre nos forces et partenaires, court toujours. Il aurait été vu plusieurs fois dans le Nord et plus récemment, l’imam Dicko lui a fait parvenir une lettre par un émissaire. Il y a donc des possibilités de le retrouver ?

Vous avez dit qu’on aurait vu Iyad Ag Ghaly dans le nord, une zone où les forces maliennes et l’administration ne sont pas présentes. Il nous serait compliqué de mener certains types d’opération.

Peut-être pas avec les forces maliennes mais avec la police de la MINUSMA avec laquelle vous travaillez, puisque nos forces ne peuvent aller sur zone pour le moment ?

Iyad a été mis sur une liste rouge, non seulement par les Etats-Unis, mais par d’autres puissances qui sont plus présentes sur le terrain que nous. Nous sommes en relation, nous faisons ce qu’il faut…

Le sommet Afrique-France qui arrive dans quelques semaines. Bamako sera-t-elle prête sur le plan sécuritaire ?

Pour le sommet, nous travaillons avec la France. C’est une co-organisation. L’ambassadeur français en charge du sommet vient très régulièrement ici pour faire le point. Je pense que si la France avait le sentiment qu’on ne pourrait pas le tenir, elle aurait mis en place un plan B. Et comme jusque-là personne n’a entendu parler d’un plan B, c’est que la France considère qu’il est possible d’organiser ce sommet à Bamako.

Il faut donc être rassuré ?

Notre préoccupation c’est la population. C’est elle qui souffre, c’est elle dont l’accompagnement est capital. Si elle ne comprend pas notre action, ça ne peut que démotiver ceux qui sont là et qui risquent leur vie. Ce ne sont pas des extra-terrestres, ce sont des Maliens. Si les forces de sécurité sont citées demain comme les plus performantes, ce sera pour la fierté du peuple malien. Ils sont là pour nous, on doit les encourager, nous aider à redresser les torts qu’ils peuvent commettre ou les imperfections, mais en se disant que c’est finalement pour nous-mêmes. C’est vraiment cet appel-là que je lance, la compréhension et l’accompagnement.

 

 

Intensification des attaques au Mali

Hier dimanche, l’attaque d’un convoi de la MINUSMA a fait un mort et sept blessés dont trois grièvement à Douentza dans la région de Mopti. Cette nouvelle attaque fait suite à beaucoup d’autres qui ébranlent un peu plus la climat sécuritaire déjà très fragile du pays.

Une mine a explosé au passage d’un convoi de la Minusma. La déflagration a été suivie par des tirs nourris d’armes automatiques, pris à défaut par la riposte des casques bleus, les assaillants ont pris la fuite. La mission onusienne a ensuite déployé l’un de ses hélicoptères de combat pour les prendre en chasse mais s’est résolu à porter assistance aux blessés. Un casque bleu togolais et deux civils ont néanmoins perdus la vie. Depuis New-York, le secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-Moon, par la voix de son porte-parole Stéphane Dujarric, a condamné dans les termes les plus forts cette attaque. Avant de rajouter qu’elles n’affaibliront pas la détermination de la Mission d’appliquer pleinement son mandat.

Un peu plus tard le même jour, au Nord à Tombouctou, des hommes armés ont attaqué la base malienne de Gourma Rhaous. L’attaque a été revendiquée par le groupe islamiste Ansar Dine qui confirme un peu plus que le cessez-le feu négocié par le président du haut conseil islamique Mahmoud Dicko n’était qu’utopique. « Nos combattants ont totalement investi la base, nous avons emporté cinq véhicules, dont un équipé d’une mitrailleuse » pouvait-on lire dans le communiqué. Le groupe dirigé par Iyad Ag Ghaly avait déjà revendiqué la destruction de deux hélicoptères français dans la région de Kidal.

Devant l’urgence, le président de la République Ibrahim Boubacar Keita a convoqué un conseil de défense hier soir pour donner des instructions « afin que les forces de sécurité adoptent plus une position mobile et non plus statique dans plusieurs localités du pays, notamment ceux du Nord ».

A Paris, le ministre de la Défense français à appeler le Mali à faire avancer le processus de paix principalement dans le Nord du pays qu’il juge toujours instable.

« Il importe que les maliens prennent à bras le corps leur propre sécurité, cela passe aussi par des initiatives politiques » a-t-il déclaré.

Cet appel fait écho à la mort d’un soldat français vendredi dernier, dont le véhicule a sauté sur un engin explosif dans la région de Kidal.

Nord et Sud : même combat

Il y’a deux semaines un groupe de bandits armés avait tiré sur un jeune homme en plein après-midi, en face d’Ecobank pour le déposséder d’une importante somme d’argent. Quelques jours plus tôt l’attaque du poste de péage de Sanankoroba faisait trois morts, à ceux-là il convient d’ajouter de multiples larcins qui secouent de jour en jour la quiétude de la population et suscite de plus en plus de craintes. Dès lors, le gouvernement a pris des mesures à travers un important dispositif sécuritaire pour assurer la sécurité et cela à deux mois d’une échéance d’importance, le sommet Afrique-France.

 

 

 

Attaque de Banamba : Ce qu’on en sait

Aux environs de 0h30 ce lundi 07 novembre, des individus armés ont attaqué la ville de Banamba, située à 140km de Bamako, dans la région de Koulikoro. Cette attaque qui survient dans un contexte de regain de violences jette le trouble quant à ses auteurs et aussi leurs motivations.

