Promotion du Made in Mali : Dans l’attente d’une stratégie

En attendant l’adoption de la Stratégie nationale de promotion des exportations, donc du Made in Mali, les initiatives se développent et les entreprises locales s’adaptent pour vendre leurs produits. La Foire exposition internationale de Bamako (FEBAK), qui se tient jusqu’au 2 février, est une opportunité pour le faire. Mais la qualité et la compétitivité, gages de succès, nécessitent une professionnalisation et des moyens dont ne disposent pas encore les acteurs.

« L’Agence pour la promotion des exportations (Apex) est l’outil pour promouvoir le made in Mali », explique M. Demba Kanté,  son Directeur général. Mais difficile d’atteindre ses objectifs sans « les moyens adéquats ». Créée en 2011, la structure ne dispose pas encore de fonds propres pour mener ses activités. La stratégie qui doit entériner la mise en place de ce fonds est en cours d’adoption, assurent ses responsables.

Chargée d’encadrer ceux qui vendent des produits maliens à l’extérieur, l’Apex doit aussi les aider non seulement à se conformer aux normes mais aussi à faire face à des contraintes au plan local qui les rendent souvent moins compétitives à l’international. C’est le cas des produits de cueillette, notamment le karité, dont les producteurs doivent désormais s’acquitter d’une redevance auprès des Eaux et forêts.

Ceux qui se consacrent au marché national doivent aussi convaincre les consommateurs. Dans un domaine aussi concurrentiel que celui des produits de nettoyage, la Société des détergents du Mali (SODEMA) innove. « La foire est l’occasion de présenter nos nouveaux produits, sinon notre société est connue », indique M. Mohamed Traoré, agent d’enquête à la SODEMA. L’une des stratégies est de proposer des kits, « appréciés dans les foyers ». Constitués de quelques produits de la société (savon liquide, détergents, savon en morceau et eau de Javel) ces paquets « sont plus économiques ».

Pour se faire une place dans cet environnement très concurrentiel, la SOMAPROS mise sur la qualité. Après 5 ans de présence, le savon « Zam- zam », produit-phare de la société, fabriqué à base de karité et d’huile de coco, fait de ses utilisateurs les meilleurs ambassadeurs du produit. « Ceux qui essayent le produit une fois en deviennent les meilleurs ambassadeurs », se réjouit M. Madani Sylla, représentant de la société. La foire est aussi l’occasion de faire découvrir le produit mais aussi de le vendre, parce que « les prix sont plus accessibles ».

Fatoumata Maguiraga    

Made in Mali : Toucher les consommateurs locaux

Actrices importantes du tissu économique, les PME restent néanmoins confrontées à d’énormes difficultés : manque de moyens, accès au marché etc. En leur sein, les initiatives se multiplient donc pour faire face à leurs défis. « Le Petit marché du Made in Mali » est l’une d’elle. Il se veut un cadre de rencontre entre ces entreprises, les consommateurs et des partenaires susceptibles de les accompagner dans leur développement.

Quand on évolue « dans le contexte des PME, on se rend compte des difficultés. Malgré les participations aux foires et autres activités, il y a peu de ventes et les besoins des entrepreneurs sont énormes, comme la formation ou le manque de moyens. Il y a certes des programmes, mais ils sont méconnus », explique Madame Nabou Touré, initiatrice du Petit marché du Made in Mali de décembre 2019 à Bamako.

Le Petit marché vise donc un double objectif : permettre aux entrepreneurs de se faire connaître et de pouvoir leurs produits et aussi leur offrir l’opportunité de rencontrer des partenaires intéressés à les accompagner. Durant une journée, cette première édition ambitionne de réunir une vingtaine de jeunes pousses évoluant dans divers domaines. S’inscrivant dans le cadre de la promotion du « naturel », le marché permettra notamment aux acteurs du textile, de la maroquinerie et de l’agro business de façon générale de se mettre en valeur.

