Ansar Dine affirme détenir l’équipe du CICR dans le Nord-Mali

L’enlèvement des quatres travailleurs (3 humanitaires originaires de la région + 1 chauffeur) le 16 avril dernier a été revendiqué par un responsable du groupe islamiste Ansar Dine. Les islamistes ont libéré dimanche dernier, l’un des otages, au nombre de 4, qui se trouve être chef de mission au CICR. Cet otage a été libéré avec un message destiné à  la force Barkhane, demandant la libération du guide qui accompagnait les travailleurs du Comité international de la Croix-rouge (CICR), arrêté par Barkhane le jour de l’enlèvement, car soupçonné de connivence avec Ansar Dine. Le message promettait la libération des otages du CICR en échange du guide. Le chef de mission du CICR comme le guide sont des parents du numéro 2 du haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), Cheick Ag Aoussa. Ce dernier est un notable puissant et craint à  Kidal. De 2012 à  2013, il était le numéro 2 du groupe terroriste et commandait les forces d’Ansar Dine à  Aguel’hoc, il est maintenant chef militaire et numéro 2 du HCUA. Sa réputation et sa grande fortune lui assurent l’allégeance des jeunes et des vieux Touaregs de Kidal. Lors de son arrestation, le guide était accompagné d’un jeune homme, lui aussi arrêté. Selon nos informations, le CICR est actuellement en négociation pour libérer les otages, ils ont pris attache avec Cheick Ag Aaoussa et Barkhane pour favoriser ces négociations. Sollicité par le Journal du Mali, le CICR n’a pas souhaité répondre à  nos questions concernant les revendications d’Ansar Dine, la libération d’un des otages et l’arrestation du guide de l’équipe.

Iyad Ag Ghali ou la négociation impossible

Au moment des négociations à  Alger, il était clair pour tous qu’aucune discussion n’était possible avec les groupes terroristes qui avaient occupé le septentrion malien de 2012 à  2013. Depuis, l’accord a bien été signé sans eux et le processus de sa mise en œuvre avance tant bien que mal. Mais les attaques terroristes répétées et les menaces hypothèquent ce processus que beaucoup craignent de voir s’enliser. D’o๠les voix de plus en plus nombreuses qui demandent l’inclusion des djihadistes d’origine malienne. Dernière en date, celle de l’Amenokhal (chef traditionnel) de la tribu des Ifoghas de Kidal, Mohamed Ag Intallah. Intégrer les djihadistes maliens dans le processus de paix et de réconciliation équivaut aujourd’hui à  négocier avec Iyad Ag Ghali, Amadou Kouffa et autres. Cette option va à  l’encontre de la position officielle jusque-là  arrêtée aussi bien par le gouvernement, le Président Ibrahim Boubacar Kéà¯ta s’étant d’ailleurs publiquement opposé à  toute forme de négociation avec le chef d’Ançar Dine, que par la communauté internationale. On se souvient que lors de sa visite à  Bamako le 19 février dernier, le Premier ministre français, Manuel Valls, déclarait que l’ancien rebelle était la deuxième cible prioritaire de la force Barkhane, après l’Algérien Moktar Belmoktar, réitérant ainsi l’exclusion de tout dialogue avec les groupes terroristes. Cette option a pourtant ses défenseurs. Au nombre desquels Tiébilé Dramé, président du parti pour la Renaissance nationale (PARENA), ainsi que des leaders religieux qui multiplient les sorties pour que le « cas Iyad » soit posé. « De toutes les façons, tous les conflits finissent par la négociation. Si l’on veut en finir avec cette histoire au nord, et avoir la paix, il vaut mieux parler avec lui et les autres djihadistes maliens », assure l’un d’eux sous anonymat. Les initiatives sont ainsi de plus en plus nombreuses pour plaider cette « cause ». Le ministre de la Réconciliation, Zahabi Ould Sidi Mohamed, lui-même ancien chef rebelle pendant les années 1990, a ainsi déclaré sans citer de nom, qu’il aurait été sollicité pour négocier avec Iyad, l’argument principal étant que les cadres du Haut conseil pour l’unicité de l’Azawad (HCUA), signataire de l’accord, ne sont autres que les anciens lieutenants d’Iyad Ag Ghali. Ouvrir la porte à  celui qui menace aujourd’hui le processus de paix avec des attaques répétées contre les populations et les soldats de l’ONU, ou continuer sans lui au risque de voir le processus s’enliser ? Tel est l’enjeu. Mais si le dialogue avec Ançar Dine venait à  se concrétiser, nombre de questions essentielles demeureraient. La première étant les termes mêmes de la négociation. Jusqu’ici, les ambitions du leader djihadiste sont toujours d’instaurer un à‰tat islamique avec la charia pour règle et rien ne porte à  croire qu’il y ait renoncé. Sans compter qu’on lui prête d’autres activités telles que le trafic de drogue, qui ne saurait s’accommoder d’un retour d’un à‰tat fort dans le septentrion. Alors, si inviter Iyad dans l’accord peut aider au retour de la sérénité, en particulier dans la région de Kidal, le prix qu’il pourrait réclamer, la paix contre la charia, risque fort de rendre la transaction impossible.