« Les assaillants sont venus du côté de Niono, ils étaient une dizaine à bord de véhicules et étaient très lourdement armés », raconte un habitant de la ville. « J’ai entendu les premiers coups de feu vers minuit. Et ça a tiré jusqu’aux environs de 2 heures et demi. J’ai tenté de joindre les forces de l’ordre, mais personne n’était joignable. Koulikoro a répondu mais les gendarmes ne sont arrivés que ce matin vers 7 heures ».

Les hommes armés auraient d’abord pris d’assaut la gendarmerie et les locaux de la garde nationale d’où ils ont emporté des véhicules et des motos. Puis ils ont libéré les détenus de la prison de Banamba, avant de s’attaquer aux locaux de l’agence locale de la Banque pour le Développement du Mali (BDM) qu’ils ont plastiquée. Sur place les dégâts sont considérables. « Nous avons vu que le coffre blindé n’a pas pu être touché », témoigne un habitant de la ville qui s’est rendu sur place ce lundi matin.

On ne connait pas le nombre de prisonniers libérés pour l’instant, aucune autorité locale n’étant joignable pour l’instant. D’autres sources affirment qu’un gardien de prison aurait été amené avec les prisonniers. Les témoins affirment cependant que les hommes libérés ont été emmenés par les assaillants qui sont repartis en direction de Mourdiah comme le confirme le témoignage d’un villageois dont ils ont traversé la localité située à une cinquantaine de kilomètres de Banamba sur la route de Niono, aux environs de 8 heures du matin.  Au passage, selon des sources sécuritaires, ils ont attaqué le poste de sécurité de Tabacoro. Toujours selon les mêmes sources, le bilan de cette attaque est de deux véhicules et deux motos enlevées, aucune perte en vie humaine n’est à déplorer.

Dans la ville, la population fait le tour des lieux attaqués pour se rendre compte de la situation et les activités se déroulent comme d’habitude. « Les gens ont peur. Ils se demandent ce que veut dire cette attaque et surtout si les assaillants vont revenir », affirme cependant un jeune commerçant banambais. « Il y a des rumeurs qui disent que cette attaque avait pour but de libérer le célèbre « Modibo », célèbre coupeur de routes qui a terrorisé les commerçants et transporteurs pendant plus de trente ans et qui a été arrêté il y a quelques mois », continue-t-il. D’autres évoquent la présence, toujours dans la prison, d’un djihadiste peul. « Les gens qui sont venus parlaient peul et criaient Allahou Akbar, ce sont des djihadistes », assure une notabilité sous couvert de l’anonymat. Rien ne permet de confirmer ni l’une ni l’autre de ces affirmations mais l’attaque de ce lundi augmente définitivement la psychose au sein des populations de la ville mais aussi de Koulikoro et de Bamako, situées à quelques encablures de là.

 

État d’urgence : suite ou fin ?

L’état d’urgence, prorogé en dé- cembre dernier pour prévenir la menace terroriste qui pèse sur le Mali, prend fin ce 31 mars à minuit. Le ministère de l’Administration territoriale a rendu sa décision  : cette mesure d’exception s’arrête.

Instauré dans un contexte d’alerte maximum après l’attentat du Radisson Blu de Bamako le 13 novembre 2015, l’état d’urgence, qui avait été prorogé de 3 mois par un vote à l’Assemblée nationale le 29 décembre, prend fin ce, jeudi 31 mars à minuit. Ce régime d’exception, qui accroît considérablement les pouvoirs du ministère chargé de l’Intérieur, des gouverneurs, des préfets et des autorités judiciaires, a pour conséquences un plus grand contrôle et une restriction des libertés publiques et individuelles.

Dès la mi-mars, soit 15 jours avant la fin de l’échéance, une mission d’évaluation a été diligentée par le ministère de l’Administration territoriale auprès des gouverneurs des régions et de Bamako, ainsi que des préfets, pour évaluer l’application de l’état d’urgence durant ces 3 mois. Cette mission a fait ressortir que les pouvoirs élargis des autorités, perquisitions, assignations à résidence, internements administratifs, réquisitions de personnes, de biens ou de services, n’ont pas été fréquents et qu’une prorogation de l’état d’urgence serait peu productive. Par ailleurs, les partenaires techniques et financiers du Mali sont peu enclins à agir dans ce type de situation d’exception, qui limite les libertés publiques.

Cette mission a aussi fait ressortir que « la situation sécuritaire étant en train de s’améliorer et que les signes de paix étant de plus en plus rassurants sur l’ensemble du territoire national, la prorogation de l’état d’urgence n’était pas jugée nécessaire ». Conformément à ces conclusions, le ministère de l’Administration territoriale a donc décidé de ne pas prolonger ces mesures d’exception au-delà du 31 mars. Selon bon nombre d’observateurs, il peut paraître surprenant, après l’attaque du quartier général de l’EUTM, les récents attentats de Ouagadougou et de Grand Bassam en Côte d’Ivoire, de constater que la situation sécuritaire du Mali soit considérée comme étant « en train de s’améliorer ». Néanmoins, selon le ministère de l’Administration territoriale, «  la fin de l’état d’urgence n’est pas synonyme d’une moindre protection pour les Maliens, et il pourra y être fait recours à tout moment, en cas de besoin ». Espérons que le futur ne fasse pas mentir les conclusions de cette mission d’évaluation.