Alou Doumbia, le bouc émissaire ?

L’histoire pourrait s’arrêter là , mais ses proches, ses amis et collègues, dépeignent un jeune homme aux antipodes de l’islamiste affiché par les médias. à€ Magnanbougou, dans la maison familiale d’Alou Doumbia, on oscille entre tristesse, colère et incompréhension. Le père, la cinquantaine passée, les yeux rougis, n’en revient toujours pas. « Alou est un garçon simple et gentil. Il n’a jamais eu d’antécédents avec la police. Baladez-vous dans le quartier, poser des questions sur mon fils, tout le monde peut témoigner! ». Dans le voisinage, les gens ont été très surpris de voir la photo d’Alou dans les journaux, désigné comme le 2ème cerveau du massacre de Bassam. Au fil des personnes interrogées, l’homme décrit dans les journaux semble diamétralement opposé à  celui que la plupart connaissent. « Le « petit » ne faisait que son travail ». « C’est un chauffeur, il a l’habitude d’aller chercher des voitures que ce soit à  Dakar, Lomé ou Abidjan», expliquent des voisins. « Il s’est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Avec la pression qu’ils ont dû lui mettre, il a dû avouer que c’était lui », résume une connaissance de la famille. Le portrait que tous brossent est celui d’un jeune homme, immature, pas vraiment outillé pour être le bras droit du cerveau qui a planifié le massacre de Grand Bassam. Bamako-Abidjan Selon son entourage, c’est Kounta Dallah, le cerveau présumé des attentats, plus connu dans le quartier comme « Mimi », qui lui aurait demandé d’amener une Toyota 105 V8 sur Abidjan. La famille de « Mimi » vit dans une grande maison blanche à  100 mètres de celle des Doumbia. « Ce monsieur (Kounta Dallah) est un tamasheq. Le reste de la famille habite à  Gao. Il venait souvent à  Bamako quand son père n’était pas là . Ils sont intégrés dans le quartier et parlent à  tout le monde », explique le frère d’Alou. Man travaillait pour Kounta Dallah depuis 5 ou 6 ans. Dans les fréquents voyages que ce dernier faisait vers Gao, Kidal ou Tikret, Man était son chauffeur. Le 11 avril au matin, Man grimpe dans le 4/4 Toyota, seul, et prend la route pour Abidjan. « Il a pris la voiture mais ne l’a évidemment pas fouillée, il ne savait pas qu’il y avait des armes à  l’intérieur », ajoute son frère. Pour agrémenter la paie qui n’est pas fameuse, Man, comme c’est souvent le cas dans le métier, fait monter des personnes sur la route allant dans la même direction que lui. Aller et retour se déroule sans encombre. Il regagne, quelques jours plus tard, la capitale malienne et reprend sa vie comme si de rien n’était. « Il ne se cachait pas. Il était là  avec nous comme à  son habitude » décrit un ancien du parking. Quelques jours plus tard, la sauvagerie meurtrière des attentats de Grand Bassam plonge la Côte d’Ivoire dans l’effroi. L’ennemi public n°2? C’’est le samedi 16 avril, peu avant 19h30 que tout bascule. Le téléphone de Man sonne. Un ami le convie à  le rejoindre derrière le parking à  200 mètres pour prendre le thé. Le jeune homme rejoint son grin et y trouve ses amis dont l’un est commissaire de police. Ce dernier l’attire à  l’écart. Une voiture grise débouche alors en trombe et s’arrête à  leur niveau, des hommes armés en sortent et les embarquent. Son ami est immédiatement relâché. On ne le reverra plus dans le quartier. La nouvelle se propage rapidement, la bête médiatique s’emballe faisant voler en éclat cette mince notion qu’est la présomption d’innocence. Man, le « petit » n’est plus, les journaux titrent « le terroriste », « le n°2 », la « tête pensante des attentats ». Les jours passent, la tension retombe. Depuis son arrestation, aucune force de police n’était venue interroger la famille Doumbia, à  la date du 26 avril, ou ses collègues au parking, et la maison blanche des Dallah n’a pas été perquisitionnée. Interrogé à  ce sujet, le procureur général ne souhaite pas s’exprimer pour le moment au sujet de ce dossier sensible. Sur « Mimi », les rumeurs du quartier disent qu’il aurait fui, quelque part entre Kidal et la frontière algérienne. Aujourd’hui, la famille est sans nouvelles d’Alou, son lieu de détention étant tenu secret. Tous vivent dans l’angoisse du sort qui sera réservé à  celui à  qui l’on fait porter un costume qui semble bien trop grandÂ