Mali – Olivier Dubois : Le symbole d’une presse privée de liberté

La liberté de la presse est une quête permanente, soumise au Mali à de nombreuses menaces. Insécurité, accès difficile à l’information ou encore intimidations, les défis sont nombreux et l’exercice de la profession de plus en plus compliqué. Une liberté de la presse menacée également par les enlèvements et les détentions arbitraires. Nous avons choisi, au travers d’exemples concrets et récents, de mettre en exergue tous les écueils voire dangers auxquels font face les journalistes dans leur mission d’informer.
Une nouvelle stupéfiante pour ses confrères et le grand public, qui n’étaient pas encore dans le secret. Mais l’inquiétude était bien réelle dès les 48 heures qui ont suivi sa disparition le 8 avril. Cependant, pour ne pas compromettre une «éventuelle issue positive rapide », Reporter sans frontières, « en concertation avec les rédactions qui l’emploient habituellement », avait pris la décision de ne pas la rendre publique, a expliqué le 5 mai Christophe Deloire, directeur général de l’organisation.
Reporters sans Frontières a aussi demandé aux « autorités maliennes et françaises de tout mettre en œuvre pour obtenir sa libération ». L’enlèvement du journaliste rappelle douloureusement combien il est devenu difficile de travailler dans un contexte caractérisé depuis des années par une situation d’insécurité générale qui sévit également en dehors des frontières du Mali, dans toute la zone du Sahel. Le 26 avril 2021, la mort de deux journalistes espagnols, tués alors qu’ils étaient en reportage au Burkina Faso, avait également choqué l’opinion.
Ce terrain favorable à toutes sortes d’entraves à l’exercice de la liberté de la presse inquiète les professionnels des médias. Olivier Dubois, enlevé alors qu’il était en reportage, connait bien le Mali pour y vivre et y exercer son métier depuis plus de cinq ans. Il a d’ailleurs travaillé au Journal du Mali de 2015 à 2017. Il s’intéresse principalement aux questions sécuritaires et politiques. C’est avant tout un homme de terrain qui en rencontre directement les acteurs, une « tête chercheuse en mouvement » comme il se définit lui-même sur son compte Twitter. Mais le terrain est depuis quelques temps semé de nombreuses embûches et les journalistes, qui peuvent mobiliser derrière eux toute une corporation, sont devenus une denrée convoitée. Mais, au-delà, c’est partout au Mali que la quête de l’information est un risque que prennent chaque jour ceux dont la mission est d’informer.
« À longueur de journée nous recensons des cas de violations, de menaces, d’intimidations et d’enlèvements de journalistes »,
qui s’entendent dire par leurs ravisseurs qu’ils peuvent être enlevés sans témoins et qu’ils ont donc intérêt à « faire attention à ce qu’ils disent », explique M. Bandiougou Danté, le Président de la Maison de la Presse du Mali. Il n’est pas rare dans un tel contexte d’assister à des actes d’autocensure de la part de journalistes qui n’osent plus aborder certains sujets, ou de façon anonyme, ajoute M. Danté. À cette situation s’ajoute « la difficulté d’accéder à une simple information basique », relève Alexis Kalambry, Directeur de publication du bihebdomadaire Mali Tribune.
Lorsqu’elle a été rendue publique à la faveur de la vidéo publiée le 5 mai, la nouvelle de l’enlèvement du journaliste français a vite fait le tour des médias occidentaux, suscitant une vague de réactions et d’émotion. C’est une mobilisation similaire que le Président de la Maison de la Presse souhaiterait voir se manifester pour les confrères maliens. Il se dit même choqué par cette absence de réaction de la part de ces médias pour les cas de disparitions et d’enlèvements pourtant signalés lors de la célébration de la Journée du 3 mai, avant la publication de la vidéo du journaliste français. Un comportement qui « n’encourage pas la confraternité », déplore-t-il.
Fatoumata Maguiraga
Cet article a été publié dans Journal du Mali l’Hebdo n°318 du 13 au 19 mai 2021 

Police de proximité : Installation progressive, mais sûre

Depuis quelques mois, sous l’égide du ministère de la Sécurité et de la protection civile, les ateliers se multiplient sur la thématique de la mise en place d’une police de proximité à travers le Mali. Entre le réaménagement des programmes de formation et les résultats des premières mises en œuvre de l’initiative sur le terrain, le concept d’une police plus proche des populations s’enracine progressivement.

La police de proximité n’est pas une nouvelle structure mise en place, en parallèle à la police classique déjà existante, elle est un nouveau concept des gouvernants pour mieux rapprocher les services de police des populations qu’ils sont appelés à servir. Pour ce faire, un programme complet de formation a été élaboré au niveau de l’École nationale de police à l’endroit de tous les nouveaux policiers. Ceux déjà en activité ne sont pas en reste, car des formations continues leur sont dédiées.

Rétablir la confiance

Avec l’appui de la MINUSMA, la phase concrète de mise en œuvre de la police de proximité au Mali a déjà démarré, à Bamako notamment. Les commissariats des 3ème et 10ème arrondissements ont été choisis pour servir de structures pilotes, avant l’extension vers tous les autres commissariats du District de Bamako.