« Le défi est que d’ici quelques années la grande majorité des produits vendus dans les magasins viennent du Mali », ajoute la promotrice. Mais, pour atteindre ce résultat, l’étape du contact direct avec le consommateur, qui a ainsi la « possibilité de tester le produit tout en échangeant avec les producteurs », est essentielle à l’adoption de ces productions par ces derniers.

Sensibilisation

Il s’agit donc d’un véritable travail de sensibilisation, qu’entend mener le Petit marché. C’est la première édition, mais l’initiative veut se pérenniser et souhaiterait se tenir, par exemple, à l’occasion de la Journée internationale de la femme, afin d’instaurer un rendez-vous qui pourrait se tenir au moins une fois par saison, espère la promotrice.

Avec des programmes « précis » et spécifiques, la rencontre avec les partenaires représente aussi des opportunités pour la croissance de ces jeunes entreprises. Une occasion pour ces derniers de répondre aux besoins réels des acteurs et même de participer à leur développement, lorsque des projets pertinents correspondent à leurs objectifs.

Fatoumata Maguiraga

Cyril Achcar : « Le tissu industriel au Mali est encore embryonnaire »

Les nombreuses difficultés auxquelles font face nos industries freinent leur développement. Président de l’Organisation Patronale des Industriels (OPI) depuis 2012, Cyril Achcar dresse un bilan peu glorieux du secteur au Mali.

Le Mali dispose de nombreuses potentialités, mais le secteur industriel tarde néanmoins à décoller. Qu’est-ce qui explique ce paradoxe ?

C’est vrai que les richesses du Mali sont immenses, mais notre pays est absent sur le secteur stratégique et très lucratif de la transformation. Pourtant, au lendemain de l’indépendance, l’industrialisation était perçue par nos autorités comme la priorité des priorités au plan économique. On assista alors à la mise en place d’industries publiques de substitution aux importations, qui allaient favoriser un développement inclusif.

Un demi-siècle plus tard,  le développement industriel reste peu perceptible au Mali. Le tissu industriel est encore embryonnaire. Plus grave, il y a eu un recul de l’industrialisation, la part de la manufacture dans le PIB, qui était  de 10% en 2010, a chuté de près de la moitié, s’établissant à 5,9% aujourd’hui.

Avec une telle faiblesse de production, le secteur industriel est incapable d’exploiter les opportunités offertes par les marchés des pays industrialisés, si souvent mis en avant par les pouvoirs publics pour justifier l’injustifiable (notamment les APE, l’AGOA, l’UEMOA, la CEDEAO et ses 300 millions de consommateurs actuels). Les industriels maliens doivent d’abord conquérir leur marché national.

À l’origine de cette faible industrialisation, plusieurs obstacles, aujourd’hui bien identifiés : infrastructures de base déficientes (routes, énergie), main-d’œuvre insuffisamment qualifiée, problèmes de financement (disponibilité et coût), contrebande, concurrence déloyale, fraude, poids de la fiscalité sur le secteur formel, faible protection de la justice.

Malgré ces problèmes réels, le Mali n’a d’autre choix que de poursuivre son industrialisation, car les pays émergents sont justement ceux qui se sont engagés fermement dans cette voie, parce qu’elle demeure la seule qui conduise au développement et à la prospérité partagée.

Vous le répétez souvent : « le développement sans industrialisation est impossible ». Quelle est la situation actuelle au Mali ?

Le taux d’industrialisation du Mali est très bas par rapport à beaucoup de pays de la sous-région UEMOA – CEDEAO et très loin de certains pays comme le Maroc, même si de nombreux efforts sont déployés.

Parmi les problèmes, on peut citer l’insuffisance des capitaux, la concurrence des produits étrangers, le peu de main d’œuvre qualifiée, les problèmes liés au marché intérieur, la vétusté des machines, la disponibilité en matières premières pour certaines de nos usines,  etc…  Notre industrialisation a encore du chemin devant elle !

La problématique énergétique freine de nombreuses unités industrielles. Quelles sont les mesures qui pourraient améliorer cette situation ?