Alger: L’ombre d’Iyad plane sur les négociations

Une mission conjointe du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et du Comité politique et de sécurité de l’Union européenne séjourne depuis ce 11 Février à  Bamako. Cette visite s’inscrit dans le cadre du partenariat stratégique Afrique-Union européenne, qui permet aux deux parties d’échanger sur la coopération dans le domaine de la paix et de la sécurité, examinent les crises et les situations spécifiques. Prévue pour durer trois jours, la visite a débuté par une rencontre ce mercredi avec le Président de la République du Mali, Ibrahim Boubacar Kéita. Une audience qui restera dans les annales car elle a permis au chef de l’Etat malien de montrer, à  quelques heures d’une étape importante des négociations intermaliennes d’Alger, que Bamako n’avait pas l’intention de céder sur les lignes rouges fixées. « Nous ferons en sorte qu’il n’y ait pas de compromission et que l’intérêt supérieur du pays, en particulier son unité nationale, son intégrité territoriale, le caractère unitaire de l’Etat et la forme laà¯que et républicaine du pays », déclarait le ministre malien des Affaires étrangères, lundi dernier lors d’une conférence de presse. Voici le décor du round 5 des pourparlers d’Alger campé. Dans la capitale algérienne, les protagonistes de la crise du nord, les médiateurs et la société civile malienne se sont en effet retrouvés pour tenter une nouvelle fois de parvenir à  un accord qui mettrait un terme à  la crise politico-militaire qui mine le pays. Lors de la cérémonie d’ouverture, la tension était palpable malgré le discours rassembleur du Premier ministre un peu plu tôt. « Mes chers frères, mes chères sœurs, la paix n’a pas que des amis. Je sais que vous saurez résister à  la fascination des marchands d’illusion, ceux qui veulent ralentir le cours du processus ; ceux qui se réjouissent de la détresse de leurs semblables » déclarait celui qui était il y a encore quelques semaines au C’œur des négociations. Une véritable exhortation à  redonner une chance à  la paix au Mali. Le problème « Iyad » « Aujourd’hui, se tissent en Alger, avec la facilitation de l’Algérie et l’accompagnement de la communauté internationale, les fils du dialogue inclusif inter-malien sur une paix globale et définitive », déclarait à  son tour le Président IBK face aux diplomates africains et européens. l’espoir donc clairement affiché du côté de Bamako. Mais point de naà¯veté. Dans son adresse, le chef de l’Etat Malien a mis exergue les dangers qui menacent encore aujourd’hui la paix au Mali. Le premier, selon IBK, a pour nom Iyad Ag Ghali. Le chef du groupe armé islamiste Ansar Eddine qui a semé la désolation au nord du Mali lors des longs mois d’occupation est activement recherché. Pourtant, « nous avons accepté que ce groupe, sous une autre dénomination, vienne siéger à  notre table, signe de notre engagement en faveur de la paix », rappellera-t-il à  ses interlocuteurs. Un geste de bonne volonté qui n’a pas fait évoluer la position de Ag Ghali qui « n’a jamais voulu les négociations ». Et de revenir sur les récentes poussées de tensions dans le nord du pays avec les évènements malheureux de Gao, entre autres. Le Mali es fragile, le « Sahel est fragile » martèle IBK, qui veut rappeler à  la « communauté internationale que les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la région, sont tout aussi dangereuses pour la sécurité des autres pays africains, voire fors du continent. Daesh(Etat Islamique) frappe aux portes du Sahel, s’il n’y est déjà  entré par le biais d’individus comme Iyad Ag Ghali qui lui ont ouvertement fait allégeance. « Pourquoi voudriez-vous le ramener à  la table de négociations? » a encore questionné le président malien qui estime que l’homme devrait plutôt être capturé pour répondre de ses actes face à  la justice. En attendant, ses compères sont à  Alger, réunis dans une engeance qui porte le nom de HCUA, dirigé par un de ses fidèles lieutenants. Dan son propos, le président IBK est à  maintes reprises revenu sur le caractère pluriel du peuple malien, qui a vécu et s’est enrichi de ses brassages culturels et ethniques. Nul ne viendra remettre en question ces acquis séculaires, a affirmé IBK, surtout pas une minorité qui ne représente qu’elle-même, en référence aux mouvements armés touareg qui réclament un statut particulier pour les régions du Nord. Le refus du fédéralisme, l’intégrité intangible du territoire, le caractère laà¯c de l’Etat, autant de points qui ne sont pas négociables si l’on en croit le président maliens. Une réaffirmation de la position ferme qui est celle de Bamako depuis le début des pourparlers et face à  des représentants de la « communauté internationale » qui presse le Mali de faire la paix avec ses fils, quitte à  mettre de côté certains principes, à  « mettre de l’eau dans son vin ». La réponse d’IBK est claire, C’’est non. Plus de tergiversations, de faux semblants. Les discussions peuvent commencer.

