Presse malienne cherche désespérément financements

Au Mali, les journaux sont confrontés à de nombreuses difficultés. Ce qui oblige les patrons de presse à demander plus à l’État, ou à inventer des modèles leur permettant de se développer

Depuis 20 ans, le gouvernement alloue annuellement 200 millions de francs CFA d’aide à  la presse. Cette subvention, l’une des plus basses de la sous-région, n’a pas augmenté depuis des années, alors que le nombre de journaux a explosé. « Cette aide ne figure même pas dans le budget de l’État et provient d’un fonds souverain de la présidence. Ce qui est déplorable, c’est le manque de critères d’attribution. Il faut juste exister pour prétendre à  cette aide », explique Alexis Kalambry, directeur de publication du journal Les Échos et vice-président de la Maison de la presse. Le secteur reste gangréné par les parutions éphémères, des journaux dit « clé USB », sans structure, ni personnel, qui peuvent obtenir les mêmes montants qu’une entreprise qui à  pignon sur rue. Trente-cinq millions seulement ont été affectés par le gouvernement aux journaux en 2015. « En même temps, l’administration est abonnée d’office aux principaux quotidiens nationaux comme l’Essor, quotidien public, L’Indépendant ou le Républicain, ce qui est une subvention déguisée », observe un patron de la presse en ligne.

Selon Kalambry, la portion de l’aide qu’a reçu son journal « ne couvre même pas une semaine d’exploitation du quotidien ». Vendu à  300 francs CFA, avec un coût de fabrication de 250 francs, les 50 francs de marge dégagés se partagent avec le revendeur, qui reçoit 30%. Compte tenu des faibles volumes vendus, liés à  une culture de la lecture inexistante, la presse est obligée de se tourner vers d’autres bailleurs.

La pub comme remède Ces financements alternatifs viennent principalement de la publicité, qui peut représenter plus de 60 % du chiffre d’affaires d’un journal. Cette manne financière a été initiée par les opérateurs Télécoms, au début des années 2000, suivis par les banques et les produits de consommation courante. Plus gros bailleur du secteur, Orange ferait à  lui seul 70 % du chiffre d’affaires de certains journaux. Des contrats annuels de deux à  cinq millions sont souvent signés avec des grandes entreprises pour publier avis, insertions et communiqués. Néanmoins, les journaux qui arrivent à  construire un business model sur la publicité ne sont pas nombreux. « le nombre d’annonceurs n’est pas large et ils souhaitent en général se voir afficher dans un support à  fort tirage et de bonne qualité d’impression », confie un directeur de publication. Une grande partie de la presse est aussi financée par des bailleurs cachés, souvent des hommes politiques, qui mettent la main à  la poche pour financer ces parutions. La solution pour subsister repose aussi sur la diversification des activités. Quelques organes l’ont compris et sont adossés à  des imprimeries (l’Indépendant, les Échos, l’Indicateur du Renouveau), ce qui permet de réduire les coûts. D’autres ont développé de véritables groupes incluant maison d’édition, régie d’affichage et agence de communication, ou radio et télévision. Bien que la majorité des entreprises de presse ne soit pas encore prête à  passer de l’ère Gutenberg à  celle de Google, le web semble aussi un créneau à  développer.

Vers une revalorisation du financement de la presse ? En 2015, la maison de la presse a fait des propositions à  l’État concernant l’augmentation de l’aide et les critères d’attribution de cette subvention, pour assainir le secteur. Parmi elles, des mécanismes de subvention indirecte et des avantages fiscaux, permettant de faire baisser les charges. Sur ces sujets, le président IBK a promis de « fournir plus d’efforts », car, a-t-il estimé lors des voeux en début janvier, qu’ « une presse responsable et mieux équipée contribue efficacement au développement du pays ». Les paroles du chef de l’État ont été entendues par toute la profession. Reste maintenant à  les concrétiser.