L’électricité pour nos usines est une question à laquelle nous devons répondre, gouvernement comme secteur privé. La société Énergie du Mali (EDM), qui a le monopole de la distribution, est malheureusement en faillite, ce qui fait que la qualité de l’énergie est en deçà des normes pour nos machines. Cette situation engendre énormément de pertes de production.

Les énergies solaire et éolienne sont largement sous exploitées par l’État et le secteur privé. La production d’énergie est pourtant un excellent secteur d’investissement, très peu prisé par le secteur privé. Il va falloir initier des partenariats entre les secteurs public et privé (PPP) et mobiliser des ressources pour investir dans des projets énergétiques et d’infrastructures de transport.

Le Mali accusait un important retard en termes de nombre d’industries. L’écart avec nos voisins s’est-il réduit ?

Les chiffres du dernier recensement industriel (2015), initié par la Direction nationale de l’industrie et financé par le PACEPEP, avance  le chiffre de près de 900 unités industrielles sur l’étendue du territoire national. Une progression qu’il faut saluer, puisque qu’avant on dénombrait moins de 500 unités. Mais ce qu’il est important de signaler, c’est la contribution du secteur industriel au PIB global, notamment celle de la manufacture. Elle est de 5,9%, contre 10% en 2000, date d’entrée en vigueur du TEC / UEMOA, transformé depuis le 1er janvier en TEC / CEDEAO .

Vous plaidez également que des mesures soient adoptées pour une industrialisation efficiente. Cela a-t-il porté fruit ?

La construction d’une économie industrielle s’inspire avant tout de visions et de stratégies, sous la forme d’un document de politique économique et industrielle (Politique de développement industriel avec son plan d’actions détaillé, axé sur la promotion des exportations). Une farouche volonté politique et un leadership éclairé constituent le nœud du problème, surtout au niveau de la mise en œuvre. Nous pensons que la création d’un ministère du Développement industriel est une prise de conscience des enjeux et défis liés à ce secteur vital pour tout pays voulant arpenter le chemin sinueux de l’émergence. Il restera à apprécier les actions sur le terrain.

Le « Made in Mali » est mis en avant dans de nombreux salons. Pour autant, il peine. Doit-il être imposé ?

Absolument. Notre croissance est mathématique, nous, industriels, ne la ressentons pas. Le pays s’est plutôt rétréci, avec l’impossibilité de vendre après la région  de Mopti et les frontières sont de plus en plus poreuses. La contrebande entre facilement surtout vers Nioro et Koutiala.

La croissance est maintenue alors qu’en réalité le PIB stagne grâce à l’appui apporté à l’économie, surtout au secteur agricole. Sans un appui réel à la transformation, cela ne produira pas tous les effets attendus, notamment sur l’emploi et la valeur ajoutée.

La solution est de promouvoir le « Made in MALI » via la commande publique, via le travail de la douane sur les importations, via le travail des impôts pour booster l’investissement. Le Livre blanc de l’OPI est plein de solutions à cet effet.

Made in Mali : Hors des frontières, les produits cartonnent

Ils sont fabriqués au Mali et très prisés à l’extérieur du pays. Focus sur quelques produits qui font  « vendre » le Mali au-delà de ses frontières.

L’artisanat d’art est l’un des principaux domaines dont les œuvres « Made in Mali » sont très prisées à l’extérieur. Dans le domaine de l’ameublement et de la décoration, par exemple, le bogolan est très demandé en Afrique du Sud et en Amérique, selon Diadié Hama Sangho, Directeur national de l’Artisanat. « Même si le bogolan est très prisé en France, on n’y met pas autant d’argent que dans les deux destinations précitées. En Amérique, il nous est souvent demandé de produire un conteneur de bogolan dans le cadre de l’AGOA ».

Le secteur du textile, avec le produit national malien qu’est le bazin teint, offre d’autres déclinaisons, et non des moindres. Là encore, on retrouve le bogolan mais aussi le tissage traditionnel, qui a inspiré le « Faso dan fani » du Burkina.

