Après le contre coup d’état,10 officiers dans le collimateur de la justice.

La nouvelle est tombée ce mercredi 30 mai : le parquet de la commune III du district de Bamako a décidé d’interpeller en justice de hauts cadrés de l’armée et de la police nationale. Il s’agit notamment du général de brigade Hamidou Sissoko dit «Â Man » (intime ami du président Amadou Toumani Touré, dont il était le chef d’Etat-major particulier jusqu’au coup d’Etat du 22 mars), le commandant d’aviation Mamadou Lamine Konaré dit «Â Mala » (fils ainé de l’ancien président Alpha Oumar Konaré et troisième personnalité de la Sécurité d’Etat sous l’ancien régime), les colonels Abdoulaye Cissé, Hamma Abdel Kader Coulibaly et Abdine Guindo (ancien commandant du Camp para des bérets rouges de Djicoroni jusqu’aux évènements du 30 avril dernier), les lieutenants Aly Traoré, Mohamed Ismaà«l Kanouté et Abdoul Wahab Coulibaly, les commissaires de police Adama Siriman Coulibaly dit «Â Chine » et Ismaà«l Traoré. Que leur reproche t-on ? Les officiers cités sont accusées de plusieurs chefs d’inculpation, comme «Â atteinte à  la sécurité intérieure du pays, détention illégale d’armes à  feu, assassinat et tentative d’assassinat, vol, association de malfaiteur, etc. ». Au tribunal de la commune III, on n’explique pas les évènements qui ont suscité cette action en justice. Mais tout porte à  croire qu’elle serait en relation la «Â découverte d’armes de guerre dans le domicile de certains responsables militaires et politiques »Â (présentées à  la télé par le directeur national de la gendarmerie). Cette instruction judiciaire devrait également être en lien avec le présumé «Â contre coup d’Etat » du 30 avril, o๠des affrontements meurtriers ont eu lieu entre bérets rouges du Camp Para et bérets verts du capitaine Sanogo. On comprend pourquoi l’ex aide de camp d’ATT, Abdine Guindo (précédemment commandant du Camp Para, encore introuvable) est sur la liste des 10 officiers inculpés. Après le 30 avril, plusieurs interpellations de militaires et d’homme politiques (comme celle de Hamidou Sissoko, Mamadou Lamine Konaré, etc.) ont suivi.  » Complicités politiques  » En plus des dix officiers cités, les poursuites pourraient s’étendre à  d’autres responsables politiques ou militaires. Après la «Â découverte d’armes de guerre » à  Bamako, plusieurs leaders politiques avaient fait l’objet d’arrestations. C’’était le cas, entre autres, des généraux Kafougouna Koné et Sadio Gassama, l’ex Premier ministre Modibo Sidibé, Soumaà¯la Cissé (candidat de l’URD), etc. l’ouverture de cette action judiciaire intervient seulement dix jours après la signature d’un accord de sortie de crise entre la junte du capitaine Sanogo et le médiateur de la CEDEAO. Les prochaines arrestations risquent d’impliquer d’anciens candidats à  la présidentielle, déjà  interpelés par la junte. On se rappelle l’arrestation de spectaculaire de Dramalé Dembélé, ancien patron de la direction nationale de la géologie et des mines, en détention depuis avril, suite à  une affaire de SMS avec le président de la transition Dioncounda Traoré. Réputé très proche de celui-ci, M. Dembélé demeure la seule personnalité à  ne pas bénéficier d’une libération malgré la pression de la communauté internationale. Jusqu’o๠iront donc les enquêtes dans cette affaire ?

Rentrée judiciaire : Non à l’abus du droit de grève !

Privilégier le dialogue social C’’est une grande cérémonie solennelle qui a regroupé le monde judiciaire de notre pays pour cette rentrée des cours et tribunaux au titre de l’année 2010-2011. C’était en présence du Premier ministre, Modibo Sidibé, des membres du gouvernement, des présidents des institutions de la République et des représentants du corps diplomatique. La présidente de la Cour suprême a souligné la pertinence du thème de la rentrée judiciaire de cette année qui se déroule dans le contexte particulier de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance de notre pays. Mme Diallo Kaà¯ta Kagnantao a rappelé le rôle joué par la justice dans l’évolution politique et sociale de notre pays. En prenant la parole, le chef de l’Etat n’a pas manqué de rappeler que le droit de grève est une liberté fondamentale consacrée par la Constitution. Mais s‘il est vrai que le droit de grève est un acquis, l’usage qui en est fait peut se révéler dangereux. Les activités socio-économiques peuvent se retrouvées prises en otages par des mouvements intempestifs et mal gérés. Or, ce droit coexiste avec le principe de continuité du service public et « on ne peut traiter l’un sans l’autre, d’o๠les limites dans lesquelles ils s’enferment mutuellement », dira Amadou Toumani Touré. Il est donc indispensable d’instaurer un dialogue social qui permet de désamorcer les conflits sociaux en privilégiant la voie de la concertation et du consensus. Le droit de grève mieux expliqué Le juge de paix à  compétence étendue de Ouéléssébougou, Djibril Kane, qui a développé le thème de cette rentrée, a passé en revue l’exercice du droit de grève, le cadre juridique de l’exercice de ce droit, ses limites ou ses restrictions. « La grève est définie comme une cessation collective et concertée de travail, afin de soutenir les revendications professionnelles », a expliqué le magistrat. La grève, selon Djibril Kané, doit toujours reposer sur des revendications légitimes. Elle intervient très souvent lorsque les négociations ont échoué. Il a cité en exemple la demande de paiement des heures supplémentaires par un groupe de travailleurs. Toutefois dans certaines situations, a-t-il poursuivi, les parties ont recours à  l’arbitrage. Avant de rappeler les sujétions particulières concernant certaines fonctions difficilement compatibles avec le droit d’aller en grève. Ainsi, le comité de la liberté syndicale du Bureau international du travail exige le service minimum en cas de grève dans certains services comme les services des hôpitaux, le secteur eau et électricité, le transport aérien, la radio et télévision nationales. Certaines catégories de fonctionnaires n’ont tout simplement pas le droit de faire grève. Il s’agit des agents de la police, de la protection civile et de la justice. Le magistrat a, pour finir, évoqué des grèves sauvages qui sont parfois fréquentes dans notre pays. Il a pointé du doigt les grèves des transporteurs qui sont parfois accompagnées de violences et parlé des sanctions qu’encourent certains grévistes. Il peut s’agir de sanctions pénales ou civiles. Non aux dérives Quant au Bâtonnier de l’Ordre des Avocats, M. Seydou Maà¯ga, il a rappelé les pages glorieuses du mouvement syndical malien, ainsi que les nombreux acquis et les avancées obtenus grâce à  l’exercice du droit de grève qu’il qualifie de « catalyseur social ». Il a souligné qu’une mauvaise assimilation de l’exercice du droit de grève peut conduire au désordre et à  l’anarchie. Le Procureur général a, de son côté, appelé à  la fermeté face à  des dérives qui portent gravement atteinte à  l’intégrité physique et aux biens publics et privés. Depuis plus de deux décennies, le Mali connaà®t le syndrome des débrayages affectant surtout l’espace scolaire et universitaire.

