Intagrist El Ansari : « Le MNLA affaibli, son projet politique caduc »

Intagrist El Ansari est écrivain et journaliste touareg malien. Auteur de « Touaregs, l’exil pour patrie » et de « Écho saharien : l’inconsolable nostalgie », il revient sur la récente et fracassante scission intervenue au sein du MNLA, et qui pourrait profondément changer la donne.

Quel commentaire vous inspire la récente scission au sein du MNLA ?

Il y a une nouvelle scission, mais je ne sais pas comment elle a été interprétée par les gens du MNLA au-delà de la communication formelle. Pour ma part, je ne suis pas étonné. Cela fait 4 ans que je parle « d’une unité artificielle », qui n’a jamais existé au sein des différents groupes.

Moussa Ag Acharatoumane reproche aux membres du MNLA « leur mauvaise foi » dans la mise en œuvre de l’accord et le peu de cas qu’ils font des conditions de vie des populations.

Je ne parlerai pas des arguments des uns et des autres, ni des justifications qui trouveraient leur pertinence ou un rapport avec la situation sur le terrain ou vis à vis de l’atmosphère politique du moment. Ce dont je parle c’est la prédisposition des groupes à la segmentation, à l’éclatement, aux clivages qui sont de plusieurs ordres : sociologiques, politiques et historiques. Ce qui justifie l’inexistence d’unité et dénote de l’absence d’un projet ou d’une vision politique (commune) qui aurait une adhésion des Touaregs dans leur globalité, contrairement à ce qui se disait à partir de 2012, pour justifier le nouveau soulèvement par les groupes armés.

Qu’est-ce que cette scission change dans le rapport de force sur le terrain ?

Chaque entité va se ranger dans sa propre région. C’est en quelque sorte un cantonnement avant l‘heure. Pour comprendre, il faut connaître les tribus/factions et savoir leurs rapports entres elles, leur animosité ou simplement leur désir « d’autonomie », notamment vis-à-vis des vieilles chefferies traditionnelles. Autrement dit, ce sont les aspects pratiques et institutionnels de la mise en place de l’accord qui sont sous-jacents aux dynamiques des groupes qui entendent avoir chacun la main mise sur leur région, sans en référer à une autre entité qui se trouverait dans une autre région. Je veux dire que chaque groupe tribal a prétention à être maître chez lui, sans dépendre d’un autre groupe qui aurait une vocation hégémonique sur l’ensemble de l’espace touareg du nord du Mali. Il y a donc, de fait, un éclatement qui est inévitablement de nature à changer, ou influer tout au moins, sur les rapports de forces.