Lassa : La cité Rasta

Appelé Colline de l’espoir par ses habitants, Lassa, quartier situé en Commune IV du District de Bamako, est unique en son genre. Site éloigné du bouillonnement urbain et perché à 500 mètres d’altitude, l’endroit aurait été défriché par des chasseurs de girafes à l’ère Soundiata Keita. Aujourd’hui, il fait le bonheur de la communauté Rasta du Mali, qui y a élu domicile en nombre.

Le quartier  s’apparente à un « paradis terrestre », ce « Zion » tant recherché par les Rastas. Le temps y coule calmement, loin du brouhaha des autres quartiers de Bamako. Au départ, c’était uniquement un refuge pour les Rastas, mais depuis quelques années des familles s’y installent peu à peu, bénéficiant, à défaut de grandes structures, d’une vue exceptionnelle sur le fleuve Niger.

« Par rapport aux nombreuses stigmatisations dont ont souffert les Rastas par rapport à la méconnaissance totale du rastafarisme à l’époque, nous avons décidé de venir à Lassa, parce que c’est une colline. La colline inspire le maquis et le maquis, c’est là où nous nous réfugions », explique Ras Charlie, Président du Mouvement Rastafari du Mali (Mourasma).

Contrairement à la perception qu’ont beaucoup de personnes à l’extérieur du quartier, Lassa n’est pas un coin dangereux où « l’herbe est fumée à outrance ». « C’est un coin où il y a de la fraternité, où les gens vivent ensemble. C’est un gros village paisible dans la capitale », relève Hadja Fanta Diabaté, artiste.

Sauvegarder la philosophie rasta

Lassa est connu au-delà du Mali, plusieurs noms du mouvement rasta à travers le monde y ayant séjourné, notamment Takana Zion de Guinée et d’autres venus de la France. Aujourd’hui, le quartier continue d’attirer les adeptes du rastafarisme.

« C’est un lieu où je viens me reposer et passer du temps. Ici, vous pouvez écouter de la musique comme çà, en plein air. Le quartier est empreint de la culture malienne », témoignait en 2018 un fan français de reggae en visite sur les lieux.

Depuis l’année dernière, pour ancrer encore plus le rastafarisme à Lassa, l’association Farrawo, dirigée par l’artiste Roots Phéno, a initié le Festival international de Lassa, véritable occasion d’hommage à Bob Marley et de communion entre artistes venus de la sous-région.

« Nous avons souhaité rendre hommage à Bob Marley ici, à Lassa, parce qu’il symbolise plus que le reggae. C’est plus que de la musique, c’est un message, un appel à l’amour, à la paix et à l’unité », souligne le reggaeman.

Le LAC de Lassa : un laboratoire pour la création

Le Laboratoire d’Agri Culture urbaine (LAC) regroupe un collectif de designers et d’artistes qui unissent leurs compétences pour produire, enseigner et diffuser leur savoir-faire. L’éventail de leurs compétences est large : sculpture sur le bois, pierres, cornes calebasses, os et tressages.

Le projet a été pensé et réalisé en 2011 par Sidiki Traoré et Carole Refabert pour un coût de 150 millions de francs CFA. Ils ont l’un et l’autre la double nationalité malienne et française. Il est artiste plasticien designer et a longtemps vécu hors du Mali. Elle cherche à devenir artiste urbaine et paysanne après avoir sévit dans le marketing et la communication en France et au Japon. Le LAC, situé sur le flanc de la colline de Lassa en Commune IV du district de Bamako, est une galerie pour diffuser les créations du collectif mais aussi d’autres artistes associés qui ouvrira ses portes au mois de septembre prochain. Amadou, le sculpteur sur bois est d’une dextérité et d’une précision étonnante. Il réalise des portes, tables, chaises ou tabourets qui servent au quotidien. « Le plus magique, c’est quand il sculpte des fourchettes ou des peignes, comme un défi à son savoir-faire pour sortir du très fin de cette matière déjà  fragile », explique Carole. Le bois qu’il utilise est le plus souvent du guenou, le bois imputrescible le plus courant au Mali, qui sert aussi à construire les djembé et les percussions.

Mélanges Le co-fondateur du LAC, Sidiki Traoré fabrique quant à lui des chaises et des canapés. Une partie de son art joue de la récupération. Pour lui, créer est un jeu qui vise à métamorphoser des objets décatis, fanés, flétris, issus de la casse, mais dotés d’indices qui permettent à son œil d’entrevoir leurs possibilités de reconversion en un nouvel objet. Ses chaises, il les revisite avec du fil de nylon et les techniques artisanales et traditionnelles de tissage. « Il y a beaucoup d’artistes et d’artisans talentueux au Mali et l’objectif du LAC est d’être une résidence d’artistes organisée leur permettant de partager leurs talents avec d’autres venus d’ailleurs, car rien de mieux que mélange, pollinisation, fusion et migration », explique Carole Refabert.