Médias: Gbich!, un éclat de rire ivoirien

Quand la presse ivoirienne fait le coup de poing, C’’est parfois pour la bonne cause. Celle de l’humour qui démine les tensions. En onomatopée made in Côte d’Ivoire, le bruit du coup de poing se transcrit en «gbich!». Et Gbich! est le nom d’un hebdomadaire d’humour et de bande dessinée. Son slogan enfonce le clou: «Le journal qui frappe fort.» l’idée du journal germe, en 1997, dans l’esprit de Lassane Zohoré et Illary Simplice. Le premier est directeur artistique à  l’agence de publicité Nelson McCann. Mais sa passion est le dessin. Il anime déjà  une rubrique humoristique –«le sourire du jour»- dans le groupe de presse Fraternité Matin contrôlé par l’Etat. Il rêve d’impertinence. Un ordinateur sous le bras, un week-end de novembre, il entraà®ne son collègue dessinateur Illary dans la ville d’Adzopé. Brainstorming. Le concept d’une publication d’humour prend forme… De retour à  Abidjan, le duo s’assure la collaboration d’autres spécialistes du «poil à  gratter» journalistique: Bledson Mathieu, journaliste au quotidien Ivoir’Soir, Blehiri Serge-Alex, cruciverbiste à  l’hebdomadaire Top-Visages, mais aussi Karlos, T. Gbalin et Kan Souffle. Le premier numéro de Gbich!, tiré à  15.000 exemplaires, apparaà®t en kiosque le 7 janvier 1999. Zohoré en est le directeur de publication. Grand succès, même auprès de Gbagbo Le succès est immédiat. La structure prend progressivement de l’ampleur. Les acolytes créent les Studios Zohoré spécialisés dans la création publicitaire. D’abord en bichromie, le journal passe à  la quadrichromie dès son numéro 19. Il stabilise sa périodicité hebdomadaire dès l’année 2000. Il atteindra progressivement un tirage de 37.000 exemplaires. En 2009, C’’est en grande pompe que Gbich! célèbre sa première décennie d’existence. Le 9 juin, au Palais de la culture d’Abidjan-Treichville, s’ouvre le Festival Gbich! 10 ans déjà . On y commémore notamment la visite surprise du président Laurent Gbagbo au siège du journal, en décembre 2004. Comme de bien entendu, l’ancien Président s’y était déclaré «fan» du journal qui l’égratignait à  qui mieux-mieux. Malgré une baisse des ventes stabilisées aujourd’hui à  10.000 exemplaires, le Gbich! s’est imposé comme une petite institution. Et si douze ans d’existence est un chiffre qui n’impressionnerait pas le français Canard Enchaà®né, C’’est déjà  un exploit dans une région ouest-africaine o๠le printemps de la presse date des années 90. Et rares sont les journaux satiriques à  avoir survécu à  cette période. Ni le Kpakpa désenchanté togolais. Ni le Canardeau nigérien. Effet antidépresseur Le Gbich! est un antidépresseur dans une Côte d’Ivoire traversée par tant de violence ces dix dernières années. Bien sûr, le taux d’analphabétisme –de l’ordre de 55%– est un frein au développement de la presse écrite. Mais justement: l’utilisation du dessin permet de conquérir des lecteurs qui ne savent pas lire. De plus, la presse papier africaine a encore de beaux jours devant elle. Le taux de connexion au réseau Internet est encore si faible que les journaux ne craignent pas trop la concurrence numérique. En Côte d’Ivoire, un demi-million d’Ivoiriens (environ 2,5% de la population) a aujourd’hui accès à  la toile, dont 80% à  partir d’un cybercafé. Le taux de pénétration des web-magazines reste faible. La force spécifique du Gbich! vient aussi du fait qu’on y tape indifféremment sur tout le personnel politique. Fait rare dans un pays o๠la presse, très politisée, s’accoquine souvent avec tel ou tel parti. l’hebdo a eu l’intelligence d’allier la satire politique à  un humour de type «gag» dont sont si friands les Ivoiriens. Les sujets traités ne sont jamais très éloignés de la vie quotidienne. Le lecteur y retrouve la foisonnante culture populaire véhiculée par le nouchi, ce phrasé argotique typiquement ivoirien inspiré de la langue française. Un festival de langage qui se retrouve dans les titres des rubriques de l’hebdo: «Et dit tôt!», «Z’yeux voient pas, bouche parle», «Courrier drap», «Gbichaaan!» ou encore «Affaires Moussocologiques» inspiré, lui, du mot bambara «mousso» qui signifie «femmes». Et le Gbich! continue d’élargir son audience au-delà  de son produit de base. Par le biais de la bande dessinée, il a fait naà®tre toute une série de stars en papiers: Tommy Lapoasse, jeune étudiant à  la guigne légendaire, Jo’ Bleck le tombeur de ces dames, Papou le gamin innocent, Gazou La-doubleuz qui résiste aux Dom Juan ou encore Sergent Deutogo le militaire corrompu qualifié de «corps à  billets». Chacun projette l’esprit Gbich! vers l’édition. Mais la star des stars est Cauphy Gombo, l’homme d’affaires sans scrupules qui a même fait l’objet d’une déclinaison télévisuelle plutôt réussie, avec le célèbre comédien Michel Gohou dans le rôle-titre. Les pistes d’extension du concept Gbich! ne manquent pas et le satirique sait segmenter son lectorat. Quelques années après le Gbich! apparaà®t Gbichton pour les enfants et Go magazine pour les femmes. Dans la foulée des Studios Zohoré, le directeur de publication de l’hebdomadaire crée Afrika Toon en 2006, structure spécialisée dans la réalisation de films d’animation 2D et 3D. Ambitieuse, la publication satirique entend devenir un groupe multimédia international. International grâce au lancement, en 2012, de Gbich diaspora; multimédia avec l’ouverture prochaine de Gbich FM. Pourvu que ces patrons de presse ne deviennent pas des «groto» («bourgeois» en nouchi) «zango» («tirés à  quatre épingles»). On a besoin de leur humour «were were» («déluré»)…