Iyad Ag Ghaly : attrape-moi si tu peux

On l’avait dit un temps réfugié au Burkina Faso après la déroute des jihadistes au Nord Mali. Ensuite, Iyad Ag Ghaly, ex chef d’Ancar Dine, a été repéré dans le septentrion malien, o๠un an auparavant, il faisait régner la terreur dans les rues de Tombouctou, Gao et Kidal à  coups de cravache et d’amputations. A la faveur de la libération des otages d’Areva, Iyad aurait été l’un des négociateurs, ou en tout cas, un agent de liaison entre les autorités nigériennes et françaises, pour monnayer leur rançon puis leur libération. Iyad, fréquemment décrit comme un renard du désert, aurait plutôt l’art d’être un caméléon qui se fond aussi vite dans le désert qu’un scorpion sentant la menace venir. Il a tout simplement l’art de se cacher. Alors que la diplomatie Mali-Alger reprend du poil de la bête, les services secrets français auraient identifié l’homme en Algérie, plus précisément à  Tinzaouten, une localité proche de la frontière avec le Mali et qui face à  la région de l’Adrar des Ifoghas, o๠se trouve le village du même nom, Tinzaouatène. Etrange coà¯ncidence pour l’homme le plus recherché du désert et qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international depuis près d’un an sur la liste des terroristes les plus recherchés du Sahel. Iyad qui navigue de mouvements en alliances étranges, fut un moment, l’un des interlocuteurs de l’ancien président déchu ATT, dans la négociation pour la libération d’otages. Ayant amassé un pactole sans précédents dans l’affaire Areva, il n’aura pas eu besoin comme certains ex chefs rebelles du nord de rentrer dans les rangs de la majorité présidentielle pour obtenir toute levée de poursuites internationales. Il y a fort à  parier qu’Iyad Ag Ghaly aimer ce statut de « WANTED » ou d’homme traqué jusqu’au fin fond du Sahel. Roublard, il aurait donc atterri chez ses amis algériens, considéré par eux comme un partenaire idéal. C’est surtout sa capacité de convaincre et de rallier des adversaires hésitants à  sa cause, qui est étonnante. C’est ainsi qu’il a séduit les rebelles du MNLA, pour une alliance de circonstance avant de se rapprocher du Mujao. Il connaà®t bien sûr le Sahel, mais surtout, Iyad est un homme aussi versatile que dangereux puisqu’il sait disparaà®tre et réapparaà®tre au mauvais moment.

Comment Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont croisé la mort à Kidal

