Les grandes ambitions de Luc Togo, nouveau « M. CANAM »

C’’est dans sa somptueuse résidence de Kalaban-Koro que Luc Ankoundio Togo nous reçoit ce samedi 15 septembre. Après une journée-marathon, l’homme est fatigué. Il a été nommé trois jours plus tôt directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie (CANAM) en conseil des ministres. Sa nomination n’a pas surpris. Il a participé à  la naissance et au montage technique de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) et n’a jamais hésité à  aller au charbon pour faire la promotion du dispositif et rassurer les Maliens, à  Bamako comme dans les régions. l’homme est donc en terrain connu. Le natif de Pel (région de Mopti) à  la taille haute et aux yeux vifs peut en revanche passer pour un grand inconnu tant il est humble et discret sur ses prouesses. Un parcours sans faute Les politiques de protection sociale n’ont guère de secrets pour cet ancien chargé de cours de sociologie du développement au Centre national de formation pour le développement communautaire de Bamako (CNDC), sorti de l’Ecole nationale d’économie appliquée de Dakar et de l’Ecole nationale d’administration publique du Québec. Nommé directeur national de la protection sociale et de l’économie solidaire en 2011, il suit entre 2002 et 2005 tout le processus qui vise à  mettre sur pied l’AMO et le régime d’assistance médicale (RAMED). Jusqu’à  sa récente nomination à  la tête de la CANAM, ce chevalier de l’ordre national était depuis 2009 coordinateur du comité technique pour l’élaboration du deuxième plan d’action national d’extension de la protection sociale au Mali 2011-2015. Ses compétences ont également amené ce jeune cinquantenaire à  travailler pour la Francophonie en tant qu’expert sur le thème « Solidarité économique dans l’espace CEDEAO ». Le plus grand défi de sa carrière Luc Ankoundio Togo s’engage aujourd’hui dans le plus grand défi de sa carrière. Il s’agit de faire en sorte que les assurés soient entièrement satisfaits de la prestation promise par l’AMO. Il entend pour cela renforcer la communication de l’institution. «Â La qualité des prestations sera la meilleure publicité pour l’assurance maladie », assure-t-il quand on évoque les divisions et les protestations consécutives à  la réforme. Gageons qu’il saura faire prendre à  l’AMO un nouveau cap. Lui qui estime que l’AMO est l’une des plus grandes réformes sociales du Mali depuis. «Â Elle a certes connu des débuts difficiles, mais J’espère que tout rentrera dans l’ordre progressivement afin que les maliens y adhèrent davantage ».

Luc Togo à propos de l’ AMO : « C’est simplement un problème de pédagogie ! »

Dotée des éléments de politiques en matière de protection sociale, la Direction nationale de la Protection sociale et de l’économie solidaire (DNPSES) a été on ne peut plus la cheville ouvrière du montage technique de l’AMO. Journaldumali.com : Pourquoi l’AMO ? Luc Togo : Je vous remercie d’être venu pour vous imprégner sur l’AMO. Vous savez, l’information est essentielle surtout dans des matières comme la réforme sociale qui touche au plus profond de la personne. L’assurance maladie obligatoire pourquoi? Parce que dans les pays comme le notre, les gens ont des limites objectives pour accéder aux soins quant ils sont malades. C’est à  dire que quand vous, ou un membre de votre famille est malade, soit vous vous dirigez vers un centre de santé pour vous faire soigner en acceptant de payer l’intégralité des prestations (et pour cela, l’on sait quelle misère le chef de famille court), soit vous choisissez de faire recours à  des tradipraticiens. Toujours est-il que quant on a une épisode de maladie dans la famille, on éprouve d’énormes difficultés à  se soulager. Du coup, la problématique de la barrière financière se pose. C’’est ainsi que, dans un contexte o๠les gens ont des revenus limités, nous avons perçu le dispositif AMO comme une véritable alternative à  même de résorber les difficultés liées à  la prise en charge socio sanitaire. L’AMO contribue à  n’en pas douter à  alléger les charges et facilitent l’accès aux soins de santé. Voilà , entre autres, les raisons qui ont motivé l’Etat à  initier l’AMO. Et, surtout que la protection sociale est un droit constitutionnel. Journaldumali.com : Qu’est-ce qui fait la spécificité de ce dispositif ? Luc Togo : Ce qui, à  mes yeux, demeure fortement symbolique C’’est le fait que l’AMO comporte une notion de solidarité très manifeste. Le système est fait en sorte que la cotisation des uns permet aux autres d’accéder aux soins de santé, car il est clair que tous ne peuvent tomber malade au même moment. Journaldumali.com : Pourquoi la mise en œuvre de l’AMO a suscité autant de réticences au sein de certains milieux socio-professionnels ? Luc Togo : Ecoutez ! Il y a un certain nombre d’explications claires qu’il faut donner. Loin d’être une imposition de l’Etat, le principe de l’AMO avait été revendiqué notamment par les partenaires sociaux. Les premières études du programme datent depuis 2004. Elles ont été suivies par de grandes consultations. Ainsi donc, les partenaires sociaux dont les centrales syndicaux, le Patronat, l’Association des retraités…, ont été consultés et associés à  toutes les étapes du processus de montage du dispositif AMO qui, déjà , était perçu comme une véritable révolution en matière de protection sociale dans notre pays. Bien d’autres études ont été faites pour non seulement décider de la taille des cotisations, mais aussi pour décider de la forme du (ou des) service qui allait gérer le projet. C’’est ainsi que le projet de loi relatif à  l’AMO a été monté et transmis à  l’Assemblée nationale qui l’a adopté après avoir consulté au préalable les partenaires sociaux. Voilà  une étape qui s’est déroulée sans anicroche. Ce qu’il déplorer C’’est la phase mise en œuvre qui a cruellement manqué de pédagogie. En ce sens que les partenaires sociaux n’ont pas pleinement joué leur partition qui consistait à  relayer l’information à  la base, auprès de leurs militants. Voilà  pourquoi il faut comprendre la réaction subite et négative de certains travailleurs vis-à -vis de l’AMO. Certainement l’Etat aussi n’a pas convenablement joué sur le levier de la communication à  un moment crucial, c’est-à -dire après l’adoption. Journaldumali.com : Qu’est-ce qu’il faudra pour que l’AMO obtienne une adhésion nationale ? Luc Togo : l’AMO est une réforme essentielle qui vient à  un moment o๠tous les pays sont en train de basculer dans un système de protection social performant et sécurisé. Le mali ne saurait aucunement rester à  la traine. Et déjà , il faut le dire, nous sommes entrain de servir de modèle à  certains pays comme le Cameroun, le Burkina…Je suis convaincu que l’adhésion et la compréhension des uns et des autres vont s’améliorer si seulement les partenaires sociaux et l’Etat intensifient l’information et la communication autour de ce précieux dispositif.