Une pathologie urbaine, pire que la Covid-19?

 

 

« Homo homini lupus est » (L’homme est un loup pour l’homme) ! La formule est celle qui caractérise le comportement de beaucoup de Maliens en matière de comportement dans tous les domaines de l’urbanisme, cette technique sous-tendue par l’art de l’aménagement rationnel et esthétique de notre cadre de vie citadin.

La citation datant de plus de deux mille ans est de Plaute (Macius Titus Platus), un des premiers grands dramaturges, inspirateur de deux grandes références littéraires, Shakespeare et Molière. Cette réflexion a bel et bien inspiré nos régimes politiques modernes jusqu’à investir nos mœurs quotidiennes et singulièrement nos villes, à cause du médiocre et cynique comportement de beaucoup, brouillant l’image de nos cités jadis si proprettes !

L’écrivain anglais Thomas Hobbes a interprété la formule en soutenant que « la vie de l’homme est solitaire, indigente, dégoûtante, animale et brève », mettant ainsi l’accent sur l’individualisme et l’égoïsme de bien des acteurs de l’urbanisme dont l’ampleur des malversations, conjuguée au comportement désinvolte et irresponsable des populations, fait courir les plus graves dangers sanitaires aux populations.

La ville de Bamako, qui s’étend de façon tentaculaire, devient étouffante. Le système d’évacuation des eaux de pluie et des eaux usées défie de plus en plus toutes les normes rationnelles de sécurité sanitaire. De nombreux bâtisseurs de maisons, peu soucieux de la salubrité de leur environnement, raccordent sans vergogne les tuyaux de leurs eaux domestiques, voire les conduits d’évacuation de leurs WC, aux caniveaux qui quadrillent la ville, au grand dam des services d’assainissement municipaux. 

Les quartiers spontanés prennent le pas sur les zones viabilisées ou sommairement organisées. Pas plus tard qu’une semaine, à la faveur d’un cours sur la Civilisation, une candidate au bac, priée de donner un exemple illustrant le progrès répondit : « le passage de la case en pisé aux habitations en ciment » ! 10/10 !

Dans sa candeur juvénile, elle n’a pas encore conscience des graves pathologies plus redoutables que la Covid 19 dont les ravages tourmentent l’univers tout entier. Son innocence contraste avec le comportement indélicat de certains professionnels vénaux du BTP dont les actes criminels sont passibles de condamnation. De plus en plus, l’hivernage qui vient frapper à nos portes charrie son lot de tragédies avec des immeubles qui s’effondrent ou des habitations emportées par les inondations.

La précarité de ces logis brise-cœur est la triste conséquence d’un ensemble de pratiques scandaleuses, dans une indifférence généralisée pathétique. D’abord, les emplacements des logements ne font l’objet d’aucune étude de sol. Souvent, par cupidité, les propriétaires préfèrent faire appel à des tâcherons qui acceptent un chantier pour lequel ils ne sont pas qualifiés, comme ces infirmiers téméraires qui posent des actes exigeant une haute spécialisation. Le coût moyen de la prestation d’un bureau d’études pouvant aller jusqu’à un million voire plus, le choix est souvent vite fait !

Dans le même ordre d’idées, avec un sac de ciment, on se permet de fabriquer 60 à 80 briques ordinaires au lieu des 35 réglementaires ! La descente de charges ou encore le dimensionnement des poteaux et des poutres soutenant les structures de la construction, les fondations, sont froidement abandonnées à l’encan (au petit bonheur la chance) par des amateurs sans état d’âme.

C’est dans le domaine des barres d’armature communément fers à béton, que se jouent, hélas, les drames les plus inconcevables. Ces barres d’armature, avec des nervures sur leur surface pour mieux adhérer au béton, sont utilisées pour renforcer le béton (d’où l’expression « béton armé »). Leur diamètre peut varier de 06 à 50 millimètres et elles sont souvent l’occasion d’escroqueries. Ainsi, au lieu de fournir le bon diamètre au client, on peut lui livrer des barres de dimension inférieure, donc plus fragiles. Une autre astuce plus perverse consiste à étirer la barre, comme un chewing-gum, pour réduire son diamètre d’un ou d’un demi millimètre. Une barre normalisée de 12 mètres peut ainsi atteindre jusqu’à 15 mètres. Naturellement, le client n’y voit que du feu.

Avec l’hivernage, c’est la porte ouverte à toutes sortes de pratiques horribles. Les collecteurs d’eaux usées sont des lieux où, sans la moindre pudeur, on peut jeter tout ce qu’on veut, des liquides les plus toxiques aux cadavres d’animaux en passant par les couches-culottes. Dans l’écrasante majorité des quartiers d’habitation, on en profite pour vider gaiement sur la voie publique, le contenu disparate et malsain des poubelles.

Le miracle, c’est comment Bamako parvient-elle à échapper aux épidémies dévastatrices du genre peste ! Il y a de longues années que la représentation américaine a déconseillé aux ressortissants américains d’acheter le poisson en aval du Niger à partir de Bamako à cause de la qualité polluée des poissons. Ce n’est pas par hasard si Bamako « la coquette » se retrouve en 2020 classée 8e parmi les 15 villes africaines les plus sales et la 16e dans le monde.

 

Diomansi Bomboté