Peuls du centre du Mali : Une crise qui vient de loin

Les premiers signaux forts datent de plusieurs années déjà. Depuis l’apparition du Front pour la Libération du Macina, mené par le prédicateur peul Amadou Koufa, les Peuls sont pris pour cible par tous les acteurs sur le terrain. Une situation qui désormais semble échapper à tout contrôle.

C’est du moins ce que soutiennent les différents mouvements de défense de ce qu’il est convenu d’appeler « la cause peule ». La situation a complètement dérapé, déplorent ces groupes et associations, qui rappellent qu’ils tirent la sonnette d’alarme depuis 2015. Tabital Pulaku et Kisal, entre autres, ainsi que plusieurs personnalités de la communauté avaient relaté de nombreux cas d’attaques de hameaux peuls ou de bergers, avec un schéma récurrent, aboutissant à l’enlèvement du bétail. « On nous tue pour nous voler nos animaux », assure Amadou (pseudonyme), joint au téléphone dans la région de Mopti. Extrêmement révolté par la situation, il affirme avoir vécu la dernière attaque à Nantaka et se dit de moins en moins sûr que ce soit des « chasseurs » qui s’en prennent à sa communauté. « Nous avons toujours vécu en bonne entente avec les Bambaras, les Bozos, les Dogons. Pourquoi cela a-t-il changé ?», se questionne également Boubacar Bah, agent comptable à Bamako. « Nous ne devons pas payer pour Koufa. Ils savent où il est, qu’ils aillent le chercher et qu’ils nous laissent tranquilles »….

Crise négligée Début 2015, commentant les résultats d’une étude menée par l’Institut Macina, qu’il dirige, Adam Thiam déclarait « plusieurs mouvements locaux et des organisations des droits de l’homme rapportent et dénoncent des exactions dont les forces de l’ordre se rendraient souvent coupables contre des éléments peuls sur le simple fait qu’ils sont Peuls. S’y ajoutent les violences des groupes de chasseurs traditionnels, les Dozos, contre des éléments peuls ». Le journaliste-chercheur disait déjà à cette époque son inquiétude de voir s’installer un  « cycle de vendetta ou de colère », portant les « germes de conflits interethniques encore plus inquiétants ». « Enjeux et dangers d’une crise négligée », tel était le titre de l’étude. Trois ans et demi plus tard, les prédictions les plus pessimistes se concrétisent. Le cycle attaque – vengeance redouté s’est installé. L’une des recommandations de l’Institut Macina était une plus forte présence de l’État. « Mieux d’Etat », expliquait M. Thiam. « C’est pour cela que je parle de la force, de la présence et de la légitimité de l’État. Ce n’est que l’État qui peut régler cette question, ou il en subira les conséquences », conclut Abdelhak Bassou, chercheur spécialiste à l’OCP Policy Center des questions de sécurité et de terrorisme au Sahel.