La bijouterie malienne, qu’elle soit moderne ou traditionnelle, est très prisée et s’exporte et se vend très bien, à en croire M. Sangho. « Nous avons des experts en la matière, qui s’inspirent des différents voyages qu’ils font et qui ont bénéficié de beaucoup de cours de design pour améliorer leur compétitivité et leur performance », explique t-il.

Par ailleurs, des instruments de musique traditionnelle, comme le violon, la flûte, le balafon, fabriqués au Mali, ont le vent en poupe à l’extérieur, surtout en Occident. « En général, au cours des foires en France, nos artisans servent d’experts, soit pour apprendre aux autres à jouer soit pour réparer les instruments », assure le directeur national.

Cuirs tannés et alimentaires

Les cuirs et peaux constituent une très grande partie des exportations du Mali. Le cuir alimentaire malien est extrêmement demandé dans la sous-région. « Tous les jours, il y a environ une dizaine de camions chargés de cuir qui quittent Bamako pour différents pays, notamment le Ghana, le Nigeria, la Côte d’ivoire, le Bénin, la Sierra Leone », confie Alhousseyni Koné, Secrétaire à l’information de la Mutuelle de traitement des cuirs et peaux.

Les objets issus des cuirs et peaux fabriqués au Mali comme les sacs, les ceintures, les chaussures, les costumes, les salons, entre autres, intéressent également en majorité les touristes, qui en font des objets de souvenir de leur passage dans le pays.

En somme, les produits artisanaux maliens sont assez appréciés et prisés au-delà des frontières du pays. À titre indicatif, lors du dernier Salon international de l’artisanat de Ouagadougou, 172 artistes maliens ont fait un chiffre d’affaires de 497,838 millions de francs CFA en 10 jours.

 

Made in Mali : Pourquoi tarde-t-il à décoller?

Véritable baromètre de la consommation des produits fabriqués au Mali, le secteur de l’artisanat souffre, selon ses acteurs, d’un manque d’accès aux marchés de l’État. Ce qui l’empêche de s’épanouir et de résoudre ses autres difficultés, relatives notamment au manque de formation, de ressources financières et d’espaces dédiés à l’exercice de ses professions. Ce secteur, pourvoyeur de biens et services et qui emploie environ 5 millions de personnes, selon l’Assemblée permanente des Chambres de métiers du Mali (APCMM), est déterminant pour assurer la relance économique du pays.

« Le Made in Mali est malade, faute d’accès aux marchés de l’État », constate avec amertume le Président de l’Assemblée permanente des Chambres de métiers du Mali (APCMM), Mamadou Minkoro Traoré. Un constat sans appel, qui en dit long sur les difficultés du label Mali. En dépit de « plusieurs lettres d’intention », malheureusement  restées mortes, la marque « Mali » a du mal à s’imposer, surtout à l’intérieur.

Pourtant, les initiatives pour booster le made in Mali, et même la bonne volonté des consommateurs, ne manquent pas. « Les Maliens aiment les produits maliens, mais ils ont des difficultés pour y accéder », relève Abdoul Wahab Diakité, le Vice-président de l’Association des consommateurs maliens (ASCOMA).

Faciliter l’accessibilité

Avec la libéralisation  du commerce et la liberté des prix, en principe la concurrence aurait dû bénéficier aux consommateurs et favoriser la promotion des produits locaux. « Mais, malheureusement, les ententes entre les producteurs et la non régulation du marché rendent les produits de première nécessité inaccessibles aux consommateurs maliens », note M. Diakité, qui déplore que le litre de lait produit ici coûte 600 francs CFA, alors qu’avec une « concurrence réelle, il aurait pu coûter moins de 500 francs ».

En ce qui concerne les produits manufacturés, comme les textiles par exemple, le vice-président de l’ASCOMA précise qu’il manque une « volonté politique affichée », pour encourager les unités de fabrique de ces tissus. En effet, lorsque les responsables montreront dans ce domaine l’exemple, « tout le monde suivra »,  parce que « la vitrine d’un pays, ce sont ses responsables », ajoute M. Diakité.