Lorsque Claude Verlon et Ghislaine Dupont arrivent à  Bamako le vendredi 25 octobre, ils sont heureux à  l’idée de faire des sujets sur la réconciliation nationale dans le cadre de la grande opération spéciale que préparait RFI les 7 et 8 novembre à  Bamako.  » On a tellement bossé dessus, on voulait montrer que les populations du Nord Mali sont pour la paix et l’unité », confie leur collègue Christine Muratet lors de la cérémonie funèbre organisée avant le rapatriement de leurs corps à  Paris. Ghislaine Dupont et Claude Verlon n’en sont pas à  leur premier coup d’essai. Habitués de l’Afrique, des terrains sensibles comme le Congo Kinshasa d’o๠Ghislaine fut expulsée en 2006 ou encore la Côte d’Ivoire pendant la crise politique, ils ont souvent travaillé ensemble. Les deux reporters en étaient à  leur deuxième voyage au Mali, après l’élection présidentielle de Juillet o๠ils avaient couvert le vote à  Kidal. « J’ai voyagé avec eux, j’ai beaucoup discuté avec Ghislaine et Claude dans l’avion « , témoigne Ousmane Ndiaye, l’un des correspondants de TV5 Monde à  Bamako. Ce dernier reste très ému par leur mort et n’a pas souhaité en dire plus. Direction Kidal Sur place, Ghislaine Dupont et Claude Verlon entament rapidement les démarches pour se rendre à  Kidal le vite possible. Samedi 26 octobre, le lendemain de leur arrivée, on les verra au Parc National de Bamako, à  la journée des Nations Unies. Ils y étaient pour prendre contact et rencontrer la Minusma, et organiser leur voyage à  Kidal :  » Ils ont demandé à  ce que nous les transportions jusqu’ à  Kidal, confie cette chargée de l’information. Nous avons accepté et leur avons fait signé un document nous désengageant, car une fois à  Kidal, ils seraient responsables de leur propre sécurité. J’avais encore ces documents sur la table, samedi, lorsqu’on m’a appelé pour m’informer de leur enlèvement », poursuit-elle, émue. Ghislaine Dupont et Claude Verlon étaient-ils trop pressés d’arriver à  Kidal ? C’est l’avis d’un journaliste malien, qui les connaissait : » Lorsqu’elle arrive à  Bamako, Ghislaine Dupont prend du temps pour se reposer, voir des amis, mais cette fois, elle avait hâte d’aller au nord ». Confiante en la mission, elle avait depuis Paris, contacté des responsables du MNLA. Quelques jours plus tard, les deux reporters sont à  Kidal. Ils y sont à  l’aise et testent leur matériel devant foules et témoins, rencontrent les autorités et des responsables locaux. Sur place, la présence des deux français est vite repérée.  » S’ils se sentaient en confiance », confie en sourdine Mme Chekchik, l’épouse d’un membre influent de la communauté touareg, c’est que le MNLA a du leur dire, venez, nous contrôlons Kidal, et vous n’avez rien à  craindre. Et turbans sur la tête ou pas, à  Kidal, chacun sait qui est qui… ». Affirmation osée, mais qui va dans le sens de tous ceux qui accusent le groupe rebelle d’être complice de l’enlèvement des deux journalistes français. Du reste, qu’Ambéry Ag Ghissa déclare avoir été sommé de  » rentrer » au moment o๠les deux français sont enlevés, continue d’étonner. Et l’autre thèse qui évoque l’arrivée imprévue des deux reporters, chez Ambéry Ag Ghissa, est plus qu’improbable… Flou autour de l’enlèvement Comment Ghislaine Dupont sont -ils arrivés au domicile d’Ambéry Ag Ghissa sans escorte ? Comment ont-ils pu sortir de la maison du responsable du MNLA et se faire enlever sans qu’aucune intervention n’ait eu lieu. Ambéry Ag Ghissa, haut responsable politique du MNLA vit-il sans garde rapprochée ? Autant de zones d’ombres qui laissent penser que les deux français étaient suivis, épiés et attendus. Mais l’alerte sera vite donnée après leur enlèvement. « Une patrouille au sol et deux hélicoptères Serval, qui ont décollé de Tessalit, ont entrepris de prendre en chasse les ravisseurs », précise l’état major français. « Kidal est une petite ville et il n’y a pas mille et un chemins pour sortir de la ville.  » Lorsque les Français disent qu’ils n’ont pas établi de contact visuel, cela laisse place au doute », affirme un militaire de la Minusma en poste à  Bamako. Ghislaine Dupont et Claude Verlon, selon une première thèse, ont été tués par balle puis abandonnés à  quelques mètres du véhicule des ravisseurs à  12km au nord de Kidal. L’enquête avance, et la katibat, qui aurait organisé le coup étant identifiée comme celle d’Abdelkrim El Targui, réputé sanguinaire, laisse penser qu’ils « auraient été égorgés ». Sont-ils morts à  cause de la panne du véhicule ou parce que les ravisseurs s’estimant poursuivis , ont préféré les exécuter froidement ?  » C’est en général la technique d’AQMI et chaque fois qu’il y a une opération visant à  libérer les otages, et qu’elle tourne mal, AQMI exécute les otages », précise cet expert du Sahel. Victimes collatérales La mort de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon aurait-elle pu être évitée ? Les questions demeurent mais toujours d’après cet expert du Sahel, les ravisseurs auraient pu vouloir prendre les deux français comme monnaie d’échange. On sait désormais qu’Iyad Ag Ghali, l’ex chef d’Ancar Dine, a été un médiateur dans la libération des 4 otages d’AREVA. On l’accuse d’avoir fui avec l’intégralité du butin et Targui son cousin, chef de la katibat « El Ansar », d’avoir voulu prendre les deux français comme monnaie d’échange potentielles pour calmer les ardeurs de tous ceux qui ont été impliqués dans la libération des otages d’Areva. Leur mort résulterait alors du mécontentement de certains bandits qui n’auraient pas eu leur part du butin. En outre, un autre suspect, Bayes Ag Bakabo, serait impliqué dans l’enlèvement des deux journalistes puisque c’est son véhicule, une totoya pick up beige, dans laquelle des preuves auraient été retrouvées, qui aurait servi à  l’opération, puis été abandonné à  quelques kilomètres du corps de Ghislaine Dupont et Claude Verlon.L’enquête elle se poursuit et plusieurs suspects ont été appréhendés. Mais qu’en est-il de l’interview que les deux journalistes ont réalisé avec Ambéry Ag Ghissa ? Que se sont-ils dit ? La direction de RFI a t-elle pu récupérer ces enregistrements ? De ces éléments, on ne sait rien pour le moment… Sauf que leur contenu pourrait apporter de nouveaux éclaircissements dans l’affaire…

