Laboratoires au Mali: Le LBMA en quelques mots

Créé en 2000 et dirigé par le Pr Ousmane Koïta, parasitologue et biologiste moléculaire qui a diagnostiqué en 2014 le premier cas d’Ebola au Mali, le Laboratoire de Biologie Moléculaire Appliquée (LBMA) est spécialisé dans la recherche sur les pathologies humaines et leurs vecteurs, les biotechnologies dans les productions végétales et animales, le suivi de cohortes en matière de santé publique (paludisme, fièvre jaune, dengue, fièvre de Crimée – Congo, etc.) et les anthropozoonoses, pathologies qui concernent à la fois les humains et les animaux.

Il compte 6 unités de recherche : Entomologie, Zoonoses, Parasitologie, Biologie Végétale, Génomique et Clinique. Si nous l’avons visité pour parler de l’actualité sanitaire, vu sa capacité à mener les tests de détection du nouveau coronavirus, il ne peut toutefois se résumer à cette seule compétence!

Covid 19 - Coronavirus - Laboratoire LBMA - Mali - Laborantin
Covid 19 – Coronavirus – Laboratoire LBMA – Mali – Laborantin

Comme tout laboratoire qui se respecte, le LBMA reçoit et forme en effet des chercheurs issus de différents instituts et facultés (Pharmacie, médecine, économie rurale, etc.). Il collabore au plan international avec de nombreuses universités, laboratoires et centres de recherche d’excellence, sur une nouvelle thématique « One health », qui traite des hommes, des animaux et de leur environnement. 

Citons, sans prétendre être exhaustifs, les universités de Montpellier et de Marseille en France, celles de Tulane, de Rhode Island et du Wisconsin aux États-Unis, l’université Ki Zerbo de Ouagadougou et l’Institut de recherche pour le développement (IRD), avec lequel le LBMA vient de lancer le Laboratoire Mixte International (LMI) Dyn-Pathos, pour étudier les maladies de certaines cultures (riz, coton) et l’évolution de la santé des agriculteurs exposés aux pesticides de synthèse chimique et aux risques environnementaux, co-dirigé par le Pr Koïta et Mme la Dr Marjorie Le Bars, chargée de recherches à l’Institut. 

Concluons en signalant les éminents chercheurs du LBMA ont déjà une quarantaine de publications scientifiques à leur actif dans les plus grandes revues internationales de référence, dont the Lancet, the American the Journal of Tropical Medicine an Hygiene Infectious Diseases ou the African Journal of Biotechnology.

Ramata Diaouré

 

COVID-19 : Immersion dans le Laboratoire de Biologie Moléculaire Appliquée (LBMA)

Médecins et infirmiers. Voilà les visages les plus en vue dans la lutte contre la Covid-19. Cependant, dans l’ombre, travaillent ceux sans lesquels on ne connaîtrait jamais le statut réel des cas suspects : les agents des laboratoires de diagnostic. Ils sont des dizaines, répartis entre les quatre laboratoires bamakois ayant la charge d’effectuer les tests relatifs au nouveau coronavirus. Immersion dans le quotidien du Laboratoire de Biologie Moléculaire Appliquée (LBMA) de Bamako, en pointe sur la ligne de front  contre la pandémie au Mali.

L’endroit ferait un bel hôtel. Niché sur le flanc gauche de la colline du savoir de Badalabougou, avec une vue splendide sur la capitale malienne. À l’horizon, le fleuve Niger serpente entre le pont Fahd et du pont des Martyrs, sous les rayons du soleil. Cependant il suffit d’entrer dans le bâtiment, après s’être dûment annoncé et de voir les personnes en combinaisons blanches et les équipements biomédicaux qui l’occupent pour sortir de sa rêverie. Nous sommes bien au Laboratoire de Biologie Moléculaire Appliquée (LBMA), abrité par l’Université des Sciences, techniques et technologies de Bamako.

Le Pr. Ousmane Koïta et son équipe nous y ont accueillis le 6 mai 2020. Hors de question d’accéder aux locaux, très sécurisés, sans s’être lavé les mains au savon. La pléiade de distinctions affichées dans le bureau directorial, dont une du Centre américain de contrôle des maladies, le célèbre CDC, démontre les compétences de l’homme qui dirige les lieux. 

