Mali – Retour de l’administration : bientôt une réalité ?

En sa session du 22 juin dernier, le Conseil des ministres a nommé 189 sous-préfets, dont de nombreux militaires. Pour le ministère de l’Administration territoriale, l’objectif est de mettre en place les conditions d’un retour de l’administration afin de fournir aux populations les services sociaux de base. Cependant, des interrogations se font jour quant à l’efficacité réelle de ces nominations pour le retour effectif de l’administration.

Selon le dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation au Mali, au 28 février dernier « 4 préfets sur 8 (50%) et 7 sous-préfets sur 55 (13%) étaient déployés dans la région de Mopti. En outre, 6 préfets sur 7 (86%) et 11 sous-préfets sur 39 (29%) étaient présents dans la région de Ségou ». Ces chiffres mettent en exergue l’absence des représentants de l’État dans de nombreuses localités depuis bien longtemps et celle des services sociaux de base qui va avec. « Avec l’insécurité que nous vivons depuis bientôt une décennie, l’administration s’est adaptée et elle parvient à jouer son rôle, mais pas de façon directe comme elle a toujours procédé auparavant », relativise Abdoul Salam Diepkilé, Directeur de l’Administration du territoire.

Il poursuit en expliquant que les récentes nominations de sous-préfets portent à près de 300 le nombre de représentants de l’État nommés en moins de quatre mois, avec comme objectif affiché le retour effectif de l’administration. « Avec l’insécurité que notre pays a connu, l’administration s’est repliée dans beaucoup de zones. Donc il faut mettre en place les conditions de son retour. Avec les opérations militaires qui sont actuellement en cours sur toute l’étendue du territoire, il était bon pour l’Administration territoriale de suivre la dynamique et de redéployer au plus vite les représentants de l’État afin de fournir aux populations les services sociaux de base et de les rassurer ».

Pour les représentants de l’État qui ont fait l’objet de nominations récentes mais qui n’ont toujours pas été installés à leurs postes, le Directeur de l’Administration du territoire précise que leur redéploiement est en cours. « Cela est dû souvent à des questions de formation, pour qu’ils s’adaptent aux réalités des milieux dans lesquels ils s’apprêtent à aller servir. En outre, il y avait des kits à enlever, des tenues à faire coudre. Donc cela a pris un peu de temps. Mais je crois que globalement le déploiement est en cours et se passe dans les conditions les meilleures ».

Conditions

Si ces vagues de nominations suscitent l’espoir, la question est de savoir si concrètement les conditions sur place favoriseront le retour de l’administration. Le nombre élevé de militaires dans les rangs des représentants de l’État dans plusieurs zones du centre et du nord témoigne d’une prise de conscience réelle quant aux défis sécuritaires. « En fonction des réalités de chaque zone nous nous basons sur quelques constats. Tout d’abord nous nous assurons que la vie des représentants de l’État ne sera pas directement menacée. Ensuite, nous nous assurons que les conditions matérielles d’infrastructures existent pour permettre aux représentants de l’État d’affirmer sa souveraineté sur toute l’étendue du territoire ».

Pour le Dr. Aly Tounkara, chercheur senior au Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel, ces vagues de nominations de sous-préfets et de préfets sont loin d’être suffisantes « pour garantir un retour effectif, et surtout utile, de l’État ». « Les nominations sont théoriquement nécessaires, mais elles ne suffisent pas quand on regarde les raisons qui ont été à l’origine de l’absence de l’État ou le fait qu’il se soit  replié sur lui-même. Ces raisons ne sont pas sérieusement étudiées par l’élite militaire au pouvoir. Parmi celles-ci, il faut rappeler que les communautés peinent à comprendre l’utilité sociale de l’État. Quand on regarde la manière dont la justice est distribuée, faut-il envoyer des sous-préfets militaires, accusés à tort ou à raison par certains nombre de communautés d’être des prédateurs, pour que la justice soit équitable entre les communautés ? Je ne pense pas que cela soit une solution ».

À la question de savoir si les militaires qui vont faire office de représentants de l’État dans les zones d’insécurité seront à la hauteur de souhait, la Direction de l’Administration du territoire répond que des dispositions ont été prises pour ne pas les déployer sans mise à niveau. « À travers une formation poussée sur la gestion des crises, les relations avec les populations, les politiques du Genre et la rédaction administrative, ils seront aptes à occuper leurs fonctions dans les jours à venir, dans les conditions idoines ».

Boubacar Diallo