Rentrée Judiciaire : sous le signe des affaires foncières

Sous le signe du foncier Présidée comme à  l’accoutumée par le président de la République, cette rentrée a vu affluer les composantes de la grande famille judiciaire. A savoir, les magistrats ainsi que les auxiliaires de justice (le Barreau, la chambre des notaires, celle des huissiers, les commissaires priseurs…). « l’exécution diligente des décisions judiciaires en matière du foncier, source de paix sociale », indiquait une banderole conçue pour la circonstance. Cela est d’autant plus vraie que tous les acteurs de la justice en sont conscients. Elle avait pour thème « le juge et la sécurité foncière ». Ce thème est bien en phase avec l’actualité, dans la mesure ou la problématique du foncier est au centre d’un forum qui se tient actuellement. Dans la pratique, les juges sont ne semblent pas accorder une importance particulière aux affaires foncières. Bien que le phénomène constitue de véritables bombes à  retardement susceptibles de causer de graves troubles sociaux. ATT fustige la justice Malienne Conscient de la mauvaise pratique de la justice dans le domaine du foncier, le président ATT a saisi l’occasion pour fustiger la justice malienne qu’il qualifie être à  la base de l’attisement des problèmes fonciers à  travers la lenteur des dossiers. ATT a laissé entendre que « l’élaboration d’une législation par l’adoption d’un Code domanial et foncier après l’accession du Mali à  l’indépendance, n’a malheureusement pas permis de faire la part des choses, entre le droit moderne et le droit coutumier, un droit au demeurant multiforme, méconnu et interprété quelques fois selon les vagues connaissances des assesseurs et les convictions subjectives du juge. C’’est ainsi qu’on assiste à  des procès qui durent souvent plusieurs décennies, dans cette matière foncière avec la complicité des responsables de l’administration de la justice avec comme conséquence la déperdition du temps et des ressources, singulièrement dans le milieu rural ». Sécurité foncière A en croire ATT, la sécurité foncière ne peut être garantie que dans un contexte ou les acteurs acceptent de jouer leur rôle conformément aux règles préétablies. Il est certain, que des lacunes existent dans nos textes et qu’il convient de clarifier certains concepts, notamment en matière de droit coutumier, ainsi que le chevauchement des compétences, entre tribunaux administratifs et tribunaux civils. Ainsi, ATT a vivement recommandé aux ministères en charge de la justice et du foncier à  procéder au nécessaire travail de relecture du code domanial et foncier, afin d’apporter les correctifs qui faciliteront la mission qui consiste pour le juge, à  dire le droit quelles que soient les lacunes ou ambiguà¯té d’un texte. La présidente de la Cour suprême, Mme Kayantao avait déclaré qu’« il est urgent de trouver une solution au problème foncier surtout quant on sait que le Mali veut faire de l’agriculture le moteur du développement». Dans un exposé, on ne peut plus, limpide sur thème : «le juge et la sécurité foncière », le président par intérim du tribunal administratif de Kayes, Dougal Cissé, a déploré le fait que le juge n’intervient que lorsque la situation a empirée. Litiges Au cours de son allocution il s’est appesanti sur la problématique de la gestion foncière sous deux angles majeurs : la gestion coutumière et celle administrative des terres. « Les deux gestions ne font qu’apporter des problèmes et résolution de ceux-ci ne résident que dans l’élaboration d’une politique foncière adéquate qui va sécuriser les textes judiciaires en tenant compte des réalités sociales ». Dans son plaidoyer, le bâtonnier Me Seydou Ibrahim Maiga, a martelé que « l’Etat abuse souvent de son droit d’expropriation sans pour autant réparer convenablement le préjudice ». En outre, ajoute-t-il, il a dénoncé le fait que, le plus souvent, les différents jugements concernant le foncier se contredisent. En tous les cas, les problèmes inhérents au foncier constituent une réalité à  part entière. Et, la lenteur judiciaire dans le traitement des litiges fonciers n’est ni plus ni moins que la goutte d’eau qui fait déborder la vase. D’o๠l’urgence pour tous les acteurs du secteur (y compris la justice), de tendre vers une refondation des consciences.