Edito: Des effluves de jasmin…

« Ce qui est formidable dans ce qui vient de se passer en Tunisie c’est que maintenant la recette et le mode d’emploi d’une révolution sont devenus clairs et simples pour tout le monde: • à‰lément déclencheur assez puissant sur le plan de la symbolique pour frapper suffisamment les esprits (s’immoler par le feu par exemple) • Manifestations soutenues dans le temps • Coût : une centaine de morts environ et quelques 50 millions d’euros de dégâts. C’est vraiment pas chère alors que tous les peuples arabes (et d’autres qui souffrent du même problème) pensaient que la révolution est hors de portée. • Si avec une telle recette la moitié des dictateurs ne tombent pas dans les trois prochaines années, c’est qu’il y a erreur quelque part. » Voilà  ce qu’écrit un jeune tunisien sur son blog. Le fait que des jeunes gens d’Algérie, d’Egypte et de Mauritanie aient réédité le geste du jeune tunisien, dont l’acte a été le déclencheur en Tunisie, l’illustre à  souhait. En effet, samedi, à  Alger, un jeune est mort des suites de ses blessures après s’être immolé. Que leurs actes aient les mêmes conséquences, rien n’est moins sûr. Mais, une chose est sure, si les opinions publiques, ce qu’on appelle «la rue arabe», ont suivi les événements avec une empathie parfois très démonstrative, les pouvoirs en place, eux, de Rabat à  Bagdad en passant par Le Caire, sont restés silencieux ou très prudents dans leurs réactions. Une réserve qui traduit manifestement leur propre peur de soulèvements populaires. Significative à  cet égard, la réaction de la Ligue arabe qui s’est bornée, samedi, à  inviter à  la fois les autorités politiques et les forces vives de la Tunisie à  faire preuve d’«unité» pour «maintenir les réalisations du peuple tunisien». En à‰gypte, Hosni Moubarak, qui règne sans partage depuis trente ans sur le pays arabe le plus peuplé, a seulement dit, par la voix du ministère des Affaires étrangères, «avoir confiance dans la sagesse de ses frères tunisiens». Au Maroc et en Algérie, le silence des autorités est assourdissant. Faut-il s’attendre à  un effet domino? D’Alger à  Sanaa en passant par Le Caire, nombreux sont ceux qui ont salué, ce week-end, ce soulèvement populaire inédit dans cette partie du monde o๠nombreux sont les pays minés par les mêmes maux que la Tunisie: chômage, corruption, répression. Pour les observateurs, les pays les plus susceptibles d’être affectés par une onde de choc venant de Tunisie sont ses voisins maghrébins ainsi que l’à‰gypte, la Syrie et la Jordanie. Si contagieux soit-il, le parfum de liberté qui flotte sur Tunis est lourd d’incertitude. Effectivement le risque de retomber dans une autre dictature, même camouflée, est grand. Pour ma part, je pense qu’il faut désormais que les peuples d’Afrique se tournent rapidement vers l’espoir de leur avenir plutôt que de s’enliser dans un passé qui ne peut leur faire, au final, que du tort. Ces jours sont exceptionnels: les tunisiens ont donné une grande leçon de démocratie aux pays occidentaux, ces états qui se targuent d’être ‘démocratiques’ depuis longtemps et qui imposent leurs visions unilatérales à  de nombreux pays, en s’accommodant sans aucun sentiment des régimes autoritaires, souvent même dictatoriaux. Aujourd’hui il y a un espoir qui est né, un espoir que des peuples asservis puissent enfin décider de leur sort et montrer une voie à  suivre à  de nombreux autres. Ce n’est pas anodin, car on voit bien que les dictateurs et les régimes autocratiques sont actuellement sur le qui-vive. Bien entendu, cet espoir est plein de naà¯veté car il ne s’accomplira pas sans avoir à  lutter pacifiquement, pas seulement contre les états voisins et occidentaux, mais aussi contre ses propres concitoyens. Je parle de lutter contre l’envie de profiter au détriment de l’autre, se battre contre la haine et la justification de la vengeance ‘au nom de tous’, lutter contre les influences extérieures de ceux qui se prétendent amis et qui veulent en fait récupérer tous les bénéfices, de ceux qui s’emploient à  détruire les acquis et les espoirs, ceux qui veulent le retour à  un chaos. Il faut se battre contre la haine d’autrui, à  tout prix éviter de basculer dans une anarchie si propice au retour d’un dirigeant égocentrique et dictatorial comme il y en a encore tant dans le monde.