S’agissant des activités de l’artisanat d’art et de production, M. Diakité cible trois principaux « handicaps » : l’absence de standards de fabrication, le manque de professionnalisme et le déficit de formation.

Véritable vitrine du Made in Mali, l’artisanat rencontre en effet plusieurs difficultés, selon le président de l’APCMM. Si le  nœud du problème reste l’accès aux marchés publics,  cette contrainte n’est pas la seule que connaît  le secteur.

Elles peuvent se résumer à quatre, selon le président de l’APCMM. La plus épineuse est celle du « foncier ». En effet, « les artisans n’ont pas de lieux où exercer », selon M. Traoré. Même s’ils suivent une formation et sont prêts à s’installer à leur compte, « certains y renoncent », faute d’espace pour travailler. Alors que d’autres secteurs, moins productifs et moins pourvoyeurs d’emplois, continuent de bénéficier d’importants investissements dans ce domaine.

Marché et formation, un duo vital

« Nous avons besoin de formations basées sur les techniques de finition pour une mise à niveau. Aucun besoin de reprendre l’apprentissage du métier, souvent maitrisé depuis plusieurs années. Mais une mise à niveau des équipements et du personnel aux dernières technologies », explique M. Traoré.

En 2010, l’APCMM dénombrait environ 79 000 artisans qualifiés « sans opportunités », relève le président. Parce qu’après leur formation ces artisans ont besoin principalement d’espace pour s’installer à leur propre compte et d’un fonds de départ, toutes choses qui leur manquent cruellement lorsqu’ils démarrent. Une installation qui ne coûte pas forcément très cher mais qui constitue le premier facteur bloquant pour les « jeunes ».

À défaut donc de pouvoir s’installer à leur compte, ces artisans se tournent vers d’autres pour les employer. Ces derniers, qui n’ont pas d’accès au marché, et compte tenu des charges afférentes au recrutement d’employés, sont peu disposés à embaucher cette main-d’œuvre.

Or attribuer des marchés à ces artisans qualifiés permet de booster l’économie locale et contribue à la stabilité sociale, selon les acteurs. En effet, lorsque des milliers d’artisans travaillent, ce sont autant de familles dont la survie est assurée, explique le président de l’APCMM. « Avec les nombreux chantiers de l’État, il est regrettable que cela ne profite pas à nos artisans. Tous les métiers du bâtiment sont des métiers artisanaux. Au contraire, ce sont les artisans d’autres pays que nous favorisons », déplore M.Traoré.

Mais ces marchés, quand ils sont attribués, « le sont à des artisans sans qualification et qui œuvrent dans l’informel, parce que l’on cherche le moins cher », souligne encore le président de l’APCMM. « Et on se plaint que les artisans ne travaillent pas bien !». Une situation qui contraint ceux qui sont normalement inscrits et payent des impôts mais n’obtiennent pas de marchés à fermer boutique.

Ce constat ne fait pas cependant pas perdre de vue, l’un des problèmes cruciaux du secteur, la formation. Ce passage obligé, dont la première étape est l’apprentissage, est « vite bâclé », à cause principalement de l’impatience non seulement des parents mais aussi des clients, explique le président de l’APCMM, également patron d’atelier. Alors qu’un élève peut redoubler sans que rien ne lui soit réclamé, lorsqu’un apprenti dépasse une année, la famille lui impose de « ramener quelque chose » et les clients le poussent à partir, parce qu’il peut déjà réaliser un objet ou une coupe, selon son domaine d’activité, explique le patron.

En principe, toutes ces questions sont réglées par le contrat d’apprentissage, mais « personne ne l’applique », relève M. Traoré.