Iyad Ag Ghali, le djihadiste touareg

Ses vieux amis se rappellent un poète, un homme à  femmes et un amateur d’alcool. Ils se souviennent aussi d’un lève-tard qui n’émergeait pas avant midi, l’esprit embrumé par les nuits à  discuter politique autour d’un verre. L’un d’eux, touareg comme lui, l’avait même grondé parce qu’il ne faisait jamais le «fajr», la prière de l’aube. Aujourd’hui, Iyad Ag Ghali impose la règle la plus stricte à  tout son monde. à€ la mosquée, il se tient au premier rang, il ne serre plus la main à  une femme, il boit de l’eau et refuse tout contact avec les non-musulmans. Zélé converti, son projet politique l’est tout autant: un émirat islamiste au Nord-Mali, précurseur d’un «Sahelistan» englobant toute la région. L’incarnation de la lutte touareg Fondateur et commandant de la milice Ansar Dine – les partisans de la religion -, Iyad Ag Ghali, 54 ans, est aussi le principal chef de guerre qu’affrontent les troupes françaises et leurs alliés. C’est lui qui a lancé ses milices à  la conquête de Bamako, précipitant des colonnes de pick-up chargés de combattants vers le Sud. C’est donc lui qui a poussé un François Hollande, pris de court, à  déployer l’armée sur le territoire malien, quitte à  revenir sur tout ce qu’il avait affirmé auparavant. Dans le paysage de la rébellion touareg, Iyad Ag Ghali n’est pas un nouveau venu, tant s’en faut. Il incarne au contraire la lutte des Hommes bleus contre Bamako depuis plus de vingt ans. «Un de nos plus grands chefs de guerre», dit de lui un intellectuel touareg, qui ne veut pas que l’on publie son nom par peur des représailles. Son charisme, son courage et son opportunisme ont bâti sa légende, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, parce que de jeunes Touaregs sont prêts à  suivre son turban blanc jusqu’à  la mort, même si le chef les exhorte aujourd’hui au sacrifice au nom du djihad et de la charia. Le pire, parce que ses rivaux et ses ennemis lui reprochent duplicité, trahison, luttes fratricides et d’innombrables pactes avec le diable – de Bamako, d’Alger ou d’al-Qaida. Dans les années 80, il s’enrôle dans la Légion verte du colonel Kadhafi Né dans la tribu noble des Ifoghas, près de Kidal, ville du nord-ouest du Mali, Iyad Ag Ghali a laissé derrière lui la misère du nomade pour s’enrôler dans la Légion verte du colonel Kadhafi au début des années 80. Le «Guide» avait beaucoup promis aux Touaregs, feignant d’épouser leur cause. à‰quipé et formé en Libye, le jeune Iyad fait partie du corps expéditionnaire envoyé par Kadhafi au Liban pour sauver les Palestiniens en guerre contre les milices chrétiennes et les Israéliens. Selon un de ses camarades de l’époque, il aurait été évacué de Beyrouth avec Yasser Arafat le 30 août 1982 par un bateau français. Un an plus tard, Iyad Ag Ghali fait partie des unités libyennes qui entrent au Tchad en appui des rebelles pour renverser le président Habré. Une aventure stoppée (déjà !) par l’armée française. «Le Renard du désert» La carrière d’Iyad Ag Ghali se perd ensuite dans les sables du désert. On sait seulement que le mercenaire de Kadhafi, déçu, a regagné le Mali. Avec quelques compagnons de la Légion verte, il monte une rébellion touareg. En juin 1990, un premier fait d’armes fonde sa légende. Flanqué d’une poignée d’hommes équipés de seulement six fusils, il s’empare de la garnison de Ménaka, une bourgade du nord-ouest du Mali. Par la suite, la geste d’Iyad Ag Ghali ne cessera de s’enrichir et lui vaudra le surnom de Renard du désert. Au gré des révoltes, il devient «le» leader, à  la fois politique et militaire, de la cause touareg face à  l’à‰tat malien. Interlocuteur de Bamako, il négocie plusieurs accords qui portent, entre autres, sur le développement du Nord-Mali et l’intégration de Touaregs dans les forces armées. Sa route croise celle de prédicateurs pakistanais Chapeautées par l’Algérie (accords de Tamanrasset en 1991, accords d’Alger en 1996), les discussions permettront à  Iyad Ag Ghali de nouer d’étroites relations avec le puissant voisin du nord, au point d’être regardé aujourd’hui comme un de ses agents. à€ la fin des années 90, sa route va croiser celle de prédicateurs pakistanais du Jamaat al-Tabligh en visite au Mali. à€ leur contact, le guerrier qui composait des chansons d’amour va basculer vers le rigorisme. Aussi, en 2003, quand des bandes d’islamistes opérant dans le Sahara prennent des Occidentaux en otages, c’est naturellement vers lui que les autorités maliennes se tournent pour récupérer les touristes. Non seulement Iyad Ag Ghali s’enrichira en prélevant sa commission sur les rançons, mais il va se lier à  ces groupes radicaux. Début 2012, on les retrouvera à  ses côtés quand il s’emparera du Nord-Mali. C’est en Arabie saoudite qu’Iyad Ag Ghali se convertira à  l’idéologie djihadiste qui guide sa milice actuelle, Ansar Dine. Nommé conseiller consulaire à  Djedda par le président malien Amadou Toumani Touré, en 2007 il y fréquente les musulmans les plus radicalisés. «Une véritable haine des Occidentaux» «Il aurait pu obtenir un poste plus important, confie un de ses amis touaregs, mais il a préféré celui-ci pour pouvoir se rendre tous les vendredis à  la grande prière de La Mecque.» Le Royaume l’expulsera pour ses contacts avec des membres d’al-Qaida…«Il est revenu de Djedda avec une véritable haine des Occidentaux», dit un vieux compagnon de route. L’universitaire français Pierre Boilley, qui passa des soirées à  refaire le monde avec lui, confirme: la dernière fois qu’il l’a vu, il l’a à  peine salué de loin. Celui qui se prenait pour le Che Guevara de l’Azawad n’est plus qu’un djihadiste infréquentable. Et la cause touareg, si chère à  son coeur, est passée du côté sombre de la charia.