Pour que les populations adhèrent à cette nouvelle approche, dont l’un des principaux objectifs est de restaurer la confiance entre elles et les forces de police, une sensibilisation préalable est essentielle. « Nous avons animé des conférences-débats avec la population, avec l’accompagnement de la mairie, en impliquant les couches juvéniles, les religieux et les autorités traditionnelles de la commune », affirme Ibrahima Soma Keita, commissaire principal chargé du 3ème arrondissement. « Aujourd’hui, la population commence à comprendre de mieux en mieux ce qu’est cette police de proximité, qui est dédiée à sa sécurité », poursuit-il.

Lutte contre l’insécurité

La police de proximité doit contribuer à réduire fortement l’insécurité, qui ne cesse de croitre, non seulement à Bamako mais à travers tout le pays. C’est du moins l’objectif affiché par le ministère de la Sécurité. « Si la population comprend et accepte la nécessité de se mettre en rapport avec les services de police pour donner des informations, nous pensons que cela pourra être très déterminant dans la lutte contre l’insécurité », souligne le commissaire Keita.

Selon une source à de l’École nationale de police, le projet de police de proximité est très large et requiert beaucoup de moyens en termes de créations de nouveaux postes de police et d’équipements pour être plus opérationnels. Mais, en attendant un déploiement national, le volet formation suit normalement son cours et les résultats sont plutôt encourageants.

32ème réunion des chefs de mission des Nations-Unies : Mutualiser les efforts contre l’insécurité

Le Représentant spécial du secrétaire général et chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), Mohamed Ibn Chambas, avait invité le 5 mars à Bamako les Chefs de mission des Nations Unies en Afrique de l’Ouest pour leur 32ème réunion de haut niveau.

Accueillis par leur homologue, Mahamat Saleh Annadif, Représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies au Mali, et chef de la MINUSMA ; les Représentants spéciaux du secrétaire général et les Chefs de mission des Nations Unies ont pris part à cette 32ème réunion semestrielle de haut niveau à Bamako. Il s’agit de Farid Zarif du Liberia (MINUL) ; Modibo Touré de la Guinée-Bissau (UNIOGBIS); Mohamed Ibn Chambas de l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS); François Loucény Fall de l’Afrique Centrale (UNOCA), et Babacar Cissé de la Côte d’Ivoire.
Ces différents hauts responsables ont animé après leur rencontre une conférence de presse au quartier général de la MINUSMA à Badalabougou. Dans ses mots introductifs, le chef de la MINUSMA s’est réjoui de la présence de ses hôtes à Bamako. « Comme je le dis souvent ici au Mali, mon plus beau jour serait le jour où tout se passera bien et je dirais au revoir à mes frères et sœurs maliens », a appelé de ses vœux le chef de la mission onusienne. Il a ensuite donné la parole au chef du bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Mohamed Ibn Chambas, rapporteur des conclusions de la réunion des chefs de mission. Celui-ci a indiqué que « l’objectif de cette réunion était de réfléchir et échanger sur les dynamiques de paix et de sécurité dans les zones d’intervention respectives des missions et dans la région de l’Afrique de l’Ouest en général, et renforcer la coordination afin de répondre aux défis communs ».
La nécessité d’une approche régionale multidimensionnelle a été fortement soulignée « pour traiter les questions de sécurité et de développement à travers notamment une coopération renforcée en matière de sécurité régionale pour identifier et faire face aux menaces de sécurité ». Les chefs de mission ont condamné l’attentat terroriste du 2 mars à Ouagadougou et ont mis l’accent sur l’importance de la coordination au niveau régional, sur le développement socio-économique pour améliorer la vie des populations les plus vulnérables de la région tout en s’attaquant aux causes profondes de l’insécurité sous toutes ses formes. Ils ont « exprimé leur grande préoccupation face à la fragilité persistante de la situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest en général et dans les pays du bassin du lac Tchad en particulier et dans le Sahel, souvent avec des conséquences humanitaires désastreuses.»
Pour sa première participation à ce rendez-vous, le Représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique Centrale, François Loucény Fall, a salué la tenue de la rencontre, faisant savoir que l’Afrique de l’Ouest et du Centre ont des situations en commun. « Le Niger et le Nigeria qui sont de l’Afrique de l’Ouest sont concernés par Boko Haram, en Afrique centrale, le Cameroun et le Tchad le sont aussi », a-t-il indiqué. D’où selon lui, le sens d’une coordination des efforts.

Insistant sur la coopération sous régionale, les chefs de mission ont noté le progrès dans l’opérationnalisation de la force conjointe G5 Sahel et souligné que le succès de ses opérations dépendent de la viabilité et le respect des droits de l’homme. À cet effet, ils ont signalé « l’importance de veiller à ce que les populations et les communautés soient au centre des efforts du gouvernement ainsi que des partenaires régionaux et internationaux.» Les chefs de mission des Nations Unies ont à cet égard apprécié le ‘’recalibrage de la Stratégie des Nations Unies pour le Sahel (UNISS) pour améliorer la réponse aux causes structurelles de l’insécurité à travers l’axe développement-humanitaire-paix’’.