Un potentiel à développer

Malgré ces difficultés, le secteur regorge de talents et les « artisans font des merveilles », note avec fierté le président de l’APCMM. Pour sa troisième participation au Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) cette année, M. Mahamadou Ganessy ne dit pas le contraire. À 33 ans, et après plusieurs années d’apprentissage auprès de son père, avec qui il travaille d’ailleurs toujours, le jeune cordonnier avoue avoir beaucoup progressé, même s’il poursuit encore son perfectionnement, notamment en innovant avec des sacs en cuir réalisés avec des tissus en coton faits par « un maître qui l’inspire beaucoup ».

« Au tout début, nous avions du mal à conserver le cuir sans qu’il ne se casse ou sente mauvais. Mais, avec les différents voyages et les expériences acquises, nous avons appris comment faire. Ce cuir produit ici et travaillé par d’autres artisans est de bonne qualité et facile à façonner », se réjouit M. Ganessy.

Désormais, dans sa boutique située à la Maison des artisans de Bamako, il est heureux que environ 30% de sa clientèle soit malienne. Avec la baisse de l’activité touristique et la réputation qu’avait la Maison des artisans d’être un lieu « pour les étrangers », il faudra encore du temps pour convaincre la majorité des clients que ces produits « made in Mali » leur sont accessibles. Et, pour ce faire, M. Ganessy en est conscient, « il faut davantage communiquer ».

Car si la responsabilité de l’État dans la promotion des produits locaux est essentielle, surtout par rapport à la régulation, le rôle des consommateurs, qui doivent être plus « engagés », et des producteurs, qui ne font pas suffisamment de marketing pour faire connaître leurs produits, est aussi important, selon le vice-président de l’ASCOMA.

S’ils n’attendent pas tout de l’État, les artisans veulent un coup de pouce pour faire décoller leur secteur. « Nous sommes à la recherche d’opportunités pour créer nos ressources, dont la première est les cotisations », déclare le président de l’APCMM. Sur environ 5 millions d’artisans, il n’y a pas plus de 1 million d’inscrits aux Chambre de métiers, précise le président de l’APCMM.

Des initiatives locales sont en cours, dont celle des ateliers sociaux, regroupant différentes filières d’un même corps de métier au même endroit pour un service de proximité. Un projet déjà ficelé et soumis aux autorités.

Briques en terre cuite : faire renaitre l’activité

Les briques à base des terres cuites sont de retour

Il y a peine deux mois, la société spécialisée dans la production des briques en terre cuite située à Para Djicoroni a redynamisé ses activités. Dans les années 60, l’Etat avait décidé de mettre en place une briqueterie en terre cuite. Youssouf Fomba, directeur général de la société « Les terres cuites de Bamako », travaillait déjà à l’époque pour l’usine céramique du Mali dénomée UCEMA. La société étatique sera privatisée en 2003, avant de fermer ses portes en 2012, faute d’activités suffisantes pour en maintenir l’existence. Depuis, les efforts n’ont cessé pour la ressusciter. C’est désormais chose faite.

Une production limité pour le moment 

Le processus a commencé le 05 mai 2015. A cette date, l’État malien signe un contrat de performance avec l’usine pour lui permettre de relancer les activités « Suite à des lenteurs administratives, nous n’avons recommencé la production qu’en octobre dernier », explique Youssouf Fomba qui dirige la nouvelle entité appartenant pour 25 % à l’Etat et 75 % aux actionnaires. A Para Djicoroni, on produit des briques en terre cuite pour la construction, pour l’embellissement des maisons. Alors qu’elle avait un certain rayonnement il y a quelques décennies, ce n’est plus que le District de Bamako qui est approvisionné en production de l’usine. « Nous avons des produits qui permettent de construire d’une manière durable, efficace et fraiche » dévoile le directeur technique de l’usine qui a comme matière première l’argile. Parmi ses clients, l’Office Malien de l’Habitat qui utilise les briques pour la construction des logements sociaux, mais aussi des particuliers. La production étant pour l’instant limitée, les commandes se font uniquement au niveau de l’usine. « Notre l’objectif est de créer un produit local produit par des matières locales par une main d’œuvre locale », souligne Nicolas Deconinck, le directeur technique de la société