Vidéo : Ansar Dine dévoile en images les prises de Kidal et Tessalit

Après la chute entre les mains des groupes armés des principales villes du nord du Mali, fin mars-début avril, on s’est demandé ce qui avait bien pu se passer sur le front. Les troupes républicaines ont elles réellement livré combat ou ont-elles, comme beaucoup le leur ont reproché, fui devant l’envahisseurs. Les hommes d’Ançar Dine qui ont combattu aux côtés du MNLA pour la prise,entre autres de Kidal, Tombouctou et Gao,ont publié le 11 juillet dernier les images de la vidéo ci-dessous intitulée « la conquête de l’Azawad arabe ».

Le retour des 150 prisonniers d’Ançar Dine

l’on pourrait dire que C’’est sur la pointe des pieds que sont rentrés à  Bamako les 150 citoyens maliens fait prisonniers par le Mouvement armés des Ançardine opérant dans le nord du Mali. En effet, lors de son offensive enclenché à  partir de mi janvier dans le nord du Mali, obligeant l’armée malienne à  replier, le Mouvement Ançardine a réussi à  faire des prisonniers dans le rang non seulement de l’armée malienne mais également des populations civiles. Selon nos dernières informations, le Mouvement armé a mis le grappin sur 160 soldats maliens. Ces derniers écopaient du coup le statut d’otage. Pour vérifier nos informations, nous avons joint le directeur général de la Direction de l’information et des relations publiques des armées (DIRPA), le Col Idrissa Traoré qui a confirmé l’information. Les 160 prisonniers de guerre sont donc libérés par Ançardine. Un acte de bonne foi et de grande portée humanitaire, à  tous points de vue, vient donc d’être posé par le Mouvement Islamiste qui règne en maitre absolu sur les trois régions du Nord Mali. Résultat d’une longue tractation Une source proche du Haut conseil islamique du Mali (HCIM) précise que ce geste d’Ançardine est le fruit de longues tractations son institution et le Mouvement Ançardine. On se rappelle que le président de l’institution avait, au cours du meeting des confessions religieuses à  Bamako, invité Iyad Ag Aly à  «Â déposer incessamment les armes ». Serait-il entrain d’être entendu par le leader d’Ançardine qui a juré, main sur le C’œur, de mettre à  sac le principe de la laà¯cité consacré par la constitution du 25 février 1992. La délégation du HCIM, conduite par l’imam Yacouba Siby de la mosquée du vendredi de Banankabougou, a parcouru toutes les régions du nord pour obtenir un consensus auprès d’Ançardine. C’’est à  elle que les 160 éléments de l’armée malienne ont été remis à  Kidal et conduits sous bonne escorte jusqu’à  l’entrée de Sévaré. Selon des sources militaires, ces prisonniers de guerre ont été libérés sans contrepartie. Après avoir passé la journée de ce lundi à  Sévaré, ils ont été acheminés à  Bamako dans la nuit. A Bamako, leur remise fera l’objet d’une cérémonie officielle ce mardi. Ils seront ensuite officiellement accueillis au CICB o๠une réception est prévue.

