Adama, 16 ans, islamiste du Mujao ou paumé dans la guerre?

Il s’appelle Adama, et dit avoir 16 ans. Aà®né d’une famille de trois garçons, il n’a passé que deux ans à  l’école et aide son père, burkinabé, dans le champ. La famille est installée dans la région de Niono, assure-t-il, une localité située 60 kilomètres au sud de Diabali, prise le 14 janvier par les islamistes qui l’auraient ensuite abandonnée, selon l’armée malienne, après des bombardements français. Son village, D’Enngoudou, ne compte qu’une seule mosquée, wahabbite. Son père la fréquente peu. En temps normal, Adama est parfois employé par un éleveur, pour tirer ses boeufs; en échange, le patron lui offre du riz. Il nourrit ainsi sa famille. Il y a quelques semaines, comme chaque année, à  la fin de la période agricole, Adama et son ami Mohammed sont partis chercher un job en ville. Leur destination était Sévaré, affirme le jeune homme. Mais ils ont pris, « par erreur », un bus pour Douentza, une ville détenue depuis septembre par les islamistes. Arrivés sur place, des inconnus les ont interpellés: « Venez faire la cuisine pour nous. Vous serez logés et bien payés. » Les adolescents, qui ne parlent que le bambara, ont été bien traités. Et le travail était simple: « Chaque jour, on préparait des spaghettis, avec des tomates et des oignons, explique Adama. On ne comprenait rien. Ils parlaient arabe, ou tamacheck, » la langue des Touaregs. Un seul pouvait communiquer avec eux, toujours aimable. « C’est un Peul noir qui parle bambara, » se souvient le garçon. Son nom? « Abou Zeid ». Voilà  comment, au début du mois de janvier, le jeune Adama et son ami Mohamed ont fait la connaissance l’organisation du Mujao, qui détient au moins un otage français, Gilberto Rodriguez, enlevé en novembre 2012 dans l’ouest du Mali, et qui tente, depuis près d’un an, d’imposer sa vision de la « charia totale ». Il semble tout ignorer de la stratégie des islamistes Assis sur le sol, dans une pièce de la gendarmerie de Sévaré, Adama porte le même pantalon coupé court que ses ex-employeurs islamistes, mais il assure qu’il ignorait tout d’eux. Ils ont quitté la ville, du jour au lendemain, explique-t-il: « Un boutiquier nous a dit qu’ils étaient partis pour la guerre. On a compris qu’on ne serait pas payés à  la fin du mois. Alors, on est partis. » Son histoire est peu plausible. Mais il serait surprenant, a contrario, qu’Adama ait rejoint les rangs du Mujao par affinité idéologique. L’appât du gain, alors? Le sergent Pascal Diawara, qui a interrogé le jeune homme, n’est guère convaincu: « Du travail, on en trouve à  Sévaré ou ailleurs, payé 1000 francs par jour, explique-t-il. Il y a bien plus de travail ici qu’au Nord. Quand on est engagé chez ces gens, on est engagé! Personne ne peut prétendre ignorer o๠il met les pieds quand il va à  Douentza. » Les jeunes suspects interrogés à  la gendarmerie de Sévaré viennent de toutes les régions du Mali, voire de l’étranger. Du Burkina Faso et des pays voisins, mais aussi de bien plus loin… « Votre djihadiste français, Ibrahim Ouattara, a été arrêté ici même », rappelle le sergent. Mais que penser d’Adama? Il semble tout ignorer de la stratégie des islamistes, et même que son pays est en guerre. Sur le chemin du retour, les deux adolescents ont demandé à  boire à  un vieux, qui a refusé de les aider: « Il nous a accusé d’être des islamistes. Puis un motard s’est arrêté, et a menacé de nous tuer. On a pris la fuite, mais j’ai eu peur. Alors, me voici.  » Mohamed a continué sa route, mais Adama s’est livré au motard, qui l’a amené aux autorités. Depuis le 22 janvier, il est en prison. A Sévaré, l’interrogatoire a été suivi d’un entretien avec un représentant du Comité International de la Croix-Rouge, installé sur place depuis mars 2012.