« Jamu Duman » : Dis moi quel nom tu portes…

Traoré, Coulibaly, Diarra, Cissé, Sacko, etc … La liste des patronymes maliens est loin d’être exhaustive et leur histoire est aussi riche que méconnue. Cet élément incontournable de l’identité culturelle au Mali et en Afrique de l’Ouest est aussi un excellent facteur de cohésion sociale. Il s’agit pour beaucoup d’une valeur identitaire importante dans la gestion de nos relations sociales mais aussi pour l’intégration  et l’unité entre les peuples.

« C’est une identité que nous portons depuis longtemps et dont nous ne connaissons pas souvent l’origine. Lorsque nous faisons la généalogie, nous nous arrêtons à l’arrière grand-parent, mais d’autres ont porté ce nom avant lui », explique le cinéaste malien Salif Traoré, auteur du film documentaire « Jamu duman », Prix spécial du jury  au FESPACO 2019.

En savoir davantage sur l’histoire de ces patronymes, et surtout les liens qui existent entre eux, c’est l’une des motivations de M. Traoré. En effet chacun est une « louange » (Jamu) en bamanan et les patronymes « ne sont pas choisis au hasard », précise M. Mohamed Ben Chérif Diabaté, journaliste et communicateur traditionnel. Ceux qui ont créé ce lien multiséculaire avaient pour objectif de faciliter la gestion des relations sociales et, en même temps, ils ont instauré les relations entre les différents patronymes.

Facteur de cohésion

Ces liens sacrés, qui constituent une richesse pour toute la sous-région ouest africaine, sont un facteur essentiel du vivre ensemble, note M. Diabaté. C’est d’ailleurs cette conviction qui justifie pour le cinéaste l’importance d’un tel sujet en cette période. « Les grands ensembles comme l’Union Africaine, l’UEMOA et la CEDEAO peuvent exploiter ces vecteurs pour dématérialiser les frontières », suggère M. Traoré.

Si ceux qui ont créé cette richesse s’en sont servi, « malheureusement, la génération actuelle lui tourne le dos. C’est pour cela que nous sommes dans un tourbillon », soutient M. Diabaté.

Mais le Jamu, qui est un élément distinctif, induit-il pour autant des rapports de « supériorité ou d’infériorité ? » Analyser les rapports entre les patronymes en ces  termes est une méconnaissance du rôle social de cette valeur identitaire, selon M. Diabaté. « Le patronyme est un poids qu’il faut mesurer pour le porter et une valeur qu’il faut mériter ».

Il est donc  essentiel pour chacun de savoir « porter la dimension de ce que l’on est, sinon c’est une faiblesse », ajoute M. Diabaté. Tout le monde a ainsi le devoir de connaître « ce que vaut un Jamu »