Ançar Dine au temps des croisades saintes…

Le fondamentalisme religieux est entrain de gagner du terrain au Mali ». Ces propos d’une grande militante féministe prononcés en Août 2009 au Mali, précisément, au moment o๠le nouveau code de la famille avait été voté puis renvoyé en seconde lecture à  l’Assemblée nationale, trouvent tout leur écho dans la situation que vit Tombouctou, lnouvelle cité de la charia. Les adeptes de l’Islam radical en ont désormais fait leur capitale et ne comptent pas s’arrêter là Â… Trois ans plus tard, Tombouctou la cité culturelle, historique est devenue le fief des islamistes de tout bord. Les 333 saints doivent se retourner dans leur tombe, puisque la charia est de rigueur. Après avoir descendu le drapeau du MNLA, qui a pris Tombouctou le 31 Mars, les hommes d’Iyad Ag Ghaly, le chef du mouvement Ançar Dine ( serviteurs de Dieu ) ont pris le relais et planté leur drapeau à  la place du celui du MNLA : La charia et rien d’autre témoigne Oumar guide touristique, avec un brin d‘humour malgré la situation Sauf que les islamistes, ont déjà  commencé à  faire appliquer la charia dans la cité du désert. Une annonce à  la radio a été faite et toutes les femmes de Tombouctou se sont aussitôt voilées. La chose n’a pas dû être très difficile puisque les citoyennes de Tombouxtou s’habillent en dampè et se recouvrent la tête par habitude. Par ailleurs, l’alcool, et même la musique sont interdites dans la ville Dans la ville, les hommes d’Ançar Dine ont aussi rencontré quelques imams de la ville. Pour les convaincre de leur idéologie. La guerre sainte Pour s’assurer du bien fondé de leur mission, les hommes d’Ançar Dine se sont faits accompagner de leaders d’Al Qaeda au Maghreb Islamique, AQMI, qui fait la loi dans la bande sahélo-saharienne. Face à  ces mouvances, la population de Tombouctou a-t-elle le choix ? De jeunes voleurs ont même été arrêtés, d’autres pour avoir pillé l’EDM de Tombouctou en profitant du pillage orchestré par la prise de la ville. Pour peu, on leur aurait coupé la main… Ançar Dine, qui ne partage pas les revendications indépendantistes du MNLA, tend à  instaurer une loi rigoureuse comme l’exprime Iyad Ag Ghaly los d’un réunion publique de l‘association des jeunes musulmans de Tombouctou : Alors que le MNLA, retranché aux abords de la ville, près de l’aéroport, cherche une nouvelle voie, Ançar Dine ne compte pas s’arrêter là . A Bamako, le mouvement du même nom, dirigé par le prêcheur Ousmane Madani Haidara, affirme n’avori aucun lien avec la branche d’Iyad Ag Ghaly. La crainte demeure pourtant chez la population de voir s’imposer les idées d’Ançar Dine à  Bamako. Si le MNLA a clairement affirmé vouloir le contrôle des régions du Nord, Ançar Dine compte bien répandre son message à  tout le Mali. Le temps des croisades est revenu.

Nord Mali : A quoi joue Ançar Dine ?

Depuis quelques jours, le mouvement Ançar Dine (Défenseur de l’Islam en arabe ) fait parler de lui. Avec pour objectif d’instaurer la Charia au Mali, il a à  sa tête Iyad Ag Ghali, un ancien rebelle des années 90, et ex membre de l’administration malienne. Revendiquant à  travers une vidéo diffusée sur Internet, sa participation aux attaques d’Aguel Hoc, en janvier, le groupe armé va jusqu’ à  prétendre avoir  des liens avec le Mouvement Ansardine du prêcheur et guide spirituel Ousmane Madani Chérif Haidara. En réponse, Haidara, a tenu à  rappeler qu’il n’existe aucun rapport, ni de près, ni de loin avec le groupe islamiste aujourd’hui très contesté crée par Iyad Ag Ghali.