Fondé en 2000, le LBMA s’intéresse à trois grandes thématiques de recherche. Il s’agit des maladies infectieuses, des anthropozoonoses (pathologies partagées à la fois par les animaux et les humains) et de la biologie végétale, qui s’intéresse aux pathogènes qui attaquent les cultures, à la qualité des eaux d’irrigation et aux produits utilisés pour la production (semences, engrais et pesticides, entre autres). 

« Nous avons opté pour cette approche parce que le Mali a des ressources très limitées. Nous ne pouvions donc pas nous spécialiser uniquement sur une maladie alors que nos équipement peuvent être partagés », explique le Pr. Koïta.

C’est ainsi que les équipements de l’unité zoonotique ont été mis à profit pour réaliser certains des tests du nouveau coronavirus, ceux qui sont acheminés vers la structure par la Commission nationale en charge de la riposte à la Covid-19. Structure universitaire de recherche autonome, le LBMA n’a encore bénéficié d’aucun appui financier dans cette lutte, mais l’État malien paie l’eau, l’électricité et le téléphone pour ses locaux. L’institution biomédicale est en fait financée par les appels à projets de recherche auxquels elle soumissionne et pour lesquels elle est retenue. 

Le labo de diagnostic qui nous intéresse est au premier étage. « Restricted area (Zone d’accès restreint) », peut-on lire à l’entrée. Obligation de porter un masque et d’user d’une solution hydroalcoolique pour quiconque veut entrer, après avoir montré patte blanche à la porte grâce à un badge. À l’ouverture, une alarme retentit, comme pour prévenir de la dangerosité des lieux. 

Équipés de combinaisons de protection, Ibrahim Traoré et Dr Salimata Diallo nous reçoivent. Chaque jour, avec 4 autres collègues doctorants ou déjà diplômés, ils se relaient pour répondre aux demandes de test qui arrivent de l’Institut National de Santé Publique (INSP), où siège la Commission nationale, pour des confirmations de guérison ou l’évaluation des cas suspects. 

Dès l’arrivée des prélèvements, protégés obligatoirement par un triple emballage homologué par l’OMS qui garantit une chaîne de froid variant de 4 à 8 degrés, intervient le contrôle de qualité des différents échantillons. Rapidement, un membre de l’équipe est détaché pour la préparation des bulletins de résultats, tandis que l’autre traite le prélèvement dans le poste de sûreté microbiologique niveau 2, une hotte sophistiquée. « Les échantillons manipulés dans ce poste sont protégés de toute souillure grâce à un filtre et l’air est recyclé de manière à ce qu’il ne soit ni contaminé par l’extérieur ni refoulé vers l’environnement de travail. Ainsi, les aérosols dégagés lors de la manipulation du virus ne peuvent pas atteindre l’intérieur du labo », explique le Pr Koïta.

C’est dans ce poste de sureté microbiologique que le virus est inactivé. Le reste du travail peut alors être effectué avec d’autres appareils. « Une fois l’inactivation terminée, on procède à l’extraction du matériel génétique afin de voir si le virus est présent ou non du point de vue moléculaire », poursuit Ibrahima Traoré.  

C’est ensuite à l’est du labo que le jeune Traoré nous amène. Le dispositif de la PCR en temps réel (une méthode particulière de réaction en chaîne par polymérase permettant de mesurer la quantité initiale d’ADN  ou d’ARN signature du virus), qui permet d’amplifier le matériel génétique en plusieurs millions de copies, est relié à un ordinateur. 

Pour rendre plus concrètes ses explications, Ibrahima Traoré nous fait découvrir les résultats des tests de la veille sur l’écran. Des courbes et des lignes apparaissent, sous formes d’un graphique, les courbes représentent les cas positifs (ou suspects quand elles ne sont pas très élevées) et les lignes les cas négatifs à la Covid-19. 

Les bulletins des résultats sont acheminés à la Cellule à l’INSP avant huit heures du matin chaque jour, après leur validation dès six heures par le Professeur Koïta en personne. C’est la cellule qui les portera  à la connaissance des médecins traitants et des centres de prise en charge. Le LBMA, qui a une capacité de 288 tests (96 simultanément en 3 heures) quotidiens. À la date du 6 mai, 295 échantillons y avaient été testés, dont 67 positifs.   