Cheick Oumar Maiga : « les journalistes n’ont pas besoin d’être craints, mais respectés ! »

C’était lors d’une conférence de presse ce matin en prélude à  la journée nationale de réflexion de la communication du Mali qui se déroulera du 21 au 24 décembre 2009. Cheik Oumar Maiga, actuel secrétaire général du ministère de la communication et des nouvelles technologies, et par ailleurs docteur en journalisme, était face à  ses confrères pour échanger sur les forces et les faiblesses de la presse malienne. Un comité scientifique composé de journalistes renommés tels que Sidiki Nfah Konaté, l’actuel directeur de l’ORTM, Cheik Mouktary Diarra, Ancien rédacteur en chef de l’Essor (quotidien national) et ancien Ambassadeur au Sénégal, Cheikna Hamalla Diarra responsable de la cellule de communication de la primature, et M. Kaba, ancien Ambassadeur en Egypte, directeur de l’ORTM et de l’Essor. Pendant cinq jours, ces experts de la communication vont mener une réflexion sur les textes juridiques et réglementaire de la presse malienne, en vue d’une révision. Le dynamisme et la liberté de la presse malienne Le Mali est de nos jours considéré comme l’un des meilleurs exemples du continent en termes de liberté d’expression et de pluralisme démocratique. Ce statut, le Mali le doit entre autres à  la multiplication et à  la diversité de son paysage médiatique. A la date d’aujourd’hui, le pays compte plus de 300 radios (privées, associatives, communautaires) une quarantaine de publications écrites en français et de 4 journaux en langues nationales. Le dynamisme et la liberté de la presse malienne en font l’une des références du continent, favorisé par la mise en place d’un cadre législatif et réglementaire révolutionnaire, suite aux conclusions des 1ere journées nationales de réflexion sur l’information et la communication de décembre 1991. Le socle juridique de l’environnement communicationnel s’est consolidé ensuite au terme des deuxièmes journées de réflexion, en 1996, qui ont crée les conditions d’amélioration et d’épanouissement pour les medias. Une nécessaire révision des textes l’objectif de la 3ème journée nationale de la communication n’est autre que de moderniser des textes vieux de treize ans. Selon le secrétaire général Cheik Oumar Maiga, il est nécessaire d’observer une pause pour évaluer le chemin parcouru, analyser sans fard les forces et faiblesses de notre arsenal juridique et réglementaire, afin de dégager des pistes d’adaptation à  l’environnement actuel. Justifiant cette révision, Cheik Oumar Maiga rappelle que de 1996 à  nos jours, l’environnement politique et le contexte socio économique du Mali ont beaucoup évolué. « Le pays a connu plusieurs élections, une alternance démocratique, et un élargissement sans précèdent des espaces de liberté et d’expression : décentralisation, participation accrue des populations à  la gestion de leur cité, développement des nouvelles technologies de la communication », a-t-il laissé entendre. A ces changements, notables, il faut ajouter le boom extraordinaire des organes de presse et des agences de communication, le pluralisme radiophonique, l’aide publique à  la presse et l’émergence d’association professionnelles dynamiques comme l’Association des éditeurs de la presse privée (ASSEP), l’union des radios libres et télévisions, la maison de la presse et ‘l’explosion des nouveaux métiers de la communication favorisée par les TIC. Paradoxalement, au moment même ou l’on enregistrait des avancées notables en termes d’élargissement des espaces de liberté, de consolidation et de pluralisme, des dérapages et des violations graves de l’éthique et de la déontologie journalistique ont été observées. C’’est ainsi que M. Maiga a déploré le comportement de nos confrères qui, entre autres, font des articles sans vérifier leurs sources.