Lors de traditionnelle rencontre avec la presse à  la suite du Maouloud dernier, le prêcheur avait aussi laissé entendre qu’aucun membre de son association n’oserait prendre les armes contre sa patrie. Par ailleurs, un membre du Haut Conseil Islamique du Mali, dont on connaît la position tranchée pour une application rigoureuse de la loi musulmane au Mali, aurait affirmé à  l’AFP, avoir été contacté par le groupe Ançar Dine. Objectif de ces derniers : « Instaurer la charia par la lutte armée ». De là  à  cautionner les idéaux du mouvement Ançar Dine, il y a un pas.… Démenti du MNLA Ançar Dine va encore plus loin dans sa stratégie de communication et affirme contrôler le nord-est du Mali, aux côtés des rebelles : « Grâce à  Dieu, nous avons sous notre contrôle, l’Adrar des Iforas (nord-est). Nos soldats de Dieu occupent et contrôlent Tinzawaten, Tessalit, Aguelhok, et nous aurons bientôt d’autres victoires », indique le mouvement dans un communiqué récent. De con côté, le MNLA, qui cherche l’indépendance du territoire Azawad, prétend, ne pas tout à  fait avoir les mêmes objectifs, même si l’ennemi est le même : « Le MNLA veut « une République, mais aujourd’hui, les autres (Ançar Dine) veulent la charia. On n’est pas d’accord et si c’est comme ça, chacun prendra sa route ».

Ançar Dine s’inscrit malgré tout aux côtés des rebelles du MNLA, en semant la confusion dans les esprits : « Quiconque n’est pas d’accord avec nous doit quitter nos terres », le mouvement qui affirme qu’il va « bientôt libérer au moins 110 prisonniers civils et militaires arrêtés dans tout le nord du Mali ». Le MNLA, rappelle alors à  qui veut l’entendre que : «Â  Ansar Edine n’est pas fortuit. Cette association crée en 1983 à  Bamako et qui compte les non moins bien célèbres « salafistes » Cherif Ousmane Haidara et Mohamed Dicko tous deux bien connus pour avoir planifié la mort du code de la famille au Mali et déclaré publiquement leur engagement politique à  influer les résultats des élections présidentielles à  venir au Mali ont certainement trouvé des oreilles attentives pour oeuvrer dans le même sens sur le territoire de l’Azawad espérant que l’effet domino qui consiste à  perturber les élections présidentielles en se positionnant comme recours ultime en tant que médiateurs tout en permettant au président Amadou Toumani Touré de garder la main en fin de mandat sur l’avenir du pays sous quelque forme que ce soit. » Avec pour objectif d’appliquer la charia au Mali, le mouvement Ançar Dine, n’est pas très loin des revendications d’AQMI en voulant s’inscrire dans la logique de conquête du MNLA sur près de 2/3 du territoire national, de Léré à  Tessalit.

Si l’on déplore la faiblesse de l’armée malienne face à  ses ennemis sur le terrain, on assiste à  une fragmentation de la rébellion, depuis ses origines jusqu’à  nos jours, où chacun, prend les armes pour réclamer un combat personnel. A quoi joue Iyad Ag Ghali ? Est-il vraiment pour une application de la charia au Mali, où fait-il le jeu du pouvoir qui a accusé AQMI de combattre aux côtés de la rébellion ? Brouiller les pistes Ces déclarations de part et d’autre attestent en tout cas une volonté de brouiller les pistes sur la situation au nord du Mali. Pour le citoyen lambda, qui ne saisit pas la réalité géographique du conflit armée au nord du pays, les enjeux de cette crise sont véritablement plus complexes qu’‘un simple retour de la rébellion.…Mais sur le terrain, ce sont des maliens qui sont tués chaque jour et des milliers de personnes déplacés de leurs habitations. C’’est sans doute pourquoi les femmes de Kati sont à  nouveau sorties ce lundi 19 Mars à  Bamako pour réclamer à  ATT, le retour de leurs soldats du nord. Mais le nord doit-il être laissé à  lui-même? Ou aux mains des rebelles, des islamistes, des djihadistes de tout genre ou tout simplement de trafiquants d’armes venus de Libye et de bandits armés animés par la volonté de semer le trouble ? La réunion du Conseil de paix et de sécurité (CSP) de l’Union Africaine qui s’est ouverte ce matin à  Bamako va-t-elle apporter une autre réponse à  cette crise ? C’’est quand même l’intégrité territoriale du Mali qui est en jeu !