Le Laboratoire de Biologie Moléculaire Appliquée est un grand centre de recherche appliquée. En dehors de l’unité de diagnostic du nouveau coronavirus, il dispose de plusieurs unités s’occupant de différents domaines. Le Pr. Koïta nous fera visiter certaines d’entre elles, dont le laboratoire d’entomologie, qui mène des recherches sur le paludisme, ou le laboratoire mixte international, qui permet une surveillance épidémiologique des cultures rizicoles à partir des drones et des satellites.

Ainsi que des congélateurs fonctionnant à moins 80 degrés pour conserver du matériel de travail de toute sécurité et sur le long terme, qui nous ont fortement impressionnés !

Voilà le quotidien de ceux qui nous permettent de savoir si nous sommes atteints du nouveau coronavirus ou pas. Méconnus pour la plupart, car travaillant dans l’ombre, mais non les moindres des acteurs, ils sont en première ligne sur le front anti Covid-19. « Ils faut que leurs familles sachent qu’ils sont ici et qu’ils font un super travail. Qu’elles ne s’imaginent pas qu’ils sont juste dehors, alors qu’ils reçoivent souvent des échantillons après 16 heures et jusqu’à toute la nuit et les testent immédiatement », déclare le Professeur Koïta. 

À la fin de la fin de notre visite, c’est par une désinfection au gel hydroalcoolique que nous avons quitté le LBMA et son Directeur.

Boubacar Diallo

 

Mali – Laboratoires Covid-19: Décentraliser les tests pour mieux traiter

Le Mali dispose de quatre laboratoires de test du nouveau coronavirus. Tous installés à Bamako, ils ont traitent les échantillons suspects venant de toutes les régions du pays. Cela crée des retards dans le rendu des résultats et la prise en charge des patients. Pour y pallier, la décentralisation des tests dans les hôpitaux régionaux serait la meilleure alternative, en plus des unités mobiles de diagnostic. 

Les quatre laboratoires maliens de diagnostic du nouveau coronavirus couvrent une zone d’un million et demi de kilomètres carrés. Les prélèvements de toutes les régions sont acheminés à Bamako dans un triple emballage, avec de la carboglace, qui les maintient à une température de 4 à 8 degrés.  

La centralisation de ces laboratoires dans la capitale peut provoquer des retards dans le rendu des résultats et la prise en charge des patients. « Pour des échantillons qui parviennent de Mopti ou de Gao, l’attente du résultat peut aller jusqu’à cinq jours », explique le Professeur Ousmane Koïta, Directeur du Laboratoire de Biologie Moléculaire Appliquée.

Tous les échantillons sont d’abord acheminés à l’Institut National de Santé Publique (INSP), qui les dispatche ensuite. « Cela peut poser des problèmes en termes de prise en charge des patients et des cas suspects par les différentes structures régionales, parce qu’il faut dans l’idéal confiner la personne jusqu’à ce que le résultat soit là, ou prendre le grand risque de la libérer. Si le résultat revient positif, vous aurez bien fait de la garder, sinon, vous aurez juste pris les précautions nécessaires », poursuit le Directeur du LBMA. 

Décentralisation Selon le Professeur Koïta, les laboratoires classiques, au niveau de chaque hôpital régional, peuvent être adaptés aux tests pour le SRAS Cov 2, le nouveau coronavirus, avec un poste de biosécurité de niveau 2 sans brèche et un dispositif PCR. Ensuite, il faudra s’assurer de la qualité du personnel, qui peut être mis à niveau rapidement si l’équipement est disponible au complet. 

Le matériel informatique couplé à la machine PCR?  « C’est juste un ordinateur avec un logiciel qui vous permet de savoir si un résultat est positif ou négatif, après confrontation avec un « témoin ». On  peut former le personnel local en deux jours, car il a déjà une forte habileté à manipuler des échantillons ».

Les responsables de la gestion de la pandémie sont en train de s’atteler afin que les hôpitaux régionaux puissent bientôt réaliser des tests. La mesure devra être par la suite étendue aux Centres de santé de référence afin d’assurer au Mali une forte couverture diagnostique pour riposter à de futures épidémies. 

« Même si deux ans après une autre épidémie éclate, il suffira juste de reconfigurer la partie technique pour que la plateforme régionale puisse par exemple diagnostiquer la dengue, la fièvre de Lassa ou la fièvre jaune », conclut le Professeur Koïta.

Boubacar Diallo